1

Le sionisme et la République, comme un poison dans l’eau

Comité Action Palestine (30/04/2021)

Dimanche 25 avril 2021, les sionistes ont mobilisé les troupes pour dénoncer la décision de justice dans l’affaire Sarah Halimi, assassinée en 2017. Tout en entérinant le caractère antisémite du crime, la Cour de Cassation, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, avait confirmé le 14 avril que le discernement du meurtrier de Sarah Halimi était aboli au moment de l’acte et qu’à ce titre il ne peut être jugé. Il faut imaginer que chaque mot de cette décision de justice a du être pesé et mûrement réfléchi. Pourtant les sionistes n’ont de cesse de réclamer le jugement du meurtrier, faisant fi de siècles de débats sur l’irresponsabilité pénale des déments et faisant fi aussi de toute humanité, au risque d’une régression à l’âge de la barbarie. Le droit romain avait déjà consacré l’idée que « le crime n’est engagé que si la volonté coupable survient ». A l’image de ce qu’ils ont instauré en Palestine, les sionistes nous entraînent vers une société où la loi du plus fort prime sur tout le reste, une société dénuée de toute humanité et de toute compassion pour les plus faibles.

Ce qui importe à leurs yeux, c’est
de mettre en accusation la justice elle-même, les magistrats et par extension les
principes républicains tant chéris officiellement, tant affichés par la classe
politique,  pour mettre les musulmans sous
la botte. Le paradigme sioniste est simple et clair : tout est
antisémitisme. Leur stratégie non moins simple et claire : alerter en
permanence sur le spectre de l’antisémitisme. Il s’agit de mettre sous pression
permanente le système politique et installer durablement la stratégie de la
tension. Les idéologues sionistes ont colonisé les médias pour réclamer justice
à Sarah Halimi, terme « justice » qui sonne particulièrement faux
dans leur bouche fielleuse et raciste. En réalité, ils n’ont cure de la
question de l’irresponsabilité pénale. Leur objectif est d’entretenir un climat
de haine et de peur. Méthode fasciste qui consiste à légitimer le crime
israélien en Palestine et à isoler politiquement en France les soutiens de la
cause du peuple palestinien, notamment les musulmans.

Il a suffi de cette manifestation du 25 avril pour que le Ministre de la Justice, E. Dupont-Moretti, accède à leur demande. La loi sur l’irresponsabilité pénale va être changée. Il y a lieu dès lors de s’interroger sur l’irresponsabilité politique du gouvernement à plier aussi facilement face au sionisme, que l’intellectuel Abraham Léon qualifiait de produit pourri de l’impérialisme. Lorsque le système politique est à ce point fragilisé comme il l’est aujourd’hui, c’est une bonne opportunité pour le gouvernement de pouvoir compter sur ses soutiens politiques, surtout dans la perspective  des élections présidentielles de 2022. Dans la décomposition en cours du régime politique, le sionisme est comme un poison dans l’eau que la classe dirigeante boit à grandes gorgées.




Palestine : al-Quds ne sera jamais israélienne !

Comité Action Palestine (30 mars 2021)

Alors que les Palestiniens d’al-Quds (Jerusalem pour les Occidentaux) sont sous la pression quotidienne du régime colonial israélien, la décision des sionistes de les empêcher, depuis le début du Ramadan, de se rassembler à l’entrée de la vieille ville après la rupture du jeune, comme ils le font habituellement, a fait monter la tension d’un cran. « Morts aux Arabes » !  Ce slogan lancé lors d’une marche de militants juifs violents et ouvertement racistes dans la vieille ville d’al-Quds, encadrés par la police « pour protéger la liberté d’expression », a mis le feu aux poudres le jeudi 22 avril. Des affrontements ont opposé les Palestiniens à ces juifs radicaux et à la police, faisant 105 blessés du côté palestinien.

La réponse massive non seulement des Palestiniens
d’al-Quds mais aussi, par solidarité, à Gaza, dans toutes les villes de
Cisjordanie et de Palestine de 48, et au Liban dans les camps de réfugiés et à
Saida démontre encore une fois la force de la résistance, l’unité et le génie
populaire palestinien. En quelques jours, les sionistes ont fait marche arrière
en enlevant les barrières pour laisser l’accès libre à la mosquée al-Aqsa,
craignant sans nul doute un embrasement généralisé. Si besoin est, ce recul
rapide des sionistes traduit la faiblesse de l’occupant qui pourrait ne pas
survivre à une troisième Intifada dont on dit qu’elle serait d’une intensité
jamais connue.

Déposséder les Palestiniens de leurs
terres et de leurs maisons, les emprisonner, les assassiner, les forcer à
l’exil, le principal objectif de cette politique coloniale est de faire
disparaitre l’identité arabe et musulmane de la terre de Palestine. La
ville d’al-Quds, symbole de cette identité, représente à ce titre un enjeu
politico-civilisationnel opposant la société arabe autochtone à la société
coloniale juive.

Le but des sionistes est clair, il
s’agit de vider la ville de sa population palestinienne. La décision de Trump
de la reconnaitre comme capitale de l’Etat d’Israël en 2017 ne fit qu’accélérer
un processus planifié de longue date par les autorités sionistes.  En 1949 déjà, Ben Gourion parlait d’une «Jérusalem
juive », et aujourd’hui il s’agit d’instaurer le « grand Jérusalem »,
c’est-à-dire de finir ce qui a été initié en 1948. « Morts aux
Arabes » !  Trois mots qui
résument le programme sioniste depuis un siècle !

Si l’enjeu est de taille pour les sionistes, al-Quds représente la ligne rouge pour les Palestiniens et pour le Monde arabo-musulman en général. Chaque attaque majeure sur la ville et ses lieux saints, entraine une mobilisation massive du peuple palestinien, uni quelle que soit sa confession et son appartenance socio-politique.  Ainsi, en 2000, c’est la profanation de l’Esplanade des Mosquées par criminel de guerre Ariel Sharon qui déclencha l’Intifada al-Aqsa.

Les Palestiniens peuvent savourer leur victoire, elle est de taille ! Encore une fois, elle démontre que seule la résistance paye. Alors que les grandes organisations palestiniennes se dispersent dans l’organisation d’élections inutiles,  c’est bien le peuple qui tient entre ses mains  la libération de la terre arabe de Palestine, avec al-Quds comme capitale !

Photo : Comité Action Palestine




Combattantes de la Nakba

Calendrier Palestine Libre 2021 « L’armée des roses »

Dans les années 40, Mahiba, Arabiya et Nariman Khorsheed créent à Yafa une organisation armée secrète Aharat al-Uqhawan (Fleurs de Chrysanthèmes) pour participer à la résistance aux côtés des combattants. A Jénine et à Naplouse, d’autres femmes rejoignent les forces syriennes et irakiennes  pour affronter les milices sionistes qui attaquent leur ville. Hind al-Husseini prend charge 55 orphelins dont les familles ont été  massacrées à Deir Yassin.




Les mères de Deir Yassin

Calendrier Palestine Libre 2021 « L’armée des roses »

Le  9 avril 1948, les sionistes entrent dans le village de Deir Yassin, et y massacrent les habitants quel que soit leur âge. On se souvient de Hayat Balbissi, Jamileh Ahmad Suhl, Ziba’ Attiyeh et Hilwa Zaydan qui ont donné leur vies pour défendre leur village. Après que son fils et son mari aient été tués, Hilwa Zaydan combattit avec l’arme de son fils jusqu’à ce qu’elle soit tuée à son tour.

Dessin réalisé par Mustafa al-Zammar (13 ans) du camp de réfugiés palestinien au Liban de Mar Elias (Beyrouth)




Aux sources de la résistance

Calendrier Palestine Libre 2021 « L’armée des roses »

Depuis le début de la colonisation juive en Palestine, à la fin du XIXème siècle, les femmes participent activement à la résistance et n’hésitent pas à se battre contre les militaires britanniques et les colons, comme ce fut le cas à Affula en 1893. Après la terrible répression de 1929 où neuf d’entre elles furent tuées, elles commencèrent à s’organiser.  Parmi ces résistantes, on trouve Emilia al-Sakakini, Zalikha Shihabi, Matiel Mogannam, Khadija Husseini, Nahiba Nasir, Tarab Abd al-Hadi, Maryam Izz-Iddin al-Qasam et Aqilah al-Budeiri. Aisha al-Mayat et Fatma Ghazzal, tuées en 1936 à la bataille de Wadi Azzoun  sont aussi restées dans les mémoires.

Dessin de l’artiste palestien Naji al-Ali, assassiné en 1987 par le Mossad




Islamophobie, sionisme, exploitation, les trois maux de l’Etat

Comité Action Palestine (19 mars 2021)

Depuis
le discours d’Emmanuel Macron aux Mureaux sur le «séparatisme islamiste», le
rouleau compresseur de l’islamophobie est remis en marche dans la pure
tradition coloniale et raciste à la française. La «loi séparatisme» est une
injonction venue d’en haut et somme tous les musulmans d’accepter leur
subordination à une lecture religieuse définie par le pouvoir. L’Etat laïc endosse
les habits du théologien et cette définition religieuse est en dernière
instance une définition politique : l’Etat de droit administre la sphère
religieuse musulmane en imposant les règles d’organisation du culte, la tenue
vestimentaire, les porte-paroles légitimes et les théologiens solubles dans la
République. De ce point de vue, il agit comme les dictatures du monde arabe.
Contrôler le religieux pour contrôler le peuple. L’Etat laïc français fait dans
le trafic d’opium du peuple.

Selon
E. Macron, la loi «séparatisme» doit «conforter les principes républicains»,
mais en réalité elle traduit le souhait de l’Etat d’émanciper les musulmans
malgré eux, sans eux et surtout contre eux. La France n’a pas rompu avec son
histoire. L’assimilationnisme colonial est toujours de rigueur. Et l’arbitraire
aussi : fermeture de lieux de culte et d’établissements scolaires,
perquisitions humiliantes, enfants en garde à vue pour apologie du terrorisme,
etc… La répression est aveugle. Les musulmans, hommes, femmes, enfants, sont
traités sans ménagement et désignés comme l’ennemi intérieur. Ils sont soumis à
un état d’exception islamophobe. Après deux ans de lutte «Gilets jaunes» et
dans la perspective des élections présidentielles en 2022, le gouvernement
français a choisi l’option de la diversion et de la manipulation pour faire
oublier le désastre économique qui s’annonce et une gestion calamiteuse de la
crise sanitaire.

L’Etat français jette la suspicion sur les musulmans en France, mais il entretient de très bonnes relations avec les Etats musulmans qui n’hésitent pas à financer et promouvoir le terrorisme sous toutes ses formes contre les peuples. Business is business, on ferme les yeux sur les crimes commis par l’Arabie Saoudite dont le dirigeant n’hésite pas à découper en morceaux un opposant ou à massacrer le peuple yéménite. Sans légitimité populaire, ces dictatures arabes usent de la force permanente contre leurs peuples, qu’elles n’hésitent pas à plonger dans un bain de sang, mais elles sont faibles face au camp occidental, et en premier lieu face à la plus grande puissance de ce camp, les Etats-Unis. Jouant habilement de leur faiblesse, les Américains leur tordent le bras facilement pour qu’ils normalisent leurs relations avec Israël.

Le Bahreïn, les Emirats Arabes Unis, le Maroc et le Soudan font partie de cette liste infâme d’Etats qui trahissent la cause du peuple palestinien en normalisant leurs relations avec Israël. L’élection de Joe Biden à la Présidence des Etats-Unis ne changera rien en Palestine. Donald Trump a affiché plus clairement une position sioniste et antipalestinienne que ses prédécesseurs et que son successeur démocrate Joe Biden. Mais celui-ci est plus sournois et plus tacticien et les Palestiniens n’en attendent rien. Ils ne sont pas dupes et connaissent cette histoire dans leur chair.

Entre le marteau américain et l’enclume populaire, la marge de manœuvre des dictatures arabes est étroite. Mais c’est la seule sur laquelle elles puissent compter pour préserver les intérêts des classes dirigeantes totalement corrompues et prédatrices. Sans capacité à produire du développement, sinon à reproduire l’endettement colossal et l’emprise des grands groupes capitalistes mondiaux sur leur destin économique, il reste à ces Etats l’option de la violence contre leurs peuples et celle de la soumission aux grandes puissances. L’économie vassalisée aux capitaux étrangers et une élite politique se donnant aux plus offrants tracent un avenir où les soulèvements populaires s’inscriront dans la durée.

Les rapports sociaux et les modèles économiques issus de la colonisation et de la décolonisation ne peuvent plus répondre aux aspirations populaires à l’égalité. Ils craquent de tous les côtés. Au Sénégal, en Algérie, au Liban et ailleurs, les peuples se soulèvent, tentent de briser leurs chaînes. Les façades démocratiques ne trompent plus personne et ont fait leur temps comme illusion. Elles s’effritent à vue d’œil, notamment à chaque élection. La conscience populaire a bien vu que l’électoralisme se réduit à un parlementarisme vénal avec des élus véreux qui participent de la mascarade démocratique alors que le pouvoir réel se situe soit entre les mains d’un prince,  soit dans des conclaves de l’armée, voire dans les salons dorés de quelque ambassade occidentale.

Le Comité Action Palestine considère que, partout dans le monde, l’injustice et l’esclavage des peuples doivent être combattus, et en particulier en Palestine. Que ce soit en France, au Sénégal ou en Palestine occupée, la solidarité entre les peuples doit triompher des puissances étatiques soumises à la dictature de l’argent et du profit.




« La radicalité d’aujourd’hui doit être non seulement anti-impérialiste mais aussi décoloniale » A. Brossat

Tout ce qui bouge n’est pas rouge ». Dans cette interview de juin 2020 pour le site Acta.Zone, qui fait suite à la publication d’un ouvrage sur les mouvements protestataires de Hong Kong, le philosophe Alain Brossat propose une analyse en profondeur du mouvement. Il prend en compte aussi bien les facteurs socio-économiques internes que ceux d’ordre international, et l’inscrit dans une perspective historique tant du point de vue géopolitique que de celle des mouvements révolutionnaires.  Par quelques exemples, il montre que les Gilets Jaunes défiaient bien plus l’ordre établi que les manifestants hong-kongais.

Il démontre également que les soutiens de la sphère occidentale dite « radicale » découlent de graves erreurs d’analyse, voire d’une absence totale d’analyse politique, ou, pire, d’une adhésion au discours dominant anti-chinois. En effet ces organisations qui se définissent comme anti-impérialistes en viennent à soutenir un mouvement de protestation réactionnaire qui in fine se réfère à l’ancien colonisateur et à l’impérialisme américain. Le passé ne plaide pas en faveur de cette gauche faussement radicale, qui a justifié à sa manière les interventions impérialistes, notamment dans le monde arabo-musulman.

Ce travail d’analyse et de vérité devrait inspirer tout anti-impérialiste et anti-colonialiste sincère. Comité Action Palestine (mars 2021).

———————————————————————————————————–

Des médias mainstream aux milieux les plus radicaux, le mouvement hongkongais a suscité en Occident une vague d’enthousiasme quasi unanime. Après un premier article d’analyse critique publié en septembre dernier, nous avons souhaité nous entretenir avec Alain Brossat à l’occasion de la parution de son dernier livre, Hong Kong, le somnambulisme des mouvementistes, aux éditions Delga.

Revendiquant une « hostilité tranchée et définitive à
l’hégémonie globale », Alain Brossat s’attache à déconstruire les narrations
propagandistes du mouvement et à démontrer son inscription dans le contexte de
la « nouvelle guerre froide » qui oppose l’empire américain déclinant à la
puissance chinoise ascendante. Il en vient à la conclusion que l’affect central
du mouvement – « liberté-démocratie » – dissimule en réalité un désir de
subalternité vis-à-vis de l’Occident global, contre une « Chine rouge » érigée
en ennemi absolu.

Appelant à se défaire des « chaînes d’équivalence qui
s’établissent sur la conviction que tout ce qui bouge est bon à prendre »,
récusant l’identification à quelque régime ou souveraineté étatique que ce
soit, cet entretien nous semble fournir de précieux éléments pour la
formulation d’un « non décidé, irrévocable et définitif » aux menées
restaurationnistes dont les États-Unis et leurs alliés sont aujourd’hui les
fers de lance
.

Acta.Zone:Le traitement de la situation à Hong Kong dans la plupart des discours occidentaux se signale, dites-vous, par l’évacuation de toute perspective historique (en particulier le passage sous silence du brigandage colonial dont la Chine a été victime, et dont Hong-Kong porte la marque), ainsi que par une narration binaire selon laquelle un peuple homogène en quête de démocratie s’opposerait à un État dictatorial et néo-totalitaire piétinant les « droits de l’homme ». Quels sont les enjeux d’un tel récit propagandiste ? Et comment expliquez-vous que ce récit soit si unanimement repris, y compris au sein des milieux « révolutionnaires » en Occident ?

L’évacuation de la perspective historique, c’est évidemment
ce qui permet d’éluder le lien indiscutable qui s’établit entre la question de
Hong Kong relancée par le mouvement qui y perdure et les traités de brigandage
imposés à la Chine impériale décadente par les puissances coloniales
occidentales, après les guerres de l’Opium. Mais c’est aussi ce qui permet
d’effacer sur l’ardoise magique de l’Histoire l’interminable emprise de la
British rule sur la colonie hongkongaise, avec son cortège de discriminations
raciales instituées, de répression impitoyable de toute agitation sociale et
politique (les puissances coloniales ont toujours, dans un tel contexte, la
main lourde). C’est en bref, la condition impérieuse pour que puisse être mis
en scène l’affrontement de la minorité assiégée, héroïque et indomptable,
animée par son insatiable soif de démocratie et de liberté, avec l’obtuse et
brutale machine totalitaire – l’État chinois.

Hong Kong, comme ville et population, ça n’est évidemment
pas un peuple, c’est un topos bariolé fait de toutes sortes de composantes,
dont beaucoup n’ont aucune part au « mouvement » soutenu et promu
inlassablement par les chancelleries et les médias de l’Occident global – à
commencer par les nombreuses variétés de subalternes, de migrants récents, de
pauvres nouveaux et anciens qui y vivent dans des conditions variablement
précaires.

En tout premier lieu, le récit du David démocratique
affrontant le Goliath totalitaire à Hong Kong est surdéterminé par les
conditions de la nouvelle guerre froide qui oppose les États-Unis et leur
séquelle occidentale (globale, car incluant des pays comme le Japon et Taïwan,
par exemple) à la Chine (République populaire de Chine, RPC). Cet effet de
surdétermination se vérifie aisément si l’on compare l’enthousiasme confinant à
l’hystérie avec lequel les tenants de la nouvelle idéologie du « monde libre »
soutiennent les mouvementés hongkongais et font monter les enchères à propos de
leur agitation avec la relative circonspection avec laquelle ce même Occident
avait accueilli le Mouvement des parapluies. Ce n’est pas seulement que les
circonstances ont changé, c’est bien qu’on est entré dans une nouvelle séquence
dans laquelle Hong Kong est devenu un enjeu de premier plan dans une stratégie
de tension orchestrée par les dirigeants des États-Unis. Ceux-ci n’ont pas
d’intérêts stratégiques ou historiques anciens sur ce territoire, c’est donc à
peu près de toutes pièces que ce théâtre d’affrontement a été fabriqué, un peu
comme, au temps de la rivalité des États-nations européens, on fabriquait le
genre d’« incident de frontière » qui se destinait à servir de prétexte au
déclenchement des hostilités.

Si Médiapart, Lundimatin et tout ce qui leur fait cortège
donnent dans le panneau, c’est évidemment qu’intellectuellement, ils sont
inclus dans le diagramme de la pensée blanco-occidentalocentrique au point
d’être incapable d’entreprendre quelque généalogie critique que ce soit du
discours sinophobe habillé en horreur du totalitarisme, incapables d’aborder la
question de Hong Kong par le biais d’une approche décoloniale ayant récusé ses
présomptions eurocentriques et revenue de sa gueule de bois total-démocratique…
C’est leur problème, pas le mien, qu’ils continuent à communier avec Le Monde,
Le Figaro, Trump et le Quai d’Orsay sous l’espèce du Chinabashing indiscriminé
– on est, paraît-il, en démocratie, or il se trouve justement que sur ces îles
enchantées, la connerie est le tout premier des droits de l’homme.

Acta.Zone : Votre critique du mouvement hongkongais porte sur différents points. D’une part, sa nature de classe : « ce ne sont pas, écrivez-vous, les quartiers populaires de Hong-Kong qui se font entendre, encore moins les dizaines de milliers de sous-prolétaires originaires d’Asie du Sud-Est employés dans les emplois subalternes et souvent traités comme des esclaves », mais plutôt la « bourgeoisie séparatiste », cette « jeunesse bien propre sur elle, éduquée, et qui parle anglais, classe moyenne encravatée, le regard tourné vers l’Occident ». D’autre part son inclusion à la fois objective et subjective dans le dispositif de la « nouvelle guerre froide » qui oppose la puissance chinoise ascendante à l’empire américain dont l’hégémonie planétaire est entrée dans une phase de déclin relatif – inclusion qui se vérifie à travers l’anti-communisme affiché du mouvement, ses appels explicites à une intervention états-unienne (Please Mr. Trump, help us !), sa mobilisation des symboles de la période coloniale, des drapeaux américains et britanniques en tête des manifestations de rue, etc. En quoi ces deux éléments sont-il liés ? En quoi ce « désir d’Occident »1 correspond-il à la composition sociale du mouvement ? Comment expliquer que le mouvement se soit lui-même « livré en otage » (pour reprendre votre terme) au conflit de moins en moins larvé entre les États-Unis et la Chine ?

Je ne m’aventurerais pas à proposer une analyse en bonne et
due forme (sociologique) de la composition de classe du mouvement de Hong Kong
– cela dépasse mes compétences. Je perçois des signes, des indices sur lesquels
je m’appuie pour développer une démarche qui est, pour l’essentielle,
géopolitique, décoloniale. Manifestement, du point de vue des modes
d’apparition, des slogans, des gestes, des usages linguistiques, des références
culturelles, de l’occupation de l’espace (la prédilection pour les malls…),
tout ceci ne sent pas particulièrement ni la plèbe, ni même le populaire… Le
gros du mouvement, c’est une jeunesse scolarisée, étudiants et lycéens, née aux
alentours de la rétrocession ou après, dépourvue de tout enracinement
historique, grandie hors-sol dans la bulle de l’île et des nouveaux territoires,
en état d’apesanteur dans la brèche entre deux statuts – la colonie britannique
et le retour de la souveraineté chinoise.

Cette jeunesse scolarisée a été rejointe par toute une
poussière d’humanité, généralement jeune aussi, faite d’employés de bureau, de
petites mains du secteur bancaire et des innombrables établissements
financiers, etc. Tout comme à Taïwan, l’état d’apesanteur historique est une
fabrication dont sont amplement responsables les élites, les enseignants, les
médias, les faiseurs d’opinion – tout a été fait pour que la génération née au
tournant du XXème siècle se sente étrangère au monde chinois tel qu’il est
incarné aujourd’hui par la RPC. On peut se faire une petite idée de la pente
sur laquelle s’est construit ce déracinement concerté de la jeunesse
hongkongaise (dans ses rapports à l’histoire chinoise moderne) en citant cette
« anecdote » : récemment, les candidats à l’admission dans une université  de Hong Kong se sont vu demander si
l’invasion de la Chine par le Japon en 1900 « did more good than harm » (Taipei
Times du 16/05/2020, un journal inconditionnellement favorable au mouvement de
Hong Kong). La réponse était incluse dans la question, et elle était typique
d’une pensée de renégats culturels et historiques.

C’est là juste l’écume de ce travail de mise en condition
qui est l’un des piliers de l’aversion de la jeunesse de Hong Kong à l’endroit
du régime chinois et à ce qu’il est susceptible d’incarner de l’histoire
moderne de la Chine, en tant que refondation de la souveraineté chinoise dans
le creuset de la lutte contre les envahisseurs et les puissances coloniales.

Après la rétrocession, Hong Kong semble s’être établie dans
une sorte d’état de somnolence post-historique, fondée sur la plus parfaite des
situations de mésentente : « un pays, deux systèmes », les uns l’entendaient
comme l’éternisation de la situation dans laquelle Hong Kong persévérerait
indéfiniment dans son être d’enclave occidentale en Asie orientale, aussi bien
en termes de mode de vie que de mode de gouvernement, tandis que les autres
l’entendaient comme la période de transition vers la complète intégration de
l’ancienne colonie britannique à la souveraineté chinoise. Il fallait donc bien
qu’un jour la bulle crève et que le conflit des deux « lectures » devienne
ouvert – ce dont le fameux projet de loi sur les extraditions fut l’occasion,
mais aussi bien n’importe quel incident aurait pu faire l’affaire – la situation
était mûre, dès lors que se produise un de ces retours du réel dans le présent
ensommeillé dont l’Histoire a le secret : d’une part que 2047 ça n’est plus les
calendes grecques mais bien demain, et de l’autre, Hong Kong remplit toutes les
conditions pour devenir le parfait microcosme de la nouvelle Guerre froide.

Quand un peuple, une population, un groupe s’enferme dans
une bulle post-historique, en conséquence généralement d’un traumatisme
politique, d’un cataclysme historique, comme ont été tentés de le faire les
Japonais après la Seconde guerre mondiale, les Allemands de l’Ouest aussi, dans
une moindre mesure, (à cause de la division du pays), les Taïwanais après la
fin de la loi martiale, arrive toujours un moment où le réel historique et les
pesanteurs politiques font valoir leurs droits. La bulle du miracle économique,
de la croissance, la prospérité fondée sur un labeur acharné n’est pas étanche
et le retour du refoulé historique est implacable : l’envers du « miracle »,
c’est l’alignement pointilleux sur les États-Unis et, au Japon et en Allemagne,
les troupes d’occupation « américaines » toujours sur le terrain trois quarts
de siècle après la fin de la Seconde guerre mondiale. À Taïwan, c’est la
condition pitoyable de client politique des États-Unis, au point qu’il n’est
aujourd’hui pas un gouvernement au monde qui soit aussi compulsivement collé à
Trump et sa bande que celui qui y est aujourd’hui aux affaires. Ce paradigme de
l’illusion post-historique et du brutal retour du réel historique vaut de la
même façon dans le cas de Hong Kong : quand la bulle crève, on se retrouve à
s’agiter dans la cour de Trump et Johnson en mimant quelque imaginaire «
révolution », à brandir en somnambules les oriflammes des croisés de
l’hégémonie en crise, des paladins de la reconquête occidentale.

La conséquence de tout cela – et elle renvoie avant tout à
des facteurs historiques et géo-politiques, aux traits particuliers de la
conjoncture politique présente à l’échelle globale autant que locale – c’est
que l’affect « liberté-démocratie » qui parcourt bruyamment le mouvement de
Hong Kong s’avère être le voile vaporeux qui recouvre un beaucoup plus trivial
désir de subalternité – vivre à couvert des supposés bons maîtres occidentaux –
et de transmutation culturelle – devenir des Blancs occidentaux d’adoption, des
« rapatriés » d’Orient extrême dans le giron de l’Amérique blanche, de
l’Australie blanche, de la Grande-Bretagne blanche. Mais ces « rapatriés »,
rassurez-vous, ce seront toujours des réfugiés de première classe.

Acta.Zone : Vous identifiez le présentisme comme l’une des limites majeures du mouvement hongkongais. Ce présentisme implique à la fois l’absence de toute inscription dans une temporalité historique, l’absence notamment de toute référence subjectivée à des expériences révolutionnaires passées, aussi bien qu’une impossibilité radicale à se projeter dans un horizon émancipateur. En quoi ces deux aspects (rapport au passé, projection dans l’avenir) sont-ils, selon vous, interdépendants ? Et pensez-vous que ce présentisme soit propre au mouvement de Hong-Kong ou qu’il caractérise également d’autres soulèvements populaires de la période récente (à la lumière de l’effacement généralisé du rapport à l’Histoire – de la « conscience historique » – que vous pointez d’une part, et de l’éclipse concomitante de l’hypothèse communiste comme représentation stratégique partagée d’autre part) ?

Sans doute tous les mouvements qui sont apparus sur tous les
continents depuis le début de ce siècle sont-ils plus ou moins en rupture de
tradition. On l’a bien vu en France, tout récemment, avec le mouvement des
Gilets Jaunes et cette espèce de bégaiement mémoriel qui fait que l’on va orner
les carrefours bloqués de drapeaux tricolores plutôt que rouges. Mais dans le
cas de Hong Kong, il s’agit d’un peu plus que cela, c’est-à-dire de l’absence
de référence aux luttes, et elles ont été nombreuses et souvent très violentes,
qui ont opposé la population de Hong Kong au colonisateur britannique dans la
dernière période de l’occupation – on ne peut pas à la fois faire référence à
cette « tradition » et brandir l’Union Jack au fil des manifestations inspirées
par l’esprit de la « révolution de notre temps ». Entre mai et décembre 1967,
par exemple des émeutes ont fait à Hong Kong 51 morts et plus de 800 blessés….
un bilan tout colonial à comparer avec celui des interminables émeutes de cette
année…

Il faut donc que se soit produite une coupure si radicale
que la puissance occupante d’hier soit devenue l’ami et le protecteur
présomptif, que Chris Patten, le dernier gouverneur de l’île puisse (et ose) se
présenter en père et figure tutélaire de la « démocratie hongkongaise ».

Il faut une amnésie si puissante que puisse être récusée
l’évidence absolue selon laquelle la restitution de Hong Kong à la Chine est la
réparation tardive mais inéluctable d’une succession d’actes de brigandage
colonial. Il faut un changement de décor si complet que toute référence à
l’histoire chinoise, à la culture chinoise puisse se voir remplacée par le toc
des industries culturelles américaines.

Il est bien évident qu’un déracinement aussi extrême ne peut
se produire que dans un isolat. Le présentisme forcené des mouvementés a sa
condition topique ou topologique – ce que Peter Sloterdijk appelle une « sphère
». Les mouvementés ne sont pas seulement enfermés dans leur ville tentaculaire,
c’est-à-dire un espace post-urbain d’où ont disparu les formes traditionnelles
de la sociabilité urbaine, ils sont aussi enfermés dans les dispositifs
technologiques, communicationnels et spectaculaires qui appareillent leurs
représentations et leurs conduites. Ils sont à ce titre, dans leurs
dispositions présentistes et allergiques à toute condition d’historicité, à
l’avant-garde – à moins que ce ne soit au stade terminal – du présentisme
démocratique en général – le total-démocratisme entendu comme idéologie
politique moyenne des élites occidentales et occidentalisées, c’est bien l’idée
que la démocratie est un présent éternisé, une sorte de fin de l’Histoire ;
ceci, étant entendu que la démocratie libérale est et est appelée à demeurer le
meilleur des régimes (de la politique et de la vie en général) possible.

Ce qui fait que pour les mouvementés, l’avenir de Hong Kong,
ce ne peut être que son présent figé, l’arrêt sur image définitif sur sa
différence radicale d’avec la Chine populaire sanctionné par la formule « deux
systèmes ». L’exception hongkongaise telle qu’en son caractère inaltérable
l’éternité la fige. On mesure bien ici à quel point il faut s’être amputé de
toute intuition historique pour camper sur cette position immobiliste. Mais,
bien sûr, quand cette rêverie isoliste rencontre le réel, le rêveur se réveille
en sursaut et cherche des yeux le gardien de l’instant éternisé. Et il se
trouve que celui-ci parle anglais et porte le haut-de-forme de l’Oncle Sam. Les
mouvementés ressemblent à l’Oblomov de Gontcharov : ils rêvent, ils rêvent, ils
s’agitent dans les grands espaces de leurs rêves – et puis quand ils se
réveillent, ils appellent à la rescousse le bon Zakhar sans le secours duquel
ils ne sauraient faire un pas en dehors de leur lit. La liberté qu’ils
revendiquent n’a rien à voir avec l’autonomie et tout avec la mentalité de camp
– ils veulent que leur île soit une enclave du « monde libre » en version
Trump, une écharde fichée au talon de cette « Chine rouge », l’ennemi intime,
absolu.

C’est la raison pour laquelle ils sont passés subrepticement
de « démocratie-liberté » à « Independance for Hong Kong ». C’est la raison
pour laquelle la rhétorique de guerre froide des Trump, Pompeo et Bolton leur
va comme un gant : ce qui leur tient lieu d’utopie, c’est une tératologie – le
régime chinois comme monstrueux, ennemi de l’humanité. Pas besoin d’être un
compagnon de route du Parti communiste chinois pour percevoir la débilité du
manichéisme qui inspire cette simplification à outrance d’une question qui, au
contraire, réclame de l’attention intellectuelle et une sensibilité à la
complexité des choses.

Acta.Zone : Vous dites à juste titre que beaucoup d’observateurs occidentaux, tout particulièrement au sein des milieux « révolutionnaires », se sont enthousiasmés pour le mouvement de Hong-Kong à raison de la virtuosité émeutière qui s’y déployait, mettant de côté, pour ainsi dire, ses contenus politiques et stratégiques y compris les plus explicites. Or, n’est-ce-pas, « en politique ce qui compte c’est le contenu », comme disait Mao2. Ou pour reprendre un vieux proverbe : « tout ce qui bouge n’est pas rouge ». La multiplication des mouvements populaires à l’échelle globale ces dernières années n’impose-t-elle pas la réaffirmation de ce principe comme critère d’évaluation des situations réelles ? Et ne pensez-vous pas justement que le mouvement hongkongais offre l’exemple paroxystique d’une disjonction entre l’inventivité tactique des modes d’action (diffusion d’un savoir-faire du combat de rue extrêmement sophistiqué, sur-équipement des émeutiers, organisation para-militaire des manifestations, etc.) et le vide politique des mots d’ordre (résumé dans le syntagme démocratie-liberté, ce « cri de ralliement des croisés de l’hégémonie ») – vide cachant lui-même une aspiration stratégique qui n’est autre que la cooptation dans le camp occidental sous domination américaine ?

Les chaînes d’équivalence qui s’établissent sur la
conviction que tout ce qui bouge est bon à prendre, surtout quand c’est
juvénile, urbain, primesautier, nord global et que ça n’a que le mot démocratie
à la bouche, c’est le degré zéro de la pensée politique estampillée radicale
aujourd’hui, de Rancière à Lundimatin. Mais à partir de ce constat, je me
garderais bien d’émettre un jugement global sur les mouvements qui se sont
multipliés au cours des dernières années, j’évalue au cas par cas, car ce qui
émerge, ce sont chaque fois des singularités dont il faut évaluer les lignes de
force et les trajectoires dans les configurations où elles émergent. Il y a de
l’énergie, il y a de l’inventivité, il y a de la résilience dans le mouvement
de Hong Kong, mais ces qualités ne changent rien au fait qu’il s’agit d’un
mouvement restaurationniste (de l’ordre colonial, impérial), pro-occidental et
entièrement réactionnaire en ce sens – et c’est évidemment cela qui tranche.

Le reste, les qualités esthétiques du mouvement, c’est de
l’ornemental et je laisse ça aux magazines sur papier glacé… Inversement, le
mouvement des Gilets Jaunes dont les aspirations, les revendications, les
gestes mêmes étaient souvent hétérogènes et pas « rouges » du tout dans leur
explicite n’en était pas moins pour moi porté par un désir d’émancipation,
c’est un peuple politique éphémère qui s’est formé, surgi d’en bas, ce qui lui
a permis d’inaugurer un nouveau cycle et un nouveau style de luttes et d’en
finir avec le piétinement de la politique revendicative traditionnelle.

Donc, plus que le contenu, je dirais le style, l’affect ou
les affects qui soutiennent un mouvement et l’horizon dans lequel il s’inscrit.
La question des contenus est devenue compliquée, voire opaque, vu que les
programmes et les doctrines qui les sous-tendaient sont en ruine. Prenez
l’épreuve de vérité que fut, tout récemment, la pandémie : dans son immense
majorité, la planète des radicalités, marxistes et autres, n’a pas passé le
test : elle a été épidémiosceptique à l’unisson avec les crétins qui nous
gouvernent, pour d’autres raisons, mais tout aussi désastreusement, au début,
c’est-à-dire précisément au moment où il ne fallait surtout pas l’être. La «
radicalité », c’était, pensait-on, de ne pas tomber dans le panneau du chantage
à la crise et de l’état d’exception sanitaire qui ne profite qu’aux trusts
pharmaceutiques. On a vu le résultat. Donc, le solide armement théorique qui
garantit les bons contenus d’une lutte, la bonne orientation d’un mouvement, je
suis un peu sceptique.

Je regarde les tracés, je salue ce qui signale la belle
énergie plébéienne bien orientée (le saccage du Fouquet’s, le tagage de
l’Arc-de-Triomphe…), la prise de parole populaire qui renvoie la classe moyenne
planétaire et le peuple en toc des terrasses à leur néant, la reprise de la
vie, la réinvention des formes politiques, et je repère ce qui pue la mort – le
dérisoire racisme « anti-Chine » dans le mouvement de Hong Kong, mouvement
typique de classe moyenne planétaire saisie d’un accès de fureur
anticommuniste. Je repère les lieux – les carrefours où l’on interrompt les
flux et où l’on palabre et délibère des conditions d’une vie vivable pour ceux
d’en bas, plutôt que les galeries commerciales où l’on tourne en rond en
psalmodiant « Revolution of our times » – « Hong Kong independance » …

Dans un long article publié en 1990, « The Last Days of Hong
Kong », l’essayiste et spécialiste de l’Asie orientale Ian Buruma évoque deux
moments de l’histoire récente de Hong Kong qui jettent un intéressant éclairage
sur l’état présent des choses3. Lorsque, au printemps 1989, les étudiants de
Pékin occupèrent « le coeur de l’empire chinois », avec les dramatiques
conséquences que l’on sait, la solidarité de la population hongkongaise fut
immédiate et massive. Buruma écrit : « Ce fut là l’occasion pour les gens de
Hong Kong de montrer qu’ils étaient davantage que des commerçant cantonais sans
états d’âme ; qu’eux aussi avaient le souci de leur mère-patrie ; qu’eux aussi
étaient chinois jusqu’à la moelle ». La question est donc de savoir ce qui
s’est passé entre-temps pour que désormais, aux yeux des mouvementistes
hongkongais, le « Chinois » septentrional et mandarinophone soit devenu l’autre
absolu et l’ennemi par excellence. La seconde remarque concerne le rejet dont
ont fait l’objet les réfugiés vietnamiens arrivés dans la colonie lors de
l’exode des boat-people : renvoyés sans ménagement chez eux pour une bonne
part, entassés dans des camps de fortune pour les autres et durablement décriés
par les autochtones dans des termes inspirés par la plus vulgaire des
xénophobies – « ils puent », « ils sont trop bruyants », etc. L’autochtonisme
qui s’est déchaîné contre les Chinois continentaux tout au long du mouvement de
cette année ne date donc pas d’hier. C’est la face la plus sombre de
l’isolisme. On en trouve aussi la trace dans les films de kungfu made in Hong
Kong où la plus décomplexée des xénophobies fait bon ménage avec le sentiment
anticolonial et la fierté (encore) « chinoise », à l’âge d’or de Bruce et Lee…

Acta.Zone : Vous analysez la manière dont la Chine est traitée dans la presse française, de manière systématiquement dépréciative et idéologisée, au prisme de son inadéquation aux « valeurs universelles des droits de l’homme » (dont l’Occident serait l’incarnation naturelle). Vous vous attachez également à déconstruire les discours qui établissent un rapport d’équivalence entre l’affirmation économique, diplomatique et militaire de l’État chinois et le dispositif hégémonique américain. Pourquoi dites-vous qu’il n’est pas rationnel de mettre sur un même plan les « ambitions nouvelles » de la puissance chinoise avec l’impérialisme américain tel qu’il s’articule à l’échelle du globe ? Et pour aller pour loin, en quoi cette réflexion permet-elle de singulariser, de définir ce qu’hégémonie et impérialisme veulent dire aujourd’hui ?

L’analogie couramment établie aujourd’hui entre le « Make
America great again » de Trump et le « Make China great again » de Xi est non
seulement tout à fait superficielle mais carrément fallacieuse. Elle est
surtout en vogue parmi l’ultra-gauche impensante – les dits progressistes et
les libéraux, eux, verront toujours la restauration de la « grandeur » en mode
trumpien comme un moindre mal, envers et contre tout, cette restauration étant
supposée, en dépit de tout, attachée au nom et au camp de la « démocratie » ;
tandis que celle qui s’attache au nom de la Chine serait intrinsèquement
autoritaire-totalitaire (autoritaire les jours pairs, totalitaires les impairs,
ce qui donne un aperçu de la qualité de la science politique qui soutient les
raisonnements de ces gens-là).

Le projet de restauration de Trump est celui du
rétablissement d’une hégémonie impériale, d’une domination du monde par les
États-Unis, telle qu’elle s’est mise en place après la Seconde guerre mondiale
et passablement délitée depuis le début du nouveau millénaire. Une domination
dont la caractéristique est d’être totalisante, incluant aussi bien l’hégémonie
militaire, la supériorité technologique, la maîtrise de l’innovation, le
contrôle des marchés, mais aussi les formes de vie. C’est l’empire américain
(états-unien) qui défend sa peau, avec d’autant plus de véhémence et
d’agressivité qu’il ne saurait concevoir sa perpétuation que sous la forme
hégémonique. D’où sa perception de la montée de la puissance chinoise comme une
menace existentielle, vitale, avec laquelle il n’est pas question de coexister.

Le projet de la direction chinoise est d’une espèce
différente – ce qui le guide est une ambition de réparation – la Chine, en tant
qu’elle est non pas seulement un État, un peuple ou une nation modernes mais
aussi une civilisation millénaire et un empire veut retrouver sa place « au
milieu », c’est-à-dire se voir reconnue et respectée comme une puissance de
premier plan dans l’ordre international nouveau qui est en train d’émerger.
D’où l’importance première de liquider l’héritage des politiques de prédation
coloniale et de conquête impériale dont elle a été victime aux XIXème et XXème
siècles, tant de la part des puissances européennes que du Japon et des
États-Unis (en tant que ceux-ci ont soutenu le camp nationaliste dans la guerre
civile chinoise et ont été opposés à la Chine au cours de la guerre de Corée).

La puissance économique est ici le relais et le point d’appui
de l’ambition politique, mais cela ne signifie en aucun cas que la Chine
d’aujourd’hui ait l’ambition d’imposer au monde une Pax Sinica calquée sur le
modèle de la Pax Americana qui s’est mise en place après la Seconde guerre
mondiale et renforcée au cours de la Guerre froide, puis relancée après la
chute de l’empire soviétique. Les nouvelles « routes de la soie », la
diplomatie des masques et de l’assistance sanitaire pendant l’épidémie de
coronavirus, ça n’est pas tout à fait la même chose que le système des
proconsuls et des clients sur lequel a tenu et prospéré l’empire « américain »
– nulle part, ni hier ni aujourd’hui ni sans doute demain de ces Suharo,
Pinochet, Park et autres Chiang en version chinoise populaire, la Chine
n’exporte pas son mode de vie, elle ne colonise pas avec ses « valeurs » ni
avec sa langue. Elle ne vise pas l’hégémonie relayée par des bases et des
stationnements de troupes dans le monde entier, elle veut tenir son rang, telle
qu’elle estime l’avoir reconquis grâce à son développement impétueux depuis le
tournant impulsé par Deng Xiao Ping, ce qui suppose bien sûr, que sa puissance
se projette hors de son espace propre – mais sur un mode tout différent de
celui que pratiquent les États-Unis et qui est toujours conquérant, incluant,
en particulier, un volet militaire. La mer de Chine du sud, c’est le glacis
maritime que l’État chinois s’acharne aujourd’hui à consolider – pour le reste,
pas de porte-avions chinois croisant entre Cuba et la Floride…

La raison fondamentale pour laquelle les libéraux
occidentaux et occidentalisés demeurent irréconciliables avec la Chine
supercapitaliste d’aujourd’hui, ce n’est évidemment pas le fait que son régime
politique n’est pas conforme aux normes de la démocratie occidentale – ni les
pétromonarchies du Golfe, ni le régime du maréchal Sissi ne le sont – , c’est
que le régime (et le parti communiste) de ce pays, envers et contre tout,
conservent un lien organique avec la révolution chinoise – l’os que l’Occident
libéral a, depuis 1949, gardé en travers de la gorge, en dépit de la
normalisation des relations avec la Chine à laquelle Nixon a donné l’impulsion.
C’est la raison pour laquelle, encore et toujours, le rêve de cet Occident-là,
ce n’est pas du tout la « démocratisation » de la Chine, sa conversion au
parlementarisme, au pluripartisme, aux élections « libres » et toutes ces
belles choses ; c’est bien plutôt un démantèlement de la puissance chinoise
dont la forme de loin la plus souhaitable serait l’émiettement de la Chine en
plusieurs souverainetés, aisément transformables en zones d’influence placées sous
la houlette des maîtres anciens (États-Unis, Grande-Bretagne, Japon…). D’où
l’importance de Hong Kong où l’activisme mouvementiste s’acharne à mettre en
exergue les supposées fractures entre une Chine septentrionale mandarinophone
vouée aux fièvres autoritaires et une Chine méridionale de tempérament et
langue(s) différents – une construction discursive taillée sur mesure et
survenant à son heure pour relancer le motif éculé de l’hétérogénéité chinoise
dans un contexte où, tout à l’opposé, c’est une souveraineté chinoise plus que
jamais indivisible, qui fait entendre sa voix sur la scène internationale.

Acta.Zone : Vous affirmez que votre position consiste à tenir à distance aussi bien la posture du compagnon de route (vis-à-vis de l’État chinois) que celle du spectateur fasciné (vis-à-vis du mouvement). On observe souvent, de nos jours, que la moindre remise en cause du discours occidental dominant en termes de politique internationale se trouve stigmatisée (qu’il s’agisse de Hong-Kong, de l’Ukraine, du Venezuela ou encore de la Syrie) – stigmatisation qui vise in fine à la délégitimation de l’anti-impérialisme en tant quel. Quels sont pour vous les enjeux d’une position véritablement anti-impérialiste aujourd’hui, qui ne verse pas pour autant dans un campisme mécanique et vulgaire ?

Comme je le rappelle quelque part dans le livre, la
radicalité d’aujourd’hui, en tant qu’elle ne peut se contenter d’être
anti-impérialiste mais se doit d’être décoloniale aussi, ce qui suppose un
considérable élargissement de sa perspective critique et généalogique, est de
tournure très différente de celle des années 1960 et 1970. Elle a notamment
fait son deuil (ou, si elle ne l’a pas fait, elle est à côté de la plaque) de
l’identification, fidéiste ou critique, à quelque souveraineté ou forme
étatique que ce soit. Dans les années 1970, les maos étaient des dévots de
l’État chinois et de la pensée du Président Mao, les trotskystes (dont j’étais)
des hérétiques de l’étatisme soviétique via la fidélité à la révolution russe
et la critique du stalinisme. Mais ce que les uns et les autres avaient en
commun était ce lien à l’État et à la philosophie de l’État, inséparable de la
pensée et de la cause révolutionnaires en général. Même via le romantisme
révolutionnaire du Che, nous retrouvions ce fétichisme de l’État – l’État
cubain, en l’occurrence.

De cette hétéronomie, il a fallu faire son deuil, et, avec
elle, de tout ce qui tend à faire du marxisme une philosophie de l’État – deuil
salutaire s’il en fut. Ce qui inspire la position tranchée que j’ai adoptée sur
le mouvement de Hong Kong, ce n’est donc d’aucune façon une identification, de
quelque forme soit-elle, avec le régime chinois dont je récuse vertement, par
exemple, la politique assimilationniste et néo-coloniale au Xinjiang. C’est
l’hostilité tranchée et définitive à l’hégémonie globale, dans ses formes
actuelles, soumise encore et toujours aux conditions de l’empire, en tant que
celui-ci est états-unien, occidental. Je ne pense pas du tout que la fin de la
fausse Pax Americana serait la fin du capitalisme, je considère le modèle de
développement adopté par l’État chinois comme désastreux du point de vue des
intérêts de la civilisation humaine, mais je suis pour l’histoire ouverte et je
statue sur l’intolérable dans le présent, dans l’époque – et aujourd’hui,
l’insupportable, c’est cette machine de guerre en train de se remobiliser à
toute vitesse (les États-Unis ont toujours été en guerre, ils sont,
intrinsèquement, une machine de guerre), à l’affût de l’occasion propice pour
faire surgir un théâtre d’affrontement (que ce soit au Moyen-Orient ou en mer
de Chine) où faire une démonstration de force destinée à endiguer le déclin en
cours. Je ne tire pas des plans sur la comète, ce qu’il en sera des formes et
manifestations de l’accroissement de la puissance chinoise dans trente ou
cinquante ans, je n’en ai pas la moindre idée – ce dont je ne doute pas un
instant en revanche, parce que je l’ai sous les yeux, c’est que les menaces
massives de décivilisation, aujourd’hui, ce sont les États-Unis, et leurs
pseudopodes (Israël, les pétromonarchies, Taïwan peut-être) qui en sont les
foyers.

Le problème majeur du présent, c’est que la souveraineté
chinoise mise à part (et la Corée du Nord, il faut le dire), rien ne vient
faire pièce à la politique de la terre brûlée dans laquelle s’est engagée cette
Amérique-là : voyez le Venezuela où l’Union européenne lui a emboîté le pas et
soutient sa marionnette Guaido, voyez la Palestine où l’État sioniste s’apprête
à annexer la partie « utile » de la Cisjordanie avec le consentement tacite de
cette Europe-là aussi… Trump n’est pas le fond du problème du tout, il est le
symptôme de cette débandade généralisée qui conduit tout droit à une guerre
néo-impériale, avec des objectifs distinctement restaurationnistes, dans
l’espace chinois notamment. Les dirigeants chinois en sont parfaitement
conscients et ils tiennent à ce qu’il se sache qu’on ne leur fera pas le coup
de Gorbatchev. Le rêve de l’Occident restaurationniste aujourd’hui, ce n’est
pas tant d’en finir avec le régime « autocratique » de Xi, cet Occident-là
s’accommode parfaitement de toutes les autocraties pourvu qu’elles soient
utiles, c’est d’effacer le pli de la révolution chinoise comme l’a été,
amplement, celui de la révolution russe. C’est à cela qu’il faut opposer les
puissances affirmatives d’un non décidé, irrévocable et définitif – la raison
pour laquelle j’ai écrit ce livre sans m’embarrasser de nuances. C’est un livre
analytique et militant.

(Hsinchu, Taïwan, 15/06/2020)

1-Voir Alain Badiou, Circonstances, 8. Un parcours Grec, Éditions Lignes, 2016.

2-Déclaration du 7 mars 1967, adressée à Jiang Qing, dirigeante du « Groupe chargé de la Révolution Culturelle ».

3-Ian Buruma: The Missionary and the Libertine, Vintage Books, 1996.

source: https://acta.zone/alain-brossat-la-radicalite-daujourdhui-doit-etre-non-seulement-anti-imperialiste-mais-aussi-decoloniale/#

photo: manifestation de Gilets Jaunes (Comité Action Palestine)




NON A LA LOI ISLAMOPHOBE ET LIBERTICIDE

Communiqué du
Front Contre L’islamophobie Pour L’égalite Des Droits Pour Tou-Te-S

9 février 2021

Nos organisations, qui pour certaines rassemblent en nombre des personnes de confession et de culture musulmanes, font l’amer constat qu’une fois de plus l’islamophobie est mobilisée au plus haut sommet de l’État avec le projet de loi « contre les séparatismes », loi qui dans les faits est précisément une loi séparatiste et raciste.

ÇA SUFFIT !

Avec un cynisme démesuré, le gouvernement instrumentalise le terrorisme, ses victimes et nos émotions pour faire de chaque musulman.e un ennemi de l’intérieur. De la chasse à de prétendus « signaux faibles » à la focalisation sur le port du foulard, à travers une pluie d’amendements à ce projet de loi, nos vies, nos coutumes, nos pratiques, notre foi sont épiées, traquées, disséquées, essentialisées, stigmatisées et infériorisées. C’est ce statut de sous-citoyenneté qui permet des perquisitions en dehors de tout cadre judiciaire, perquisitions qui au demeurant sont totalement inefficaces contre le terrorisme comme le savent les pouvoirs publics et dont le seul objectif est selon le ministre de l’Intérieur de donner un signal. Sans doute, un signal pour terroriser une partie d’entre nous, mais aussi un signal à l’endroit d’un électorat enclin à voter sur des positions islamophobes. Les musulman.e.s de ce pays ne supportent plus d’être réduit.e.s à une variable d’ajustement électorale. Nous refusons que ce projet de loi qui devrait être discuté jusqu’à la prochaine présidentielle serve de tremplin aux plus audacieux islamophobes, toujours prêts à surenchérir pour la prise du pouvoir. Nous refusons que l’Islam et les musulman.e.s soient jeté.e.s en pâture lors des débats alors même que les crises et urgences sanitaire, sociale, économique et écologique s’accentuent.

ÇA SUFFIT !

Le gouvernement instrumentalise la laïcité en la dévoyant de son esprit et de sa lettre originels de 1905 pour mettre sous tutelle le culte musulman et s’ingérer dans son organisation, une ingérence qui ne concernerait pas les autres cultes, comme l’a souligné M. Darmanin en personne. A ce titre, il s’arroge le droit de désigner pour et à la place des musulman.e.s ceux qui sont dignes de nous représenter, comme durant la période coloniale. Il menace des fédérations musulmanes, des mosquées… les contraignant à se soumettre à une charte de principes contraire aux principes même de la laïcité et à la liberté de contestation, sous peine de dissolution administrative, hors cadre juridique. En lieu et place du droit commun, c’est l’arbitraire administratif et un droit d’exception qui s’exercent.

ÇA SUFFIT !

Le gouvernement instrumentalise les inégalités de genre, qui sont structurelles et traversent pourtant tous les espaces sociaux, y compris ceux du pouvoir, pour ne les voir, les dénoncer, les hypertrophier et bien souvent les inventer dans les seules pratiques liées à l’Islam ; faisant fi au passage de la parole et du vécu des premières concernées, de confession et de culture musulmanes. Tandis qu’il organise en parallèle l’effacement total des femmes musulmanes, jusqu’à remettre en question leur droit de porter le voile dans l’espace public.

ÇA SUFFIT !

Le gouvernement instrumentalise l’État de droit pour défaire nos droits et particulièrement le premier d’entre eux, celui de la liberté de conscience, celle de croire ou de ne pas croire. Le ministre de l’Intérieur va jusqu’à exiger d’un croyant ou d’une croyante qu’il ou elle mette « les lois de la République au-dessus de la loi de Dieu », ce qui relève d’une absurdité confondante d’autant plus que son rôle est de faire respecter les lois de la République sans avoir à reconnaître d’autres lois, au nom précisément de la neutralité de l’État. La liberté de culte est menacée comme le souligne la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNCDH) entre autres par une déclaration préalable en préfecture à renouveler tous les 5 ans, relevant d’« une méfiance injustifiée » pour reprendre ses termes.

ÇA SUFFIT !

Ce projet de loi s’attaque aux droits des associations et pas seulement celles qui relèvent du cultuel, alors qu’elles sont soumises au respect des lois républicaines de par leur déclaration en préfecture : il exige d’elles la signature d’un contrat d’engagement républicain, offrant là encore une interprétation de son non-respect suffisamment large pour que n’importe quel préfet puisse selon son bon vouloir les dissoudre, les assécher financièrement, retirer leur agrément, s’opposer à l’embauche de contrats jeunes en leur sein. Pour elles aussi, la liberté d’expression est menacée et le recours à la désobéissance civile non-violente sera interprété comme un « trouble à l’ordre public ». Ce n’est pas pour rien que la Défenseure des droits s’inquiète de ce que ce projet participe d’un « renforcement global de l’ordre social ». Ce n’est pas pour rien que beaucoup d’entre nous, parce que musulmans et musulmanes, sont tétanisé.e.s par cette islamophobie que les premiers de cordée ont initiée. Macron en personne convoquait la théorie du ruissellement, celle qui en pratique devait se traduire par une répartition des richesses des plus riches vers les plus pauvres, notamment dans les zones rurales et les quartiers populaires. A la place, il nous propose un tsunami de propos et de lois racistes et liberticides comme celles sur le séparatisme et sur la sécurité globale.

ÇA SUFFIT !

Nous vous appelons à rejoindre Le Front contre l’islamophobie et pour l’égalité des droits de toutes et tous.Nous manifesterons partout en France, le dimanche 21 mars 2021.

N’ayons pas peur ! Il s’agit de défendre nos droits, nos libertés, notre dignité.

/// PREMIERS SIGNATAIRES ///- FUIQP Front Uni des Immigrations et des quartiers populaires (comités :Lille, Marseille, Grenoble, Montpellier, Paris Banlieue).- CRI coordination contre le racisme et l’islamophobie (section Lyon, Saint Étienne, Marseille, Perpignan)- Le collectif des musulmans de Montpellier.- Collectif stéphanois contre l’islamophobie et pour l’égalité- Collectifs Ivryen contre la loi séparatisme.- Collectif des organisations Musulmans de Nouvelle Aquitaine (COMNA).- Association des alliés de la paix, Bordeaux.- Association de la mosquée de Pessac. – Mouvement des Femmes pour la Justice et l’Equité (MFJE)- NTA Rajel- Association française de confession musulmane (FCM)- Argenteuil Terre de Solidarité- International Solidarity Movement – ISM- Centre Francilien Philippe Grenier – L’association ESPOIR FUTSAL 79- Association Al Fazari- La révolution est en marche- Emergence blanc mesnil.- Al-Wissal association des étudiants Arabes de l’Inalco- Lallab- Association Rencontre et Dialogue de Roubaix. – Association Identité plurielle de Tourcoing. – Association Marocaine des Droits Humains Nord/France- Association « Culture et vous, la culture pour tous » de Libercourt.- ORIW ( Organization Racism and Islamophobia Watch).- Collectif les cents voix de Grenoble.-Association femmes plurielles – Le Syndicat des Quartiers Populaires de Marseille- le Collectif Mémoires en Marche (Marseille)- Association Culturelle la Courte Echelle (Marseille)- MUSULMANS Conscients 69 – La voix des Rroms.- Brigade anti-négrophobie (BAN)- Conseil représentatif des associations noires (CRAN)- ALCIR, Association de lutte contre l’islamophobie et les racismes Paris 20- Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR)- Union des Tunisiens pour l’Action Citoyenne (UTAC)- Comité pour Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)-Association-Solidarité-Amitié-Français-Immigrés (ASAFI)- Comité Justice & Libertés (CJL)- Association des Travailleurs Maghrébins Maghrébins de France (ATMF)- Association Car t’y Libre Istres- Collectif Musulmans et Végétariens.- Collectif Afrique, Lille – Mouvement Citoyen Palestine Soutiens:- La FASTI- Commission Islam & Laïcité. – CEDETIM- MRAP, section d’Aubenas- Alliance Citoyenne, Grenoble – Action antifasciste Paris banlieue.- ACTA – Comité BDS France Montpellier- UJFP- La Librairie Transit (Marseille)- Nouvelles Questions Féministes (NQF), revue internationale francophone




A la mémoire de Anis Naccache

Comité Action Palestine, février 2021

Anis Naccache, l’infatiguable et courageux combattant de la révolution palestinienne, est mort à Damas le lundi 22 février 2021. Pour l’histoire officielle occidentale, c’était un « terroriste »; pour les peuples arabes, un militant antisioniste engagé pour la justice.

Le Comité Action Palestine salue sa mémoire pour le combat acharné qu’il a mené, au péril de sa vie, en faveur de la cause du peuple palestinien.




Maroc: la normalisation sioniste et le troc colonial

Comité Action Palestine (13 décembre 2020)

Jeudi 10 décembre 2020, Donald Trump annonce sur twitter que « nos deux GRANDS amis, Israël et le Royaume du Maroc, ont accepté de normaliser complètement leurs relations diplomatiques – un grand pas en avant pour la paix au Moyen-Orient ! ». 

Après le Bahreïn et les Emirats Arabes Unis, le Maroc rejoint la
liste des pays arabes qui trahissent la cause du peuple palestinien en
normalisant ses relations avec Israël. Une trahison officialisée, car depuis quasiment
la naissance de la monarchie marocaine en 1956, les relations secrètes
n’étaient en réalité secrètes pour personne. Trahir le peuple palestinien est
une constante de la monarchie marocaine. Faut-il rappeler le rôle d’espion,
aujourd’hui dévoilé, que joua Hassan II pour Israël pendant la Guerre des six
jours en 1967 ? Faut-il rappeler les multiples collaborations entre ces
Etats, à tous les niveaux, diplomatiques, économiques et sécuritaires ?

Que Rabat troque aujourd’hui la normalisation de ses relations
avec les sionistes contre la reconnaissance de la « souveraineté »
marocaine sur le Sahara Occidental n’est pas une surprise. Mais c’est un aveu :
reconnaitre Israël, c’est reconnaître que l’entreprise marocaine au Sahara
Occidental est d’essence coloniale au même titre que la colonisation sioniste.
En Palestine comme au Sahara Occidental, Trump, Mohammed VI et Netanyahou
forment une coalition sioniste et coloniale qui se moque totalement des
aspirations des peuples à l’indépendance et méprise ce pauvre droit
international, qui ne s’exerce jamais sinon au détriment des peuples et au
profit des grandes puissances occidentales. 

Cette coalition diabolique fait fi d’un paramètre essentiel :
le peuple marocain. Elle a tort car celui-ci est profondément attaché à la
cause du peuple palestinien. Les calculs à court terme de la monarchie
marocaine sont en totale contradiction avec les aspirations des Marocains, qui
rejetteront d’une manière ou d’une autre cette normalisation et, in fine, la
monarchie inféodée aux intérêts américano-sionistes. Si la Marche verte orchestrée
par Hassan II en 1975 a consolidé un régime aux abois en jouant sur le ressort
nationaliste, la normalisation avec Israël aura certainement un effet inverse.
Mohamed VI a fait ce choix sans demander l’avis de son peuple. Ainsi va la vie
d’une dictature comme les autres dictatures arabes qui ont fait le choix de
trahir pour préserver les intérêts de leurs élites corrompues et totalement
coupées de leurs peuples.

Le Comité Action Palestine dénonce l’inféodation des dirigeants arabes aux sionistes et profite de cette occasion pour renouveler son soutien inconditionnel à la lutte du peuple palestinien.

Photo: Maghreb Online