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Appel à manifestation contre le projet de loi sur le séparatisme

12 décembre 2020, 15h, place de la Bourse (Bordeaux)

Comme si sentant lui-même la fragilité de la légalité de son texte, le gouvernement cherchant à contourner cette difficulté sémantique, a procédé à la modification du nom de son projet de loi dit du « séparatisme islamiste », rebaptisé dans la précipitation en « Projet de loi renforçant les principes républicains ».
Cependant, nul n’est dupe, et chacun comprend bien que ce toilettage cosmétique sur la forme du projet ne change en rien la gravité et la lourde menace sur le fond que représente ce texte pour les libertés religieuses garanties par la constitution française à travers la loi 1905 qui organise la séparation de l’Etat et des Eglises, socle du code de la laïcité dans la République.
En effet, aussi incroyable que cela puisse paraître, la France s’apprête à légiférer sur les règles d’organisation du culte musulman dans la république en prenant comme prétexte le « renforcement des principes républicains et la défense de la laïcité » et en faisant porter leur supposée dégradation à la seule communauté musulmane qui doit en payer le prix.
Car oui, en effet, il faut le dire, ce texte est profondément anti démocratique et renforce par ses articles liberticides la banalisation de l’islamophobie, encourageant ainsi la stigmatisation de l’islam et des musulmans et leur mise au banc de la société.
La défense de la laïcité, le renforcement des principes républicains et la lutte contre le terrorisme ne sont ici convoqués que dans le seul but de donner une légitimité à ce projet de loi qui vise spécifiquement la communauté musulmane comme l’a avoué le Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, lors d’un entretien à la Grande Mosquée de Paris avec les représentants du CFCM (Conseil Français Du Culte Musulman) : « Il faut faire attention à ce que d’autres religions ne soient pas les victimes des modifications souhaitées pour vous (les musulmans).»

Nous en appelons à la mobilisation de tous pour lutter contre l’adoption de cette loi avec laquelle le pouvoir veut faire oublier sur le dos des musulmans :

 10 millions de pauvres en France
 1 million de personnes supplémentaires sous le seuil de pauvreté
 8 millions de chômeurs
 300.000 SDF
 4 millions de mal-logés
 4,8 millions de gens qui ont recours à l’aide alimentaire
 la gestion calamiteuse de la crise sanitaire mondiale du COVID19
 son impuissance face à la crise climatique

NON, LES MUSULMANS NE SONT PAS COUPABLES DE LA CRISE QUE VIT LA FRANCE !
NON AU PROJET DE LOI ISLAMOPHOBE QUI DIVISE LES FRANÇAIS !

MARCHE POUR L’EGALITE LE SAMEDI 12 DECEMBRE 2020
PLACE DE LA BOURSE A 15H

Les organisations signataires : COMNA – Collectif des Organisations Musulmanes de Nouvelle-Aquitaine – (Les Alliés de la Paix, le Comité Action Palestine, Ensemble, Des Livres et la Oumma, la Mosquée de Pessac, le Centre Adam, la Mosquée de St André de Cubzac, Pompes Funèbres Musulmane Assakina, Pompes Funèbres la Oumma)




« L’armée des roses » Calendrier Palestine Libre 2021

« Les combattantes palestiniennes »

Il n’existe pas une femme en Palestine qui n’ait été touchée
dans sa chair. Les chars, les bombes larguées du ciel, la prison, la
destruction des maisons et des champs cultivés, le poison de la trahison arabe,
bref le seul horizon de vie ou de survie promis est celui de la violence
coloniale totale.  C’est tout
naturellement que les femmes palestiniennes ont pris part à la lutte de
libération. Le choix laissé est de vivre ou de périr.

De la fin du XIX ème siècle à aujourd’hui, les femmes
palestiniennes ont résisté par tous les moyens et sous différentes formes.
Parce qu’elles sont traitées par l’oppresseur comme les hommes, elles résistent
comme les hommes. Face à la
violence coloniale tous azimuts et sans pitié contre elles-mêmes, contre leurs
enfants, leurs frères et sœurs, contre leurs parents et leurs ancêtres, cette
armée des roses, comme les appela Yasser Arafat, s’est levée pour édifier un
autre avenir, une Palestine indépendante, débarrassée définitivement, et sur la
moindre parcelle de terre, de la peste coloniale.

La
colonisation juive n’a épargné personne en Palestine. Elle frappe encore aveuglément,
sans distinction pour voler des terres, des maisons, des biens, détruire tout
un peuple, avec la collaboration de plusieurs Etats arabes pour normaliser le funeste
projet sioniste.

Mais ce peuple a fait le choix de vivre et de résister à la
stratégie de leur anéantissement venue d’Occident.

Ce calendrier 2021 rend hommage à toutes les femmes palestiniennes et célèbre leur engagement pour que l’espoir d’une Palestine libre et indépendante ne meure jamais.

Vous pouvez acheter ce calendrier au prix de 5 euros l’unité (+ frais de port) en téléchargeant et complétant le bon de commande ci-joint http://www.comiteactionpalestine.org/word/bondecommande2021/, puis en nous l’envoyant par courrier avec votre règlement par chèque. Nous vous enverrons le ou les calendriers dès réception de votre commande.

Vous pouvez aussi régler votre achat directement par carte bancaire  en cliquant sur le lien ci-dessous. Calculer d’abord le montant total que vous souhaitez verser :  soit 5 euros par calendrier + les frais de port  + don éventuel à notre association. Les frais de port s’élèvent à 1,5 euros pour un calendrier, ou 1 euro par calendrier si vous commandez plus d’un calendrier. Indiquer ce montant total sur la Plateforme Hello Asso, avec vos coordonnées, le nombre de calendriers souhaités, ainsi que le montant du don éventuel au Comité Action Palestine. Nous vous enverrons le ou les calendriers dès réception de l’avis de paiement. Si vous avez des problèmes avec la plateforme, faites nous signe (actionpalestine@hotmail.com). https://www.helloasso.com/associations/comite-action-palestine/paiements/calendrier-palestine-libre-2021-l-armee-des-roses

  • HelloAsso est une plateforme de collecte de dons qui fonctionne sans commission et facilite le travail de nombreuses associations, vous pouvez contribuer à son activité en versant un modique soutien.



« Dans mon coeur, je suis Palestinien »

Comité Action Palestine (28/11/2020)

Le 25 Novembre 2020, le footballeur argentin Diego Maradona nous a quittés.  Le gamin en or, issu des quartiers pauvres de Buenos Aires, « des quartiers privés…de tout »,  comme il aimait le dire, a tiré sa révérence. L’immense hommage rendu par ses supporters à travers le Monde ne se cantonne pas à l’admiration de son génie footbalistique. Chaque but marqué par Maradona, chacune de ses prouesses, étaient le symbole d’une victoire des damnés de la terre contre les puissants, le monde de l’argent et les impérialistes. De Buenos Aires à Naples, de Cuba à Gaza, c’est ce combat pour la justice et la liberté des laissés-pour-compte, que ce soit dans les stades ou en dehors, qui l’ont hissé au rang de héros planétaire.  De toutes les causes justes, il embrassa la plus symbolique. Il  travailla sans relâche pour faire exclure Israël de la FIFA et promouvoir le boycott de l’entité sioniste. Le « Che du sport » comme le surnommait Fidel Castro, déclarait :
« Je suis le premier fan du peuple palestinien, je le respecte et j’ai de la sympathie pour lui. Je soutiens la Palestine sans aucune crainte ». Sa grandeur, sa sincérité, son humanité n’ont jamais été démenties.

Nous, Comité Action Palestine, avons tenu à te rendre hommage, Diego. Toutes les voies de la Résistance mènent à la liberté et les «Révolutionnaires ne meurent jamais».

Dessin: Omar Abdallah, artiste jordano-britannique




Le nouveau Président américain : Israël d’abord !

Comité Action Palestine (11/11/2020)

Joe Biden vient d’être élu à la Présidence des Etats Unis. C’est le 18ème Président américain depuis la création de l’Etat d’Israël. Cela fait plus de 70 ans que le processus colonial se poursuit avec le soutien inconditionnel de la Maison blanche. Les USA y ont contribué sans relâche en apportant leur aide économique, militaire et diplomatique à l’entité sioniste. Donald Trump a affiché plus clairement une position sioniste et antipalestinienne que ses prédécesseurs et que son successeur démocrate Joe Biden, plus sournois et plus tacticien. Les Palestiniens ne sont pas dupes et connaissent cette histoire dans leur chair.

Alors qu’Israël était dans une position particulièrement difficile face à la résistance palestinienne et se trouvait affaibli en raison des défaites américaines au Moyen-Orient, les Etats-Unis n’ont eu de cesse de vouloir le renforcer au cours des quatre dernières années. Benyamin Netanyaou a eu carte blanche pour intensifier la colonisation, et les pays du Golfe ont été prestement invités à signer des accords de normalisation avec Israël, en échange du soutien américain face à la montée en puissance de nations rivales comme la Turquie et l’Iran.

La vice-présidente américaine, Kamala Harris, a annoncé la couleur à l’occasion d’une conférence organisée par le lobby  sioniste AIPAC (American Israël Public Affairs Committee):  les Etats- Unis se tiendront toujours aux cotés des Israéliens. Vu d’Israël, elle était le « bon choix de Joe Biden ». La cosmétique métisse et féministe ne changera rien à l’affaire et les choses sont entendues : Israël d’abord !

Mais c’est sans compter sur la détermination des Palestiniens. Générations après générations, il est indiscutable que le peuple opprimé et réduit à l’exil par le colonialisme est un peuple de combattants.  La victoire de Maher al-Akhras, qui vient de faire plier l’occupant après 103 jours de grève de la faim, symbolise cette détermination. La liberté est à ce prix et seule la résistance paye !

Photo: dessin par Lattuff pour Mondoweiss

Biden loves Netanyahu




Racisme et lutte des classes en Bolivie

Simon B. (Octobre 2020)

La crise qui frappe aujourd’hui la Bolivie prend ses racines dans l’histoire. Cette histoire coloniale où les Européens ont, partout dans le monde, exterminé, pillé et hiérarchisé les races et les communautés pour asseoir définitivement leur pouvoir. Définitivement ? Non, heureusement. Le projet colonial n’a en général pas entièrement abouti. La crise qui secoue la Bolivie est en quelque sorte la revanche des colonisés, des pauvres, des exploités : les Indigènes. Le refoulé se rappelle aux dirigeants politiques colonialistes et il a pris la forme d’un mouvement politique, le MAS, qui a porté au pouvoir Evo Morales. Leur redonner le pouvoir, réhabiliter leur dignité, débarrasser la Bolivie du racisme et de l’exploitation éhontée des Indigènes, telle est la lame de fond silencieuse qui est en train d’emporter la vieille société. Le coup d’Etat du 20 octobre 2019 montre que tout n’est pas joué, que les revanchards et les vieux loups de l’ancienne société sont à l’affût pour s’accrocher encore aux branches pourries de l’ordre raciste et capitaliste. C’est à cette analyse du rapport entre lutte des classes et racisme que Simon B. nous invite. Il est aujourd’hui essentiel de comprendre ce qui se joue en Bolivie, mais aussi partout où le capitalisme fait dépendre sa survie de la légitimation du racisme et de la division des classes populaires.

Nous sommes en décembre 2019, dans un appartement bourgeois de la banlieue de Sucre, actuelle capitale constitutionnelle de la Bolivie qui fut jadis la ville la plus riche et la plus cultivée d’Amérique du Sud où l’aristocratie coloniale jouissait de revenus fabuleux tirés de l’exploitation des autochtones dans les mines avoisinantes de Potosí, jetant par les balcons vaisselle d’argent et ustensiles en or au crépuscule de fêtes somptueuses(1). Désormais, seuls demeurent vivant les fantômes de la richesse passée.

Un mois plus tôt, un coup d’Etat militaire renversait le président récemment élu Evo Morales, orchestré principalement par les grands propriétaires terriens et agro-industriels de la région de Santa Cruz. Notre hôte, économiste retraité d’une soixantaine d’année, a travaillé au ministère du développement avant le gouvernement Morales, puis dans le secteur privé des hydrocarbures. Ce Bourgeois bolivien est la parfaite personnification de la classe supérieure bolivienne. Son orientation idéologique ne prête à aucune confusion. Il « aime le capitalisme » et il « n’aime pas le socialisme » car « le socialisme c’est mal ». Pour parfaire le tableau, sa femme est médecin biologiste et ils ont trois enfants, deux sont psychiatres et un économiste. Il confie également des liens de parenté avec un ancien président Bolivien.

Ecoutons le parler des indigènes(2) : « L’indien fait bêtement ce qu’on lui dit […] L’indigène ne comprend rien […], il n’est pas éduqué, il est stupide. » Les « indigènes » sont « violents » affirme-t-il. Il en veut pour preuve leur comportement récent à El Alto, poumon économique de l’altiplano composé de 80% d’Aymara. Après le coup d’Etat les indigènes ont « bloqué les routes violemment » – lisez les barricades – en « agressant et en frappant les gens » – lisez la police et l’armée, les bourgeois étant planqués dans leurs quartiers – tandis que les gens « civilisés » de la Zona Sur (bastion bourgeois de La Paz) ont « bloqué pacifiquement » les routes de leur quartier, en « expliquant gentiment aux gens qu’ils pouvaient passer » sous réserve (mais notre bon bourgeois ne prend pas la peine de le préciser), de ne pas être indigène. Lorsqu’on l’interroge sur l’origine de cette violence, notre Bourgeois bolivien a une explication infaillible : « L’indigène ne réfléchit pas et réagit par la violence. Ce n’est pas une question de pauvreté, c’est culturel, les gens des campagnes sont comme ça. » Ecoutons désormais ce qu’il a à nous dire sur le problème de la drogue, lui qui affirme ouvertement que « Morales est un narcotrafiquant […] et un pédophile […]. Il aime la pédophilie […] Si les pères de familles disaient « ce n’est pas bien de gagner sa vie avec la cocaïne », on n’aurait pas ce problème. Donc il s’agit d’une question de valeur et d’éducation. » Problème résolu.

Son discours est également empreint d’un mépris insondable envers les croyances autochtones. La chrétienté étant présentée comme la normalité, la vérité indiscutable, tandis que les premières sont profondément dénigrées comme « arriérées ». Mais attention, notre Bourgeois Bolivien n’en démord pas il « n’a rien contre les indigènes ». Il endosse désormais sa casquette d’écologiste pour dénoncer la pollution des rivières liées aux activités minières dans la région de Potosi qui sont faites « au dépend des indigènes ». Ce propos traduit-il une soudaine compassion envers l’indigène ? Ou envers la nature ? Loin s’en faut ! Cela traduit plutôt une instrumentalisation de la question écologique par la bourgeoisie à des fins politiques, en l’occurrence ici dégager Morales du pouvoir. Certaines de ces affirmations peuvent paraître grotesques mais elles n’en reflètent pas moins le discours global des classes dominantes en Bolivie au lendemain du coup d’Etat. Une question se pose alors, comment expliquer l’intensité et la violence du racisme au lendemain du coup d’Etat dans ce nouvel état « plurinational » Bolivien (2009), dont la constitution prône la « connaissance mutuelle » et la « coopération entre les peuples de la région » ?

La fabrication de la hiérarchie raciale

Historiquement, la Bolivie a été l’objet d’une hiérarchisation « raciale » où la classe dominante, issue du colonialisme et d’origine européenne a imposé ses pratiques et ses croyances. Cette hiérarchie a été imposée par la violence à travers un processus de lutte de classes.

Au début du XXe siècle, la stratégie migratoire de blanchiment ayant échouée en Bolivie, l’éducation – largement inspirée des systèmes pédagogiques européens – est perçue comme un élément central pour « améliorer », « régénérer la race » d’un peuple considéré comme « malade »(3). Autrement dit, l’objectif est de désindianiser le pays. Dans l’imaginaire bourgeois, le rôle de l’école libérale est de convertir « l’indien sauvage, brutal et criminel » en sujet passif non agressif, apte pour le travail, et in fine un bon esclave, péon ou sa version moderne, un salarié. La conversion de la « race inférieure » notamment via la castillanisation est considérée comme « une absolue nécessité pour unifier la république » dans un contexte de forte crainte des élites libérales de la « guerre de races » (4). La langue espagnole est donc imposée comme unique bien culturel linguistique légitime – jusqu’à l’arrivée du gouvernement Morales – agissant comme langue de domination et capital de différenciation sociale à l’intérieur même des communautés aymaras et quechuas (5,6).

De même, la religion chrétienne est déclarée comme la seule croyance légitime, ou plutôt la deuxième après le sacro-saint système marchand capitaliste. Les institutions politiques bourgeoises placent en bas de l’échelle les croyances des peuples andins et amazoniens ainsi que les modes d’organisations productifs et politiques communautaires traditionnels (eg. ayllu). Les stéréotypes ethniques (indien, cholo, métisse, señor) procèdent également d’une logique de hiérarchisation, le terme indien étant perçu comme la référence négative. Des attributs « non indigènes », le nom, la couleur de peau, la langue ou la tenue vestimentaire permettent d’obtenir un avantage social concret (emploi, bourse, contrat, prêt bancaire, grandes écoles…). De nombreux boliviens indigènes relatent l’impossibilité à la fin des années 1990 d’accéder aux places centrales, magasins, cafés, bars de nombreuses villes boliviennes en raison de leur origine ethnique : « Avant l’arrivée d’Evo Morales au pouvoir, porter la pollera (jupe bouffante) ou parler quechua au centre-ville était impensable pour mes parents ».

Ceci nous amène à la complexité de la question ethnique en Bolivie où historiquement, les concepts d’ethnicité, de « race » et de classes ont toujours été étroitement liés et ont vu leurs critères de définition changer au cours du temps. Disons tout de suite que les catégories ethniques en Bolivie sont des constructions sociales et dynamiques qui varient selon l’organisation économique, sociale et politique. Elles n’existent pas par elles-mêmes.

Le terme « indien » correspond initialement à une catégorie tributaire et administrative à travers les obligations des populations originaires envers l’Etat espagnol (7). Au fil du 19e siècle, une nouvelle catégorie vit le jour : les « cholos », composés d’ouvriers et artisans urbains, issus d’un métissage (« indien » et créole) et conservant de forts liens avec les populations indigènes. Lors de la Révolution Nationale (1952) – qui s’illustra notamment par la nationalisation des mines, le vote universel et la réforme agraire – le code d’Education bolivien (1955) appelle à « arracher » certains vices et certaines pratiques considérés comme héréditaires, intrinsèquement liés à l’ethnie et au statut d’indien paysan, dans la droite lignée du discours paternaliste civilisateur de Diez de Medina qui présidait alors la commission de la réforme de l’Education (4). Entre 1953 et 1964, le nombre d’école double dans le pays avec l’objectif de construire une nation métisse et homogène en utilisant la castillanisation, les langues indigènes étant considérées comme une survivance archaïque. Le cholo bolivien – artisan ou ouvrier urbain « métisse » – est alors exalté par l’institution étatique. O. Harris montre que durant la seconde moitié du XXe siècle, la catégorie « indien » est liée à un haut niveau de pauvreté, un travail agraire rural de subsistance et une participation limitée au marché (7). Alors qu’en 1900 l’indigène est associé à l’impôt indigène et exclu du service militaire, à partir de 1952, l’indianité est associée à l’indigène-paysan ; ce qui n’est pas sans effet sur les recensements des populations. Dans la région de Cochabamba par exemple, les indigènes passent de 16 et 22% en 1848 et 1900 respectivement à 75% en 1950 (4). La population active rurale bolivienne représente 72,8% de la population en 1950, 47% en 1976, 37 % en 2001(8). En 2002, la pauvreté était de 81,7% dans le milieu rural (58,8% d’indigence) contre 47% (21,6%) dans le milieu urbain (8). La conception récente de « pauvreté » basée sur le revenu et effaçant progressivement le statut professionnel et ethnique, date en Bolivie du tournant néolibéral des années 1980. La catégorie métisse au XXIe siècle, loin d’être homogène culturellement comme ce fut le cas lors de l’Etat nationaliste de 1952, correspond plutôt à ce que signifie la classe moyenne(9). Cette catégorie s’apparente à une position plutôt économique et sociale que « culturelle », « d’origine ». On sait par ailleurs que la probabilité d’être pauvre est de 16 points supérieurs pour un indien en Bolivie tandis que le taux de mortalité infantile est deux fois supérieur à celui des non-autochtones (10). En 2001, 5,3 millions (66,2%) de la population bolivienne s’auto-identifie comme étant indigène(11).

En 2017, l’agriculture emploie 30% des Boliviens, l’industrie 21% et les services 49% tandis que le travail informel représentait 71% des emplois non agricoles en 2009(12). Dès lors, il convient de s’intéresser à l’indigène réel c’est-à-dire tel qu’il se présente dans la société actuelle – le capitalisme au XXIs en Bolivie – comme paysans, ouvriers, commerçants, travailleurs informels, étudiants, fonctionnaires… L’indigène « en chair et en os » plutôt que l’indien fantasmé, romancé, précolombien qui a été malheureusement en grande partie massacré. L’indigène n’a pas disparu comme voudrait le faire croire la thèse libérale en vogue du « nous sommes tous métis » qui attribue le statut d’indigène aux seules tribus pré colombiennes, et non à l’indigène réel du XXIe siècle, voilant ainsi le racisme dans une « ethnicité globale » abstraite ne reflétant en rien l’ethnicité effective, concrète, socialement parlante. Cet aspect se devine dans le discours contradictoire de la classe supérieure bolivienne, qui, comme frappée de schizophrénie, parle alternativement de la disparition des indiens, tout en poursuivant son discours raciste d’une violence inouïe envers la majorité de la population bolivienne. De même concernant la religion, il ne faut pas tomber dans une division imaginaire d’un monde ancestral andino-amazonien et d’un monde moderne occidental, une grande partie de la population ayant mêlé des croyances andines et occidentales chrétiennes.

Selon Álvaro García Linera(13), la majorité de la population bolivienne des années 2000 est insérée « dans des structures économiques, cognitives et culturelles non industrielles et possède, outre d’autres identités culturelles et linguistiques [dont elle est porteuse] des habitudes et des techniques politiques résultant de sa propre vie matérielle et technique : le placement de l’identité collective au-dessus de celle de l’individu, de la pratique délibérative au-dessus de l’élective, de la coercition normative comme mode de comportement gratifiant au-dessus du libre choix et de l’accomplissement personnel, la dépersonnalisation du pouvoir, sa révocabilité par consensus, l’alternance dans les fonctions, etc., sont des formes de comportement qui parlent de cultures politiques opposées aux pratiques représentatives, libérales et partisanes […] ».

De plus, García Linera indique qu’il existe « une logique propre au monde indigène mais ce n’est pas une logique antagoniste, séparée de la logique « occidentale » ». En d’autres termes, le monde indigène n’est pas séparé du monde capitaliste. Bien au contraire. Les indigènes sont incorporés, sous une forme directe ou indirecte, au système de production et marché de consommation. Comme l’explique fort justement K. Marx, le capital s’empare d’abord du travail dans les conditions techniques données par le développement historique avant de transformer progressivement le mode de production. Au cours du processus, il est évident que l’indigène réel du XXIe siècle ne peut persister comme indien imaginaire vivant dans un idyllique monde naturel, au sein d’un « primitivisme » non perverti par la civilisation capitaliste.

Photo: Simon B.

L’Etat plurinational : expression de l’évolution du rapport de force ?

L’arrivée au pouvoir en 2006 d’Evo Morales, d’origine populaire et indigène, a permis dans une certaine mesure de combattre la discrimination et la marginalisation fondées sur des critères racistes. La nouvelle Constitution (2009) définit ainsi la Bolivie comme « un Etat pacifiste, qui promeut la culture de la paix […], la coopération entre les peuples de la région et du monde, afin de contribuer à la connaissance mutuelle, à un développement équitable et à la promotion de l’intercommunalité […] » (10). Pour la première fois dans l’histoire bolivienne, les principes et pratiques indigènes politiques, économiques, juridiques, culturels et linguistiques sont reconnus sur un même seuil d’égalité par rapport aux « non indigènes ». La notion de « Peuple et nation Indigène-originaire-paysans » (art30.i) voit le jour et se voit reconnaitre ses « us et coutumes originaires » dont la « justice communautaire et l’autonomie indigène » au sein d’un « Etat unitaire social de droit plurinational communautaire » (art. 1), marquant ainsi la disparition d’une norme culturelle hégémonique nationale qui octroie à une minorité culturelle un statut spécifique (10). Les modes d’organisations politique et économique autochtone (ayllus notamment) sont reconnus au même titre que le système marchand capitaliste, le quechua et l’aymara deviennent des langues officielles au même titre que l’espagnol, le symbole autochtone Whipala est intégré comme symbole national officiel au côté du drapeau bolivien, etc.

Ce changement constitutionnel ne s’est pas fait sans une forte résistance de la bourgeoisie bolivienne, à l’exemple de la tentative de sécession de l’Etat de Santa Cruz en 2008 (14) et des agissements violents du Comité Civique de Santa Cruz, organisation d’extrême droite raciste proche de l’église bolivienne et au service de la bourgeoisie de Santa Cruz. L’ Union de la jeunesse crucéniste, « bras armé » du comité, ouvertement phalangiste et fasciste (15), s’est illustrée en septembre 2009 en assassinant 18 paysans indigènes dans le département du Prado. La volonté de l’Etat d’imposer le nouveau statut « indigène » via l’Etat plurinational a provoqué de fortes tensions au sein de la société bolivienne. Ces tensions sont d’autant plus vives que le gouvernement Morales a impulsé une série de changements socioéconomiques significatifs, parmi lesquels 20% des boliviens sont montés dans la classe moyenne qui représente en 2017 58%, soit 2,2 millions de personnes en plus(7). L’émergence de cette nouvelle classe moyenne, désormais extrêmement hétérogène, a intensifié les contradictions à l’intérieur même de la classe moyenne et semble avoir donné lieu en son sein à une lutte de classe féroce. La classe moyenne traditionnelle, de profession reconnue, séparée géographiquement des quartiers populaires, portant des noms spécifiques, s’est vue « envahir » par la « classe moyenne ascendante » d’origine populaire, indienne. Cette dernière a désormais accès aux mêmes professions, le nouvel Etat plurinational ayant rendu possible son accès à des postes et avantages jusqu’à présent monopolisés par la classe moyenne traditionnelle (au sein des banques, institutions…)(16). Pendant les années Morales, les indigènes ont ainsi fait l’objet de campagne de dévalorisation au sein de la classe supérieure et de la fraction traditionnelle de la classe moyenne, illustrée par la racialisation du discours envers les nouvelles « classes moyennes populaires », par exemple lors de « l’invasion » des centres commerciaux du quartier Irpavi à La Paz en 2015(17). Les « arrivistes indiens » étant perçus comme une concurrence réduisant les opportunités économiques de la classe moyenne traditionnelle. Le renforcement du racisme dans la société bolivienne apparait donc avant tout comme le reflet d’une peur de déclassement socio-économique des classes moyennes anciennes et classes supérieures.

Ecoutons à ce sujet notre Bourgeois bolivien qui voue une véritable haine à l’Etat plurinational : « Avec Morales les indiens ont intériorisé le fait qu’ils n’avaient pas besoin d’étudier pour obtenir des postes. Donc malgré la construction d’écoles, collèges, les Indiens disent à quoi bon envoyer mon fils à l’école, de toute façon il aura un poste puisqu’il est indigène. » Dans la même logique, l’université publique, autrefois réservée à une minorité, est également dévalorisée puisque désormais « envahie » par les indiens. Continuons, « L’indien a été mis à la tête de banque mais puisqu’il ne comprend rien, c’est l’employé non indigène qui lui explique comment faire, mais – dit-il en gloussant – l’indien est le patron […]. Les députés indigènes sont incompétents, ils ne connaissent rien à la politique, quand on leur demande de voter une loi, si Morales leur dit de voter ils votent bêtement sans comprendre la loi. » Notons ici que les députés indigènes sont depuis longtemps éloignés du mode de vie des classes populaires et peuvent être assimilés à la classe moyenne supérieure, mais certains ne se sont pas défaits de leur oripeau indigène, ce qui irrite fortement notre Bourgeois Bolivien.

On peut concevoir la classe moyenne bolivienne comme un champ de bataille où l’Etat conteste la hiérarchisation ethnique historique, via une lutte politique se cristallisant dans la Constitution plurinationale. La classe moyenne nouvelle, d’origine populaire semble avoir deux trajectoires sociales possibles : soit elle embrase la culture bourgeoise dominante, en se reniant en tant qu’indigène, soit elle revendique et lutte pour la légitimité de l’identité indigène. La première trajectoire conduit à l’intégration toujours plus grande dans le modèle économique capitaliste. La deuxième trajectoire débouche naturellement dans l’Etat plurinational d’Evo Morales et dans les liens toujours forts en Bolivie entre le monde rural paysan et les zones urbaines. Ce champ de bataille s’apparente à un processus dynamique et dialectique au sein des classes où chacune se positionne en fonction des bénéfices qu’elle peut tirer en termes de pouvoir, de reproduction et ascension dans la hiérarchie sociale. L’Etat ayant échoué à décoloniser le pays – nous reviendrons plus tard sur les causes de cet échec – les classes moyennes paraissent condamnées à évoluer lentement vers le reniement de leur caractère indigène et tout ce qui y est associé. Le reniement du caractère indigène peut donc être perçu comme une tentative d’échapper aux caractéristiques indiennes, populaires, stigmatisées et dénigrées dans une société bolivienne à l’image de la classe dominante, raciste. La tenue vestimentaire est perçue pour de nombreuses boliviennes – notamment les vendeuses des marchés urbains – comme un moyen de se défaire du stigmate de la chola afin d’être traitées autrement que comme des Indiennes, c’est-à-dire avec mépris et/ou condescendance (18). La chola se transformant alors en birlochita (chola qui a adopté le style vestimentaire notamment des classes sociales supérieures). Cette nouvelle classe moyenne pourrait donc en partie expliquer pourquoi les gens s’identifiant comme indigène ont largement diminué en Bolivie, passant de 5,3 à 2,8 millions (66,2 à 40,57%) entre 2001 et 2012(19).

Ceci nous permet de comprendre pourquoi notre hôte de Sucre, mais aussi la Présidente autoproclamée Janine Anez et l’instigateur clé du coup d’Etat, Fernando Camacho, « se croient blancs » et « méprisent les indigènes » selon une camarade bolivienne, alors que leurs origines ethniques sont incontestablement indigènes. Ces actes de reniement sont en quelque sorte une épreuve de passage, où il faut se défaire de ses oripeaux indiens, faire peau neuve ou plutôt peau blanche pour obtenir sa carte d’entrée dans le club de la classe dominante bolivienne. La mue complète, progressivement réalisée lors de l’ascension de classe, s’accompagne donc d’une acceptation de la colonisation interne qui vient s’ajouter à la néocolonisation économique actuelle. Tout se passe comme si les Indigènes ou métis de classe moyenne et supérieure allaient chercher leur anoblissement auprès de la bourgeoisie bolivienne historique, blanche et hispanique, comme du temps des caciques de « sang indien anobli par l’Espagne » auprès de l’empereur Carlos VI au 16e siècle. Actuellement l’idéal persiste chez la classe bourgeoise bolivienne de ressembler à la bourgeoisie européenne ou américaine tant sur le plan matériel, culturel que religieux.

Le coup d’Etat bolivien : un révélateur de l’échec du processus de décolonisation.

Le déferlement de racisme lors du coup d’Etat illustre l’échec de l’Etat plurinational et plus largement de la décolonisation interne de la société bolivienne. La perception tenace de l’Indigène comme inférieur dans la hiérarchie des êtres, moralement déficient, naturellement enclin aux pires excès tels que la violence, est un préjugé tenace de notre Bourgeois Bolivien et des classes moyennes traditionnelles. La présidente putschiste a pris possession des institutions en portant une bible géante dans les bras, et célébrant le fait que « la bible retourne enfin au palais présidentiel »(20). En 2013, elle assimilait les rites indigènes à du « satanisme ». Fernando Camacho, homme clé du coup d’Etat, avocat et homme d’affaire millionnaire, qui fut le plus jeune vice-président de l’Union de la jeunesse crucéniste en 2002 et président du comité civique crucénien jusqu’à la chute d’Evo Morales, a brandi la bible dans le palais présidentiel avant d’annoncer : « Pachamama ne reviendra jamais dans le palais. La Bolivie appartient au Christ. »

Tandis que les militants d’extrême droite brulaient la Whipala (21), des membres de l’armée bolivienne ont découpé la Whipala figurant sur leurs uniformes (22). C’est véritablement suite à ce dernier événement, sorte de détonateur, le 12 novembre soit déjà 48h après le coup d’Etat que les classes populaires sont sorties dans la rue. Ceci est important à analyser, car cela reflète l’importance du thème de l’indianité en Bolivie, de la conscience anti-coloniale, car le coup d’Etat n’est pas suffisant pour jeter spontanément les couches populaires dans la rue. L’élément fédérateur ultime est la défense de leur indianité, ouvertement attaquée par les putschistes, donnant lieu à une exacerbation de la lutte des classes. De l’autre côté, les fractions de la classe moyenne urbaine traditionnelle (« collectifs de citoyen », corporations médicales, comités civiques…) avec une idéologie conservatrice et raciste ont largement appuyé le coup d’Etat. D’innombrables actes d’agressions violentes ont ciblé les Indigènes, sur la place publique, dans les universités, parfois des vendeuses de rue(collas). Ces agressions sont commises par des groupes paramilitaires tels que les jeunesses crusénistes, les motoqueros de Cochabamba, resistencia juvenil cochala etc., rappelant à certains boliviens les bandes paramilitaires à l’époque de la dictature de Banzer. Au moins trente-six manifestants Indigènes ont été « abattus comme des chiens » juste après le coup d’Etat par l’armée et la police putschiste dont le langage ouvertement raciste a été largement rapporté, qualifiant les Indigènes « d’animaux », « sales chiens », « indiens de merde » lors de la répression des couches populaires(23).

La peur de l’Indigène était à son paroxysme dans le quartier bourgeois de Sopocachi de la Paz, dans la semaine qui a suivi le coup d’Etat, les bourgeois craignant un retour de flamme populaire. Toute la presse bourgeoise s’indignait des cris d’appel à la guerre civile des habitants d’El Alto, requalifiés pour l’occasion de « terroristes » ou « séditieux », alors qu’elle est restée de marbre face aux massacres de Senkata et Sacaba. Pendant ce temps-là dans les quartiers chics de Santa Cruz, les bourgeois vitupèrent ouvertement : « Qu’ils crèvent ! ». Il est important de comprendre que loin d’être une « guerre de race » – prétendument agitée historiquement par les aymaras(4) – la guerre civile en question est en réalité une guerre de classe où se joue la question coloniale.

Largement sous-estimée en Bolivie sous Morales, la haine de l’Indien et de l’Etat plurinational chez les classes supérieures ne correspond pas à la vision angélique d’un Etat plurinational où chacun serait égal et se respecterait dans le meilleur des mondes. Lors d’une réunion populaire à Cochabamba, un camarade bolivien affirmait que Morales n’avait « rien fait pour décoloniser le pays », un autre ajoutait : « agiter la Wiphala est un geste de décolonisation ».

La non-hiérarchisation ethnique, l’égalité effective concrète entre l’Indien et le non-Indien ne pouvaient s’obtenir par un décret d’en haut. Car il n’y a pas eu dans la société bolivienne de changement des forces objectives, matérielles. Tant que le mode de production capitaliste survit, la bourgeoisie agit ainsi, porteuse de cette violence raciste. Par conséquent, l’Etat ne s’est pas donné les moyens de décoloniser le pays – sans doute ne le pouvait-il pas – et n’était donc pas en mesure de faire disparaitre ce racisme. De même « l’Économie plurielle » définie dans la Constitution de 2009 est pure chimère, car celle-ci prétend articuler les modes de production « étatiques », « privés », « sociaux et coopératifs » et « communautaires ». C’était sans compter sur le mouvement du capital, qui loin de laisser tranquille les modes de production non capitalistes, ne cesse de s’emparer de leurs travaux, de les mettre en concurrence, les courbant chaque jour un peu plus sous sa loi. Rappelons-nous de cette remarque très juste de Karl Marx : « L’échange de marchandise commence là où les communautés finissent », parfaitement illustrée par les conséquences funestes de la marchandisation du quinoa sur les communautés andines boliviennes. Sans changement de cette base matérielle de production historiquement coloniale, il parait illusoire de parvenir à se défaire de cet artefact colonial qu’est le racisme en Bolivie.

Le racisme en Bolivie : frein ou catalyseur de la lutte des classes ?

Le racisme en Bolivie est plus qu’ailleurs encore le reflet d’une position de classe socio-économique dont les racines sont historiques et de nature coloniale. Le pauvre en Bolivie est Indigène. Le pauvre non-Indigène est quasiment inexistant. Par conséquent, la question ethnique semble agir ici plutôt comme un catalyseur de lutte de classes qu’un élément de division de la classe exploitée, comme c’est par exemple le cas en France, aux Etats Unis et dans d’autres pays d’Amérique latine. À cet égard, il n’existe pas à l’intérieur de la classe exploitée bolivienne de division entre des camps hostiles, telle que la division entre les prolétaires anglais et les prolétaires irlandais des cités industrielles anglaises au XIXe siècle, ou, de nos jours en France, entre les travailleurs pauvres issus de l’immigration et blancs, ou encore entre les travailleurs pauvres latino-américains, noirs, asiatiques et blancs aux USA. Dans l’Angleterre du XIXe, cet antagonisme artificiellement entretenu par tous les moyens dont disposaient le pouvoir (notamment la presse), était le secret du maintien de la domination de la classe capitaliste(24). Cet antagonisme n’existe pas en Bolivie aujourd’hui, et l’impuissance des classes exploitées rurales et urbaines dont les liens sont forts, semble plutôt résider dans leur absence d’auto-organisation.

L’organisation de ces classes à travers le MAS a certes permis d’accéder au pouvoir en 2005 via la voie institutionnelle bourgeoise, mais celle-ci porte intrinsèquement l’impossibilité d’un coup décisif contre la bourgeoisie, comme a pu le montrer le coup d’Etat de novembre 2019.

La question « raciale » en Bolivie semble exacerber la lutte de classes. Elle a renforcé l’unité au sein des deux camps en confrontation. L’union sacrée des bourgeois face au péril indien, c’est-à-dire le péril populaire, a renforcé l’unité des dominés. L’apparition d’une nouvelle classe moyenne ascendante n’a en rien atténuée le racisme, la multiplication des contradictions au sein de la classe moyenne bolivienne en pleine expansion a au contraire exacerbé ce racisme. Evo Morales l’avait parfaitement compris lors de ses années au pouvoir, et celui-ci n’hésitait pas à ressusciter des figures de la lutte populaire encore bien ancrées dans le cerveau des vivants, dont Bartolina Sisa et son époux Tupac Katari. Ce couple de guerrier aymara mena héroïquement une grande révolte autochtone contre les colons espagnols en 1781 sur l’altiplano bolivien, notamment à La Paz qu’ils assiégèrent. Ils furent finalement capturés par les barbares espagnols. Peu avant d’être démembré, Tupac Katari lançait cet avertissement prémonitoire, repris lors de chaque manifestation populaire au moment du coup d’Etat de novembre 2019 : « Vous ne faites que me tuer, mais demain je reviendrai et je serai des millions ».

Pour revenir aux années Morales, on drapa ainsi le processus de changement dans le costume des révoltes indiennes du 18es contre le colon espagnol. Le premier satellite bolivien est nommé Tupac Katari. L’université autochtone de Warisata est appelée Tupac Katari et on utilise largement le statut de héros national du couple héroïque lors des discours officiels de l’Etat. Cela ne doit pas faire oublier que Tupac Katari a mené une révolte armée des classes opprimées contre les classes dominantes, en l’occurrence les Espagnols. Cette révolte a tourné en tragédie. Qu’en est-il du processus de changement décolonial actuel ? Et que dire de la tentative de décolonisation de l’armée ? « Il convient de distinguer dans les luttes historiques, entre la phraséologie et les prétentions des partis, et leur constitution et leurs intérêts véritables, entre ce qu’ils s’imaginent être et ce qu’ils sont en réalité », disait Marx dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte. Si l’indianité a été l’élément fédérateur majeur autour du MAS et d’Evo Morales, elle n’est pas venue épauler un projet populaire et concret de sortie du capitalisme. On peut ainsi comprendre comment bien qu’ayant largement redonné sa dignité au peuple indigène bolivien, Evo Morales n’a « rien fait pour décoloniser le pays ».

Peuple autochtone et bourgeoisie coloniale : Une coexistence impossible

Déplaçons-nous dans le quartier chic de Sopocachi, autre bastion des classes supérieures de la Paz. Notre hôte, un camarade Bolivien d’origine familiale populaire affirme qu’une des « erreurs d’Evo Morales a été de vouloir séduire la classe moyenne », en allant jusqu’à faire venir à Santa Cruz en concert en 2013 le chanteur de la révolution cubaine Silvio Rodríguez, mais « cela ne fonctionne pas » ! « Morales a donné l’impression qu’on allait tous vivre en harmonie quelque soit notre ethnie et classe sociale… mais après 14 ans, le racisme est plus fort que jamais dans la classe moyenne supérieure ». Le père de notre hôte était blanc hispanique, sa mère indigène. Il prend désormais l’exemple de sa mère, qui pour essayer de s’intégrer, de bien se faire voir auprès de sa belle-famille blanche, cuisinait, leur offrait ou confectionnait des petites choses… mais cela avait pour unique conséquence de renforcer leur sentiment de supériorité et leur racisme. Il compare cette situation au XVIe siècle, lorsque les « indiens » faisaient des offrandes aux conquistadores, les accueillaient de la manière la plus courtoise et la plus noble possible, pour finalement se faire massacrer en retour. Etant donné le racisme et le sentiment de supériorité ethnique : « Je ne vois pas comment les gens pourrait un jour co-exister ». Là se trouve toute la difficulté en Bolivie, à la lutte des classes s’incorpore une lutte de décolonisation. Mais cette dernière peut également être perçue comme accélératrice de la première. Au décours de cette lutte populaire, il est probable peut-être même souhaitable que les résidus bourgeois, contraint par le rapport de force défavorable, s’enfuient en Europe et aux USA pour échapper à une coexistence qu’ils fuient déjà depuis 500 ans.»»

https://simonb.noblogs.org/post/2020/10/14/racisme-et-lutte-des-classe…

Crédit photographique: Simon B.

Références.

1. GALEANO Eduardo, Les veines ouvertes de l’Amérique latine, Pocket, 2001.

2. Les termes indigènes et indiens sont utilisés indistinctement par la plupart des gens concernés en Bolivie au sein même des classes populaires originaires.

3. MARTINEZ Françoise, «  Régénérer la race  ». Politique éducative en Bolivie (1898-1920), Éditions de l’IHEAL, Paris, 2010.

4. STEFANONI Pablo, “QUE HACER CON LOS INDIOS…” y otros traumas irresueltos de la colonialidad, Plural Editores, La Paz, 2010.

5. GARCIA LINERA Álvaro, La etnicidad como capital simbólico. Estructura social, clase y dominación simbolica en la obra de Pierre Bourdieu, Plural Editores, La Paz, 2019.

6. Au XIX et XXe siècle, le castillan était nécessaire pour faire valoir des droits à la propriété de terre devant les tribunaux d’Etat. STEFANONI Pablo, op. cit.

7. VILLANUEVA RANCE Amaru. «  Bolivia  : la clase media imaginada  ». Nueva sociedad. février 2020. Consulté sur https://nuso.org/articulo/bolivia-la-clase-media-imaginada/

8. ROUX J-C, 2005, La question agraire en Bolivie : La crise agraire en Bolivie  : entre agriculture «  ethnique  » et agriculture de rente dans la mondialisation. consulté sur http://www.museum.agropolis.fr/pages/savoirs/question_agraire_bolivie/…

9. BARRAGÁN Rossana. 2006. « Más allá de lo mestizo, más allá de lo aymara : organización y representaciones de clase y etnicidad en La Paz » . Consulté sur : https://www.researchgate.net/publication/26472215_Mas_alla_de_lo_mesti…

10. C. LACROIX Laurent, Le GOUILL Claude, «  Le « processus de changement » en Bolivie. La politique du gouvernement d’Evo Morales (2005-2018)  », IHEAL, Paris, 2019.

11. Servicios de Comunicación Intercultural, Bolivia Censo 2012 : Algunas claves para entender la variable indígena. Consulté sur:http://www.servindi.or/actualidad/94399

12. LO/FTF Council Analytical Unit. Avril 2018. Perfil del Mercado Laboral 2018. Consulté sur http://dicyt.uto.edu.bo/observatorio/wp-content/uploads/2019/04/Perfil…

13. Harnecker M. HARNECKER Marta, «  Amérique Latine  : Laboratoire pour un socialisme du XXIe siècle.  », Les Éditions Utopia, 2018.

14. Historiquement, la bourgeoisie traditionnelle du croissant oriental (Santa Cruz, Beni, Pando, Tajira), d’extrême droite, privilégie un projet d’autonomie de type fédéraliste.

15. L’Union de la jeunesse crucéniste a été fondée en 1957 par Carlos Valverde Barbery, dirigeant de la Phalange socialiste bolivienne, créée vingt ans plus tôt sur le modèle des brigades franquistes en Espagne. Elle est considérée comme un groupe paramilitaire par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). Être phalangiste demeure une condition pour rejoindre l’Union de la jeunesse crucéniste. Valverde Barbery explique  : «  L’Union de la jeunesse crucéniste a été créée pour être le “bras armé” du comité, se chargeant non seulement de la lutte de rue mais aussi de l’endoctrinement populaire et du soutien militaire au comité.  » Le salut fasciste est la norme lors des réunions de l’organisation. Source : Mariette Maëlle. En Bolivie, sur la route avec l’élite de Santa Cruz. juillet 2020. Le Monde diplomatique.

16. GARCIA LINERA Álvaro. 2018. La asonada de la clase media decadente, consulté sur https://bitacoraintercultural.org/wp-content/uploads/2019/03/BITACORA-…

17. http://www.cochabandido.com/2015/01/ahora-hay-mas-movimiento-economico…

18. MARCHAND Véronique. 2009. Pollera y vestido, le langage socioethnique du vêtement  : migration, génération, profession et instruction. Cahiers des Amériques latines. Consulté sur http://journals.openedition.org/cal/1459

19. http://www.condistintosacentos.com/donde-estan-todos-los-indigenas-un-…

20. https://elpais.com/internacional/2019/11/12/america/1573566340_453048.html.

21. https://twitter.com/BenjaminNorton/status/1193689050894475264?s=20.

22. https://twitter.com/BenjaminNorton/status/1194080182077939713?s=20.

23. IHRC. Aout 2018. «  They Shot Us Like Animals  » : Black November & Bolivia’s Interim Government. Consulté le 10.08.2020 sur http://hrp.law.harvard.edu/wp-content/uploads/2020/07/Black-November-E…

24. MARX Karl, ENGELS Friedrich. Le parti de classe (II). L’Internationale et un pays dépendant, l’Irlande. consulté sur https://www.marxists.org/francais/marx/works/00/parti/kmpc062.htm#ftn1




Refusons le racisme et l’islamophobie

Collectif des associations musulmanes de Nouvelle-Aquitaine

Assalamou ‘Alaykoum,

Face à la récupération politique en cours, plusieurs associations musulmanes indépendantes de la Nouvelle-Aquitaine ont décidé d’unir leurs forces et de résister par tout moyen légal.
Ce collectif est ouvert à toute association musulmane désirant faire respecter ses droits les plus fondamentaux

*Communiqué du Collectif des Associations Musulmanes de Nouvelle-Aquitaine*

Alors que le peuple français dans son ensemble fait face depuis des décennies, et ce, sous le règne respectivement de la Droite comme de la Gauche :

1. Au délitement des valeurs de la République,  » Liberté, Égalité, Fraternité »,

2. À la remise en cause des libertés individuelles et de la cohésion nationale,

3. Au démantèlement de ses acquis sociaux comme l’illustre depuis deux ans la lutte du mouvement des Gilets Jaunes à travers le pays,

4. Au défi de la crise climatique qui menace l’Humanité d’extinction,

5. Au défi de la crise sanitaire du Coronavirus, dévoilant les failles de notre système de santé.

Notre Gouvernement choisit, face à tous ces défis à relever, de jouer la stratégie de la diversion et de la division des Français en se servant de la communauté Musulmane comme bouc-émissaire, qualifiée « d’ennemi de l’intérieur » par le chef de l’État.

L’odieux assassinat de l’enseignant Samuel PATY le 16 octobre dernier a suscité une légitime émotion à travers tout le pays.

Nous condamnons cet assassinat commis par une personne qui ne représente qu’elle-même, mais nous condamnons aussi l’odieuse exploitation politique de cette tragédie.

En effet, la quasi-totalité de la classe politique et des médias dominants exigent des Musulmans des excuses, et qu’ils manifestent avec bruit leur attachement à la liberté d’expression, comme si les Musulmans, et par extension l’Islam, étaient responsables de ce crime.

Dans ce contexte, les mesures visant des associations comme BarakaCity ou le CCIF annoncent une politique répressive qui avait besoin d’un prétexte pour rendre toute représentation associative musulmane coupable et comptable de chaque acte de nature criminelle.

Et ce, alors même que les principes fondamentaux de notre République sont théoriquement clairs : les hommes naissent libres et égaux en droits, sans distinction.

Car oui, il nous faut tristement rappeler que nous sommes tous des êtres humains, et qu’aucune discrimination ne peut être admise, qui plus est dans le but de soustraire des droits.

Laisserons-nous notre devise nationale Liberté, Egalité, Fraternité glisser vers Musellement, Désenchantement, Division ?

Face à la manipulation politique en cours, plusieurs associations de la Nouvelle-Aquitaine ont décidé d’unir leurs forces et de résister par tout moyen légal.

Nous appelons chaque citoyen, chaque association, à refuser le racisme et l’islamophobie, à se mobiliser contre les mesures de répression et les lois islamophobes que compte adopter le Gouvernement.

*Nous appelons toutes les forces vives, qui croient encore que les valeurs de la République ont un sens, à dire non au projet funeste de la division et du racisme.*

Le Collectif des Associations Musulmanes de Nouvelle-Aquitaine

Le 23/10/2020

Liste des associations membres du collectif : BeeHuman, CCIF Gironde, Centre Adam, COJEP Bordeaux, Comité Action Palestine, Des livres et la Oumma, ENSEMBLE, Institut de Formation d’Etudes Musulmanes (IFEM), Les alliés de la paix, Mosquée de Pessac, Mosquée de Saint-André-de-Cubzac.

Source photographique: https://fr.myeurop.info/2019/10/02/progression-de-lislamophobie-en-europe/




Les accords Emirats Arabes Unis / Israël : normalisation et capitulation !

Interview de Dr. Anwar Abu Taha

 membre du BP du mouvement du Jihad islamique en Palestine

 (17/9/2020)

La région du Moyen Orient est entrée depuis quelques années dans une mutation profonde où la nouvelle configuration des rapports de forces est fortement impactée par les soulèvements populaires. Dans cette phase longue de transition, aux conséquences incertaines pour les dictatures arabes, des alliances nouvelles se forment pour enterrer la cause du peuple palestinien. La connaissance fine du contexte permet de comprendre pourquoi les Émirats Arabes Unis notamment, normalisent leur relation avec Israël, et du même coup normalisent le sionisme. Cette normalisation nécessitant une nouvelle légitimation d’ordre spirituel, on inventa une nouvelle religion : l’ « Accord abrahamique ». Cette religion de circonstance est censée consacrée les valeurs de « paix » et d' »amour » , mais elle n’a d’autres buts en réalité que de désarmer idéologiquement la résistance islamique en Palestine et dans le monde arabo-musulman.
D’autres États arabes signeront des accords de « paix » et d' »amour » avec Israël afin de formaliser définitivement leur vassalisation au sionisme et au camp occidental en échange de la protection militaire.
Pour comprendre finement ce qui explique ces alliances et ce qui se trame dans le dos des Palestiniens, le Comité Action Palestine vous invite à lire cette excellente interview,  réalisée par le CIREPAL, de Anwar Abu Taha, membre du bureau politique du Djih
ad islamique en Palestine.

Question : la normalisation entre les EAU et l’entité de l’occupation a été préparée de longue date, l’accord n’étant pas le fruit du hasard. Pourquoi cet accord a-t-il été annoncé et dévoilé ?

Réponse : Au Nom de Dieu le Clément et le Miséricordieux, prières et paix sur le messager de Dieu

 Au début, il faut signaler que ce qui a été décrit au sujet de l’accord émirati-« israélien » comme étant un accord de normalisation minimise sa gravité, car c’est plus que cela. Il ne s’agit pas seulement d’une normalisation, car la normalisation se poursuivait avec l’entité de l’occupation depuis de longues années, mais le fait que cet accord soit annoncé publiquement est une redéfinition du rôle des Emirats dans la région, en liaison avec l’entité sioniste. A présent, les EAU se placent dans un ordre régional nouveau, basé sur l’alliance entre les régimes autoritaires et l’occupation. Les EAU entrent à présent dans le nouvel ordre régional en cours de formation après l’éclatement de l’ancien ordre arabe. Ils entrent dans une nouvelle alliance avec le sionisme. Les EAU ne sont pas seulement les protecteurs du rôle « israélien » dans la région du Golfe et dans la région, mais ils sont à présent un membre organique de cette alliance.

Q. Pourquoi les EAU ?

R. Pour plusieurs raisons. Entre autres, il est difficile pour « Israël » de nouer brusquement des relations dans la région du Golfe. Les Emirats sont un essai pour entrer dans la région du Golfe. De plus, les EAU craignent d’être la cible d’une menace de forces régionales plus puissantes dans la région. C’est pourquoi nous ne pouvons pas nommer cet accord  « paix contre paix » et évidemment pas « paix contre terre », car l’histoire de la « terre en contrepartie de la paix » est close. Si nous voulons décrire cet accord, nous pouvons dire qu’il est un accord de « la reconnaissance en contrepartie de la protection », dans le sens où les EAU reconnaissent « Israël » en contrepartie de la protection « israélienne » des EAU, ces derniers étant une entité fragile, même si leur économie est relativement forte, mais l’entité est fragile… La protection « israélienne » des Emirats se ferait contre un axe en cours de concrétisation dans la région, l’axe irano-turc et la résistance…

Q. Qu’en est-il de cette alliance, quels sont ses objectifs ?

R. Il nous faut revenir à l’ordre régional arabe, depuis la fondation de la Ligue arabe en 1945. La sécurité arabe était basée sur l’encerclement d’ « Israël » et le soutien à la question centrale des Arabes, la question palestinienne. Mais depuis la normalisation arabe avec « Israël », sa doctrine sécuritaire n’est plus la résistance à « Israël ». En tant qu’ordre régional arabe, il a échoué dans le développement durable, il n’a pas réduit la pauvreté ni fondé un marché commun ni une sécurité arabe commune….

 Alors que la doctrine sécuritaire de cet ordre était de faire face aux dangers « israéliens » sur la région et la Palestine, cet ordre a été démantelé après le « printemps arabe », car les Etats du Golfe arabe et quelques régimes autoritaires ont craint l’arrivée au pouvoir des mouvements de l’éveil islamique… Ils se sont placés dans une alliance qui n’a plus pour base la sécurité arabe face à l’infiltration « israélienne », mais plutôt une alliance avec la partie « israélienne » et l’entité sioniste, contre la sécurité des Arabes et des musulmans dans la région, supposant que cette alliance pourrait les protéger. L’ennemi « israélien » a été remplacé par ce qu’ils appellent le danger iranien ou l’intervention tuque ou le danger des mouvements islamiques.

Donc, cet accord émirati-« israélien » est une nouvelle mutation qui frappe la sécurité arabe, la sécurité musulmane et le fondement de cette sécurité, la question palestinienne, puis un alignement dans le camp des ennemis.

Les Arabes normalisateurs penchent aujourd’hui aux côtés de la Rome occidentale, ils penchent vers l’ennemi historique de la nation, vers l’entité sioniste qui a constitué, tout au long de la période précédente, l’ennemi central de la nation. C’est pourquoi c’est un grand bouleversement dans la conception de la sécurité arabe, au cas où on pouvait parler de sécurité arabe commune dans la région.

….

Q. Quel est le rôle sécuritaire et militaire de cette nouvelle alliance dans la région ?

R. Après le « printemps arabe », se sont constitués deux axes dans la région, l’axe de la résistance à la tête duquel se trouve l’Iran et les forces de la résistance, auquel s’ajoute un autre pays qui commence à pencher vers le refus de la politique « israélienne » dans la région, la Turquie, avec lequel le Qatar s’est solidarisé. Cet axe fait face, dans la région, à un axe « israélien » – émirati qui craint les mouvements de l’éveil islamique et précisément les Frères musulmans, notamment après qu’ils soient parvenus au pouvoir dans plus d’un pays arabe. Cette nouvelle alliance a mené avec « Israël » la contrerévolution contre le printemps arabe. A partir de là, et vu la nouvelle disposition, il s’agit d’une alliance aux dimensions multiples, la sécurité, la géographie, les sources d’énergie, les politiques culturelles, et même la confrontation avec les idées de l’Islam ou même l’Islam, comme nous l’expliquerons par la suite. Par exemple, les EAU participent avec « Israël » pour trouver des places communes dans tous les ports de la région du Golfe, de la Mer rouge et du Yémen….

 Le rôle que veulent assumer les EAU est plus vaste que leur poids et leur capacité, mais ils trouvent leur force dans la partie « israélienne » et la partie américaine qui couvrent leur mouvement. Si nous examinons le comportement des EAU sur le plan sécuritaire et politique, nous remarquons leur intervention au Yémen et en Lybie, leur participation à la contrerévolution en Egypte, la tentative de modifier le régime en Tunisie et écarter le mouvement islamique Ennahda, etc.. Les EAU interviennent dans plus d’un lieu dans la patrie arabe, mais toutes ces interventions sont en difficulté et subissent des échecs. Cette alliance leur sert de protection contre les conséquences de leurs interventions désastreuses.

Sur le plan palestinien, l’accord entre les EAU et « Israël » a mis fin à la question de deux Etats et la question de « la terre en contrepartie de la paix ». Aujourd’hui, avec ces accords –les EAU, le Bahrayn et ceux qui suivront – les relations arabo-« israéliennes » sont devenues directes et ne passent plus par la question palestinienne, ni par la récupération des droits palestiniens ou l’établissement d’un Etat palestinien ou le retrait « israélien » des territoires occupés en 1967. Ainsi, ces accords ont rompu les initiatives arabes précédentes et ont placé les Arabes en relation directe avec « Israël ». Ce plan a été conçu auparavant par Jabotinsky depuis 1925 lorsqu’il parlait de la « paix par la dissuasion », que Netanyahu a repris en disant que cette paix est issue de la force et non d’un échange. Les paroles de Jabotinsky ont été exprimées par le ministre « israélien » des finances actuel lorsqu’il parle d’une conception régionale à trois niveaux, qui commence par la confrontation avec l’Iran et les mouvements  de la résistance et les mouvements de l’islam jihadiste dans la région, puis l’établissement des relations économiques, et la dernière phase est la quête de relations avec les Palestiniens. C’est cette théorie sécuritaire qui est en train d’être appliquée. Il ne faut pas oublier les paroles de Shimon Pérès sur « la paix économique ». Nous sommes face à une alliance économico-sécuritaire, qui ouvrira plus tard les portes à la question politique avec les Palestiniens.

Face à tous ces dangers, et face au « deal du siècle » et les tentatives d’annexion, et la nouvelle alliance dans la région, le Palestinien n’a plus qu’à retrouver sa raison et à revenir à la source du projet national palestinien, en tant que projet de libération basé sur la libération de la terre, sans s’occuper du pouvoir, alors que nous vivons ces jours-ci la 27ème année de l’accord d’Oslo et de ses conséquences amères. L’accord a échoué à réaliser le projet de l’Etat palestinien, et le projet des deux Etats n’a plus d’existence, même les négociations n’existent plus. Le « deal du siècle » a tout donné à « « Israël ». Il y a effectivement un vaste complot contre les droits nationaux palestiniens, sur le plan régional et international, et les Palestiniens n’ont plus qu’à rechercher les dénominateurs communs pour se rassembler sur le minimum et affronter ces défis.

Ce fut l’objet de la rencontre des secrétaires généraux, une rencontre basée sur le minimum, pour affronter ces dangers, et tous en sont conscients. Quelques comités ont été formés et nous espérons qu’ils seront efficaces et qu’ils se poursuivront. Pour notre part, au mouvement du Jihad islamique, nous soutiendrons toute démarche nationale palestinienne pour consolider la résilience palestinienne et le refus de tous les accords et complots qui visent actuellement la cause palestinienne.

Q. Cela signifie que vous comptez sur les résultats de cette rencontre pour la prochaine étape ?

R. Cette rencontre est une bonne réalisation, mais compter ou non sur elle, est une autre question. Mais nous agirons pour que ces réalisations soient positives, et nous ferons en sorte que le mouvement populaire en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et ailleurs soit consolidé, jusqu’à arriver à une nouvelle intifada contre l’occupation, car seule la dissuasion sert avec l’occupant, non pas les négociations, ni les accords.

Q. Qu’en est-il de l’appelation « Abraham » ou « accords Abrahamiques » lancée pour ces accords par le président américain Donald Trump ? Quelle est la signification de cette appelation, d’autant plus que les accords précédents avec l’Egypte et la Jordanie ont été dénommés par des lieux. Pourquoi choisir un nom religieux ?

R.  La question est pertinente. Tout d’abord, l’accord dévoile un complot qui a commencé il y a vingt ans, un complot dans lequel ont collaboré l’Israélien, l’Emirati et l’Américain. Ils ont nommé l’accord « abrahamique » en rapport au prophète de Dieu, Ibrahim. Cette question remonte au projet appelé « la diplomatie abrahamique », ou la « diplomatie spirituelle ». Ce projet a été mis en place au ministère américain des Affaires Etrangères depuis 2013, et y travaille une équipe composée de 100 politiciens et religieux. L’appelation « accord d’Abraham » n’est pas un hasard, mais le couronnement de tout le parcours émirati, et nous développerons le rôle émirati dans la « diplomatie abrahamique » ou ce qui s’appelle « les Etats abrahamiques unis », qui visent la région. Ce plan est très ancien, et nous verrons le rôle central des EAU, le but étant de consolider « Israël » en tant d’Etat juif et biblique dans cette région et l’abrogation de l’Islam en tant que religion.

Les Etats-Unis et « Israël » ont un problème historique avec le refus de cette région de reconnaître « Israël ». Il y a une difficulté à reconnaître « Israël » et les Juifs, d’autant plus que les régimes arabes qui sont nés des accords de Sykes-Picot n’ont pu protéger ni « Israël » ni sa sécurité. Le but central consiste à passer de la non-reconnaisssance d’Israël à sa reconnaissance. Comment faire ?

Ils ont trouvé que les religions, et notamment l’Islam, sont ce qui empêchent cette reconnaissance. La question est comment dépasser les religions ? La réponse fut de déplacer la religion en tant qu’outil du conflit et de négation d’Israël vers un nouveau rôle qui reconnaîtrait Israël. Il s’agit alors de dépasser le christianisme, le judaïsme et l’Islam pour parler d’une religion abrahamique collective en tant que nouvelle religion, de rassembler des dirigeants spirituels et des politiciens, d’entamer un dialogue sur les questions contemporaines et de matérialiser les conclusions du dialogue par des cartes politiques et selon des buts communs. Ce projet fut appelé la « diplomatie spirituelle » ou « la diplomatique abrahamique ».

Q. Quels sont les outils et les moyens d’un tel projet ?

R. Ils (les participants à ce projet) parlent en général des valeurs communes aux religions : l’amour, l’égalité, la tolérance, la paix, en tant que valeurs communes de cette nouvelle religion. Le but déclaré est d’instaurer la paix mondiale, d’élaborer des projets de recherches académiques et de fournir des aides économiques directes aux publics, soit diffuser cette nouvelle religion « abrahamique » parmi les gens pour faire ressentir son efficacité. Evidemment, nous n’avons pas des religions « abrahamiques » mais des religions célestes qui ne sont pas abrahamiques. Ibrahim, paix sur lui, n’a pas fondé de religions, mais ils cherchent les racines communes pour attirer les spirituels, et supprimer l’immunité intérieure de l’Islam, et faire  accepter au musulman l’occupation israélienne et le rôle central d’Israël dans la région.

Ce dialogue mené par des politiciens et des personnalités spirituelles s’est matérialisé par des cartes politiques qu’ils donnent aux décideurs pour les appliquer. Evidemment, le problème qu’ils ont affronté a deux volets : le premier gît dans les valeurs fermes de la religion, et le second dans l’histoire du conflit. L’appel fut lancé pour réinterpréter le texte religieux, pour lire l’Islam et la religion de manière différente, en débarrassant la religion et le texte religieux hérité, de toutes les sources de la force. On supprime les concepts de jihad (lutte), wala’ (allégeance), barâ’ (dédouanement), nusra (secours), muqawama (résistance), le refus de l’oppression, le concept d’ordonner le bien et d’interdire le mal, pour insister sur les valeurs de l’amour et de la tolérance, etc..

La relecture de l’histoire consiste à relire l’histoire du conflit entre l’islam, le christianisme et le judaïsme, pour accorder la primauté aux juifs et revoir tout le récit islamique pour accorder la centralité au rôle et à l’histoire juive, en tant qu’histoire d’origine. Dans le projet de la « diplomatie abrahamique », ou spirituelle, le judaïsme est plus ancien que l’islam et le christianisme. Il est le fondement sur cette terre.

Puis ils reprennent ce que disent les Juifs : le christianisme est un mouvement hérétique issu du judaïsme et l’Islam n’est que l’arabisation du judaïsme, il en résulte qu’il n’y a plus que le judaÏsme comme principe commun, et ils parlent de fondre les trois religions, ce qui pratiquement veut dire qu’il ne reste que le judaïsme, selon cette vision.

A l’université américaine de Harvard, ils ont instauré une unité « sur les traces d’Abraham », qui a publié un guide d’initiation appelé : « réflexion relative au livre : guide de la pensée et du mouvement », où est expliqué le lancement d’une interprétation continue des textes, dans le sens que tu peux dire ce que tu veux à propos du texte religieux, et comme tu veux : tu lui arraches toutes les sources de l’immunité et de la force, mais aussi la sacralité de la religion pour donner la sacralité à cette nouvelle religion qu’ils appellent « religion abrahamique », comme tu ôtes l’inviolabilité et la sacralité des lieux de culte, pour fonder de nouveaux lieux de culte, qui sont les « centres abrahamiques ». En effet, les EAU ont commencé à ériger « le centre religieux abrahamique », où se trouvent une mosquée, une église et un temple. Il sera inauguré en l’an 2022. Il s’agit d’un plan pour abroger l’Islam, et non seulement pour modifier les valeurs de l’Islam. Le guide d’initiation (ou d’apprentissage) est conçu pour les dirigeants spirituels et politiciens, car ce plan nécessite ce qu’ils appellent « les praticiens abrahamiques », et le praticien est celui qui appelle à cette nouvelle religion. Ils ont également constitué « les familles pratiquant la paix » qui se trouve à présent en Palestine et dans plus d’un endroit où existent des conflits.

Le but déclaré de la « diplomatie abrahamique – spirituelle » est comme ils l’annoncent, le développement, et la suppression des sources du conflit, mais le but caché est de permettre aux Juifs de s’emparer d’al-Quds, avec le soutien des institutions internationales, abroger l’Islam, falsifier l’histoire et modifier la réalité au bénéfice de l’entité israélienne.

Q. Comment a été matérialisée cette diplomatie abrahamique politiquement ?

R. En mettant en place ce qu’ils appellent « le parcours d’Abraham » qui passe par les régions géographiques dans dix pays islamiques et arabes. La propriété de la terre incluse dans « le parcours d’Abraham » n’est pas aux peuples qui y vivent, mais aux peuples d’origine qui sont les Juifs. Le plan consiste à consolider la présence d’Israël dans la région. Lorsqu’ils parlent des « Etats abrahamiques unis », ils parlent d’un « pouvoir fédéral » qui rassemble les Etats arabes et islamiques au Moyen-Orient. Au centre de ce « pouvoir fédéral », il y aurait Israël, la Turquie et l’Iran, comme dirigeants cet axe, bien sûr, après avoir changé le régime iranien comme ils le souhaitent, mais aussi le régime turc. Ce plan n’est pas théorique ou fictif. 

En 2013, le ministère américain des Affaires Etrangères a institué une commission à l’intérieur du ministère appelée « diplomatie spirituelle », sous la supervision de la ministre des AE à l’époque, Hillary Clinton, qui a réuni une équipe constituée de 6 groupes pour travailler sur « la religion et la politique ». 100 politiciens et personnalités spirituelles ont écrit des textes à ce propos. Ce projet n’a pas seulement l’aval du ministère américain, mais il a été soutenu par plus d’une institution internationale, les Nations-Unies y contribuent. Sur le site internet des NU, vous constaterez qu’il  évoque la religion abrahamique, les « tribunes abrahamiques » et le « parcours abrahamique ». En plus des universités, des centres de recherches, des gouvernements et des centres internationaux et des associations de la société civile soutenues par des pays européens, tous parlent des « centres de la diplomatie spirituelle ». Il faut noter que ce plan est approuvé aux Etats-Unis par les des deux partis, démocratique et républicain, qui ne divergent pas là-dessus.

Q. Est-ce que le plan a commencé à être mis en place aec l’accord entre les EAU et l’entité de l’occupation ?

R. Il est en cours et est mis en place depuis longtemps, mais il a été pratiquement annoncé avec l’accord émirati, l’accord d’Abraham, l’annonce couronne ce plan. De plus, Obama et les dirigeants américains ont parlé de « la religion abrahamique commune » à plusieurs occasions, et certains centres de recherches ont entamé leur travail à ce propos dès 2007. Les universités de Harvard, Georgetown et Oxford y participent. Ce plan existe et a été mis en exécution avant l’annonce de « l’accord d’Abraham » et il se poursuit.

Q. Comment le « parcours d’Abraham » est-il lié à ce plan ?

Le parcours d’Abraham est un parcours géographique reliant 10 pays arabes et musulmans, où il suit les déplacements du prophète Ibrahim, paix sur lui, selon le récit biblique et le récit musulman Selon ses concepteurs, c’est la carte du parcours d’Abraham, qui commence par Harran en Turquie, en passant par le Liban, la Syrie et la Palestine, pour arriver aux frontières de Sina en Egypte, et bien sûr, il inclut la Jordanie et d’autres régions. Ce parcours a été exécuté effectivement en Palestine, et s’étend sur 330 km. Des associations ont été fondées en Palestine occupée, elles font le parcours ou « le pélerinage », comme activité touristique générale et commune, en rassemblant des musulmans, des chrétiens et des juifs. Les pratiquants (pélerin ou praticien abrahamique) ne savent pas nécessairement le but de ces activités. Le plus grave est que l’Autorité palestinienne, ou certains de ses responsables, ignorent le but, ainsi qu’une partie de notre peuple.

Par exemple, l’association du « parcours abrahamique » en Cisjordanie et à l’intérieur de la Palestine organise des sorties touristiques, et le ministre du tourisme palestinien a signé des accords avec cette association, ainsi que les municipalités de Bayt Lahem, Ramallah et autres, pour faciliter le passage de ce parcours et de ses participants, les « pélerins », « les familles de la paix », les « touristes » musulmans, chrétiens et juifs, malgré les barrages et le mur de séparation, car « Israël » soutient ce plan et lui facilite la tâche. Car le parcours, selon les planificateurs, confirme le droit « israélien » sur cette terre, et sur le plan pratique, les frontières de l’Israël biblique, du Nil à l’Euphrate, sont à l’intérieur des lignes du « parcours d’Abraham ».

Ils profitent bien évidemment des politiciens et personnalités spirituelles qui les soutiennent pour propager leur plan. L’intérêt est essentiellement porté sur toutes les tendances islamiques qui insistent sur les valeurs humaines communes, comme l’amour et la tolérance, y compris les groupes et les voies soufies. Pourquoi leurs sheikhs sont-ils invités à participer à leurs conférences régionales et internationales, exploitant l’innocence de leur appel moral en apparence ? Quiconque est invité ne réalise pas l’arrière-plan de telles conférences dont le titre est la paix, l’amour et la tolérance. Ce sont des valeurs auxquelles appellent tous ceux qui professent une religion. Le soufisme est un patrimoine spirituel commun à toutes les religions et les écoles spirituelles. Ils parlent d’un « parcours de foi ouvert », dans le sens qu’il est détaché de toute forme de doctrine ou toute forme de loi, car la divergence doctrinaire institue la différence dans la réalité. 

Donc, ce qui rassemble seulement est la croyance en Dieu, qui définit celui qui entre au Paradis et qui administre le ciel, alors que l’humain est le dieu administrateur de la terre. Quand aux lois, elles sont différentes car elles ont été mises par les savants des religions. Tous ceux qui participent à cette nouvelle religion abrahamique unificatrice doivent les mettre de côté. Ce « parcours de la foi ouvert » définit la participation des « praticiens de l’abrahamisme ». Ils propagent les orientations soufies mondiales, qu’elles soient bouddhiques, chrétiennes, juives, musulmanes, ou autres. Selon ce plan, le musulman perdra la fermeté de sa doctrine qui fonde l’identité musulmane particulière. Il n’aura plus la sensibilité religieuse relative à des questions comme l’occupation « israélienne » et l’oppression subie par le peuple palestinien. Car dans cette « religion abrahamique », comme le rôle des Emirats et de ses savants, « la primauté de la paix sur la justice » est prônée.  Il ne faut donc pas s’intéresser aux questions de droit ou des droits historiques et sacrés du peuple de Palestine ou de ceux qui subissent l’oppression, car l’amour et la paix entre les pays et les religions reste la priorité.

Ce projet qui exploite les mouvements soufis commence par le Maghreb pour finir à Karashi. Au Maroc, la 12ème rencontre des mouvements soufis a eu lieu sous le titre « le soufisme et la diplomatie spirituelle » en 2017. Sera exploité tout ce qui soutient ce projet, à l’intérieur de l’héritage soufi, comme par exemple certains vers poétiques du grand sheikh du soufisme, Ibn ‘Arabi… où il parle de la religion de l’amour qui rassemble toutes les religions et les écoles et les croyants, sans tenir compte de l’exégèse soufie islamique de ces vers. Les propagateurs de « la religion abrahamique » exploitent ce genre d’appel qui rassemble le non-croyant avec le porteur du Coran et les Tables de la Bible, sous une seule religion, sous le prétexte de l’amour.

Q. Quel est le rôle des Emirats dans ce plan ?

R. Les EAU est la partie la plus active dans ce projet, et de là vient la gravité de l’accord « israélo »-émirati, ou ce qui s’appelle « l’accord d’Abraham », comme couronnement des efforts des Emirats depuis de longues années. Nous affirmons en toute clarté que le rôle des EAU dans ce projet est un appel à abroger l’islam et à dépasser les doctrines et les lois de l’Islam, tout cela pour consolider les « Fils d’Israël » en Palestine.

Nous allons citer des exemples de ces efforts émiratis et leur participation organique à ce projet. Ils ont fondé le « forum pour consolider la paix dans les sociétés musulmanes », à la tête duquel se trouve sheikh Abdallah Bin Bayyah, l’un des savants de Mauritanie. La philosophie de « ce forum de la paix » présentée par Abdallah bin Bayyah est que « la paix prime la justice ». Quant à l’oppression historique subie par le peuple palestinien, dont la cause est clairement établie, elle  disparaît. 

Considérer que « la paix prime la justice » à ce propos justifie leur relation avec « Israël ». Abdallah Bin Bayyah diffuse le récit de l’alliance d’al-Fudul ou ce qui s’appelle les religions abrahamiques et la tolérance. Le ministre émirati des AE a déclaré, dans son discours aux Nations-Unies, que « la paix mondiale ne peut être réalisée que par la paix entre les religions ». Le Forum pour consolider la paix a lancé une initiative internationale pour construire une alliance entre les religions de la famille « abrahamique » qui dépasse la logique de la discussion religieuse »…

Il ya une autre institution aux EAU, « l’institut de la culture islamique et de la tolérance religieuse », dirigée par Jum’a Ka’bi. Cet institut a organisé au mois de septembre dernier en Espagne une conférence sur le thème « la famille abrahamique, paix et liaison ». Une conférence portant sur « le pacte israélo-émirati à la lumière des pactes prophétiques » a été présentée, et y ont été présents des personnalités parlant au nom des Juifs et des chrétiens. 

Aux EAU, il ya aussi le « haut conseil de la fraternité humaine », qui a tenu sa seconde conférence à la bibliothèque nationale de New York, avec la participation du ministre émirati des AE, Abdallah b. Zayed, où il a annoncé la construction de « la maison de la famille abrahamique » dans l’île Saadiyat à Abu Dhabi. Voici une photo de la construction prévue, qui sera inaugurée en 2022, elle regroupe une mosquée, un temple et une église. A ce propos, cela a été annoncé avant l’accord émirati-israélien. Le rabbin Bruce Lustig, le grand rabbin du complexe hébreu à Washington, a participé à cette rencontre, et ils se sont mis d’accord pour appeller ce document « le document de la fraternité humaine en faveur de la paix mondiale ».

Ce plan, comme je l’ai précisé plus tôt, vise à affronter l’Islam ferme, et introduire une mollesse doctrinaire parmi les fidèles musulmans, de sorte que le musulman ne ressente pas une quelconque anomalie en cas de concessions au Juif ou au chrétien. Avec le but d’affronter l’Islam fondamentaliste et les mouvements de l’éveil islamique, à leur tête les mouvements de la résistance, les EAU ont ouvert plus d’un centre et d’une tribune pour cela. Nous savons aujourd’hui que la doctrine de la politique étrangère des EAU est de traquer les mouvements de l’éveil islamique en tout lieu, et notamment le mouvement des Frères Musulmans. Cette traque ne se déroule pas uniquement par la pensée, mais aussi par l’intervention directe et la militarisation.. Par exemple, le centre « Mesbar » aux Emirats est un centre spécialisé dans l’étude et la déformation des mouvements de l’éveil islamique, il agit aux Emirats et a publié de nombreuses publications.

Quant au but des « praticiens spirituels » consistant à réinterpréter le texte religieux, pour soutenir la paix et l’intérêt d’Israël, et réinterpréter l’histoire musulmane, les EAU ont poursuivi ces buts dans plus d’une direction. Par exemple, ils ont accueilli le penseur Mohammad Shahrour à qui ils ont offert un centre à Abu Dhabi. Mohammad Shahrour traite le texte religieux par une réinterprétation en manipulant toutes les constantes coraniques. 

Les Emirats ont également fondé une association, « croyants sans frontières », qui avait son siège au Maroc avant le désaccord marocain-émirati. « Croyants sans frontières » veut dire sans frontières au niveau de la doctrine et de la loi. L’association présente son objectif en disant « dépasser les partialités et les différences doctrinaires ». Elle a publié une encyclopédie en 5 volumes sur la réinterprétation du texte religieux, ayant pour titre « le Livre et sa lecture », dirigée par le professeur universitaire tunisien Abdel Majid Sharfi. Elle essaie de dire que le Coran qui est entre nos mains n’est pas le seul Coran, et qu’il y a des lectures différentes, nous avons des « Corans » et non un seul Coran, dans une tentative de faire douter du texte coranique présent entre nos mains, comme étant le texte achevé et final. Ce ne fut pas la seule publication, d’autres ont suivi. Cette association ne peut pas renier le Coran de façon directe, elle est entrée par la porte des lectures coraniques, ce qui veut dire les formes de lecture, pour dire que ce Coran entre nos mains n’est pas la lecture achevée. Dans le même cadre, les livres qui parlent de l’historicité de l’exégèse coranique ont pour but de donner la liberté de réinterpéter les concepts tels que le Jihad et autres, pour réaliser leurs objectifs.

Q. Comment peut-on affronter ce projet – plan ?

Je voudrai d’abord signaler une autre institution émiratie qui propage la réinterprétation du texte et de l’histoire, c’est la télévision al-Ghad, qui diffuse du Caire et qui est financée par les Emirats. Elle présente deux programmes, l’un sur la réinterprétation du texte et accueille favorablement tous les laïques sous le titre du renouveau et de la réforme de la religion… et un autre programme sur la relecture de l’histoire…

Quant à affronter ce projet, il commence par le peuple palestinien, et je veux indiquer son importance, en rappelant qu’après la guerre de 2008-2009, plusieurs pays arabes qui avaient ouvert des bureaux de représentation à Tel Aviv, comme la Mauritanie, les Emirats et Qatar, ont fermé ces bureaux. Il faut compter sur le peuple palestinien et sa résistance, une véritable résistance qui affronte l’agression et qui arrête ce projet. La résistance du peuple palestinien est capable de briser tous les complots. J’indique ici la nécessité de dénoncer et d’affronter les associations du « parcours d’Abraham » en Cisjordanie.

 L’Autorité palestinienne, si elle veut affronter le deal du siècle, doit affronter ces activités à l’intérieur de la Palestine. Nous devons mettre en garde notre peuple contre ce qui se trame, à tous les niveaux, car l’Occident et Israël planifient et exécutent, et tous ces projets doivent être affrontés en toute conscience, dans l’attachement à la résistance, à la ligne de la résistance et à la voie de la résistance, en consolidant les valeurs de l’islam, telles que le jihad, l’invitation au bien et l’abandon du mal, la résistance à l’oppression et l’affrontement de l’agression. Ce sont des valeurs fondamentales dans l’islam, et notre attachement à ces valeurs, et l’éducation de nos générations futures sur ces valeurs sont capables de renforcer l’immunité interne pour empêcher l’exécution de ces projets et leur progression.

Publié par Cirepal https://cirepal.blogspot.com/2020/09/les-accords-dabraham-et-le-role-des-eau.html?fbclid=IwAR3tp_v8QcuM7rGDneaGSi4xJ3OM22VZeuVtFgsFQSjwkosEmQD3ezrRNLo

Photo:
Des manifestants palestiniens à Jérusalem occupée portant des photos du chef des EAU avec le mot « traître ». Crédit : Abdalafo Bassam. (source: BDS France)




L’annexion de la Cisjordanie : la poursuite du crime sioniste

Comité Action Palestine, le 27 juin 2020

Annoncée en janvier 2020 dans le
plan américain pour le Moyen-Orient, l’annexion de la Cisjordanie par Israël
doit prendre effet début juillet. Le 24 juin 2020, au Conseil de sécurité de
l’ONU le ministre des Affaires étrangères palestinien, Riad Al-Malki, après
avoir menacé Israël 
d’ « immédiates répercussions », ajoute :
« L’annexion n’est pas seulement illégale. C’est un crime ».

Si cette annexion est un crime, alors la création de l’Etat d’Israël est en soi un crime. Depuis 1948, et l’expropriation à grande échelle des Palestiniens, le crime n’a jamais cessé. Il a même revêtu les habits des « accords de paix » en 1993 à Oslo. Vols de terres, vol de maisons, assassinats ciblés ou de masse, emprisonnement, torture, guerre avec les pays voisins, le crime s’ajoute au crime sans que la fictive communauté internationale ne trouve à s’indigner et agir, sinon hypocritement ; sans que les pays arabes, s’autodétruisant dans des guerres interminables, n’interviennent pour leurs « frères palestiniens », sinon pour leur planter un couteau dans le dos. Même si des Etats et des organisations persistent à croire ou feignent de croire que la solution à « deux Etats », née aux forceps des Accords d’Oslo, est l’option de la « paix », le peuple palestinien n’est pas dupe parce qu’il en paie le prix tous les jours.

Dans ce contexte historique
apparemment favorable, les sionistes avancent et poussent leur pion avec
l’assurance du soutien indéfectible des Etats-Unis. Ils savent pertinemment
qu’au-delà de l’indignation morale occidentale et arabe, rien ne se mettra en
travers de leur route pour coloniser toute la Palestine. Seul le peuple
palestinien lui-même est un obstacle à la réalisation du « rêve »
sioniste raciste d’une terre vidée de toute présence palestinienne. Depuis
2015, la mobilisation populaire à al-Quds, puis les Marches du Retour à Gaza
sont le signe que les Palestiniens sont prêts à se battre jusqu’à la libération
de leur terre.  L’Etat sioniste ne craint
que le peuple palestinien. C’est pour cette raison que les assassinats se
poursuivent quotidiennement. Depuis début 2020, plus de 20 Palestiniens sont
tombés sous les balles de l’occupant sioniste.

Que l’annexion ait lieu ou pas en juillet, le sort des Palestiniens n’en sera pas bouleversé radicalement, Israël étant une menace permanente pour leur vie quotidienne et leur devenir. Le monde a inventé un crime et l’a nommé Israël.




ما من سبيل للحرية غير المقاومة !

انتقل الى رحمة الله زعيم المقاومة الفلسطينية رمضان عبد الله شلح،  ليلة السبت المنصرم في منفاه بأرض لبنان. و دفن  الزعيم  الذي وُلد في غزة بمقبرة  الشهداء المتواجدة في مخيم اليرموك للاجئين الفلسطينيين  بسوريا. ويُعدُّ  الفقيد مؤسّس  حركة الجهاد الإسلامي مع  الدكتور  فتحي الشقاقي الذي اغتيل من قبل الكيان الصهيوني عام 1995 ، كما  أشرف على قيادة منظومة المقاومة الى غاية  عام 2018

ولم يكفّ قادة  حركة الجهاد الإسلامي المتعاقبين  عن مواجهة الاستعمار اليهودي على أرض فلسطين من خلال عزمهم على الاستمرار في مسار مكافحة  الاحتلال. علاوة على ذلك،  ورداً على مشروع التدمير الصهيوني، فقد ركزت الحركة أساساً على هدفها الوحيد الذي يتمثل في تحرير فلسطين بكاملها، فضلا عن الدفاع عن الهوية الفلسطينية وكذا عن الحق في الوجود للوطن الفلسطيني،  مهما كلف ذلك وبشتى الوسائل المتوفرة

ولطالما دعت الحركة إلى الصمود والحزم والوحدة والمقاومة الى أن تنقلب موازين القوى مع العدو. كما تُعزى آخر الانتصارات العسكرية الفلسطينية التي شهدتها غزة الى التنظيم المحكم للحركة التي تُعدُّ واحداً من أهم صُنّاع  المقاومة

وفي اطار مشروعه الاستعماري الذي يعزم على تحقيقه بلا هوادة ، يستعد الكيان الصهيوني الى ضم أجزاء كبيرة من الضفة الغربية بدعم من حليفه الأمريكي المخلص له،  في جوّ تسوده لا مبالاة شاملة. غير أن المحتل الجبان يخشى ثوران انتفاضة ثالثة   ، الأمر الذي أدى به الى مضاعفة أعمال العنف ازاء الفلسطينيين يوميا، من خلال ممارسته السجن والقتل في حقهم

ان هذا التسارع الجديد لعمليات الاستيطان التي يمارسها العدو يُثبت مرة أخرى أن عقود  المفاوضات لم تكن الاّ خطة خداع لربح الوقت. فالمقاومة هي بلا شكّ السبيل الوحيد للتحرّر من قبضة الكيان المحتل

وتكريما ً لجميع قادة المقاومة الذين ضحوا بحيواتهم من أجل تحرير أرض فلسطين ، عشية معركة جديدة لاشك في

أن تعرب عن تعازيها الصادقة للشعب Comité Action Palestine أنها ستكون حاسمة للأمور ، تود جمعية

الفلسطيني جرّاء وفاة القائد الزعيم رمضان شلح، وأن تؤكد دعمها له ومساندته  في كفاحه من أجل تحقيق الاستقلال والحرية




Il n’y a pas d’autre voie que la Résistance !

Comité Action Palestine, le 11 juin 2020

Le leader de la Résistance Palestinienne Ramdhan Abdallah Challah est décédé samedi soir en exil au Liban. Né à Gaza, il a été inhumé dans le cimetière des Martyrs du camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk en Syrie. Fondateur du Mouvement du Jihad islamique avec le Dr Fathi Shiqaqi assassiné par l’entité sioniste en 1995, il a dirigé cette organisation de la Résistance jusqu’en 2018.

Face au colonialisme juif en Palestine, le Mouvement du Jihad islamique et ses leaders successifs n’ont cessé de maintenir le cap de la lutte contre l’occupation. En réponse à l’entreprise de destruction sioniste, leur unique objectif est de libérer la totalité de la Palestine et de défendre l’identité palestinienne et l’existence de la Nation par tous les moyens disponibles. Le Mouvement a prôné la résilience, la fermeté, l’union et la résistance jusqu’au renversement du rapport de forces avec l’ennemi. Parfaitement organisé, il est l’un des artisans majeurs des dernières victoires militaires palestiniennes à Gaza.

En poursuivant sans relâche son
entreprise coloniale, l’entité sioniste s’apprête à annexer des larges parties
de la Cisjordanie avec le soutien de son fidèle allié américain et dans
l’indifférence générale. Cependant l’occupant, très inquiet, redoute une
troisième Intifada et redouble de violence en assassinant et emprisonnant les
Palestiniens au quotidien. Cette nouvelle accélération de la colonisation prouve
encore une fois que les décennies de négociation n’ont été qu’un leurre pour
gagner du temps.

La voie de la Résistance est bien la seule pour conduire à la libération.  En hommage à tous les leaders de la Résistance qui ont donné leur vie pour la Palestine, à la veille d’une nouvelle bataille qui sera sans nul doute décisive, le Comité Action Palestine tient à exprimer ses sincères condoléances au peuple palestinien pour la disparition de Ramdhan Challah, et  lui rappelle son soutien inconditionnel à sa lutte pour l’indépendance.

Photo: Le Centre Palestinien d’Information