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La résistance est la seule voie vers la libération de la Palestine

L’histoire de l’entité coloniale nommée Israël n’a été qu’une longue et sombre histoire de spoliation, de guerres, de massacres, de crimes et d’assassinats. img50a744589a88c[1]
L’Etat d’Israël a été édifié sur un crime de masse, la Nakba ou « grande catastrophe » pour les Palestiniens. 500 villages furent rasés de la carte, les terres expropriées et 800 000 Palestiniens forcés à l’exil. Aujourd’hui, les réfugiés palestiniens, au nombre de 7 millions, attendent toujours l’application de la résolution 194 de l’ONU sur le droit au retour voté en 1948 !
L’assassinat des leaders de la résistance est aussi inscrit au centre de la stratégie sioniste. Il s’agit de mettre à genou le peuple palestinien et le priver de sa capacité organisationnelle et politique de combattre son ennemi. La liste des martyrs est longue depuis Cheikh Izzedine al Qassam (1935). Il faut citer entre autres Abd al-Qadir al-Husseini (1948), Wadi Hadad (1973), Naji al-Ali (1987), Abu Jihad (1988), Fathi al-Shaqaki (1994), Abu Ali Mustafa (2001), Cheikh Ahmed Yassine (2004), Abdel Azziz al-Rantissi (2004), Yasser Arafat (2004), Mahmoud al-Mabdouh (2010) et Ahmed Jaabari, commandant en chef de la branche militaire du Hamas, assassiné mercredi 14 novembre 2012 à Gaza.
Mais la violence extrême employée pour briser la résistance du peuple palestinien est un indicateur de la faiblesse de cette entité qui finira par disparaître sous les coups répétés de la résistance.
Parce que la résistance populaire est toujours plus forte, le transfert massif des Palestiniens n’est plus une option envisageable pour les sionistes. Malgré le déluge de feu qui s’était abattu sur Gaza en décembre 2008 et janvier 2009 faisant plus de 1500 morts et 5000 blessés, Gaza n’est pas tombée et la résistance s’est renforcée. Malgré la tuerie, « Israël » avait été battu car l’armée d’occupation n’avait atteint aucun de ses objectifs stratégiques, en particulier le démantèlement du Hamas. Après la défaite au Liban en juillet 2006, ce fut un nouveau coup très dur pour cette armée « israélienne » qui se prétendait invincible.
La nouvelle agression barbare de l’entité coloniale sur Gaza est en fait la poursuite de la bataille perdue de 2009. Entre temps rien n’est venu redorer le blason de l’armée sioniste de plus en plus raillée en interne. Profitant d’une situation particulièrement instable au Moyen Orient, et alors qu’il n’a pas encore réussi à convaincre les Occidentaux d’attaquer l’Iran, l’Etat d’Israël prend pour cible la résistance palestinienne, estimant sans doute qu’elle est le maillon le plus faible de l’axe de résistance. La rapidité et l’intensité de la riposte palestinienne démontre pourtant qu’elle n’a jamais été aussi forte et organisée.
Même si la traîtrise de la plupart des Etats arabes envers le peuple palestinien est une nouvelle fois vérifiée, les peuples arabes, renforcés par les mouvements populaires dans leurs pays respectifs, expriment toujours plus fort leur rejet du sionisme et leur soutien à la libération de la Palestine.
En Palestine occupée, le peuple Palestinien est toujours debout, uni et résistant depuis plus de soixante ans contre l’infernale machine de guerre coloniale israélienne. Il nous indique la voie à suivre. Nous, membres du CAP, nous sommes à ses côtés sur ce chemin pour réaffirmer que la Palestine est arabe, et soutenir sa lutte jusqu’à la victoire de la résistance et la satisfaction des revendications légitimes :
  • La condamnation du sionisme comme mouvement politique colonialiste et raciste.
  • Le soutien inconditionnel à la résistance du peuple palestinien et à son combat pour son autodétermination et son indépendance nationale.
  • La reconnaissance du droit inaliénable au retour de tous les réfugiés chez eux.
  • La libération de tous les résistants emprisonnés.
Comité Action Palestine



Le calendrier 2013 Palestine Libre est maintenant disponible

La Palestine est le foyer du peuple arabe palestinien ; c’est une partie indivisible du foyer arabe, et le peuple palestinien est une part intégrale de la nation arabe 
(Charte nationale de l’Organisation de Libération de la Palestine).

La Palestine est arabe et la cause palestinienne est une Cause arabe.

Tout concourt à l’affirmer. Seuls le sionisme et ses alliés impérialistes le nient. L’Histoire de la région comme centre politique, civilisationnel et religieux le prouve. En effet, la stratégie occidentale de dépeçage du Moyen Orient depuis plus d’un siècle, ainsi que la continuité de la résistance au colonialisme et à l’impérialisme dans cette région montrent que la Palestine fait partie intégrante du Monde arabe. La solidarité entre les mouvements nationaux, qu’ils soient palestiniens, syriens, irakiens, algériens, libanais ou autres, de même que le rôle des Etats dans leur recherche de leadership et de légitimité viennent aussi le confirmer. Enfin l’engagement quotidien des peuples arabes à côté de leurs frères palestiniens et la pression qu’ils exercent sur leurs gouvernants afin de ne jamais reconnaitre la légalité de l’Etat sioniste est la meilleure preuve que la cause palestinienne est aussi la leur.

Face à la violence du sionisme qui cherche à effacer la Palestine de la carte et à en chasser la population arabe, à celle de l’impérialisme qui tente de briser la Nation arabe pour mieux défendre sa sentinelle coloniale et contrôler économiquement la région, les peuples et les leaders des mouvements de résistance savent depuis toujours que seule l’unité les conduira à la victoire. La libération de la Palestine et la souveraineté arabe au Moyen Orient sont des objectifs liés, tout comme leur réalisation.

Ainsi la Résistance palestinienne est, et demeure, le symbole de la lutte des peuples arabes pour l’émancipation. Issue des couches dépossédées paysannes avant 48 et des camps de réfugiés après la Nakba, cette résistance a représenté un moteur révolutionnaire puissant et un exemple pour l’action populaire, notamment armée, non seulement dans la région, mais aussi dans le monde entier.

Dans le contexte actuel, où l’affaiblissement de l’Occident, et donc de l’Etat sioniste, conduisent à une intensification sans précédent de la guerre impérialiste au Moyen Orient, les soulèvements populaires arabes et la détermination renforcée des Etats de l’axe de la Résistance laissent envisager que les rapports de force peuvent s’inverser et conduire à la victoire.

La Palestine est depuis plus d’un siècle l’enjeu majeur de la région et plus largement celui de l’affrontement séculaire entre le Nord et le Sud. La Cause palestinienne est non seulement une cause arabe et musulmane, c’est aussi et surtout une cause universelle, celle de tous les opprimés à travers le monde, celle de tous «les damnés de la terre ».

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Ce calendrier est entièrement bilingue arabe/français.

Il est constitué d’une partie calendrier qui revient sur des évènements particuliers liés à l’histoire du nationalisme palestinien et d’un cahier composé de 14 textes qui présentent des éléments d’analyse historique et géopolitique pour mieux comprendre la situation actuelle, et illustrent que la Palestine a toujours été arabe et le restera !

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Ce calendrier est entièrement réalisé par le Comité Action Palestine, est vendu au prix de 6 euros. L’argent collecté permet de soutenir les actions de l’association et notamment l’invitation de Palestiniens pour qu’ils présentent eux-mêmes en France leur lutte de libération.

Vous pouvez le commander dès maintenant grâce à ce formulaire . Imprimez-le et renvoyez-le nous accompagné de votre règlement.




Solidarité avec Houria Bouteldja

Bouteldja[1]Le Comité Action Palestine condamne avec la plus grande fermeté la lâche agression de Houria Bouteldja, porte-parole du PIR, par la Ligue de Défense Juive. Le Comité Action Palestine tient à lui exprimer toute sa solidarité, ainsi qu’à toutes les autres personnes agressées, menacées et trainées en justice, parce qu’elles estiment, et le disent tout haut, que le sionisme est un mouvement colonial et raciste.
L’impunité et la liberté d’action dont bénéficie la Ligue de Défense Juive est une preuve supplémentaire que la France apporte un soutien inconditionnel à la politique criminelle d’Israël et ce, en allant jusqu’à bafouer les règles les plus élémentaires du Droit et de la Justice sur son propre territoire national.
Plus que jamais, le Comité Action Palestine reste convaincu que le combat pour la libération de la Palestine se mène aussi en France, pays allié du sionisme.
Comité Action Palestine

 

 




La Turquie a-t-elle changé ?

turquie[1] Introduction :

Depuis une décade, et surtout depuis que l’AKP d’Erdoğan est aux commandes du pays, la Turquie a mené une politique extérieure active et dynamique qui aurait pu nous faire croire à un tournant nouveau. La constitution d’une alliance avec la Syrie et l’Iran semblait promouvoir un ordre régional qui allait s’opposer au projet d’un remodelage de toute la région en un grand Moyen-Orient vassalisé aux États-Unis et à son satellite israélien. Les déclarations turques, pour le moins, sévères à l’encontre de l’État sioniste présageaient une rupture avec son ancien allié israélien. Les divers événements survenus ces derniers temps, avant 2011, laissaient préjuger d’une rupture avec le passé pro-occidental de la Turquie et d’un refus de cette dernière de s’aligner aveuglément sur les positions des puissances impérialistes. Or la réalité des faits nous a montré que la Turquie  n’a pas cessé d’avoir des positions contradictoires qui semblent aujourd’hui  insurmontables. Les dernières positions de la Turquie concernant la Libye et actuellement la Syrie sont en porte-à-faux par rapport à l’image fabriquée d’une nouvelle Turquie néo-tiers-mondiste défendant les intérêts des peuples arabo-musulmans et œuvrant dans le cadre d’une politique de bon voisinage.

Le rôle prépondérant que joue la Turquie, en ce moment même, dans la déstabilisation armée de la Syrie pour le compte du camp impérialo-sioniste, montre qu’elle  a atteint un point de non-retour. Elle ne peut se défaire de son vêtement d’affidé stratégique de l’OTAN taillé spécialement pour elle par les États-Unis. Elle ne peut plus cacher les contradictions de sa politique extérieure dictée par un agenda qui s’oppose en grande partie avec ses propres intérêts nationaux.

En appuyant la rébellion armée et en fournissant une assistance financière, militaire et logistique à l’opposition syrienne, à la demande des États-Unis et avec le concours des pétromonarchies du Golfe, la Turquie, peut-elle croire qu’elle ne subira pas les contrecoups d’un séisme en Syrie ? Pense-t-elle vraiment qu’elle ne va pas être brûlée par les flammes de cet incendie dont le foyer se trouve à ses frontières ? Ses positions souvent hésitantes et contradictoires ne risquent-elles pas de conduire la Turquie au pire ? Par ailleurs, nous pouvons nous interroger sur la nouvelle place qu’occupe la Turquie dans la stratégie étatsunienne au Moyen-Orient  et sur la réelle indépendance de sa politique étrangère ? La Turquie d’Erdoğan a-t-elle les moyens de jouer un autre rôle que celui qui lui est décerné depuis la guerre froide par les États-Unis ?

Il existe deux pistes de réflexion qui nous permettent de mieux cerner la politique du gouvernement turc depuis une décennie : l’une endogène et l’autre exogène.  L’analyse de la politique turque se fera à la lumière de ces deux axes.

La politique intérieure turque

I. La base sociales de l’AKP

La base électorale de l’AKP est hétérogène : elle recouvre l’ensemble de l’échiquier politique turc et traverse les différentes classes sociales. L’AKP bénéficie d’un véritable soutien des classes populaires issues principalement de la paysannerie anatolienne, la région de l’actuel premier ministre Recep Tayyip Erdoğan : depuis que l’AKP est au pouvoir la Turquie s’est transformée, les populations rurales migrent en masse vers les villes.

Ces nouveaux migrants constituent une nouvelle classe conservatrice et orientale qui remplace l’ancienne classe moyenne composée de petits fonctionnaires laïques, kémalistes et pro-occidentaux. L’AKP a su également s’entourer d’une bourgeoisie nationale « islamique » constituée d’une nouvelle génération d’hommes d’affaires, d’industriels, d’entrepreneurs dans divers domaines tels que le textile, l’automobile, l’agro-alimentaire, l’armement, le bâtiment, l’industrie des biens intermédiaires (ciment, verre, engrais…), le secteur des services… qui s’opposent aux grands acteurs économiques et aux  grandes familles bourgeoises traditionnels adossés aux militaires et aux partis kémalistes.

La force de l’AKP est due à deux facteurs essentiels : le premier est économique et le second est politique. La lutte contre Le chômage, le creusement des inégalités sociales, la corruption, les atteintes aux libertés et les dérives autoritaires des partis kémalistes vassaux des militaires furent les thèmes centraux des campagnes électorales successives menées par l’AKP. Les transformations du paysage politique turc doivent être cherchées dans les transformations sociales et économiques que connaît le pays actuellement.

I.1  L’essor économique et le changement politique

Le vote d’un large segment de la population pour la reconduction de l’AKP au pouvoir depuis 2002 est dû à des indicateurs de développement économique qui font rêver de nombreux pays pris dans l’engrenage de la faillite du capitalisme occidental : lors des élections législatives du 11 juin 2011, près d’un Turc sur deux a voté pour le parti de Recep Tayyip Erdoğan (49,9%).

Depuis son arrivée au pouvoir, le PIB a presque quadruplé, passant de 231 milliards de dollars en 2002 à 956 milliards de dollars à fin 2011. D’ici à 2015, il avoisinerait les 1 250 milliards de dollars. Par habitant, il est passé de 3 500 dollars à plus de 15 000 dollars en termes de parité de pouvoir d’achat. Le taux de croissance en 2010 a été de 8,9 % et se situe entre 9 et 10 % à la fin 2011. Au niveau économique, la Turquie est au 17e rang mondial. Et au niveau européen, c’est la 6e  puissance économique. La croissance de la Turquie a même devancé celle de la Chine en enregistrant 11% de croissance au premier semestre 2011. Avec cette courbe de croissance l’OCDE estime que la Turquie fait partie des grands pays émergents. Le taux de chômage est désormais inférieur à celui de nombreux pays de l’UE dont la France, en passant au-dessous du seuil de 9% en mai 2011 contre 11,9% en 2010.

Ses exportations vers le monde entier enregistrent un record historique avec une  augmentation de 18,2% au cours de cette année. La nouvelle classe d’entrepreneurs ne se focalise plus uniquement sur le marché européen devenu atone mais se tourne vers les pays limitrophes du Moyen-Orient, le Maghreb, l’Asie et de plus en plus vers l’Afrique qui devient le terrain de prédilection des investisseurs issus d’un nouveau secteur privé : le volume des échanges commerciaux entre la Turquie et l’Afrique aurait atteint près de 20 milliards de dollars en 2009, soit plus du triple de son niveau de 2003. Les exportations vers ce continent  (10,2 milliards de dollars en 2009) représenteraient plus de 10 % des exportations totales réalisées par la Turquie. Les produits turcs, de 20 à 30 % moins coûteux que les produits européens, concurrencent le « made in China » : les prix sont non seulement concurrentiels mais de meilleur qualité.

Originaires des centres industriels traditionnels de nombreuses villes de l’Anatolie telles que Konya, Kayseri ou Gaziantep, les tigres anatoliens qui n’étaient que des PME il y a vingt ans comptent aujourd’hui parmi les plus grandes firmes. Ce sont des sociétés très agressives et compétitives à l’export qui intensifient leurs relations économiques surtout au Proche-Orient. En ouvrant de nouveaux marchés d’exportation et en diversifiant les partenaires économiques les tigres anatoliens ont  réduit  leur dépendance par rapport à l’Europe contrairement à l’élite de la Tüsiad (le MEDEF turc), qui reste attachée à ses relations commerciales avec les pays occidentaux et néglige son environnement proche, l’Asie et l’Afrique. Ceci témoigne de la diffusion de l’industrialisation à l’ensemble du pays : l’industrialisation n’est plus uniquement concentrée dans la Turquie occidentale comme c’était le cas auparavant.

Erdoğan a su à la fois s’appuyer sur ces entrepreneurs anatoliens et en faire des « tigres », supplanter l’ancienne oligarchie bourgeoise compradore, assimilée à l’Occident et adossée aux militaires, et s’entourer aussi de nouvelles classes moyennes et populaires qui sont en rupture avec ces anciennes classes kémalistes vieillissantes et anémiques. Le succès de l’AKP marque l’irruption d’une frange plus populaire de la société turque tant au niveau économique que politique.

Le soutien des classes populaires à l’AKP, malgré sa politique économique libérale, s’explique par le fait que le gouvernement arrive à mener une politique de redistribution des revenus du fait même du dynamisme économique. Le soutien donné par les nouvelles classes moyennes et bourgeoises au gouvernement d’Erdoğan est dû à leur essor depuis l’arrivée de l’AKP au pouvoir : ils se renforcent et se maintiennent mutuellement car le succès des uns dépend de la réussite des autres. L’AKP a construit ainsi son réseau de mécènes qui le consolident.

I.2 Vers la primauté des civiles sur les militaires

L’autre facteur important est le dossier épineux de démilitarisation  de la société turque. Depuis l’avènement de la république turque au début du XXe, le pouvoir politique constituait une oligarchie déséquilibrée : d’un côté un gouvernement faible et de l’autre l’armée toute puissante. Il était impossible d’arriver au pouvoir politique sans l’aide de l’armée et de gouverner sans son appui. L’armée  représentait un conglomérat industriel et financier gigantesque. Elle était un État dans l’État : on l’appelait l’État profond.

Depuis que l’AKP est à la tête de l’État, le pouvoir de l’armée est en net recul  malgré une influence sur la vie politique, économique et sociale toujours persistante. La défaite d’une vieille garde de généraux qui se considéraient comme les propriétaires exclusifs de l’État ne fait plus aucun doute. De nombreux faits le prouvent :  10% de ses généraux sont englués dans des procès pour complots (Ergenekon, Balyoz…) ou écroués par la justice, la démission collective de l’état-major fin juillet 2011, les révélations sur les insuffisances et l’incurie de l’armée dans plusieurs dossiers sensibles (notamment concernant le PKK), la présidence historique d’Erdoğan au Conseil militaire suprême (le YAŞ) en août 2011 en l’absence du chef d’état-major, et des généraux qui commandent l’armée de terre, la marine et l’aviation. Cela ne s’était jamais produit auparavant…

Même si l’armée, qui  possède encore des ressources financières colossales et reste un monde occulte et clos, n’a pas encore dit son dernier mot, elle n’en est pas moins très affaiblie. Elle poursuit son déclin : en recul et limitée dans son rôle politique, l’armée n’a plus les moyens institutionnels de renverser  des gouvernements ou de les menacer, comme c’était encore le cas en 2007 et en 2008.

Toutes les réformes de ces dernières années ont été conçues dans le but de retirer le contrôle politique à l’armée, ce qui tend à marginaliser l’ancienne bourgeoisie qui lui était affiliée, et ouvre des possibilités à une nouvelle bourgeoisie libérale islamique orientée vers les marchés du Sud et de l’Orient.

L’armée, la police et les administrations publiques sont désormais sous l’autorité d’un gouvernement civil représentant le peuple : en effet, l’AKP est un véritable parti de masse qui ne compte pas moins de 5 millions d’adhérents issus principalement de l’Est de l’Anatolie, région longtemps délaissée par le régime militaire.

Ces clés socio-économiques et politiques permettent de comprendre les réactions internes vis-à-vis de la politique d’Erdoğan, notamment la politique extérieure de son gouvernement au sujet des « révoltes » arabes, notamment en Libye et en Syrie.

II. Les effets de la politique étrangère sur la scène politique interne

Le positionnement de la Turquie vis-à-vis de la Libye de Kadhafi et de la Syrie provoque sur la scène politique intérieure une vive réaction de la part des formations politiques de l’opposition (CHP-parti républicain du peuple membre de l’Internationale socialiste, Saadat parti islamique…) nourrissant un sentiment profondément anti-occidental et farouchement opposée à l’entité sioniste. Une partie de l’électorat d’Erdoğan critique la politique menée en son nom et l’alignement systématique sur l’Occident.

De plus, le peuple turc n’admet pas l’inaction de son gouvernement face à l’acte de piraterie mené en mai 2010 par l’entité sioniste contre la flottille humanitaire destinée à briser le blocus contre Gaza. Jusqu’à maintenant les Turcs attendent, plus d’un an après les faits, les excuses d’Israël pour l’attaque qui avait fait plus de neuf tués, tous Turcs.

L’opposition à l’AKP  (CHP, MHP, Saadat, partis de gauche, les arabes et  les Alaouites turcs…) a condamné vigoureusement la manière dont le gouvernement turc actuel traite avec son voisin syrien : elle reproche à Erdoğan de s’ingérer dans les affaires intérieures syriennes, de saboter les excellentes relations diplomatiques tissées avec leur voisin syrien depuis une décennie, de détruire les échanges commerciaux et économiques entre les deux pays et de servir, in fine, les intérêts américano-sionistes au détriment des intérêts turcs : le président du Parti de la Félicité, Mustafa Kamalak, a affirmé qu’Erdoğan était manipulé, dans le dossier syrien, par les Américains qui cherchent à réaliser leurs desseins dans la région au détriment de l’intérêt national turc. Il a expressément dénoncé la mise en œuvre du plan américain contre la Syrie par le gouvernement d’Ankara. Le vice-président du Parti républicain du Peuple (CHP), le député Farouk Logoglu a réaffirmé que la Turquie devait suivre une politique indépendante à l’égard de la Syrie, « un pays voisin ». Il a notamment critiqué l’éventualité d’une « zone sécuritaire » que les Occidentaux imposeraient en Syrie, ce qui ne peut que déboucher sur une guerre. Le secrétaire général du Parti des Travailleurs turcs (extrême-gauche), Osman Yelmaz a fustigé, à la télévision syrienne, l’appui du gouvernement Erdoğan aux groupes armés sévissant en Syrie.

Cette même opposition a également critiqué le gouvernement d’Erdoğan pour l’établissement d’un bouclier antimissile de l’OTAN sur le territoire turc, considérant que ce bouclier ne sert que l’intérêt d’Israël et qu’il ne contribue pas à la protection de la sécurité nationale de la Turquie : environ 5 000 personnes ont manifesté dans une localité du sud-est de la Turquie dans la province de Malatya.

En effet, l’installation de ce bouclier qu’il vaut mieux nommer « bouclier israélien » permettra au régime sioniste de contrôler l’espace aérien de la Turquie en prévision d’une attaque contre le République Islamique d’Iran.

Avec ses prises de position totalement en contradiction avec la politique du « zéro conflit et du bon voisinage » théorisée par le ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoğlu, l’AKP joue son avenir politique et risque de disparaitre aussi vite qu’il est apparu en 2002. La méfiance est de plus en plus grande, tant à l’intérieur du pays que dans le monde arabe, face aux ambiguïtés de la politique turque. Le gouvernement turc ne peut plus continuer à faire croire à l’indépendance de sa politique extérieure vis-à-vis de la politique expansionniste et coloniale du régime sioniste et de l’impérialisme euro-étatsunien au Moyen-Orient. Les États-Unis dictent la politique turque : lors de la récente rencontre entre Obama et Erdoğan, en septembre 2011 à New-York, Obama a fait clairement comprendre que la Turquie devrait intervenir en Syrie, que c’était son rôle et qu’elle ne pouvait pas échapper au conflit.

Pour terminer signalons que l’opposition kémaliste est opportuniste, elle cherche d’une part à satisfaire ses propres intérêts de classe dominante à l’intérieur du pays et d’autre part à prouver aux États-Unis et à leurs alliés européens et israéliens qu’ils sont les mieux placés pour servir leurs intérêts impérialistes dans une région convoitée : Kemal Kiliçdaroglu le chef de file de l’opposition turque (CHP), déclare « Nous voulons faire nôtre la civilisation moderne, faire nôtres la liberté et la démocratie en conformité avec les normes occidentales. » [http://www.20minutes.fr, le 27.05.11]Il y a donc une concurrence entre l’opposition kémaliste affiliée à l’armée et le gouvernement de l’AKP pour mettre la Turquie au service des intérêts impérialo-sionistes.

III.      L’alliance historique avec le camp occidental

L’incohérence apparente de la diplomatie turque ne peut se comprendre que par la continuité même de sa politique d’allié organique des États-Unis, d’Israël et par sa volonté désespérée de rentrer dans l’Union Européenne. La candidature de la Turquie est très problématique pour l’UE à double titre. D’une part la Turquie est un pays fort de 75 millions d’habitants, en plein essor économique qui menace les intérêts des pays européens les plus développés. D’autre part l’islamité de la Turquie empêche son  intégration au sein d’une Europe qui revendique de plus en plus fortement ses racines « judéo-chrétiennes » et affiche son islamophobie systémique.

Si on a pu croire à un changement de politique turque notamment après son refus du transit terrestre des troupes américaines sur son territoire en  2003 pour attaquer l’Irak, sa prise de position frontale vis-à-vis d’Israël à la suite de la guerre de Gaza en 2009 et l’envoi en 2010 d’une flottille pour briser le blocus, et après le rapprochement avec les mouvements de résistance palestinien ( le Hamas) et libanais (le Hizbaollah), et si donc on a imaginé un tournant dans la politique turque quant à ses relations avec l’État sioniste et les États-Unis, il en n’est évidemment rien: la Turquie reste un allié stratégique de l’OTAN et d’Israël.

C’est dans le contexte de la guerre froide que la Turquie fut admise à l’OTAN en 1952, pour participer à la guerre de Corée. Les États-Unis et les membres européens de l’OTAN avaient besoin de renforcer leur « flanc sud » contre la poussée soviétique : la Turquie joua ce rôle. Plus récemment, les États-Unis se sont érigés en avocats tenaces  de la candidature turque à l’Union Européenne et ont fait pression pour qu’elle ouvre les négociations d’adhésion. L’enjeu est de taille : l’utilisation de la base militaire américaine d’Incirlik située sur le sol turc et de l’espace aérien turc est indispensable à la guerre en Irak et en Afghanistan. Demain ils seront cruciaux à la guerre probable en Syrie et en Iran.

Dès l’origine, l’alliance avec la Turquie est purement sécuritaire : elle a alors une fonction centrale dans le système de défense à l’époque de la guerre froide. Elle est la sentinelle de l’Occident à sa frontière orientale. Il n’en pouvait être autrement vu la position géostratégique de la Turquie : le pays est au carrefour de deux continents et de plusieurs zones d’influence historique – russe, iranienne, etc. Le Bosphore et les Dardanelles sont des verrous. Les principales routes énergétiques désenclavant les ressources de la mer Caspienne et du Moyen-Orient passent par le territoire turc et les sources du Tigre et de l’Euphrate se situent également en Turquie, ce qui en fait le château d’eau du Moyen-Orient.

Après la guerre froide, les États-Unis vont repenser leur stratégie au Moyen-Orient dont la pièce maîtresse est bien entendu l’entité sioniste. La Turquie verra alors son rôle changer. Elle deviendra, lorsque les militaires tenaient les rênes du pouvoir, le rempart contre l’Islam politique.

L’alliance turco-israélienne remonte à la création de l’État d’Israël: en 1949 la Turquie reconnait l’entité sioniste. Cette reconnaissance va conduire à un éloignement de la Turquie avec ses voisins arabes et aboutir à une intense collaboration bilatérale notamment pour contrer le Panarabisme de Nasser. Ainsi, en 1958, la Turquie, l’Iran et Israël signeront un accord secret pour endiguer le nationalisme égyptien.

Fin 1991 : la Turquie élève sa représentation en Israël au rang d’ambassade alors que les échanges commerciaux entre les deux pays n’ont cessé de croître. Avril 1996 : les deux partenaires reconnaissent avoir conclu un accord autorisant chacune des deux parties à utiliser l’espace aérien de l’autre. La relation entre la Turquie et l’entité indésirable est un véritable partenariat stratégique : avec des convergences de fond en particulier leur alignement proaméricain, et une volonté d’établir à tout prix un nouvel ordre dans la région qui garantisse les intérêts convergents des uns et des autres, de stabiliser celle-ci  en imposant leur suprématie et de dissuader les pays voisins, notamment l’Iran, quant à leurs ambitions. Jusqu’à maintenant, cette collaboration continue malgré une ambiance plutôt morose à cause du soutien d’Israël aux kurdes d’Irak (les sionistes fournissaient les kurdes irakiens en équipements militaires afin de les encourager à la formation d’un Kurdistan indépendant qui deviendrait un véritable allié totalement dévoué) et des différents événements survenus depuis 2008 (Gaza, flottille…). Les transactions commerciales militaires s’élevant à 183 M$ concernant les drones israéliens de type Héron continuent toujours, et ce malgré le refroidissement diplomatique entre les deux partenaires, Ankara ayant expulsé les diplomates israéliens à l’exception de l’attaché militaire : si la coopération militaire est suspendue sur le plan des manœuvres, elle ne le sera pas sur le plan de l’armement.

Depuis 2002 avec l’arrivée de l’AKP à la tête de l’État, le rôle de la Turquie évoluera de nouveau : il s’agit maintenant de faire de la Turquie le porte-parole du monde arabo-musulman, le modèle qui a réussi à allier Islam et laïcité, à réconcilier Occident et Orient… Il est le modèle qui va être proposé aux peuples arabes en plein soulèvement contre leurs dictateurs. Mais pourquoi les pays arabes permettraient-ils à la Turquie de créer un néo-ottomanisme dans la région ?

IV. Au service de la nouvelle stratégie impérialiste

L’islam-démocrate-laïque-libéral de l’AKP est bien sûr très arrangeant : il est américanophile, europhile et israélophile. Le Mavi Marmara oublié, la Colère de Davos éteinte, Gaza c’est du passé, tout n’était que de la poudre aux yeux. Et surtout le pays d’Erdoğan sert de vitrine à l’Occident pour écouler sa doctrine capitaliste de plus en plus contestée, et à faire rentrer le monde arabo-musulman dans la mondialisation impérialiste. C’est pourquoi la croissance économique de la Turquie est tant vantée afin de mieux vendre ce modèle et l’exporter vers les pays arabes, le but étant de mettre en place des pouvoirs, semblables à l’AKP, favorables au camp occidentalo-sioniste.

En s’appuyant sur une élite anglophone, l’AKP, sous influence américaine, tente  d’estomper et de diluer l’antiaméricanisme et l’antisionisme qui règnent dans la quasi-majorité des peuples turco-arabo-musulmans.

En somme le modèle turc de l’AKP est un produit marketing exportable promu par l’extérieur. La mise en scène de la tournée d’Erdoğan dans les pays arabes en septembre 2011 le montre. La Turquie devient l’agora de la démocratie et l’inspiratrice du printemps arabe pour certains : le PJD marocain, En-Nahda tunisien, les Frères Musulmans égyptiens….

Au travers de la Turquie, l’impérialisme occidentalo-sioniste en putréfaction a essayé, dans un dernier soubresaut, de se redonner une nouvelle vie : après l’échec du hard-power, la nouvelle stratégie américano-sioniste de domination consiste à instrumentaliser les « sulfureux » Frères Musulmans proches de l’AKP et leurs avatars, qui possèdent une forte influence populaire, afin de soumettre les peuples à la dictature des oligarchies financières impérialistes dont  la seule obsession est l’augmentation des profits.

La Turquie s’est incarnée dans le cheval de Troie : elle a passé un accord avec les États-Unis pour mettre  à la tête des pays arabes des « islamistes » portant les couleurs de l’américanisme, assurant ainsi la charge de protéger l’État sioniste en crise après ses échecs successifs face aux mouvements de résistance au Sud Liban et à Gaza. Mais cette stratégie doit également compenser la défaite des guerres menées dans la région, notamment en Irak et en Afghanistan, qui ont vidé les caisses de l’État américain (le coût de ces guerres s’élève à plus 1 286 milliards de dollars) et où les troupes américaines ont enregistré de lourdes pertes.

L’AKP est une pièce maîtresse de la stratégie US-sioniste qui travaille avec zèle à la déstabilisation de toute la région. La Syrie n’est que la première étape. Le Liban et l’Iran sont les prochaines cibles. L’objectif poursuivi est de porter un coup fatal à la cause palestinienne et de consolider l’impérialisme occidentalo-sioniste dans une région hautement stratégique : en effet le Moyen-Orient est le pivot géoéconomique du monde. L’État qui contrôlerait cette zone contrôlerait la planète dans son ensemble.

Dans ce cadre, la Turquie d’Erdoğan rêve donc d’en découdre avec la Syrie et d’installer un pouvoir qui ressemblerait à celui des pétromonarchies pusillanimes du Golfe, prêts à signer la paix avec l’État sioniste, afin de recevoir les quelques miettes d’influences politiques et économiques dans la région que les impérialistes voudront bien lui laisser.

Conclusion

Depuis la fin de la guerre froide avec l’effondrement du mur de Berlin et la disparition du bloc soviétique, la Turquie semblait pouvoir rompre avec son rôle de puissance régionale d’appui qui rendait des services intermittents aux États-Unis et prendre son indépendance vis-à-vis de sa puissance tutélaire. La Turquie a effectivement les moyens  de prendre son envol et d’être une grande puissance centrale dans la région, capable de jouer un rôle déterminant au niveau international en mettant à profit ses multiples ressources au service des opprimés de la Terre et à combattre les impérialismes qui asservissent les peuples. Pourtant, au lieu de se tourner résolument vers le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique du Sud la Turquie a fait son choix : celui de l’OTAN, des États-Unis, de l’Union Européenne et d’Israël. Or les États-Unis et ses comparses ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Malgré les pillages des ressources planétaires, l’empire est agonisant. Les États-Unis ainsi que les pays européens connaissent une crise économique endémique avec des dettes publiques en croissance exponentielle qui atteignent des sommes astronomiques. La Turquie n’a pas choisi le bon cheval en misant sur des puissances en dépérissement, elle tombera avec elles.

Comité Action Palestine

 




Jean Bricmont, « Résister au sionisme : défendre la liberté d’expression »

A l’occasion des conférences concernant la résistance au sionisme , le Comité Action Palestine a invité le physicien belge Jean Bricmont lors d’une conférence intitulée: « Résister au sionisme : défendre la liberté d’expression ».
Très attaché à la liberté d’expression, Jean Bricmont a donc été invité à se prononcer sur l’antisionisme, le chantage à l’antisémitisme, le rôle du CRIF et le lien entre les médias et le sionisme.

 




OMAR MAZRI : Révolutions arabes et Journée de la terre

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Suite à son intervention dans le cadre de la conférence organisée par le Comité Action Palestine le 29 mars 2012 sur le thème « Révolutions et contre-révolution dans le monde arabe », Omar Mazri a rédigé un ouvragesynthétique qu’il nous a communiqué et que nous décidons de publier. Il y développe les axes de réflexion qu’il n’avait pas forcément eu le temps de traiter dans leur intégralité au moment de la conférence faute de temps et étant donnée l’ampleur du sujet abordé.

Cet ouvrage est une réflexion sur le déroulement actuel des évènements dans le monde arabe, sur la nature, les causes et les limites des mouvements révolutionnaires ainsi que les formes prises par la contre-révolution emmenée par certaines formations politiques internes, les Etats occidentaux et les Etats du Golfe. Omar Mazri dresse un bilan exhaustif des processus révolutionnaires en cours, de leur potentialité mais aussi des opportunités ratées et de leurs errements. Les facteurs politiques et idéologiques des blocages sont analysés avec précision. On y voit par exemple comment en Tunisie ou en Egypte les mouvements révolutionnaires se sont engouffrés dans une impasse en raison de facteurs externes liés à l’interventionnisme des Etats impérialistes et des Etats vassaux du Golfe mais aussi à cause des trahisons, de l’immaturité ou de l’incurie des organisations politiques et des intellectuels arabes. Ainsi les soulèvements n’ont pas su se doter d’un cadre idéologique pertinent, naviguant dans l’opposition stérile « islamiste/non islamiste » au lieu de placer le curseur sur les vrais enjeux à savoir la constitution d’un front anti-impérialiste, la mise en place d’alternatives économiques au capitalisme, l’institution de la justice sociale et de la souveraineté populaire, le soutien indéfectible à la cause palestinienne.

De même les cas libyen et le cas syrien sont analysés avec lucidité, Omar Mazri montrant que les interventions et les manipulations de l’Occident et des Etats du Golfe, loin de vouloir chasser des dictatures, ont pour objectif de mettre un terme à la contestation et à la résistance des peuples arabes. Dans le cas libyen, l’offensive militaire et la constitution d’un pouvoir pro-occidental avait pour objectif de contrer les phénomènes révolutionnaires en Egypte ou en Tunisie, voire de déstabiliser les Etas de la région pour les amener dans le giron impérialiste. Dans le cas de la Syrie, il s’agit de casser l’axe de résistance à Israël constitué de la Syrie elle-même, de l’Iran, du Liban Sud et de Gaza. Là encore, les intellectuels et organisations politiques qui ont apporté leur soutien ou cautionné ces manœuvres de déstabilisation du monde arabe ont manqué de clairvoyance lorsqu’ils ne sont pas tombés dans la pente infernale de la trahison.

Le Comité Action Palestine vous invite donc à lire avec intérêt ce texte riche en enseignements, lucide et clairvoyant sur les ressorts et les limites des luttes actuelles dans le monde arabe.

Omar Mazri est ingénieur polytechnicien algérien en technologie de pointe. Il a été économiste spécialisé en planification industrielle et transfert de technologie. Il travailla également comme logisticien pour les états-majors de l’armée de terre. Il a consacré sa vie professionnelle au transfert technologique, à l’administration publique et à la gestion d’entreprises en Algérie. Il a travaillé ensuite près de 12 ans dans les quartiers Nord de Marseille comme formateur en mathématiques et en physique-chimie dans la filière électrotechnique. Penseur de l’Islam politique en Algérie, il a été conseiller stratégique et géopolitique de Abdelkader Hachani, leader du Front islamique du Salut.

Il anime actuellement une réflexion sur la globalité d’approche civilisationnelle de l’Islam dans ses aspects de théologie de libération, de mystique et de Praxis socio-politique.

Il est l’auteur de plus de 120 articles sur l’Islam, l’Algérie, la communauté musulmane de France, le sionisme et les révolutions arabes. Récemment, il a publié plusieurs ouvrages dont : « Le dilemme arabe et les 10 commandements US » (2012), « Islamophobia : Deus ex Machina » (2011), « Les « Révolutions arabes » : Mystique ou mystification?» (2011), « Gaza : La bataille du Forqane » (2010), « La République et le Voile : Symboles et inversions » (2010) tous aux éditions « Editions et Conseils ».

COMITE ACTION PALESTINE




La Journée de la Terre : symbole de résistance au sionisme

img4f6c327324f6c[1]C’est pourquoi la Journée de la Terre est hautement symbolique : elle exprime à la fois la résistance au sionisme et le refus de l’usurpation de la terre qui est l’essence-même de la colonisation juive de la Palestine.

Depuis plus d’un siècle, l’entité sioniste bénéficie du soutien inconditionnel des puissances impérialistes occidentales qui la considèrent comme leur chien de garde au Proche et au Moyen-Orient. Dès le départ, l’objectif de la politique impérialiste est de s’emparer des ressources naturelles de la région et de conquérir de nouveaux marchés. Aujourd’hui, cet objectif est poursuivi avec un cynisme d’autant plus grand que les Etats occidentaux se trouvent au bord de l’effondrement économique. Pour ne citer qu’un exemple, Alain Juppé n’a-t-il pas déclaré en août dernier que l’intervention en Libye était « un investissement pour l’avenir ? »

Maintenir sous le joug toute la région, la fragmenter selon des frontières voulues par lui, en détruire les identités et l’histoire, la soumettre à ses cadres politiques et idéologiques : voilà ce que l’impérialisme prétend imposer aux peuples du Proche et du Moyen-Orient. Et dans le contexte des mouvements populaires dans le Monde arabe, ses réactions obéissent au même impératif : empêcher la généralisation d’un mouvement de masse d’émancipation et de résistance au sionisme. Aujourd’hui, les alliances sont évidentes. L’Arabie Saoudite et le Qatar se positionnent clairement dans le camp impérialiste en réalisant sa stratégie de contre-révolution. Hier en Libye, aujourd’hui en Syrie, demain en Iran : l’Occident et ses alliés tentent de poursuivre leur vieille entreprise de démantèlement de toute la région.

Mais la supériorité technologique et militaire ne peut venir à bout de la légitime soif de liberté et de justice qui fait se lever les damnés de la terre. Le monde arabe vit un moment de rupture historique. Le processus révolutionnaire en cours dans les pays arabes nous le montre, même s’il est encore loin d’être achevé. Il est clair qu’il s’agit d’en finir avec les régimes politiques assujettis à l’impérialisme, qui ont entravé le développement économique, social et politique de leurs peuples, et qui collaborent avec l’entité sioniste. Les peuples égyptien et tunisien ont décapité les dictatures pro-sionistes de Ben Ali et de Moubarak. En Libye, en dépit du coup d’Etat qui a conduit à la mise à mort sauvage de Kadhafi par les vassaux de l’impérialisme et à l’installation au pouvoir d’un CNT aux ordres, rien n’est acquis ; en Syrie, où le pouvoir en place dispose d’une armée plus forte qu’en Libye ainsi que du soutien de la Chine, de la Russie et de l’Iran, la contre-révolution a été mise en déroute. En Palestine, la collaboration active de l’Autorité palestinienne avec l’entité sioniste ne vient pas à bout de la ténacité de la résistance qui refuse toujours de reconnaître la légitimité de son agresseur et d’accepter la judaïsation de sa terre. Malgré la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, à Jérusalem, des déportations des bergers du Naqab, et la situation socio-économique désastreuse à Gaza, le peuple palestinien dans son ensemble continue à lutter contre la colonisation et à revendiquer ses droits. Et tout particulièrement le droit au retour, dont l’application signifierait la fin du système colonial sioniste.

Par conséquent, en dépit des efforts de l’impérialisme pour saboter le processus révolutionnaire en cours, de grandes victoires ont été acquises et rien ne sera jamais plus comme avant. Les peuples savent désormais que leur volonté et leur détermination peuvent renverser les dictatures et changer la face du monde. Comme les peuples arabes retrouveront la liberté que l’impérialisme leur a depuis trop longtemps confisquée, le peuple palestinien récupèrera la terre qui est la sienne, et le sionisme sera balayé par le vent de l’histoire.

La lutte contre le sionisme et l’impérialisme apparaît désormais comme une nécessité historique.

C’est bien ce qui fait trembler les Etats occidentaux. Ceux-ci se trouvent mis en échec par la résistance anti-impérialiste dans leurs tentatives de retrouver une puissance au moins égale à celle des empires coloniaux d’autrefois. Leur seule politique est la violence guerrière et son cortège de crimes pour contrôler les ressources économiques stratégiques. Du coup les masques tombent et la légitimation de cette violence retrouve le visage ouvertement raciste de l’époque coloniale.

En France, l’islamophobie tient lieu de fil conducteur aux discours d’une classe politique idéologiquement vide. Et celle-ci multiplie les clichés racistes les plus éculés. Ainsi, lorsque le ministre de l’Intérieur français énonce que « toutes les civilisations ne se valent pas », ne reprend-il pas de façon pathétique le vieil argument colonial de ceux qui prétendaient « civiliser les sauvages » ? Et que cherche-t-il à justifier, sinon l’oppression des musulmans qui représentent, en France et dans le monde arabe, le plus fort potentiel de résistance au sionisme et à l’impérialisme ? C’est pourquoi on ne peut délier le racisme islamophobe des intérêts sionistes, comme on ne peut délier les intérêts sionistes de ceux des Etats occidentaux.

Ainsi l’Etat français, qui participe largement à l’entreprise impérialiste et collabore activement avec l’Etat d’Israël, contribue sans scrupule aux campagnes d’accusation d’antisémitisme, d’injonction en justice et de censure envers tous ceux qui remettent en question l’entité sioniste. Dernier exemple en date, le Président de l’Université de Paris 8, qui, sous la pression du CRIF, a récemment fait interdire un colloque portant sur le sujet « Israël, Etat d’apartheid ».

Et pourvu que la chasse aux sorcières soit efficace, qu’importe la contradiction ?…. Quand il s’agit d’Israël, le droit à la liberté d’expression est violé, alors qu’il ne manque pas, en d’autres circonstances, notamment quand il s’agit d’Islam et des musulmans, d’être clamé à cors et à cris par toute l’intelligentsia et la classe politique…

Il est donc plus que jamais impératif de se mobiliser pour dénoncer cette collaboration de criminels que représentent la classe politique française et l’Etat sioniste.

Vive la lutte du peuple palestinien !
Vive la lutte des peuples arabes!
A bas le sionisme !
Comité Action Palestine



Jean Bricmont : défendre la liberté d’expression

393735259_640[1]A l’occasion des conférences concernant la résistance au sionisme qui auront lieu les 23 et 29 mars prochains, le Comité Action Palestine a posé quelques questions au premier des deux intervenants, le physicien belge Jean Bricmont. Très attaché à la liberté d’expression, il a donc été invité à se prononcer sur l’antisionisme, le chantage à l’antisémitisme, le rôle du CRIF et le lien entre les médias et le sionisme. Ses réponses préliminaires, que nous publions dans leurs intégralités, fournissent une analyse que le Comité Action Palestine considère comme devant être complétée. Pour bénéficier de développements plus approfondis de la part de Jean Bricmont, nous vous invitons à assister à la conférence-débat du 23 mars qui se tiendra à 20 heures 30 à l’Athénée municipal de Bordeaux.

Jean Bricmont est un physicien belge, actuellement professeur à l’université catholique de Louvain en Belgique. Mais c’est pour son combat pour la défense de la liberté d’expression et contre l’impérialisme qu’il est le plus connu. Il a pris fait et cause pour de nombreux intellectuels, notamment Noam Chomsky faussement accusé de négationnisme en raison de son analyse critique de l’impérialisme, et Dieudonné accusé d’antisémitisme pour ses positions clairement antisionistes. Il fut l’un des rares intellectuels à s’être opposé publiquement à l’intervention de l’OTAN en Lybie.

Il est l’auteur de « Impérialisme humanitaire. Droits de l’homme, droit d’ingérence, droit du plus fort ? » (Éditions Aden, 2005) et de « Raison contre pouvoir. Le pari de Pascal » avec Noam Chomsky, (L’Herne, Carnets, 2010).

Il a publié de très nombreux articles et donne de nombreuses conférences sur le sionisme, la liberté d’expression, l’impérialisme humanitaire, et a été à plusieurs reprises l’invité de l’émission de Frédéric Taddeï « Ce soir ou jamais » sur FR3.


Interview de Bricmont

1. Comment définissez-vous l’antisionisme ?

Je n’utilise pas beaucoup ce terme, en tout cas pas pour définir ma position. Le sionisme était défini comme le projet visant à établir un état juif en Palestine. Et l’antisionisme consistait donc à s’opposer à ce projet en prônant, soit l’intégration des juifs dans les pays où ils vivaient, soit un état binational ou encore autre chose. Mais comme ce projet à « réussi » (en ce sens que l’état juif existe), il n’est pas clair pour moi ce que veut dire antisionisme. On pourrait appeler au démantèlement de l’état existant (en tant qu’état juif) et son remplacement par un État binational ou un État laïc; c’est certainement la position de nombreuses personnes aux Moyen-Orient et cette position est implicite dans la revendication du « droit au retour » (des réfugiés palestiniens). Mais, pour toutes sortes de raisons que j’expliquerai plus en détail sur place, je ne me sens ni la capacité ni le droit de dire ce qui doit être fait au Moyen-Orient, par rapport à cet « état juif » qui existe (s’opposer à lui une fois qu’il existe n’est pas la même chose que de s’y opposer avant qu’il n’existe).

On peut utiliser le terme « antisionisme » dans un sens plus général, mais plus vague, d’opposition, en France même, à la politique des lobbys communautaires, à la censure, à la monopolisation du discours dans un sens unique, en particulier sur l’histoire, sur l’Islam, etc. Dans ce sens-là, je me définirais volontiers comme antisioniste.

2. Quel est l’objectif du chantage à l’antisémitisme ?

Je ne suis pas sûr que l’on puisse parler d’objectif, au sens d’un objectif conscient, mais il est évident que ce chantage a un effet, celui de faire taire les critiques d’Israël. Il faut néanmoins noter que ce chantage a eu différents effets au cours du temps et, en fait, régresse: il ne faut pas oublier qu’en 1967, il était presque impossible de ne pas soutenir le petit David israélien attaqué par le méchant Goliath arabe. Le simple fait d’avoir des contacts avec l’OLP ou Arafat, ou de prôner de tels contacts, a longtemps été synonyme de mort politique ou médiatique. Aujourd’hui, le chantage porte essentiellement sur les critiques « radicales » d’Israël, c’est-à-dire celles qui mettent en cause la légitimité de l’entreprise sioniste ou qui insistent sur le droit au retour, et plus encore sur ceux qui mettent en cause l’action des lobbies ou qui défendent la liberté d’expression. Mais la simple critique des actions du gouvernement israélien, ou le fait de plaider pour une « solution à deux états », ce qui, dans un passé pas si lointain, était impensable, est devenu banal aujourd’hui. Donc, je pense que l’efficacité du chantage diminue, même si, à certains égards, son intensité augmente.

3. Quelle analyse faites-vous des liens existants entre les médias et le sionisme ?

Je suppose qu’il existe un certain nombre de pressions explicites, mais je ne connais pas bien cet aspect des choses. Il me semble qu’il y a une sorte d’intériorisation de la « culpabilité » qui mène à pas mal d’autocensure. Notez que l’angle d’attaque s’est déplacé avec le temps; d’une impossibilité de critiquer les politiques israéliennes on est passé à une censure des mises en question de la « légitimité » d’Israël et bien sûr de l’antisémitisme réel ou supposé de ceux qui critiquent les lobbies communautaires. Imaginez une salle de rédaction où quelqu’un soutient une opinion sur un sujet lié à Israël ou à l’antisémitisme, tout en mentionnant le fait que ses parents ou grands-parents ont été déportés. Qui va oser le contredire?

Il me semble aussi (mais, étant d’une autre génération, je peux me tromper) que l’éducation actuelle, au nom de l’éducation à la tolérance, inculque aux jeunes une certaine inquiétude face au fait d’avoir des opinions hétérodoxes (quelles soient considérées comme antisémites, fascistes, racistes, sexistes, homophobes ou, chez certains, islamophobes) et cette inquiétude les empêche de penser librement sur un certain nombre de sujets, dont Israël, mais aussi les lobbies, la construction européenne ou la liberté d’expression, sujets sur lesquels des opinions hétérodoxes ne sont pas nécessairement fascistes, antisémites etc., mais qui sont souvent considérées comme « suspectes » ou qui sont « assimilées » à des « propos inacceptables ». Tout cela crée un climat de politiquement correct, de censure, et, chez ceux qui entretiennent ce climat, de dénonciation généralisée, qui est extrêmement malsain à tous points de vue.

4. Quel rôle joue le CRIF dans la censure de l’antisionisme ?

Leur rôle est assez évident. Ils attaquent systématiquement tout ce qui leur déplaît et font pression sur toute une série d’institutions jusqu’au sommet de la République, comme on peut le voir lors de leur dîner annuel pour qu’elles suivent assez strictement une ligne pro-israélienne, ou, plus précisément, la ligne des gouvernements israéliens (qui peut, en fait, être à terme nocive pour Israël).

Mais ma critique ne porte pas tant sur le CRIF que sur tous les individus et organisations qui cèdent devant cet organisme ou qui censurent le fait de le critiquer (en général, au nom de la lutte contre l’antisémitisme).

5. Connaissant vos prises de position sur Israël, avez-vous rencontré des difficultés pour les exprimer ?

Oui et non. Tout d’abord, quand on parle de difficultés, il faut prendre un certain recul historique, pour ne pas tomber dans la victimisation. Pendant la guerre d’Algérie, l’appartement de Sartre a été plastiqué, l’OAS appelait ouvertement à le fusiller, Henri Alleg était torturé, Maurice Audin aussi, puis « disparu ». Je ne parle ici que des français, et sous un régime républicain, c’est-à-dire pas sous l’Occupation. On ne compte pas le nombre de communistes ou assimilés qui ont eu des « ennuis » dans leurs carrières au cours de la guerre froide en France (aux Etats-Unis, c’était bien pire et nombreux sont ceux qui ont dû s’exiler).

Aujourd’hui, les « islamistes » et « antisémites » ou assimilés ont remplacé les communistes dans l’imaginaire occidental et dans la diabolisation et la répression. Il y a quantités de gens qui perdent leur emploi ou doivent « faire attention » afin d’être sûrs de le conserver, pour ne pas parler des poursuites juridiques pour « incitation à la haine » ou pour « contestation de faits historiques », qui se soldent par de lourdes amendes et, parfois, par de la prison.

En ce qui me concerne, je me considère comme assez fortuné, au moins pour le moment. J’ai eu un certain nombre de conférences annulées (je peux en raconter les détails oralement). On trouve aussi des sites qui, probablement au nom de la « lutte contre la haine », contiennent un bon nombre de calomnies à mon sujet, mais tout cela est assez banal et, comparé à ce qui arrive à d’autres, relativement bénin. C’est la vie…

Comité Action Palestine

 




Omar Mazri : Révolutions et contre-révolution dans le monde arabe

img4f63093f6e864[1]Dans le cadre de la préparation du cycle de conférences-débats « Résister au sionisme » organisé par le Comité Action Palestine du 23 au 29 mars 2012, Omar Mazri, qui sera l’un des intervenants sur la question « révolutions et contre-révolution dans le monde arabe », a accepté de répondre à l’interview que nous lui avons proposée. Vous pourrez y trouver une analyse approfondie des rapports de force politiques et géopolitiques qui agitent actuellement le monde arabe, des conditions socio-politiques des phénomènes révolutionnaires, des obstacles internes et externes de l’avancée des mouvements populaires et de la nature des axes étatiques qui s’affrontent au Moyen-Orient. Le Comité Action Palestine ne peut que recommander très fortement cette réflexion rigoureuse et stimulante sur les forces et les faiblesses des mouvements populaires arabes et sur les mutations de l’équilibre régional qui à terme peuvent faire basculer les rapports de domination Nord-Sud localement et sans doute globalement.

Omar Mazri est ingénieur polytechnicien  algérien en technologie de pointe. Il a été économiste spécialisé en planification industrielle et transfert de technologie. Il travailla également comme logisticien pour les états-majors de l’armée de terre. Il a consacré sa vie professionnelle au transfert technologique, à l’administration publique et à la gestion d’entreprises en Algérie. Il a travaillé ensuite près de 12 ans dans les quartiers Nord de Marseille comme formateur en mathématiques et en physique-chimie dans la filière électrotechnique. Penseur de l’Islam politique en Algérie, il a été conseiller stratégique et géopolitique de Abdelkader Hachani, leader du Front islamique du Salut.

Il anime actuellement une réflexion sur la globalité d’approche civilisationnelle de l’Islam dans ses aspects de théologie de libération, de mystique et de Praxis socio-politique.

Il est l’auteur de plus de 120 articles sur l’Islam, l’Algérie, la communauté musulmane de France, le sionisme et les révolutions arabes. Récemment, il a publié plusieurs ouvrages dont : « Le dilemme arabe et les 10 commandements US » (2012), « Islamophobia : Deus ex Machina » (2011), « Les « Révolutions arabes » : Mystique ou mystification?» (2011), « Gaza : La bataille du Forqane » (2010), « La République et le Voile : Symboles et inversions » (2010) tous aux éditions « Editions et Conseils ».

Interview  de Omar Mazri

1-Comment analysez-vous les transformations politiques récentes dans le monde arabe ? Font-elles avancer la cause des peuples arabes ?

Il faut d’abord insister sur le fait que tout changement est une rupture avec l’immobilisme morbide, mortel et mortifère, même si le changement ne va pas dans le sens espéré. Que le monde arabe bouge et se transforme ou tente de se transformer est donc une rupture bénéfique qui va générer à terme une culture du changement sans laquelle il n’y aurait ni progrès ni salut. Il faut aussi insister sur le fait que les changements imposés au peuple par les armes, la dictature ou la pression de l’Empire ne sont pas des changements et à terme ils seront remis en cause par le peuple.

Pour l’instant au-delà du discours émotionnel et infantile, des déceptions ou des euphories, il faut que nous sachions que la conscience collective va imprimer durablement l’idée de la possibilité du changement et l’idée sur le mode de changement. Cette conscience imprimée par le changement va finir fatalement par exprimer le cap du changement qui à son tour sera de nouveau imprimé dans la conscience sociale et politique. Cela prend du temps et consomme de l’énergie. Les élites de demain devront gérer l’efficacité, c’est-à-dire réduire les énergies dissipées et mettre en synergie les efforts socialement et politiquement utiles pour un meilleur rendement. Il y a des gisements de travail à explorer et à activer pour aller plus vite et plus loin et en harmonie. Dans mon livre Les Révolutions arabes : mystique ou mystification ?, j’ai développé quelques axes pour disposer d’une grille de lecture méthodologique sur la nature et le mode des mouvements, à la lumière des récits coraniques sur les Prophètes.

Ces généralités n’occultent pas la réalité tangible : il y a eu des mouvements populaires dont les transformations politiques, sociales et économiques sont en attente de visibilité. La visibilité est caricaturée, rendant impossible une lecture objective. Ces mouvements, d’un pays à l’autre, sont hétérogènes en revendications, en mode d’expression et en indépendance par rapport à l’Empire et à ses vassaux. Au sein d’un même pays, comme en Egypte, le positionnement par rapport aux monarchies et à la Turquie ne s’est pas stabilisé et des revirements spectaculaires sont possibles. Certains de ces mouvements ont occupé le devant de la scène médiatique et d’autres ont été occultés, car l’agenda étranger intervient comme facteur d’amplification ou de réduction, de subversion ou de mobilisation de ces mouvements à son profit tactique, stratégique ou civilisationnel.

Indépendamment des acteurs endogènes et exogènes, on ne peut déboiter l’histoire des peuples arabes en relation avec la Palestine. À titre d’illustration, la Syrie a eu son indépendance en 46, l’Égypte sa révolution en 52 et l’Algérie en 54, autour du drame de 48. La révolution libyenne en 69 après 67. La révolution iranienne en 1979 après les Accords du Camp David de 78. 2011 et 2012 après la bataille du Forqane en décembre 2009. La Palestine subit et influence le monde arabe et musulman et elle sera l’un des critères d’analyse des mouvements arabes et musulmans en perdant cette fois la possibilité d’être instrumentalisée, comme par le passé, par les rentes du nationalisme arabe et de l’islamisme infantile.

En Égypte et en Tunisie, nous avons assisté à des soulèvements sociaux qui se sont transformés en désobéissance populaire menant à la chute des têtes du régime. Ces mouvements ont souffert de six lacunes.

La première lacune est l’absence de cadre idéologique qui fixe le cap et le rythme de la révolution ainsi que le clivage idéologique du moment historique, tant interne qu’externe.

La seconde est la confiscation du mouvement populaire par l’esprit partisan. Le mouvement populaire se trouve privé de l’exercice politique, économique et informationnel ainsi que de la force de proposition et d’initiative, pour être relégué à jouer le rôle de votant qui confie son destin aux élus instaurant la polyarchie au lieu de la démocratie.

La troisième est l’arrangement des appareils qui a permis de ralentir le rythme et le niveau des revendications, donnant ainsi le temps de coopération de l’ancien système et de l’impérialisme pour mener un mouvement contre-révolutionnaire.

La quatrième lacune est la médiocrité et la pensée unique cultivées par les gouvernants despotiques que les opposants ont héritées comme legs culturels et politiques qu’ils se transmettent et qu’ils cultivent.

La cinquième lacune est de s’inscrire dans l’économie mondiale et les règles du jeu géopolitique au lieu de fédérer le peuple sur la résistance et de se faire protéger par ce peuple. La méconnaissance de la géopolitique et l’absence de laboratoire de veille stratégique dans le monde arabe sont accentuées par une culture d’empire qui s’appuie sur la connaissance des idées, du terrain des idées, des hommes qui, s’appuyant sur les lacunes, a la compétence d’anticiper, de mettre plusieurs fers au feu et d’imaginer plusieurs scénarios avec la compétence et les moyens de les mettre en œuvre.

La sixième lacune est qu’en dehors de la revendication de faire tomber la tête du régime, il n’y a eu ni projet d’avenir énoncé ni travail pédagogique pour expliquer les mécanismes politiques et géopolitiques qui sont derrière les tyrans arabes qu’il faut détricoter. Je suis presque certain que les machines qui choisissent et nomment les commis de l’État sont toujours en place à ce jour, même s’il y a un ravalement de façade au sommet.

En Libye, nous avons vu la contre-révolution se mettre en place en réalisant la stratégie impérialiste. La stratégie avait quatre axes. Le premier axe est la mainmise du prédateur sur l’objet de sa convoitise : ressources naturelles, finances et exportation de ses crises internes. Le second axe est d’interdire toute possibilité d’émancipation hors du cadre idéologique et politique de l’Occident. Le troisième axe est de procéder à une dislocation de la grammaire des civilisations en disloquant ses constituants : les mentalités collectives, les espaces, les histoires communes, les économies sur le plan de la considération historique (continuer la fragmentation commencée par Sykes Picot), sur le plan du présent des révolutions qui ne doivent pas faire jonction, sur le plan de l’avenir pour interdire toute situation pacifique et harmonieuse favorable à une émergence d’une aire civilisationnelle autonome, alternative. Enfin, il s’agit de faire des islamistes, certains islamistes naïfs, cyniques, revanchards ou ignorants, les agents de la disharmonie, de l’entropie, pour bloquer l’émergence de l’Islam politique, social, libérateur et civilisateur et maintenir « l’Islam » rétrograde, réactionnaire, bigot, consumériste. Dans les faits : l’Égypte et la Tunisie sont coupées, l’Égypte a maintenant un front ouest qui s’ajoute au front sioniste. Dans les faits, l’Algérie et le Maroc sont poussés à faire des concessions : passer en base coloniale après avoir été comptoir commercial, les peuples arabes sont traumatisés par l’issue entropique et ils sont isolés du processus de résistance contre l’Empire et le sionisme. Pour la Libye, il faut garder en tête la conjugaison d’au moins trois agendas : la subversion interne pour faire tomber un régime et changer les donnes en Libye et en Afrique ; la diversion pour déplacer le centre d’intérêt des révolutions égyptiennes et tunisiennes ; la lutte idéologique pour diaboliser l’Islam. Dans mon livre Islamophobia : deus machina , j’ai montré quelques aspects de la lutte idéologique menée par l’Empire pour créer la méfiance envers l’Islam et créer la défiance entre les musulmans en jouant sur l’émotionnel et l’infantilisme d’un côté, et sur les techniques de guerre psychologique et de propagande médiatique. Il s’agit de détruire le capital de résistance, de libération et d’édification civilisationnel de l’Islam en profitant de la médiocrité politique et culturelle des Musulmans qui sont parvenus à se réveiller après un long cauchemar, sans pour autant voir la réalité dans sa globalité, sa complexité et sa dynamique. Il s’agit de détruire la confiance et les repères pour ne laisser que la défiance et la confusion qui ne favorisent pas la résistance quand elles s’ajoutent à la corruption et à la mal gouvernance.

Pour l’instant il n’y a donc pas de changement significatif ; mais les possibilités du changement réel deviennent plus impératives et seront davantage clarifiées une fois que l’expérience du vote et de la polyarchie sans programme de résistance et d’édification aura montré de nouveau ses limites en Egypte, en Tunisie, en Algérie, au Yémen et au Maroc.

2-Quels sont les enjeux politiques ou géopolitiques du conflit actuel en Syrie ?

En Syrie, nous sommes face au scénario libyen avec l’accent mis davantage sur la géopolitique. Il s’agit pour l’Occident de parachever Sykes Picot qui a donné la Syrie en démembrant le Cham, pour démembrer la Syrie sur des bases ethniques et confessionnelles et réaliser le nouveau Moyen-Orient. Étouffer la révolution égyptienne en l’encerclant avec deux guerres civiles, deux présences étrangères. Le troisième point est discréditer les islamistes pour liquider toute contestation islamique révolutionnaire dans les monarchies vassales. Le quatrième point est de briser l’axe Iran, Syrie, Palestine, Liban et Irak et de liquider la résistance contre l’entité sioniste poussant les Arabes et les Palestiniens à accepter la feuille de route américaine. Enfin, le dernier point est la guerre sunnite/chiite pour remettre en marge le monde musulman de cet ensemble Euro-Asie et faire face à la Chine dont l’Empire veut couper les sources et les voies d’approvisionnement avant de les agresser une fois que les Arabes ont montré leur vassalité à l’Empire dans l’agression contre l’Iran et le désarmement nucléaire du Pakistan appelé à poursuivre l’œuvre de fragmentation commencée par l’Empire britannique. Contrairement à la Libye, le régime syrien dispose d’une armée plus forte, d’une population moins ruraliste, de savants de stature internationale, de couches moyennes préférant le statu quo au changement incontrôlé. La Syrie dispose de l’appui de la Chine et de la Russie qui ont laissé les Occidentaux et les Arabes sortir déshonorés de l’agression par une stratégie cynique, mais payante.

Le régime syrien avait la possibilité hier de livrer la Palestine (les cadres vivant en Palestine, la logistique et le droit au retour) et de servir l’Empire. Les données ont changé et la Syrie sait qu’elle sera, à la moindre concession, sur la trajectoire du reniement envers le Hezbollah, l’arabité et la résistance et être disloquée car géographiquement et historiquement elle constitue la ligne de démarcation Orient-Occident. Elle a livré une bataille de survie et elle vient de remporter une victoire éclatante. L’axe Syrie-Iran remporte des victoires stratégiques contre l’Empire et ses vassaux ainsi que contre les défaitistes. Les médias minimisent le retrait des forces d’occupation de l’Irak et la disponibilité de l’Irak à venir renforcer l’axe de la résistance contre le remodelage de la région. La logique impérialiste est normale : elle exige de mener de front une campagne subversive, une opération de diversion et une lutte idéologique dans un cadre plus vaste et plus complexe que le cas libyen. La plus grande hantise est la jonction Syrie-Egypte avec pour conséquence l’encerclement d’Israël et la coopération avec l’Iran.

Le régime syrien doit se réformer et faire passer des mesures radicales et rapides contre la corruption et la marginalisation du peuple pour apporter le coup de grâce au projet du nouveau Moyen-Orient et faire porter la véritable révolution dans les pays du Golfe, celle que refusent les dix commandements américains : la révolution iranienne avec une ouverture vers l’Égypte. Les Frères Musulmans égyptiens doivent en contrepartie se libérer de leur esprit partisan. Les élections présidentielles en Égypte vont sans doute relancer le débat idéologique et géopolitique en Égypte.

3-Quels sont, selon vous, les effets des transformations politiques dans le monde arabe sur la situation en Palestine ?

Pour l’instant, on va assister à des maquillages et des instrumentalisations, mais sur le plan concret, les Palestiniens vont être relégués au second plan et ils vont faire des concessions de survie. La bataille est dans le camp arabe, mais aussi sur d’autres terrains de confrontation comme en Afghanistan. Par ailleurs, les Turcs ont su s’imposer comme nouvelle pièce majeure dans le conflit, et la Turquie est dans une situation instable face à l’axe Syrie-Iran. La question palestinienne est passée de question d’occupation coloniale à une question humanitaire à Gaza et à l’indemnisation de quelques réfugiés. Pour l’instant, ces problèmes sont relégués à la réconciliation FATAH- HAMAS imposée par les conditions géopolitiques. Tous ces éléments dépendent de la conjoncture et de l’issue de la confrontation des axes arabes.

A terme les mouvements islamiques prendront de la consistance politique et géopolitique tout en favorisant l’émergence de nouvelles élites jeunes et intellectuellement compétentes qui vont fatalement reposer la question idéologique en interne pour la constitution d’un front national de résistance à l’impérialisme et d’édification nationale, ainsi que la constitution d’un front externe idéologique et diplomatique contre Israël, aboutissant inévitablement à une confrontation globale et au recentrage de la question palestinienne dans la conscience collective , avec ses effets tactiques et stratégiques sur des changements révolutionnaires plus soutenus, plus étendus et plus radicaux.

Dans mon livre Le dilemme arabe et les dix commandements américains, j’ai montré les axiomes de la géopolitique que les révolutions ont occultés et qui se retournent contre eux et contre la cause palestinienne. Ces commandements sont la nature idéologique de l’Empire et ils sont dévastateurs pour le reste du monde. Ce n’est pas le vote d’un parlement ici ou ailleurs qui va changer l’équation des rapports de force, de domination et d’intelligence, mais la remise du curseur sur les véritables défis, sur les véritables clivages et sur les véritables ingénieries politiques, économiques et informationnelles. Les Musulmans non seulement ne donneront pas des solutions à la libération de la Palestine, mais ne se libéreront pas du formaliste, des slogans et de la vassalisation s’ils ne parviennent pas à hiérarchiser et à harmoniser la notion de souveraineté divine avec la souveraineté du peuple. Il en est de même de la notion (fi sabil Allah) qui doit être libérée du confinement au seul qualificatif islamique pour s’ouvrir à l’universel de sa vocation. Le premier pas de libération de la Palestine sera celui de la libération des concepts, des mots, des comportements hérités de la décadence musulmane qui a fait du musulman un minus habens errant sur son propre sol et gaspillant son temps et son énergie faute de stratégie autonome, de veille sur le monde…

Pour l’instant le chaos qui s’est emparé du monde arabe annonce des clarifications à venir. A titre d’illustration nous avons les fossoyeurs de la question palestinienne, qui sont la Ligue arabe, la conférence internationale islamique et les monarchies du Golfe, qui viennent d’être discrédités aux yeux de l’opinion arabe dans leur rôle de vassal au Soudan, en Libye et en Syrie. La seconde illustration est le comportement erratique d’Ennahda et de Moncef Marzouki qui acceptent de faire de la Tunisie le pion avancé de l’Empire et de ses vassaux, moyennant quelques petro dollars, prouvant ainsi la confiscation de la révolution tunisienne non par des traitres comme le disent certains, mais par l’absence de cadre d’orientation idéologique qui permet tous les retournements et toutes les compromissions faute de cap, de veille, de boussole et de carte de navigation. La partie gagnée par le régime syrien va imposer de nouveau la ligne palestinienne radicale et fermer la porte aux compromis de Doha, d’Istanbul et de Tunis.

En Egypte, une fois la devanture institutionnelle parachevée, deux questions vont émerger et imposer de nouveaux défis à la classe politique : les luttes sociales et la question palestinienne (notamment l’ouverture des frontières et le soutien plus consistant à Gaza)

4-Comment expliquez-vous la relative stabilité de l’Algérie dans le contexte de déstabilisation du monde arabe :

L’absence de clivage idéologique des révolutions arabes, les scénarios violents en Libye et en Syrie, la mémoire des stigmates de 20 ans, la gestion de la pénurie, du terrorisme résiduel et la distribution de la rente sociale avec l’absence de culture d’État et l’absence de culture d’opposition politique, le caractère non mécaniste de contagion des révolutions laissent le peuple livré à l’attente messianique. Cette attente est mise à profit par les Eradicateurs pour faire du matraquage idéologique rappelant les événements depuis juin 90 à ce jour. Cette attente est mise à profit par les « Réformateurs » pour imputer au FIS la responsabilité des événements et prendre les résultats en Egypte, Libye, Maroc et Tunisie comme la réalisation de l’axe de Washington et demander de ne pas voter pour les islamistes lors des prochaines législatives. Les partis islamistes sont divisés, certains trop impliqués dans l’appui au CNT Libyen et au CNS syrien sans prise de distance, laissant l’émotionnel prendre le pas dans un pays en catastrophe politique, sociale et économique, qui a davantage besoin de clarification et d’assurances que de confusion ou d’aventurisme. Ils font peur à la classe moyenne et à la grande masse des fonctionnaires qui ne sont pas prêts de prendre le risque libyen. En Algérie Il y a eu 500 000 victimes, 20 000 disparus et 3 millions de personnes déplacées et il n’y a toujours pas de réponses ni de justice ni de clarification ni de vérité. Le peuple vit sa révolution passive laissant la porte ouverte à l’inconnu. Pour l’instant il ne cible pas Bouteflika comme a été ciblé Moubarak ou Ben Ali. Le peuple algérien ne voit pas les occasions ratées et les ambitions de l’Algérie piétinées mais la « concorde civile », la rente sociale. Il ne voit pas l’Algérie comme cible dans le projet de dislocation des territoires musulmans, il ne voit pas l’esprit de revanche instrumentalisé par les Etats-Unis, il ne voit pas la lutte des appareils et des clans partisans des Etats-Unis, de la France ou de la monarchie saoudienne se livrer bataille comme il ne voit pas les luttes de clans pour la possession de la rente du pétrole. Il ne décode pas la signification de l’aveu des jeunes loups et des seconds couteaux de s’émanciper de la génération de novembre 54.

Le peuple algérien conserve encore intacte sa mémoire de peuple agressé par l’extérieur et par l’intérieur pour avoir choisi une solution islamique dans une conjoncture de réformes politiques et économiques qui ne siéent pas à l’impérialisme ni aux monarchies. Il a connu la tragédie et la solitude alors qu’il était agressé par des hordes ayant la garantie de l’impunité car elles entrent dans le plan de diaboliser l’Islam et de bloquer le potentiel de développement et de l’indépendance de l’Algérie. Le peuple algérien n’a trouvé ni l’ONU ni la communauté internationale « démocratique » ni la ligue arabe ni les monarchies du Golfe pour l’aider en tant que victime et faire face à l’agression ou pour l’armer juridiquement, médiatiquement et militairement contre ses agresseurs. Le peuple algérien attaché à l’Islam sait par l’expérience et par la doctrine que la révolution est légitime sur le plan religieux si et seulement si elle ne se fait pas sous l’étendard de la confusion, si elle ne se réalise par une alliance stratégique avec les profanateurs et les prédateurs et si le mal qu’elle occasionne n’est pas supérieur au mal qu’elle est censée guérir. Le peuple algérien n’a jamais revendiqué l’internationalisation du conflit ni l’ingérence étrangère par intuition politique, par expérience du colonialisme qu’il a vécu comme la forme la plus cynique et la plus humiliante de deshumanisation.

5-Le mot de la fin :

La culture d’empire nous a vendu son modèle politique, économique et médiatique. Maintenant, alors que l’Empire est en plein déclin, sa culture parvient à nous vendre la fin de l’Histoire et la fin de l’idéologie, alors que jamais l’équation idéologique n’a été au cœur de notre existence et de notre devenir. L’idéologie ou l’art de production et de discours des idées est la seule démarche à répondre aux questions de sens de la grammaire des civilisations : comment conjuguer l’homme, le sol et le temps une fois que la finalité ultime a été définie et que le sens d’orientation a été tracé. Le monde arabe non seulement a fait de l’idéologie un discours creux et vague sans logique pragmatique, mais il est déchiré entre des idéologies antagonistes y compris au sein des mouvances islamiques. Sans idéologie commune, nous ne pouvons ni définir notre identité, ni notre appartenance, ni notre implication dans une cause en toute indépendance ou en résistance contre les autres idéologies. Pour l’instant, la voie pacifique ou la voie armée n’ont pas de réponse à apporter sur le projet de société, sur le projet de civilisation, sur le projet d’édification de l’homme nouveau, faute de débat idéologique fédérateur pour faire émerger l’idée primordiale sur laquelle il y a consensus pour vivre ensemble, regarder l’avenir dans la même direction et résister pour défendre les mêmes valeurs. L’Empire, spécialiste de la lutte idéologique, mène une œuvre de fragmentation idéologique pour empêcher toute continuité des mentalités collectives, des territoires géographiques, des idées, des économies et de l’histoire des peuples en opérant dans le Moi arabe des disharmonies, des intrusions, des incisions, des déchirures, des déchirements. L’impérialisme à l’avantage de connaitre notre état de décadence avant la colonisation, les fléaux qu’il nous a inoculé durant la colonisation, et les syndromes post indépendance qu’il a géré grâce à sa cinquième colonne et à notre ignorance de la lutte idéologique, politique et économique pour nous maintenir dans la posture de proie et se maintenir dans celle du prédateur. Les Arabes n’ont pas d’autres voies que de se fédérer autour d’un axe de résistance et de libération pour décoloniser leur esprit et produire leurs idées en autonomie de pensée et de décision.




Les fonctions sociales et politiques d’un racisme respectable : entretiens avec Rokhaya Diallo, Abdelaziz Chaambi et Pierre Tévanian

526x297-jif[1]Le Comité Action Palestine est l’une des rares organisations en France à produire une analyse et à intervenir publiquement sur la question du lien étroit entre sionisme et islamophobie. L’analyse proposée permet de comprendre le lien entre l’oppression coloniale en Palestine et l’oppression sociale en France qui légitime une certaine forme de domination sociale et politique dans un contexte de crise.

L’islamophobie, fabriquée et entretenue par les « intellectuels médiatiques sionistes », chiens de garde de la domination sioniste dans un monde arabe aujourd’hui en transformation, est une arme raciste à double usage.

D’une part, cette islamophobie concourt à ôter toute légitimité aux mouvements islamiques de résistance contre l’impérialisme et le sionisme à travers le monde, et à contrer toute forme de soutien en France aux peuples arabo-islamiques luttant pour leur émancipation, notamment au peuple palestinien qui combat le sionisme depuis plus de 100 ans…

Elle permet, d’autre part, de neutraliser le potentiel contestataire des populations immigrées en France, en fabriquant l’image d’un musulman antirépublicain, sexiste et violent, en marge du code culturel dominant, l’objectif est bien de normaliser les discriminations et la répression contre les minorités issues des anciennes colonies.

Afin de mieux cerner cette problématique, le Comité Action Palestine a organisé un cycle de conférences au cours de la deuxième quinzaine de juin 2011 qui visait à condamner le sionisme comme mouvement politique colonialiste et raciste implantés dans les pays occidentaux et plus particulièrement en France.

Nous vous présentons, sur les liens suivants, les interviews des principaux intervenants qui ont participé à ce cycle de conférences.

Pierre Tévanian

Abdelaziz Chaambi

Rokhaya Diallo