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Minorités issues des anciennes colonies et soutien à la cause palestinienne

manif_france[1]Article de Said Bouamama écrit à l’occasion du Forum Palestine 2009 organisé par le Comité Action Palestine.

La participation massive des jeunes français issus de l’immigration maghrébine aux initiatives de soutien à la résistance palestinienne fait couler beaucoup d’encre depuis plusieurs années. Emissions, articles et déclarations se sont multipliées pour analyser cette présence si massive que personne ne peut plus l’ignorer.

Dans leur immense majorité les discours politiques et médiatiques dominants sont caractérisés par des approches culturalistes de la question. Le soutien de ces jeunes à la lutte du peuple palestinien serait non politique et/ou apolitique et s’expliquerait par des causes « religieuses » et/ou « culturelles ». Pour certains l’explication est à rechercher dans le développement d’un « communautarisme », pour d’autres dans un inquiétant « repli religieux », pour d’autres encore dans une instrumentalisation « intégriste », etc. Ces explications parfois à prétention savantes évacuent aisément à la fois les facteurs historiques, la contextualisation des faits et les facteurs matériels pouvant produire une sensibilité particulière à l’endroit de la question palestinienne. Il n’y a pourtant pas besoin de mobiliser une grille culturelle et/ou religieuse et/ou identitaire de lecture pour comprendre le soutien des jeunes issus de l’immigration maghrébine au peuple palestinien et à son combat.

Tentons de comprendre ce soutien massif, généralisé et durable avec une approche matérialiste c’est-à-dire en réintégrant les facteurs historiques et contextuels que le culturalisme évacue.

Photo : Reuters

1. Le soutien à la cause palestinienne a une histoire dans l’immigration maghrébine

Pour justifier l’idée d’un repli communautaire et/ou religieux comme explication des mobilisations contemporaines de soutien au peuple palestinien, il faut les présenter comme entièrement nouvelles, comme non ancrées dans un temps long. Cette nouveauté permet de légitimer l’appel à une causalité qui serait elle-même nouvelle : le repli religieux et /ou communautaire. La réalité est, si on se rappelle quelques faits historiques, à l’antipode de cette affirmation. Le soutien au peuple palestinien a été une constante de toute l’histoire des mouvements sociaux et politiques de l’immigration maghrébine et de ses enfants en France. Pour illustrer notre position, parcourons les grandes figures qui ont caractérisées cette histoire désormais longue des luttes de l’immigration maghrébine. Nous illustrerons chacune de ces figures à partir de quelques thèses d’Addelmalek Sayad qui reste encore aujourd’hui un des penseurs qui a le plus tenté d’approcher la réalité spécifique de l’immigration maghrébine en France.

A. L’immigration est fille de la colonisation [i] : La figure du nationaliste ouvrier et immigré [n

Cette première thèse d’Abdelmalek Sayad est essentielle pour saisir l’émergence des premières luttes de l’immigration à l’époque coloniale. C’est en effet dans l’articulation entre identité ouvrière et identité nationale (anti-coloniale) que se forgent les premiers mouvements, les premières organisations et les premières luttes de cette immigration. Insérés, comme les autres immigrations dans les segments les plus exploités du monde du travail, ces premiers militants s’acclimatent à une culture, à des formes organisationnelles, à des revendications correspondant à leur place sociale dans le système de production. Issus de pays où gronde la révolte anti-coloniale, ces premiers militants s’orientent vers une opposition frontale à l’appareil d’état, vers des revendications politiques, vers des formes d’organisations en rupture avec les structures classiques du mouvement ouvrier. L’articulation de ces deux dimensions d’identification politique est mouvante dans le temps. Au fur et à mesure que se développent les luttes contestant l’ordre colonial dans les pays d’origine l’identité nationaliste prend le pas sur l’identité ouvrière sans jamais cependant la supprimer entièrement.

Dès cette période initiale le soutien à la cause palestinienne est présent dans les analyses et les actions de ces militants. Ainsi par exemple l’Union Intercoloniale fondé à Paris en 1922 par le Vietnamien Ho Chi Minh et l’Algérien Hadj Ali Abdelkader fait figurer dans son journal « Le Paria » de nombreux articles la dénonciation du projet sioniste et en particulier de la déclaration de Lord Balfour du 2 novembre 1917 par laquelle le gouvernement Britannique promet au mouvement sioniste la constitution « d’un foyer national pour le peuple juif » en Palestine.

Tous les partis nationalistes algériens de l’Etoile Nord Africaine en passant par le PPA, Le MTLD et le FLN feront systématiquement référence à la question palestinienne dans leurs analyses et leurs prises de positions. L’essentiel des cadres et militants de ces partis est rappelons le jusque la décennie 1930 issu de l’immigration en France. Ainsi par exemple le journal du PPA El Ouma déclare dans son numéro du 1er septembre 1937 :

« Plus de soixante mille Arabes réunis dans de nombreux meetings tenus à travers l’Algérie et sous l’égide du PPA, ont voté l’ordre du jour suivant : ils condamnent la politique impérialiste de l’Angleterre en Palestine arabe, tendant à créer un « foyer national » juif au détriment des intérêts arabes, ils se dressent avec vigueur contre le projet de partage de la Palestine arabe établi par la commission royale anglaise. Ils font appel à tous les musulmans algériens pour protester contre ce projet de partage et réclament l’indépendance complète pour la Palestine arabe. » [ii]

Un an plus tard le même journal écrit dans son numéro du 27 août 1938 :

« Pas un instant les Arabes ne cesseront la lutte que par la reconnaissance de leurs revendications justes et légitimes, à savoir : abolition immédiate de l’immigration juives, libération de tous les Arabes emprisonnés et déportés politiques, reconnaissance de l’indépendance de la Palestine et institution d’un parlement élu au suffrage universel. » [iii]

Lors du vote à l’ONU du « partage » le 29 novembre 1947, le MTLD est la seule organisation qui en France prend nettement position contre. Les élus du MTLD (qui est faut-il le rappeler la vitrine légale du PPA interdit) tant à l’assemblée algérienne qu’à l’assemblée française constituent en dépit de la répression et de la surveillance qui les frappe un « Comité algérien pour la Palestine arabe ». L’objectif de ce comité est mentionné de la manière suivante dans sa déclaration constitutive :

« aider la Palestine à se libérer de toutes les emprises impérialistes d’où qu’elles viennent, afin de permettre aux Juifs et aux Arabes de Palestine de vivre en paix, sans haine et sans craintes mutuelles, conditions qui sont délibérément sacrifiées par la politique du partage. » [iv]

B. Immigré et travailleur sont des quasi-synonymes [v] : la figure de l’O.S. syndiqué

Les indépendances acquises l’ordre des priorités tend à se transformer pour les militants de la décennie 70 sans toutefois faire disparaître entièrement le pôle d’identification nationale. Celui-ci se maintient en premier lieu du fait des acteurs eux-mêmes : des trajectoires de militants soulignent ainsi le réinvestissement du capital militant nationaliste dans les luttes syndicales et ouvrières en général. Il se maintient également en raison d’épreuves spécifiques vécues : crimes et discours racistes, effets de la situation internationale (nationalisation du pétrole en Algérie, poursuite des luttes de décolonisation, question palestinienne, etc.).

En France le début de la décennie 70 est caractérisé par le développement du soutien à la résistance palestinienne dans l’immigration. Pour la première fois une activité politique significative aborde des questions qui sortent des sphères de l’entreprise et des droits des travailleurs immigrés. Ainsi en septembre 1970 sont créés par des militants de l’immigration les « Comités de soutien à la résistance palestinienne » en réaction au septembre noir c’est-à-dire à l’intervention de l’armée jordanienne contre les camps palestiniens et aux massacres que commet cette armée. De nombreux militants que l’on retrouvera ensuite dans d’autres luttes de l’immigration ont fait leurs premières expériences militantes au sein de ces comités. Ces comités s’implantent rapidement dans les quartiers et foyers :

« Ce militantisme, au départ extérieur à la politique française, a été le vecteur — par la diffusion intensive de tracts bilingues et de journaux — d’une forme de politisation dans les foyers, les cafés et les quartiers immigrés (la Goutte d’Or et Belleville à Paris, la porte d’Aix à Marseille). Très vite, les Comités Palestine se transforment en organes de lutte contre le racisme en France, soutenus par des militants français et des intellectuels » [vi]

L’histoire des conscientisations dans l’immigration relie donc de manière inséparable les aspects de défenses des droits des travailleurs immigrés et ceux de soutien à la Palestine. Si certains militants en viennent à se mobiliser sur les questions de l’immigration par le biais de leur engagement sur la question palestinienne, d’autres font le chemin inverse. Le MTA (Mouvement des Travailleurs Arabes fondé en 1973) sera une des traductions organisationnelles de cette double racine militante dans l’immigration.

L’intense activité de soutien à la résistance palestinienne au cours de la décennie 70 se traduit par plusieurs publications : Le journal « lutte palestinienne » dès mars 1969 ; le mensuel Fedayin fin 1969 ; le journal des Comités Palestine « Fedaï » à partir d’octobre 1970 ; etc. Les deux luttes (pour les droits des travailleurs immigré et de soutien à la résistance palestinienne ne sont pas dissociées dans l’esprit des militants des comités Palestine et plus tard du MTA :

« Le soutien à la résistance palestinienne est une forme de lutte qui aide à la constitution d’une force politique autonome des travailleurs immigrés dans les quartiers, les bidonvilles et les usines » [vii]

Le bilan du comité de Gennevilliers souligne ainsi :

« C’est dans les CSRP que les travailleurs arabes ont appris à retrouver leur dignité en tant qu’ouvriers arabes et qu’ils ont développé une résistance de masse. C’est autour des CSRP que l’autonomie du mouvement des travailleurs arabes s’est développée » [viii]

La décennie 70 est celle à la fois du développement des luttes dans les entreprise et les quartiers populaires pour le droit à la dignité des travailleurs immigrés et celle où le mouvement de soutien à la résistance palestinienne a été profondément ancré dans la classe ouvrière immigrée. Les initiatives se déroulaient dans les quartiers populaires et étaient massivement suivies. Les deux combats avaient la même base militante et les mêmes organes d’expressions. Dès cette décennie l’injustice faite aux palestiniens est vécue comme le point asymptotique d’une logique de traitement inégal et injuste vécue à un moindre degré et dans un autre contexte par les immigrés.

C. Toute migration a vocation au peuplement [ix] : la figure du marcheur pour l’égalité

Le processus d’enracinement de l’immigration maghrébine dans la société française conduit logiquement à l’émergence d’une génération de français issus de l’immigration. Cette génération est d’abord à entendre sociologiquement. La nationalité possédée du fait de l’état du système juridique est ainsi pour cette période contradictoire avec ce que nous appellerons la « nationalité sociologique », ces nouveaux militants étant nés en France et y ayant vécu leur socialisation primaire. Elle est ensuite à entendre au niveau juridique du fait de l’évolution du code de la nationalité. L’expérience de cette génération, arrivant sur le marché de l’emploi au début de la décennie 80, est la découverte d’un traitement inégalitaire en raison de leurs origines, traitement de surcroît nié par le débat politique de cette période. A la différence des immigrations antérieures ces jeunes vivent une reproduction trans-générationnelle du stigmate xénophobe.

La visibilité sociale et politique de cette génération issue de l’immigration a été définitivement acquise par la « marche pour l’égalité et contre le racisme » qui réunie plus de 100 000 personnes à Paris en 1983. Le keffieh palestinien est un incontournable des jeunes marcheurs et des militants de la décennie. Ce « détail » ne passe pas inaperçu aux yeux des organisations sionistes en France et à ceux qui les soutiennent. La suite est connue en particulier par les révélations de Jacques Attali dans son Verbatim : la crainte d’un mouvement de revendications radicales dans la jeunesse issue de l’immigration au moment où le gouvernement socialiste effectuait son tournant en faveur du libéralisme économique conduit à la création de toute pièce de SOS Racisme. De manière significative Julien Dray à qui est confié cette mission fait appel pour créer ce mouvement à l’ultra sioniste UEJF (Union des Etudiants Juif de France) qui jusqu’alors ne s’était pas faite remarquée par son soucis des questions et problèmes vécus par l’immigration. La préoccupation gouvernementale de freiner les luttes sociales et le souci des organisations sionistes devant l’affichage spontané des keffiehs conduit à la promotion d’une idéologie molle : l’antiracisme abstrait et désincarné.

Progressivement la figure du marcheur pour l’égalité tend à se muer en partie importante en une autre : la figure du gavroche des quartiers populaires. Cette mutation partielle mais significative est le résultat de la conscience d’être perçu et traité comme « enfant illégitime » que nous empruntons une nouvelle fois à Abdelmalek Sayad. Nous l’utilisons parce qu’elle nous semble illustrer les deux dernières décennies de dégradation de la situation des quartiers populaires et plus particulièrement de leurs habitants issus de l’immigration postcoloniale. Ces décennies ont, en effet, était caractérisées par un triple processus articulés dans une logique globale de dégradation de la situation de ces milieux sociaux et de ces territoires. Le premier processus est celui de la paupérisation et de la précarisation. Ce premier processus enclenche une exacerbation de la « concurrence pour les biens rares » (emploi, formation, scolarité, logement, etc.) dans laquelle ceux qui ont le moins d’atouts au départ se retrouve en situation encore plus défavorable à l’arrivée. Au sein de cette concurrence exacerbée chaque catégorie d’acteurs mobilise à son profit les représentations sociales qui peuvent dévaloriser des concurrents potentiels. Ce n’est donc pas un hasard que cette même période soit caractérisée par le retour de l’imaginaire « adulto-centrique » c’est à dire de dévalorisation de la jeunesse, de l’imaginaire sexiste c’est à dire de légitimation d’une inégalité entre les hommes et les femmes et de l’imaginaire colonial c’est à dire d’une vision culturaliste des places légitimes de chacun en fonction de son origine.

Ce premier processus est donc articulé à un second : celui des discriminations racistes. Au sein même des milieux populaires en paupérisation et en précarisation se produisent des inégalités dans les chances de s’en sortir. Si la situation se dégrade pour tous, elle se dégrade encore plus pour certains. Par endroit et pour certaines catégories d’âges et de sexes, les discriminations prennent la forme d’une véritable ségrégation. Si le taux moyen de chômage par exemple voisine les 10 % en moyenne nationale, il atteint les 40 % voir le 50 % pour les jeunes français issus de l’immigration postcoloniale. L’ampleur des écarts ne peut pas ne pas avoir de conséquence sur le rapport au monde, aux structures militantes et aux formes de contestations. Progressivement l’idée d’un destin social de parias se construit dans la jeunesse prolétarienne issue de l’immigration postcoloniale.

Le troisième processus en œuvre renforce ce sentiment d’être les « parias de la république » et même les « parias du monde populaire ». Ce processus relève de l’instance idéologique. Il est constitué par le discours dominant rendant compte de la dégradation des quartiers populaires et plus particulièrement de leur composante issue de l’immigration postcoloniale. Ce troisième processus peut être dénommé, selon nous, comme étant une ethnicisation des grilles d’explications [x] de la situation conduisant lui même à une ethnicisation des rapports sociaux. Du retour de l’intégrationnisme dans les discours politiques et médiatiques à la fin des années 80, au dernier prix de Brice Hortefeux récompensant les « modèles de réussite » ou les « modèles d’intégration, en passant par le rapport Bénisti expliquant culturellement la délinquance et par les qualificatifs de « racaille » de Sarkosy pour désigner des sujets sociaux ou de « karcher » ( Sarkosy) et de « Destop» ( Fadéla Amara) pour proposer des méthodes de résolution des problèmes sociaux, etc., s’est bien un processus de négation sociale qui se met en place [xi] . Outre les inégalités vécues, c’est bien un sentiment de mépris social qui est ressentis de manière plus ou moins conscient par les jeunes issus de l’immigration postcoloniale.

Les « émeutes urbaines » sont de ce fait une forme d’expression politique qui n’est compréhensible qu’en prenant en compte ce sentiment de « hoggra » qui s’est lentement installés dans les quartiers populaires tout au long de ces deux décennies [xii] . Encore plus que pour la décennie 80 l’injustice et la « hoggra » faite aux palestiniens est vécue comme le point asymptotique d’une logique de traitement inégal et injuste vécue à un moindre degré et dans un autre contexte par les immigrés. (changement de police)

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Le soutien à la résistance palestinienne n’est pas une réalité nouvelle dans l’histoire de l’immigration maghrébine mais bien une constante qui a marquée les différentes générations. Elle ne peut donc pas s’expliquer comme l’effet d’une brusque « islamisation » ou d’un soudain « repli communautaire ». Les racines de ce soutien sont profondes même si les formes d’expressions sont dépendantes de chaque contexte historique. Tentons maintenant d’en dégager quelques causes en les recherchant dans des processus matériels objectifs et non dans des causalités de type idéaliste.

2. Un héritage et un habitus familial

Nous l’avons souligné avec Sayad l’immigration maghrébine est fille de la colonisation. Chaque groupe familial porte dans sa trajectoire et dans sa mémoire les stigmates de la colonisation. C’est sous-estimer considérablement les dégâts de la colonisation sur chaque groupe familial que de considérer qu’une telle « expérience » puisse ne pas laisser de trace dans la quotidienneté, dans les habitus, dans les valeurs promues, dans les modèles éducatifs, etc. Cela est d’autant plus vrai que l’immigration s’est engagée considérablement dans le combat pour l’indépendance. Elle a de ce fait été l’objet de répressions, de contrôles, de tortures, etc. Des traces de cette période sont présentes dans chacune des histoires familiales.

Bien sur comme toutes les autres périodes sociales traumatisantes, un certain silence s’est imposé pour de multiples raisons dans les rapports parents-enfants. Dans nos différentes enquêtes auprès des parents nous avons pu mettre en évidence plusieurs raisons invoquées pour expliquer cette tendance à la non transmission explicite : horizon d’attente énorme envers les nouvelles indépendances ; volonté de ne pas encombrer les enfants avec ces souffrances vécues ; désir d’oubli et de tourner la page ; difficulté à parler d’un traumatisme ; etc. Cependant il est erroné de conclure de cette difficulté à transmettre, l’absence de toute transmission.

D’une part dans de nombreuses familles la transmission explicite a eu lieu, même de manière partielle. D’autre part l’absence d’explicite ne signifie pas qu’une transmission implicite, indirecte, involontaire même, ne se déploie pas. Enfin devant les questions des enfants découvrant les horreurs de la colonisation ailleurs que dans le foyer familial, l’implicite tend à s’expliciter, de même d’ailleurs que les raisons du silence ou du silence partiel. Paradoxalement l’effet du temps ne tend pas ici à diminuer la transmission et son explicitation mais au contraire à les renforcer. Même de manière embryonnaire une connaissance et une conscience de l’expérience coloniale existe dans la socialisation des jeunes issus de l’immigration maghrébine.

Une des rares études portant sur la connaissance du fait colonial en témoigne. Cette étude [xiii] réalisée en 2002 à Toulouse a consisté en une enquête sous forme de questionnaire auprès d’un échantillon de 400 personnes et sur 68 entretiens individuels. Les conclusions de cette étude sont significatives. Citons en quelques unes

« L’hypothèse émise d’une faible connaissance de l’histoire coloniale et de l’histoire de l’immigration est confirmée en ce qui concerne Toulouse et sa périphérie, dans quasi toutes les catégories d’enquêtés : dates, personnalités, lieux et événements ne résonnent pas au sein des populations concernées, sauf sur un sujet : l’Algérie » (souligné par nous) ;

« Cette omniprésence de l’Algérie marque une particularité de la mémoire de la colonisation et par extension des mémoires liées à l’immigration postcoloniale : le fait historique colonial est identifié à son épisode le plus tragique (parmi un spectre de réponses d’une trentaine d’items), autrement dit à la guerre, et de façon plus spécifique, à la torture » ;

« (Cela) renvoie à la cristallisation manifeste d’un ressentiment éprouvé par les immigrés et descendants d’immigrés originaires du Maghreb, d’Afrique Noire, de l’ex Indochine ou des actuels dom-tom face à une histoire perçue comme globalement occultée ».

« Un jugement subjectif très négatif de la colonisation et de l’histoire de l’immigration perçue par une majorité de jeunes issus de l’immigration comme l’histoire d’une humiliation »

Il était nécessaire de nous étendre un peu sur ces quelques résultats dans la mesure où ils soulignent que difficultés de transmissions ne signifient pas absence totale de transmission. La découverte par les jeunes de la situation faite au peuple palestinien ne peut pas ne pas faire écho à ce « sentiment d’humiliation » et d’injustices héritées de leur propre histoire familiale. Nous ne sommes pas en présence ici d’une cause religieuse et/ou communautaire mais d’une sensibilité à certaines questions héritée.

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La colonisation comme l’a soulignée Frantz Fanon marque durablement les sociétés colonisées et leurs peuples d’une part et les sociétés colonisatrices et leurs peuples d’autre part. Pour les descendants de colonisés aujourd’hui français, les trajectoires familiales portent les traces des violences coloniales. Certes la transmission familiale de l’expérience coloniale n’a été que partielle pour de multiples raisons que nous avons soulignées. Cependant celle-ci a imbibé les socialisations de manière suffisante pour produire une sensibilité spécifique à l’endroit de la question coloniale. Le soutien au peuple palestinien dans sa constance comme dans son ampleur est un des effets parmi d’autres de cette sensibilité.

3. L’expérience des discriminations racistes systémiques

Nous avons souligné précédemment le développement de la décennie 80 à aujourd’hui de processus massifs et systémiques de discriminations racistes touchant spécifiquement les personnes issues de l’immigration postcoloniale que celles-ci soient de nationalité étrangère, française par acquisition ou française de naissance. L’hypocrisie étatique consistant à refuser d’établir une statistique prenant en compte l’origine des personnes contribue à masquer cette réalité inégalitaire. Cependant les études partielles se sont multipliées ces dernières années (je pense) et convergent vers la même conclusion : les discriminations racistes existent, s’accroissent et font système (scolarité, emplois, logement, etc.).

Ainsi par exemple une étude du Bureau International du Travail (BIT) réalisée en 2007 [xiv] souligne le caractère massif et systémique des discriminations racistes à l’encontre des « personnes d’origine maghrébine et noires-africaine » :

Les analyses développées dans la section 11 du rapport ont toutefois permis de constater que la discrimination était très forte à l’encontre de tous les candidats minoritaires, tant de sexe féminin que de sexe masculin et d’origine « noire-africaine » ou d’origine « maghrébine ». Les écarts de traitement les plus importants ont été relevés à l’encontre des hommes et des femmes d’origine « noire africaine », avec des employeurs dans 4 cas sur 5 le/la candidat(e) majoritaire. Lorsque les candidats minoritaires étaient d’origine « maghrébine », les employeurs ont favorisé 3 fois sur 4 le candidat majoritaire au sein des paires masculines, et 2 fois sur 3 la candidate majoritaire au sein des paires féminines » [xv] ( ?: il manque quelque chose)

La discrimination à l’embauche n’est, bien entendu, pas la seule subie (même si elle revêt une dimension essentielle compte tenu de ses conséquences sur le destin social) mais se cumul à d’autres dans les autres domaines de la vie sociale à la fois en amont (dans la scolarité, la formation, les loisirs, le logement, etc.) et en aval (type d’emploi occupé au regard de la qualification, le déroulement de la carrière, etc.). La rencontre avec la discrimination n’est pas unique mais multiple et cumulative. A bien des égards elle prend, pour de nombreuses personnes, la figure d’une carrière de discriminé.

Ces discriminations vécues par les personnes issues de l’immigration postcoloniale ne peuvent pas se comparer à la xénophobie vécue par les immigrations européennes dans les premières années de leur arrivée en France :

« De ces enquêtes [xvi] , il ressort en effet que, depuis plusieurs décennies, deux phénomènes sont observables : d’une part, les vagues d’immigration les plus récentes sont toujours les plus dépréciées, les plus craintes ou les plus méprisées, tandis que le temps dissipe peu à peu cette crainte et ce mépris ; d’autre part, les immigrés issus de pays anciennement colonisés, notamment d’Afrique, font exception à cette première règle. En d’autres termes, il convient de distinguer le stigmate xénophobe, qui n’existe sous une forme exacerbée que pour les nouveaux arrivants, et le stigmate raciste, qui cristallise des représentations beaucoup plus profondément enracinées, et qui par conséquent ne perd pas – ou très peu – de sa force avec le renouvellement des générations et leur enracinement en France. Contrairement aux enfants des immigrations précédentes, les enfants d’immigrés maghrébins ou noirs-Africains, sont les seuls condamnés à l’appellation absurde – mais éloquente politiquement – d’« immigrés de la deuxième ou troisième génération », et aux discriminations qui l’accompagnent. » [xvii]

Soulignons qu’une telle rencontre avec les discriminations racistes a un impact beaucoup plus important pour les enfants de l’immigration postcoloniale que pour leurs parents. Ces derniers sont, du moins pendant la première période de leur présence en France, protégés psychologiquement par leur statut d’étranger (c’est sans doute le seul exemple d’une protection issue du statut d’étranger en France). Pour de nombreux enfants nés français, les discriminations racistes sont un rappel permanent de la construction d’un statut de sous-citoyen, d’un traitement inégal permanent et d’une mise en illégitimité de présence chez soi.

Terminons enfin en soulignant la violence des processus de négation de la réalité discriminatoire vécue que véhicule de nombreux discours politiques, médiatiques, du travail social, de la formation ou du monde de la recherche d’emploi, etc. A chaque fois que ces jeunes français issus de l’immigration postcoloniale se révoltent et même se contentent de mentionner les discriminations subies, il leur est opposé le soupçon d’exagérer, de victimiser, d’avoir du ressentiment, etc. A la négation de leurs droits que constitue la discrimination, s’ajoute la négation de la négation.

Or ces jeunes ne sont pas idiots et finissent par sentir pour certains, saisir pour d’autres et conscientiser pour d’autres encore, des éléments de similitude des logiques discriminatoires en œuvre en Palestine et ici (même si les degrés de déploiement de ces logiques sont incomparables dans leurs degrés comme dans leurs effets) d’une part et surtout la similitude des logiques argumentaires mises en avant pour justifier la situation inégalitaire. Rien d’étonnant à cela : la colonisation n’est-elle pas la négation absolue du droit ? La généralisation et la légalisation absolutisées des discriminations ? La négation totale de la légitimité de séjourner chez soi ? Ne met-on pas en avant également pour les palestiniens qu’ils exagèrent et victimisent ?

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La sensibilité à la question palestinienne n’est pas qu’un héritage du passé et de la transmission familiale. Elle est également une production de la vie présente. Les jeunes issus de l’immigration postcoloniale subissent des discriminations racistes systémiques dont la responsabilité leur est renvoyée par la fameuse thèse de la « victimisation ». Les mêmes logiques sont en œuvre en Palestine mais poussées dans ses limites extrêmes. Les mêmes logiques argumentaires sont avancées à longueur de médias pour délégitimer les revendications légitimes du peuple palestinien. Avec des degrés divers, selon les personnes, se produit dès lors un sentiment de solidarité.

Conclusion

Que se soit par l’historicité de la question du soutien au peuple palestinien dans les luttes de l’immigration, par transmission plus ou moins explicite d’une expérience familiale porteuse d’une posture anticoloniale, par effets comparatifs avec les discriminations vécues et les logiques argumentaires les justifiants, les jeunes issus de l’immigration postcoloniale développent une sensibilité à la question palestinienne, qui pour être inégalement conscientisée et politisée n’en est pas moins structurelle de leur expérience sociale. Si nous ajoutons à cela les images stigmatisantes, réductrices et culturalistes de l’islam (les islamalgames) depuis le 11 septembre et les théorisations en termes de « choc des civilisations », le sentiment d’une communauté d’intérêt n’est pas étonnant. Nul besoin pour cela d’invoquer une quelconque cause religieuse ou communautaire. Que certains de ces jeunes invoquent le facteur religieux pour justifier de leur soutien au peuple palestinien ne change rien à la question et n’élimine pas les causes sociologiques et matérielles.

Said Bouamama


Notes

[i] Voici ce qu’en disait Abdelmalek Sayad : « Outre la série d’analogies qu’on peut saisir entre les deux phénomènes – analogies d’ordre historique (l’immigration est souvent fille de la colonisation directe ou indirecte) et analogies de structure (l’immigration, actuellement, occupe dans l’ordre des relations de domination la place qu’occupait hier la colonisation) – l’immigration s’est, d’une certaine façon, érigée en système de la même manière qu’on disait que la  » colonisation est un système  » (selon l’expression de Sartre) (A. Sayad, L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, La « faute » de l’absence, De Boeck Université, Paris-Bruxelles, 1997. ).

[ii] Ben Khedda Benyoucef, Les origines du premier novembre 1954, CNERMNR, Alger, 2004, page 287 in. Youssef Girard, « Comité algérien pour la Palestine arabe », site de l’International Solidarity Movement, 7 novembre 2009.

[iii] Idem

[iv] El Maghrib El Arabi, 6 août 1948, in. Ben Khedda Benyoucef, Les origines du premier novembre 1954, op. cit., page 289-290 in. Youssef Girard, « Comité algérien pour la Palestine arabe », site de l’International Solidarity Movement, 7 novembre 2009.

[v] Voici comment A. Sayad définit l’immigré : « qu’est-ce donc qu’un immigré ? Un immigré c’est essentiellement une force de travail, et une force de travail provisoire, temporaire, en transit ; C’est le travail qui fait naître l’immigré, qui le fait être », L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, Paris, Raisons d’agir, 2006.

[vi] Michelle Zancarini-Fournel, La question immigrée après 68, Plein droit, n° 53-54, mars 2002.

[vii] Cf. « Comités Soutien à la Révolution Palestinienne. Éléments de travail proposés par le comité d’initiative. Bilan politique de deux semaines de travail », Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), Mfc 215/6.

[viii] CSRP, « Bilan Septembre 1971 », Mfc 215/6

[ix] « Toute immigration de travail contient en germe l’immigration de peuplement », Abdelmalek Sayad, qu’est ce qu’un immigré ?, op.cit.

[x] Un des effets de ces grilles culturalistes de lecture est le développement d’une mentalité de « petits blancs » au sein des milieux populaires qui n’est rien d’autre qu’un outil efficace pour diviser ceux qui socialement devraient s’unir et unir ceux que les intérêts sociaux devraient diviser.

[xi] La dimension internationale est également à prendre en compte en ce qui concerne ce sentiment de Hoggra. La période est en effet également celle de l’invention de la catégorie « musulman » comme symbole de danger. Les « musulmans » sont alors construits comme population « homogène », comme « communauté » compacte non traversée par des clivages de classes sociales ; de lieux de résidences, d’appartenances politiques, etc. L’ensemble de leurs comportements ne devenant dès lors explicable qu’à partir du référent « culturel » ou du « référent religieux » à l’exclusion de tous autres déterminants sociaux ou politiques. Qu’ils habitent à Sarcelles ou à Bagdad, qu’ils soient ouvriers ou chefs d’entreprise, qu’ils soient de « droite » ou de « gauche », etc., les systèmes de comportements et les rapports au monde restent expliqués qu’à partir du seul référent religieux.

[xii] Il est à cet égard assez cocasse de voir certaines voix de « gauche » critiquer la forme prise par la révolte et bouder les initiatives de soutiens aux jeunes incarcérés. Devant une situation insupportable les dominés empruntent les canaux d’expressions disponibles. Que ceux qui prétendent incarner une alternative sociale soient absents de ces quartiers populaires, participe donc des formes prises par la révolte. Si le fond de la révolte est le résultat de la domination, sa forme est, elle, issue de l’état des canaux d’espoirs sociaux dans ces quartiers populaires.

[xiii] Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel et Emmanuelle Collignon, Mémoire coloniale- Mémoire de l’immigration- Mémoire urbaine, Achac, 2005.

[xiv] Rapport du BIT intitulé « Les discriminations a raison de «l’origine » dans les embauches en France ; Une enquête par tests de discrimination selon la méthode du BIT », E. Cediey et F. Foroni, BIT, 2007.

[xv] Idem, p. 110.

[xvi] Cf. Y. Gastaut, L’immigration et l’opinion en France sous la cinquième République , Seuil 1999

[xvii] Said Bouamama et Pierre Tévanian, Peut-on parler d’un racisme post-colonial ?, livre collectif « Culture postcoloniale 1961-2006, Traces et mémoires coloniales en France », Autrement, 2007.




Le calendrier 2010 Palestine Libre est maintenant disponible

Vive la Résistance !

Dans des sociétés occidentales relativement pacifiées, un stéréotype est fortement prégnant : la résistance est synonyme de violence. Or l’histoire de toutes les sociétés montre que la résistance est surtout un acte de libération, un acte qui permet de vaincre l’oppression quelle qu’elle soit.

En Palestine, les colonisés n’ont pas le choix. Plus précisément les colons ne leur laissent pas le choix. A la violence coloniale sous toutes ses formes, le peuple palestinien répond par une résistance sous toutes ses formes : l’action individuelle comme l’action collective, pacifique comme armée, le peuple palestinien utilise tous les moyens qui lui permettent de desserrer l’étau colonial et faire reculer l’oppression sioniste. Il est bien connu que les formes de la résistance s’adaptent à la nature de la violence coloniale. A la violence militaire impitoyable de la colonisation juive, le peuple palestinien répond par la résistance armée. La volonté de survie prend le pas sur toute autre considération ; et seul le peuple palestinien est à même de définir les objectifs et les moyens de combattre la machine de guerre appelée Israël.

Des premières actions héroïques des paysans Palestiniens dépossédés de leurs terres par les colons juifs au début du XXe siècle à la résistance victorieuse à Gaza en janvier 2009, des milliers de Palestiniens ont fait le sacrifice de leur vie pour la justice : libérer la terre qui parle arabe, libérer toute la Palestine.

Ce calendrier rend hommage à tous ces glorieux résistants, hommes et femmes, connus ou moins connus. Il rend hommage à tout un peuple.

 Calendrier 2010 Palestine Libre couverture

Ce calendrier est entièrement bilingue arabe/français.

Il présente chaque mois de l’année sur 2 pages au format 21*29,7.
Chaque mois, un texte revient sur un grand moment de la résistance Palestinienne.

 Calendrier 2010 Palestine Libre Janvier

Le calendrier est vendu au prix de 5 euros. L’argent collecté permet de soutenir les actions de l’association et notamment l’invitation de Palestiniens pour qu’ils présentent eux-mêmes en France leur lutte de libération.

Ce calendrier est réalisé par le CAP en collaboration avec le Centre d’Information sur la Palestine (CIREPAL-Liban) et le Philistin (www.philistin.fr ).

Vous pouvez le commander dès maintenant grâce à ce formulaire . Imprimez-le et renvoyez-le nous accompagné de votre règlement.




L’islamophobie et ses usages politiques

islamophobie[1]Le 19 septembre dernier, une jeune musulmane a été victime d’une agression raciste à Pessac, frappée et insultée parce qu’elle portait un voile. Le Comité Action Palestine dénonce avec force cet acte islamophobe et s’est joint à l’appel à la manifestation du samedi 10 octobre.

Le Comité Action Palestine dénonce aussi avec virulence ce qui a rendu possible une telle lâcheté, qui la cautionne et la banalise, à savoir le climat d’islamophobie entretenu par les discours médiatiques des hommes politiques de cette Nation, par leurs pratiques anti-immigrés et les lois discriminatoires qu’ils font voter. Et il est d’une évidence criante que le pas est vite franchi entre l’interdiction du voile à l’école, l’interdiction du niqab dans la rue et l’agression d’une jeune musulmane.

La classe politique française, laïque et républicaine, use de tous les instants et de tous les stratagèmes pour implanter la haine anti-musulmane dans ce pays car elle y voit deux objectifs majeurs. La première fonction de ce racisme islamophobe est à usage interne. Elle marginalise une population économiquement précaire et donc susceptible d’être politiquement contestataire : il crée donc une scission blancs-immigrés profitable au maintien de l’ordre républicain-bourgeois. La deuxième fonction, à usage externe, de ce racisme, est de délégitimer tout mouvement de solidarité en France avec les peuples musulmans dans leur résistance contre les agressions coloniales et impérialistes. Il s’agit en particulier d’éviter, pour un Etat républicain pro-sioniste, que le mouvement pro-palestinien ne trouve un écho au sein de la population française.

Parmi les stratagèmes mis en oeuvre par la classe politique française pour développer l’islamophobie au sein de la population française, c’est sans doute l’utilisation de relais indigènes de cette propagande anti-musulmane qui est la plus dangereuse. C’est pourquoi le Comité Action Palestine attire particulièrement l’attention sur ces associations de composition indigène qui travaillent au service du pouvoir néocolonial français. L’association Ni putes ni soumises par exemple est une des filiales les plus emblématique de l’industrie islamophobe. Sa stratégie repose sur deux axes idéologiques simples. Il s’agit en premier lieu de stigmatiser les jeunes des quartiers populaires comme groupe fondamentalement sexiste pour les rendre haïssables aux yeux de la société française et renforcer leur isolement. En second lieu, l’objectif visé est de créer une division hommes-femmes dans les quartiers populaires, au sein même des foyers immigrés, pour affaiblir structurellement cette underclass politiquement dangereuse et, par la même occasion, de la détourner des vraies problématiques politiques. Il faut noter au passage que cette organisation a férocement milité pour l’adoption de la loi sur l’interdiction du voile à l’école en dénigrant les femmes islamistes, ces « soldates du fascisme vert » et pour libérer, malgré elles, les musulmanes de « l’oppression de voile », selon les propres expressions de Fadéla Amara (Le Parisien-21-09-03). A l’instar du Parti Socialiste, l’association Ni putes ni soumises enveloppe sous un discours libérateur et progressiste des positions des plus rétrogrades et réactionnaires qui soient.

Les autorités politiques françaises ont promu financièrement et médiatiquement cette organisation en adoptant la même stratégie qui conduisait en 1983 à la création de SOS racisme. SOS Racisme a été crée de toute pièce par le Parti Socialiste, à l’initiative de François Mitterrand et de Julien Dray, pour désamorcer le mouvement de la Marche pour l’égalité des jeunes issus de l’immigration. Dans le même temps, les cadres qui ont été placés à la tête de cette organisation sont issus pour la plupart de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) et sont connus pour leur sionisme. Pour le pouvoir, il fallait à tout prix empêcher que le mouvement des quartiers populaires ne fasse sienne la cause pro-palestinienne.

Que ce soit SOS Racisme, Ni putes ni soumises ou d’autres associations de moindre ampleur, les éléments issus des minorités immigrées à qui est confié ce travail de sous-traitance apportent une caution de non-racisme aux idéologies racistes et aux pratiques de l’Etat. Ils justifient directement ou indirectement les attaques en règle du pouvoir envers les populations immigrées des quartiers populaires. Taxer les musulmans de France de communautaristes, de fanatiques, de sexistes, de délinquants, de rétrogrades, de moyenâgeux, de sauvages ou de barbares, n’est-ce pas faciliter le travail de répression de l’Etat ? Et en retour, ce racisme d’Etat n’encourage-t-il pas les passages à l’acte, les crimes et les injures dont les musulmans sont la cible ?

Le comité Action Palestine recommande aussi une grande vigilance vis-à-vis de ces idéologues issus de l’immigration, tel Tarek Oubrou, qui derrière une phraséologie sophistiquée prônant une réforme de l’islam, font le jeu des institutions néocoloniales de la République. Il y a quelques années déjà, Tarek Oubrou proposait une « charia des minorités », c’est-à-dire une adaptation des pratiques musulmanes au contexte politique et juridique français, la possibilité de déroger à certaines prescriptions religieuses dans la mesure où elles ne cadrent pas avec le droit, les institutions, l’État français. Voilà ce qu’affirmait alors le recteur de la mosquée de Bordeaux : «J’informe la fille ou la femme qui risque l’expulsion de son établissement scolaire ou de son travail qu’elle a la dérogation de ne pas couvrir ses cheveux. » Mais, cette«dérogation n’est pas une abrogation. Au cas où elle insiste pour le porter, elle doit être soutenue dans son combat» (Libération-20 août 2002).Mais Tarek Oubrou pose délibérément le problème à l’envers et les perspectives et solutions qu’il propose doivent être questionnées : faut-il aménager et réformer des pratiques islamiques qui dérangent le pouvoir français ou faut-il critiquer et combattre des lois et des institutions qui discriminent et oppriment chaque jour davantage les populations musulmanes de France ? Il est évident que l’idéologue musulman a fait son choix, celui de la soumission et de la compromission avec une classe politique raciste et en cela il correspond exactement à la définition que donne Frantz Fanon de l’intellectuel colonisé, un intellectuel aliéné qui a fait siennes et intériorisé les demandes du dominant, un intellectuel qui veut parler le langage de l’occident en effaçant les stigmates liés à ses origines. En considérant le voile comme « une norme canonique secondaire » et en recommandant aux femmes musulmanes de ne pas le porter, notre islamologue républicain ne cherche-t-il pas l’invisibilité de l’islam dans la société française ? Et le propre de toute idéologie raciste n’est-il pas de rendre invisible, de réduire au silence, de nier l’objet du racisme ?

Mais Tarek Oubrou ne s’est pas arrêté là, et ses dernières déclarations et manifestations sur la place publique trahissent une collusion grandissante avec des cercles d’intérêt qui ont peu de considération pour les musulmans. Ainsi dans un débat avec Hervé Rehby (président du centre Yavné), dans le cadre des Amitiés judéo-musulmanes de juin 2009, il semble accréditer la thèse de son contradicteur qui établit une corrélation historique entre la femme voilée et la prostituée. En effet, voilà ce qu’affirmait Hervé Rehby : « Lors de l’une des toutes premières mentions du voile dans la Torah, il est écrit que la femme est « couverte à la manière des prostituées ». Les femmes qui se prostituaient se voilaient pour préserver leur identité. » . Et ce que répondait Tarek Oubrou : « En effet, j’ai moi-même vu ça dans mon village : les femmes voilées, on savait qu’elles étaient prostituées, et qu’elles se protégeaient ainsi (…) On oublie trop souvent que dans le choix d’un habit, il y a une stratégie. » (Sud Ouest-27 juin 2009). Étant donné que l’intervention de Tarek Oubrou manque singulièrement de clarté, il est légitime de s’interroger sur son positionnement politique : pourquoi dans un contexte si difficile pour les musulmans, dans lequel toutes les arguties semblent bonnes pour justifier la loi inique contre le voile, participe-t-il de cet amalgame ignoble ? Pourquoi apporte-t-il de l’eau au moulin du CRIF et à tous ceux qui sont animés par la haine contre les musulmans ? Et pourquoi répond-il à l’invitation du CRIF quelques mois après l’agression sioniste à Gaza sachant que celui-ci avait manifesté pour apporter son soutien inconditionnel à l’armée israélienne ? Sachant aussi que les membres musulmans de l’Amitié judéo-musulmane avaient démissionné en bloc de cette instance lors des bombardements de Gaza ! Accepterait-t-il le colonialisme israélien comme il paraît si bien accepter le néocolonialisme français ?

D’interviews en conférences et de conférences en interviews, Tarek Oubrou a perdu ses garde-fous et milite pour une absorption-dilution de l’islam dans la république française à laquelle les dirigeants de ce pays n’auraient rien à redire. Autant en 2002, il insistait pour se battre aux côtés des femmes qui refuseraient d’enlever le voile -même s’il recommandait aux musulmanes de ne pas le porter- autant en 2009, un tel combat ne semble plus pour lui ni opportun ni d’actualité. Le slogan de Tarek Oubrou est désormais « mets ton foulard dans ta poche ». En effet, l’idéologue islamo-républicain ne considère plus le voile comme une obligation religieuse mais seulement « comme recommandation implicite qui correspond à une éthique de pudeur du moment coranique. Pour autant, une femme qui ne le met pas ne commet pas de faute. Mais, aujourd’hui, la communauté musulmane est fragile, et s’attache à des adjuvants et à des normes. C’est aberrant de réduire une femme musulmane à son foulard ; c’est de l’ignorance. Le foulard n’est pas un objet cultuel, encore moins un symbole de sacré. » (Le Monde-15-10-09). Le hijab n’est plus dans la bouche de Tarek Oubrou une obligation religieuse, même pas une prescription ! Ces propos sont pour le moins étonnants et de nouvelles questions s’imposent : est-ce une relecture savante du Coran qu’il nous propose là ou une accommodation au droit sacré de la République ? Et comment l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), dont Tarek Oubrou est un membre influent, se positionne-t-elle vis-à-vis de ces déclarations ?

Le port du voile dans la société française a une signification politique qui lui échappe ou qu’il feint de ne pas voir, c’est une résistance face à une domination qui prend les formes de l’occidentalisation, c’est un combat quotidien contre l’acculturation imposée, contre la violence symbolique et physique des classes dirigeantes envers les immigrés issus des anciennes colonies et les musulmans en général. Et c’est un combat mondial contre la domination impérialiste qui est aussi une hégémonie culturelle !

Mais Tarek Oubrou joue à l’aveugle et veut aveugler le monde avec lui lorsqu’il déclare, péremptoire, que l’islamophobie n’existe pas en France : « Le racisme n’est pas une nouveauté, mais l’islamophobie présentée comme un fléau de notre société, je ne la vois pas. Je n’accepte pas cette position victimaire et cette posture de consommation de droits(…) En outre, l’islamophobie est parfois développée par des musulmans eux-mêmes qui, par leur comportement et leur visibilité, peuvent faire peur à nos concitoyens non musulmans. » (Le Monde-15-10-09). Il n’y aurait pas de fléau de l’islamophobie en France, pas de discrimination à l’embauche ni au logement, pas de monde carcéral où végètent un grande nombre de musulmans ni de justice à double vitesse, pas de violences policières ni de meurtres impunis, pas de réorientation massive des élèves musulmans vers les filières professionnelles, pas de récurrence des déclarations racistes des personnalités politiques, pas d’acharnement médiatique contre les jeunes issus de l’immigration, pas de lois discriminatoires envers les musulmans ni de reconduites quotidiennes à la frontière, pas même d’agressions racistes dans la rue. Alors si l’islamophobie est pure construction imaginaire, que faisait Tarek Oubrou au rassemblement du 10 octobre 2009 à Pessac dénonçant l’agression raciste par quatre individus d’une jeune musulmane ? Et il va jusqu’à prétendre que si l’islamophobie existe, c’est qu’elle est provoquée par les musulmans eux-mêmes. Alors faut-il supprimer les musulmans pour supprimer le racisme islamophobe ? C’est exactement le mode de pensée du raciste primaire. Il est maintenant évident que la classe politique et les islamophobes en tout genre ont trouvé en Tarek Oubrou un fidèle serviteur.

L’islamophobie, en tant qu’idéologie dominante, crée une représentation inversée de la réalité sociale. Par un mécanisme de projection inversée, elle impute à la cible de ses attaques, aux musulmans, un état d’arriération mentale qui est celui de la psychologie raciste. Les classes dominantes en France sont islamophobes par nécessité sociale, ce racisme constituant en quelque sorte un ethos de classe. L’exploitation forcenée des semi-prolétaires immigrés a besoin d’une justification idéologique, en l’occurrence le racisme anti-musulman. Mais cette islamophobie est assumée et constitue une ressource politique pour assoir une domination qui en tant que telle serait fragile. En même temps, elle s’avère être un puissant moyen d’éloigner les soutiens possibles à la cause palestinienne en France. C‘est pourquoi les agents actifs de l’islamophobie sont aussi souvent de fervents partisans d’Israël. La question sociale et la cause palestinienne sont donc consubstantiellement liées. La classe politique ne s’y est pas trompée en élevant le sionisme au rang d’idéologie officielle de l’Etat Français. En ce qui concerne les dominés, le niveau d’implication dans le soutien à la cause palestinienne constituera sans doute le révélateur de l’autonomie de leur mouvement et de leur maturation politique.

Comité Action Palestine




Antifascistes encore un effort… si vous voulez l’être vraiment !

Bricmont-CSOJ[1]Article de Jean Bricmont publié le 21 octobre 2009 par l’ISM .

Comment ne pas voir que le discours sur l’holocauste est instrumentalisé pour soutenir Israël et pour faire taire les critiques (la question n’étant pas de « mettre en cause » l’holocauste, mais de se demander pourquoi cet événement doit déterminer notre politique étrangère) ? Le temps où une majorité de gens aimait réellement Israël, « la seule démocratie au Moyen-Orient », « la villa au milieu de la jungle » etc. est passé. Mais l’étape qui reste à franchir, pour qu’une autre politique envers le Moyen-Orient soit possible, est de libérer la parole et de faire cesser l’intimidation et la culpabilisation à propos de tout ce qui concerne Israël et le sionisme.

« Pour guérir radicalement la censure, il faudrait la supprimer car l’institution est mauvaise et les institutions sont plus puissantes que les hommes. » Karl Marx (1 )

Divers amis se sont inquiétés du fait que mon nom soit cité dans un article (non signé) de REFLEX , intitulé « Procès Dieudonné – Faurisson : la Cour des Miracles négationnistes » et relayé par l’AFPS , Bellaciao .

J’ai donc lu l’article avec attention ; il s’attaque à un certain nombre de gens qui ont assisté au procès de Dieudonné et Faurisson, suite au spectacle du Zénith (2 ) et particulièrement à Paul-Eric Blanrue, auteur du livre « Sarkozy, Israël et les juifs » dont j’ai recommandé la lecture. Cet article est intéressant parce qu’il illustre tous les défauts d’une certaine « gauche antifasciste ».

Le fond de l’affaire tourne autour de la liberté d’expression. Ayant expliqué ailleurs mon point de vue à ce propos, je ne vais pas y revenir en détail. Et, avant de continuer, je voudrais souligner (même si cela devrait être inutile) que défendre la liberté d’expression de X ne signifie nullement approuver les idées de X. Cette défense découle seulement d’une réflexion sur les principes de droit sur lesquels repose une société démocratique. Et, dans une société réellement démocratique, il y aura nécessairement une telle multiplicité d’opinions qu’il est impossible de les approuver toutes – mais on peut néanmoins considérer que l’expression de toutes ces idées, aussi folles et mutuellement contradictoires qu’elles soient, doit être légale. La liberté d’expression est un principe fondamental de la démocratie, et pas, comme on le dit trop souvent, un « prétexte » pour « soutenir » X ou Y. Il est pour le moins étrange que des « antifascistes » approuvent le fait que l’on rende, comme l’a dit Chomsky à propos de l’affaire Faurisson, un triste hommage aux victimes de l’holocauste en adoptant la doctrine centrale de leurs bourreaux, à savoir qu’il appartient à l’Etat de déterminer la vérité historique et de condamner ceux qui ne s’y conforment pas.

Mais, même si l’on ne partage pas ce point de vue, la question de la pente glissante se pose : jusqu’où ira-t-on dans la répression des opinions « scandaleuses » ? On requiert un an de prison (avec sursis) contre Dieudonné pour un sketch. On est évidemment libre d’estimer ce sketch de très mauvais goût, insultant, et le condamner moralement (3 ). Mais un an de prison (même avec sursis) ? Que répondra-t-on aux Noirs et aux Musulmans qui pourraient se sentir insultés par d’autres sketches (y compris certains sketches de Dieudonné) ? Comment éviter que les Musulmans, qui se considèrent insultés par les caricatures du Prophète, et l’impunité dont elles jouissent (heureusement), n’y voient une nouvelle preuve du « deux poids, deux mesures » à leur égard (4) ? Aujourd’hui, divers courants au sein de l’Union Européenne veulent sacraliser la mémoire des « victimes du communisme ». Où s’arrêtera-t-on? Une partie de la gauche s’inquiète de cette dernière sacralisation – mais peut-être aurait-elle été mieux avisée de ne pas entrer, justement à propos des victimes du fascisme, dans le jeu de la sacralisation.

A mon humble avis, c’est cette constante restriction de la liberté d’expression qui devrait donner « froid dans le dos » aux antifascistes véritables.

Par une pure coïncidence, cette affaire Dieudonné se produit en même temps que la levée de boucliers du monde intellectuel et artistique en faveur de Roman Polanski. Alors que, dans cette dernière affaire, le « talent artistique » semble tout permettre, même des miracles, comme le fait de commettre une erreur de jeunesse (dixit BHL) à 43 ans, ou d’avoir des rapports sexuels avec une mineure non consentante sans commettre de viol (dixit Costa-Gavras), pas un mot n’est prononcé par ce même monde intellectuel et artistique en faveur de Dieudonné qui, au cours de toute sa carrière, n’a jamais été « coupable » que de délit d’opinion. Dans le cas de Polanski, le fait qu’une fille pose nue (Finkielkraut) ou paraisse plus âgée qu’elle n’est (Costa-Gavras), ou que le violeur soit une victime (du nazisme et du communisme-Finkielkraut et BHL) sert de circonstance atténuante. Finkielkraut vit dans « l’épouvante ». Lelouch compare la police suisse à la Gestapo. BHL en appelle à l’esprit de tolérance suisse, mentionnant Voltaire, comme si c’était Polanski et non Dieudonné qui était poursuivi pour délit d’opinion. Etrange époque où la lutte contre « l’ordre moral » et contre le « fascisme », ou encore le « il est interdit d’interdire », mènent simultanément à la complaisance à l’égard du viol et au rejet de la simple liberté d’expression.

L’article de REFLEXes soulève aussi le problème du « guilt by association », de la culpabilité par association, fortement dénoncée aux Etats-Unis, surtout dans la gauche, parce que c’était une des armes favorites du Maccarthysme. Que viennent faire dans cet article Michel Collon, la librairie Résistances et moi-même ? Michel Collon rien, à part le fait que j’en suis « proche ». Mais pourquoi le citer lui et pas Noam Chomsky, Alan Sokal, Régis Debray, Anne Morelli, ou quantité d’autres, dont je suis tout aussi « proche » ?

La Librairie Résistances , elle, a été attaquée par des nervis sionistes et a tenu un meeting en plein air suite à cette agression, au cours duquel Me Bastardi Daumont, avocat de Blanrue et de Faurisson, a pris la parole. Où est le crime ? Que reproche-t-on à Me Bastardi Daumont ? Suggère-t-on que Faurisson ne doit pas avoir d’avocat, contrairement aux pires assassins ? S’il doit bien en avoir un, est-ce un crime d’être celui-là ? Pense-t-on qu’un avocat partage nécessairement les vues de son client ? Pourquoi cette coïncidence (être à la fois l’avocat de Blanrue, de Faurisson et participer au meeting de soutien à la librairie) ? Sans doute parce que, précisément à cause du climat de terreur intellectuelle « antifasciste » qui règne en France, les avocats prêts à défendre le principe de la liberté d’expression ne se bousculent pas au portillon.

Et moi-même ? J’ai lu le livre de Blanrue et je l’ai trouvé salutaire. Bien que moins complet, il est un peu le « Mearsheimer et Walt » français, en ce sens qu’il met, pour la première fois, le doigt sur un problème fondamental de nos sociétés, à savoir l’extraordinaire influence sur notre vie politique des réseaux pro-israéliens (ou du lobby pro-israélien, comme disent Mearsheimer et Walt). Je le lui ai dit et je l’ai autorisé à me citer sur son site. Je ne lui ai pas trouvé d’éditeur, contrairement à ce qu’affirment nos spécialistes de l’antifascisme (et du renseignement), même si j’aurais été heureux de pouvoir le faire. Comme le dit Alain Gresh, le livre de Blanrue « mérite débat » ; mais le livre a été de facto censuré en France, vu que le diffuseur français de son éditeur belge a refusé de le distribuer (initiative extraordinaire de la part d’un diffuseur, si on y réfléchit : qu’est-il advenu du bon vieux capitalisme et de la « soif de profit » ?). De plus, bien que Blanrue soit un auteur relativement connu, aucun grand média ne parle de son livre. La puissance des réseaux sionistes est accrue par le tabou qui empêche de parler d’eux. Le terrorisme intellectuel « antifasciste » ne fait que renforcer ce tabou. Le grand mérite de Blanrue est de tenter de sortir de ce cercle vicieux qui, comme il le souligne d’ailleurs, n’est pas, à terme, « bon pour les juifs ».

Bref, j’apprécie le livre de Blanrue et je le dis. Quelle relation entre cela et le fait qu’il assiste au procès Dieudonné-Faurisson (ce qui, vu les enjeux juridiques de cette affaire, est tout à fait compréhensible) ou qu’il ait eu dans sa jeunesse des activités « suspectes » (aux yeux de la police de la pensée) en Moselle ? Il a été chrétien ? Je vais l’avouer : moi aussi (ainsi, il existe encore des chrétiens en France et en Belgique ; quelle horreur ! Que fait la police ?). Il a été royaliste ? Moi pas, mais en tant que Belge, j’en ai rencontré beaucoup et je n’ai pas remarqué qu’ils mangeaient des enfants au petit déjeuner. Et j’ai connu assez de gens qui ont, dans leur jeunesse, fait une apologie sans nuance de Staline, de Mao, ou de toute forme de violence, pourvu qu’elle soit « révolutionnaire » (et dont certains se sont recyclés dans l’antifascisme), pour que le genre d’accusations portées contre Blanrue me laisse froid (est-il vraiment si fréquent de trouver des gens en France dont le parcours est, comme dit REFLEXes , « politiquement limpide et irréprochable » ?).

De plus, quand il s’agit d’auteurs comme Heidegger, Céline ou Foucault (oui, oui, même Foucault), il est permis de citer, d’étudier, d’admirer une partie de leur œuvre sans se soucier de ce qu’ils ont dit ou fait par ailleurs, et qui est souvent plus étrange que ce que l’on reproche à Blanrue. Pourquoi ne pourrait-on pas avoir la même attitude par rapport au citoyen Blanrue ? Existe-t-il un principe de Polanski généralisé qui veut que pour des gens suffisamment célèbres (Heidegger et Co.), on puisse parler de leur œuvre ou d’une partie de celle-ci sans parler de la personne ou de l’ensemble de l’œuvre, mais pour les moins célèbres, non ?

J’avoue également avoir un petit problème avec la notion d’extrême droite en France. Pour les « antifascistes », l’extrême droite, ce sont exclusivement les gens qui sont supposés être nostalgiques de Vichy, de la monarchie, de l’Algérie française, qui sont trop souverainistes à leur goût, ou encore, pour certains, les « islamo-fascistes ».

Mais pourquoi la censure n’est-elle pas d’extrême droite ? Pourquoi l’apologie de la guerre (et la négation de crimes de guerre) à Gaza, au Liban, en Afghanistan et en Irak ne l’est-elle pas ? Pourquoi le fait de considérer qu’un peuple a le droit de s’installer sur la terre d’un autre et de l’en chasser à jamais (c’est-à-dire en lui refusant tout droit au retour) n’est-il pas d’extrême droite ? Pourquoi n’est-il pas d’extrême droite de célébrer comme démocratique (avilissant ainsi ce concept) un Etat défini explicitement sur une base ethnique (5 ) ? Pourquoi la notion de culpabilité collective (appliquée au peuple allemand, français etc.) n’est-elle pas de « l’essentialisme raciste » et donc d’extrême droite ? N’est-ce pas encore plus le cas quand cette culpabilité devient transmissible aux descendants ?

Si l’on veut bien élargir ainsi la notion d’extrême droite (ce qui me semble justifié d’un point de vue conceptuel et historique), on se rend compte que le gouvernement français, la plupart des médias et des intellectuels, et bien sûr, une bonne partie de la « gauche antifasciste » sont d’extrême droite, ce qui complique considérablement la nécessaire « lutte contre l’extrême droite ». Il ne suffit pas de ne pas « ouvrir son antenne » à Soral ou à de Benoist, mais il faudrait la refuser à pratiquement tout le monde. De plus, l’extrême droite la plus dangereuse est-elle celle de la « nostalgie », ou celle qui influence la politique et la pensée occidentale actuelles ?

Finalement, il est regrettable de voir que des articles comme celui de REFLEXes sont repris par des associations pro-palestiniennes comme l’AFPS (ou Bellaciao ). Bien sûr, ils ont le droit de le faire, là n’est pas la question. Mais le fait de diffuser certains articles plutôt que d’autres est un choix politique, et ce choix peut être discuté. Or ce choix signifie que la priorité, pour ces organisations, n’est pas de défendre la liberté d’expression mais bien de hurler avec les loups dans la dénonciation des « méchants » (Dieudonné, Blanrue etc.).

Comment ne pas voir que le discours sur l’holocauste est instrumentalisé pour soutenir Israël et pour faire taire les critiques (la question n’étant pas de « mettre en cause » l’holocauste, mais de se demander pourquoi cet événement doit déterminer notre politique étrangère) ? Le temps où une majorité de gens aimait réellement Israël, « la seule démocratie au Moyen-Orient », « la villa au milieu de la jungle » etc. est passé. Mais l’étape qui reste à franchir, pour qu’une autre politique envers le Moyen-Orient soit possible, est de libérer la parole et de faire cesser l’intimidation et la culpabilisation à propos de tout ce qui concerne Israël et le sionisme.

La « solidarité avec la Palestine » commence ici , principalement dans la lutte contre les réseaux pro-israéliens. Diffuser et faire connaître le livre de Blanrue, ou celui de Mearsheimer et Walt, défendre la liberté d’expression, aider à libérer le discours et à ouvrir le débat, c’est réellement « aider la lutte des Palestiniens », et c’est l’aider de façon essentielle.

Nous ne devons pas montrer aux sionistes que nous sommes « gentils », en nous « démarquant » sans arrêt de X ou de Y qui a eu une parole trop dure ou trop franche, mais montrer que nous sommes libres et que le temps de l’intimidation est passé. Heureusement, de même que les Palestiniens résistent, il existe encore des gens en France qui défendent les principes les plus élémentaires de la République et de la laïcité. Il ne reste plus qu’à souhaiter que les « antifascistes » se joignent à eux.

Jean Bricmont

Notes de lecture :

1 . Remarque sur la récente réglementation de la censure prussienne, 1842, Textes philosophiques , 1842-1847, Cahier Spartacus, no 33, 1970.

2 . Au cours duquel (en décembre 2008) Dieudonné fit remettre un « prix de l’infréquentabilité et de l’insolence» à Robert Faurisson, par son assistant déguisé en costume de déporté. Suite à cela, Dieudonné est poursuivi, entre autres, pour insultes à caractère raciste.

3 . Il faut néanmoins rappeler que si la liberté d’expression était respectée en France, il n’y aurait jamais eu d’affaire Faurisson, ce dernier serait probablement inconnu et il n’y aurait probablement pas eu le show du Zénith. La censure incite toujours à la transgression et il n’y a aucune raison de penser que l’affaire du Zénith soit la dernière du genre, quelles que soient les peines qui seront prononcées.

4 . Voir la vidéo pour une illustration de ce sentiment d’injustice.

5 . Par exemple, où faut-il situer sur le spectre politique la citation suivante : « Si l’on regarde une carte du monde, en allant vers l’est : au-delà des frontières de l’Europe, c’est-à-dire de la Grèce, le monde démocratique s’arrête. On en trouve juste un petit confetti avancé au Moyen-Orient : c’est l’État d’Israël. Après, plus rien, jusqu’au Japon. […] Entre Tel-Aviv et Tokyo règnent des pouvoirs arbitraires dont la seule manière de se maintenir est d’entretenir, chez des populations illettrées à 80%, une haine farouche de l’Occident, en tant qu’il est constitué de démocraties. » Elle est de Philippe Val (dans Charlie-Hebdo , 26 juillet 2006), ancien directeur de Charlie-Hebdo et actuel directeur de France Inter . Voir Le plan B , Frappes médiatiques sur le Liban , 5 janvier 2009 ; ce journal précise : « selon le Rapport des Nations unies sur le développement humain de 2003, seuls trois pays au monde avaient alors un taux d’illettrisme supérieur à 80%. Et aucun d’entre eux n’était situé entre Tel-Aviv et Tokyo, puisqu’il s’agissait du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Ailleurs, entre Tel-Aviv et Tokyo, le taux d’illettrisme était de 23% en Iran, de 9% en Chine, de 7% aux Philippines. Et… de 13% au Liban. »

Source : http://www.ism-france.org/  




Bordeaux-Haïfa : un match de football…très politique (suite)

fussballFP1[1]L’Etat israélien jouit d’un statut d’exception. En Europe et aux Etats-Unis, jamais condamné, jamais inquiété pour ses crimes. Mieux : tout ce qu’il peut faire est d’avance légitimé, justifié par les braillards sionistes et les autorités françaises dociles et soumises face au sionisme. A l’occasion du match Bordeaux-Haïfa, on a pu vérifier que lorsqu’il s’agit d’Israël, les autorités françaises n’ont aucun scrupule à suspendre la « liberté de manifester » : à proximité du stade Chaban Delmas une petite poignée de militants pro-palestiniens a été encerclée par un double cordon de CRS pour les empêcher de manifester et de dénoncer la politique criminelle d’Israël. Dans l’enceinte du stade des drapeaux palestiniens ont été violemment arrachés par les agents de sécurité. Pendant ce temps les drapeaux de l’Etat criminel pouvaient flotter au vent…

Mais il ne faut pas s’y tromper : la force et la justesse du combat palestinien font peur, très peur au point qu’il est nécessaire de mettre en place des moyens disproportionnés pour intimider ceux qui le soutiennent. Le préfet de Gironde s’est-il empressé d’obéir aux ordres des vigiles sionistes ? Il faut dire que le Bureau de Vigilance Contre l’Antisémitisme {qui devrait plutôt s’intituler Bureau de Vigilance Pour le Sionisme} avait ordonné : « Nous considérons qu’il serait temps de mettre hors d’état de nuire ceux qui, par leurs sites, notamment, appellent au boycott, incitent à la haine d’Israël et des Israéliens, car cela pousse immanquablement à l’acte anti-juif ».

Boycotter et manifester contre un Etat colonial et raciste, quel crime horrible !

Mais notre détermination est intacte, nous serons toujours aux côtés du peuple palestinien pour revendiquer la justice et l’éradication du colonialisme sioniste.

Voir notre tract et l’appel à manifestation.




Bordeaux-Haïfa : un match de football…politique

fussballFP1[1]Tract du CAP publié en septembre 2009 à l’occasion du match de footbal Bordeaux – Maccabi Haifa.

On entend souvent dire que le sport n’a rien à voir avec la politique. Peut-être. Mais dans le cas de ce match, le sport est d’abord politique. La question est ici :

Pourquoi une équipe de foot israélienne joue- t-elle dans un championnat européen ?

On ne peut y répondre qu’à la condition de savoir que l’Etat d’Israël jouit, au niveau mondial, d’une situation d’exception.

Pour vous en convaincre, nous vous invitons aussi à réfléchir aux questions suivantes :

* Pourquoi Israël a-t-il accès aux subventions distribuées aux pays européens dans la plupart des programmes de financement de l’Union européenne ?

* Pourquoi l’Etat d’Israël n’a-t-il pas de frontières définies ?

* Pourquoi l’Etat d’Israël n’a-t-il pas de constitution ?

* Pourquoi l’Etat d’Israël n’applique-t-il pas les centaines de résolution de l’ONU relatives aux droits du peuple palestinien ?

* Pourquoi l’Etat d’Israël peut-il commettre depuis 60 ans des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité (comme à Gaza en janvier 2009) sans être inquiété ?

* Pourquoi Israël n’accepte-t-il pas le droit de retour chez eux {reconnu par l’ONU} de près de 6 millions de réfugiés palestiniens ?

* Pourquoi Israël peut-il emprisonner des milliers de Palestiniens, hommes, femmes, enfants, et pratiquer sur eux les tortures les plus abjectes, kidnapper des élus et les détenir sans aucune forme de procès ?

* Pourquoi Israël a-t-il rayé de la carte tout un pays : la Palestine ?


Un petit rappel historique sur Haïfa

Haïfa est une ville palestinienne occupée par Israël depuis 1948, date de la création de cet Etat. En avril 1948, une grande partie de sa population palestinienne a été expulsée et jetée à la mer par les milices juives avec l’aide de la Grande Bretagne. Haïfa est le symbole de l’épuration ethnique sur laquelle est établi l’Etat d’Israël. Aujourd’hui les Palestiniens qui y vivent toujours, comme tous les Palestiniens de 48, sont soumis à une politique discriminatoire et d’apartheid et menacés à leur tour d’expulsion.

Le Comité Action Palestine dénonce tout type de collaboration avec cet Etat colonial, raciste et criminel.

Soutien à la Résistance du peuple palestinien contre l’occupation coloniale de son pays.

Voir les actions à venir




Bordeaux-Ashdod, le honteux jumelage

juppe_netanyahu[1]Dans le cadre de son jumelage avec la ville israélienne de Ashdod , Bordeaux s’apprête à accueillir, au cours de l’été 2009, quinze jeunes israéliens pour un échange entre les centres d’animation des deux villes.

Nous ne cessons de dénoncer ce jumelage avec une ville emblématique de la politique coloniale sioniste basée sur la négation du peuple palestinien.

Nous vous appelons ainsi à manifester votre refus de cautionner ce projet et à écrire massivement à ses responsables pour empêcher la venue prochaine à Bordeaux de ces jeunes israéliens.


Venue des jeunes d’Ashdod à Bordeaux : D’après les dernières informations que nous avons recueillies, le séjour de 15 jeunes de Ashdod à Bordeaux au cours de cet été se précise. Les centres d’animation de St Pierre et Monséjour (Caudéran) seraient concernés. Nous vous demandons de protester de toute urgence auprès de la Mairie de Bordeaux, de la Mairie d’Ashdod, des centres d’animation de Bordeaux et de l’association « Bordeaux-Ashdod-Israël » pour exiger que ce séjour soit annulé.

* Mairie de Bordeaux, Hôtel de ville, Place Bey Berland, 33 077 Bordeaux cedex
– Cabinet du Maire,
– Direction des relations internationales,
– Alain Cazabonne, adjoint au maire, chargé des relations internationales

Et par mail, via le site de la mairie de Bordeaux : www.bordeaux.fr (au bas de la page web, contact)

* Mairie de Ashdod : www.ashdod.muni.il

* Association des Centres d’animations de quartiers de Bordeaux, 10 rue Vilaris, BP50, 33800 Bordeaux
http://www.centres-animation-quartiers-bordeaux.eu/nous-contacter

* Association Bordeaux-Ashdod-Israël, BP12, 33036 Bordeaux


Bordeaux est jumelée avec la ville israélienne d’Ashdod depuis 1984. Fondée en 1956 sur les ruines du village palestinien d’Isdud détruit en 1948 par les forces militaires juives lors de la création d’Israël, la ville d’Ashdod est l’exemple même de la politique sioniste de destruction de la Palestine et de mystification de son histoire. Les 4000 habitants palestiniens de l’époque ont tous été expulsés et se sont pour la plupart réfugiés dans la région de Gaza. Après plus de 60 ans, ces Palestiniens et leurs descendants sont des réfugiés qui attendent toujours, comme les 6 millions de réfugiés palestiniens, l’application de leur droit au retour sur les terres dont ils ont été chassés. Pourtant à Ahsdod chaque année, 10 000 nouveaux colons venus de Russie, d’Amérique Latine et de France viennent s’installer.

Bordeaux s’enorgueillit d’être la jumelle de cette ville coloniale au point de colporter les mythes sionistes de sa création et de nier sa véritable histoire. En effet suite à un bref déplacement à Ashdod en novembre 2006 afin de redynamiser ce jumelage, Jacques Valade déclarait au Journal Sud-Ouest (30/11/2006): « une ville de 200 000 habitants, désormais le premier port du pays alors qu’il y a cinquante ans, il n’y avait que du sable ». Nous avions dénoncé cette réécriture de l’histoire dans un courrier adressé à Mr Valade le 20 décembre 2006. Cette lettre est restée sans réponse et on peut toujours lire sur le site de la ville de Bordeaux que Ashdod est construite sur un site biblique (sic). Deux mille années d’histoire de la localité, et notamment son passé arabe, sont tout simplement passées sous silence.

Enfin, il est possible de lire sur votre blog en date du 10 janvier 2009, alors que les massacres perpétrés à Gaza par l’armée israélienne sont à leur paroxysme (massacres que vous dénoncez d’ailleurs), que vous êtes attaché à l’intégrité d’Israël et que vous admirez son peuple, si créatif et si courageux. De quelle intégrité voulez-vous parler ? De son intégrité morale ? Les plans sionistes de colonisation de la Palestine et d’épuration ethnique de ses habitants autochtones depuis le début du 20ème siècle sont maintenant connus de tous. Par ses mythes fondateurs « d’une terre sans peuple pour un peuple sans terre », Israël a tout simplement réécrit l’histoire. De son intégrité territoriale, principe de droit international ? Nous ne vous apprendrons pas que l’Etat d’Israël n’a pas de frontières définies. Concernant Ashdod, cette ville est d’ailleurs située dans la partie palestinienne du plan de partition voté à l’ONU en novembre 1947. Seraient-ce donc ces mensonges et cette négation de l’histoire qui forgent votre admiration?

Aujourd’hui, nous constatons que dans le cadre de ce jumelage une convention de partenariat entre l’association des centres d’animation de quartiers de Bordeaux et les centres de quartiers d’Ashdod a été actée à l’unanimité des conseillers municipaux de la ville de Bordeaux présents (délibéré du 27/10/2008). Ainsi il est prévu, entre autres, qu’un groupe de 15 jeunes d’Ashdod soit accueilli en juillet 2009 pour rencontrer des jeunes bordelais et qu’ils réfléchissent ensemble à la notion d’enrichissement par la diversité culturelle (Revue Maillage, décembre 2008). Est-ce cette histoire réécrite par les sionistes que les jeunes bordelais vont apprendre des jeunes colons d’Ashdod ? Est-ce du soutien massif de l’immense majorité des israéliens aux massacres de Gaza que les jeunes de Ashdod sont invités à témoigner comme marque de tolérance et de respect mutuel entre les cultures ?

Depuis sa création, le Comité Action Palestine n’a de cesse de dénoncer les mensonges sionistes et ceux qui collaborent à cette propagande en niant le peuple palestinien et son droit à l’autodétermination. Comme nous l’avons annoncé à plusieurs reprises, notre association fera tout le nécessaire pour empêcher les actions menées dans le cadre de ce jumelage, et in fine pour qu’il soit arrêté. C’est pourquoi, nous vous demandons que cette rencontre de jeunes soit annulée. Les jeunes bordelais n’ont pas à cautionner la politique collaborationniste de leur ville.

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En Palestine occupée, le peuple Palestinien est toujours debout, uni depuis plus de soixante ans contre l’infernale machine de guerre coloniale israélienne et contre tous ceux qui la soutiennent. Il nous indique la voie à suivre.

Nous, membres du Comité Action Palestine, nous sommes à ses côtés sur ce chemin pour réaffirmer que la Palestine est arabe, et soutenir sa lutte jusqu’à la victoire de la résistance et la satisfaction des revendications légitimes :

La fin de l’occupation et le droit à l’autodétermination,

Le droit inaliénable au retour des réfugiés palestiniens chez eux

La libération de tous les résistants emprisonnés




La bataille de Gaza et ses retombées politiques et diplomatiques

img4992064c28462[1]Dans un article analytiquement dense et riche par la variété des questionnements, Mohamed Tahar Bensaada aborde, sous l’angle de la problématique clausewitzienne du rapport de la guerre à la politique, les conditions dans lesquelles la victoire militaire et psychologique de la résistance dirigée par le Hamas à Gaza peut se transformer en victoire politique et diplomatique. 

Après trois semaines de combat, l’échec du pouvoir sioniste et de son armée est patent puisqu’ils ont du lamentablement abandonner le terrain sans remplir aucun des objectifs qu’ils s’étaient fixés au départ. La victoire militaire de la résistance à Gaza se double d’une victoire psychologique pour tous les peuples arabes qui ont pris conscience de la vulnérabilité d’Israël, battu deux fois en l’espace de deux ans et demi, la première par le Hezbollah en juillet 2006.

Le succès du Hamas dans la bataille de Gaza a immédiatement générer des gains politiques et diplomatiques pour la résistance : mobilisation des peuples arabes, mouvement de solidarité internationale, délégitimation de l’autorité palestinienne cherchant à tout prix à négocier un gouvernement d’union nationale, sommet de Doha appelant la rupture des relations avec Israël, sommet de Koweït s’engageant à financer la reconstruction de Gaza.

Malgré les acquis notables pour la résistance palestinienne en termes politiques et diplomatiques, le problème de la conversion du succès militaire en victoire politique incontestable est toujours en suspend et dépend de plusieurs conditions : le maintien de la légitimité du Hamas à Gaza qui passe par la reconstruction et la sortie de la crise humanitaire, l’unification de la résistance à l’échelle de La Palestine, la poursuite de la mobilisation en Europe qui permettra de faire pression sur le gouvernement israélien. Ainsi, les rapports de force politiques qui se jouent aujourd’hui en Palestine mais aussi dans le monde arabe et en Europe vont être déterminants pour la consolidation de la victoire de la résistance palestinienne et la fragilisation du clan impérialiste dans la région.

COMITE ACTION PALESTINE

La bataille de Gaza et ses retombées politiques et diplomatiques, par Mohamed Tahar Bensaada

Le Hamas a eu raison de proclamer sa victoire sur son agresseur israélien obligé à un cessez-le-feu unilatéral et à un retrait de ses forces militaires alors que, quoiqu’en disent ses propagandistes zélés dans les médias occidentaux, il n’a réalisé aucun des objectifs affichés au départ de son agression militaire. Rares étaient les observateurs qui s’attendaient à une telle résistance héroïque de la part des composantes militaires du mouvement national palestinien et du Hamas en particulier.

Sans bénéficier des armes dont l’Iran a doté son allié le Hezbollah, notamment les missiles anti-char de fabrication russe, les résistants palestiniens ont donné une leçon de bravoure et de tactique de guérilla à l’armée israélienne.

Cette deuxième déconfiture en deux ans et demi, après celle du Liban de 2006, d’une armée dont la puissance supposée constitue à la fois un facteur de légitimation interne et un facteur d’intimidation externe va sans doute peser lourd dans les prochains calculs des stratèges israéliens et de leur parrain américain.

C’est une victoire psychologique de premier ordre pour le peuple palestinien et pour tous les peuples arabes qui vont intérioriser la leçon donnée par le Hezbollah et le Hamas, à savoir qu’Israël, malgré toute son armada militaire, s’avère impuissant face à une guérilla bénéficiant d’un soutien populaire indéfectible.

Mais cette victoire de la résistance palestinienne et de l’élan de solidarité populaire internationale ne doit pas faire oublier les enjeux et les défis politiques et diplomatiques immenses qui attendent le peuple palestinien dans la nouvelle étape qui s’ouvre.

Le principal enjeu d’où découlent tous les autres peut être résumé par la question suivante : Ce qu’Israël n’a pu obtenir militairement au bout de trois semaines de bombardements intenses et sauvages par air, mer et terre, le pourra-t-il par la voie diplomatique, grâce notamment à ses alliés occidentaux et la complicité du régime de Moubarak ?

Les évènements politiques et diplomatiques qui se sont accélérés depuis le sommet du 16 janvier à Doha, s’ils sont bien analysés, permettent de dessiner quelques tendances contradictoires dont l’issue finale dépendra de la détermination de chacun des protagonistes de la scène géopolitique régionale à arracher le maximum de concessions en faveur de ses intérêts stratégiques.

Retombées politiques

Sur le plan politique, mêmes les observateurs hostiles à la ligne politique du Hamas reconnaissent que même affaibli militairement, ce qui reste à prouver, ce dernier est sorti vainqueur politiquement dans la mesure où l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas a commencé à perdre ce qui lui restait de légitimité en Cisjordanie à partir du moment où l’agression israélienne paraissait chaque jour davantage enlisée dans le bourbier de Gaza.

L’Autorité de Abbas ne pouvait sortir gagnante de cette bataille qu’à la condition que le Hamas soit détruit ou chassé de Gaza. Il faut croire que cette direction politique n’a pas seulement trahi la cause nationale de son peuple qu’elle est supposée défendre mais qu’elle a aussi commis une grave erreur de calcul tactique dans la mesure où elle a parié sur un résultat qui n’était pas d’avance garanti.

Les informations qui ont filtré indiquent que Abbas a réuni ses cadres militaires et policiers dès le commencement de la phase terrestre de l’agression israélienne en vue les préparer à rentrer à Gaza, à la suite des chars israéliens. Peine perdue, ses amis israéliens ne semblent exceller que dans les batailles aériennes et maritimes et que même cachés derrière leurs chars, leurs fantassins s’avèrent lamentables !

Reste à savoir qu’elles seraient les retombées de l’affaiblissement de l’Autorité de Abbas et du renforcement moral du Hamas dans un possible reclassement politique sur la scène palestinienne. Consciente de la nouvelle donne imposée par la bataille de Gaza, Abbas vient de lancer un appel aux dirigeants de Hamas en vue de constituer un gouvernement d’ « entente nationale » qui aura à affronter les quatre urgences de l’heure :

1.la prise en charge de la tragédie humanitaire laissée par l’agresseur israélien ;

2.la levée du blocus imposé à Gaza et l’ouverture des passages et notamment celui de Rafah ;

3.la reconstruction de Gaza après les dévastations qu’ont fait subir les bombardements israéliens ;

4.la préparation d’élections présidentielles et législatives dans les plus brefs délais.

Le fait que Abbas propose ce gouvernement d’ « entente nationale » est déjà en soi une victoire politique pour le Hamas et les autres composantes de la résistance palestinienne. Mais certains dirigeants du Hamas, qui n’a pas encore répondu officiellement à l’offre de Abbas, semblent se méfier et craignent une manœuvre politique destinée à piéger la résistance. Au vu des graves dérives auxquelles s’est laissé aller le gouvernement de Abbas dans sa collaboration criminelle avec l’occupant, il y a de quoi se méfier à juste titre.

Mais au vu des contraintes régionales et internationales actuelles et surtout au vu des attentes de l’opinion palestinienne elle-même, la résistance palestinienne a-t-elle un autre choix que celui du dialogue et de l’entente nationale ? Sur le principe, le Hamas ne refuse pas le dialogue et l’entente mais pose des conditions et exige des garanties. Le sommet qui aura lieu bientôt au Caire permettra d’éclairer ce point et montrera jusqu’à quel point le Hamas est capable de transformer sa victoire militaire, morale et psychologique sur l’agresseur israélien à Gaza en victoire politique.

Reste à savoir quelle forme pourrait prendre une victoire politique dans les circonstances que traverse actuellement la lutte du peuple palestinien. L’idéologue palestinien des territoires de 1948, Azmi Bichara, a appelé récemment à la reconstruction de l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP) autour notamment du Hamas, du Djihad islamique et du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP).

Sans nul doute, une telle perspective, si elle venait à se réaliser et à impliquer la composante nationale du Fatah qui refuse de suivre Abbas dans sa ligne capitularde, serait une grande victoire politique du peuple palestinien à la hauteur des sacrifices de Gaza. En tout état de cause, les Palestiniens ne pourront pas engranger les fruits politiques de leur résistance héroïque, ni peser sérieusement sur les acteurs régionaux et internationaux, tant qu’ils resteront divisés, même si l’unification tant souhaitée ne saurait se faire au détriment des droits nationaux inaliénables du peuple palestinien.

Mais le défi politique le plus urgent qui attend la résistance palestinienne et à sa tête le Hamas à Gaza au lendemain d’une agression aussi barbare et aussi destructrice est celui de l’opinion publique interne. Le peuple palestinien à Gaza a montré des qualités de courage, de patience et de dignité remarquables tout au long des trois semaines infernales qu’il a subies. La victoire militaire du Hamas ne doit pas lui faire oublier cet aspect capital.

Aider la population de Gaza à traverser l’épreuve humanitaire difficile de l’après-guerre n’est pas seulement un devoir moral impérieux. C’est aussi une exigence politique de premier ordre si on n’oublie pas que la destruction des institutions et des infrastructures civiles poursuivie systématiquement par l’agresseur israélien s’inscrivait dans le but de retourner une population excédée contre le Hamas.

Le maintien de l’ordre, la chasse aux traîtres et la surveillance étroite des menées hostiles qui vont se multiplier à Gaza, s’ils évitent les excès de l’autoritarisme et de la répression et restent circonscrits dans les limites du droit et de la justice, constitueront un facteur de renforcement de la cohésion nationale, qui reste le bien le plus précieux des Palestiniens dans cette étape difficile.

La prise en charge urgente des besoins humanitaires, sociaux et médicaux de la population, grâce notamment à une gestion rigoureuse et rationnelle de l’aide arabe et internationale, constitue également un enjeu politique majeur dont l’issue déterminera pour une grande la capacité de la résistance à garder son enracinement populaire, gage de sa solidité face à un adversaire plus riche et plus puissant.

Retombées diplomatiques

Grâce à leur courage, leur solidité mentale et leur application rigoureuse et disciplinée des consignes tactiques qui leur ont été données par leur commandement, les résistants palestiniens ont écrit à Gaza une des plus belles pages de la résistance populaire contre l’occupant à travers le monde. Les retombées diplomatiques sont immenses et ce n’est pas un hasard si les médias occidentaux, qui se font le relais zélé de l’agresseur israélien, ont passé sous silence ces retombées dans le but de minimiser la victoire de la résistance palestinienne et de détourner l’attention de l’opinion publique mondiale des véritables enjeux de la bataille diplomatique qui s’ouvre désormais dans la région.

La résistance héroïque de Gaza durant trois semaines de bombardements intenses et de privations mais aussi la rue arabe et le mouvement de solidarité internationale ont eu raison de l’acharnement militaire de l’agresseur israélien obligé de constater, avec ses alliés occidentaux, que les pertes d’une telle guerre risquaient désormais d’être plus importants que ses gains.

Mais c’est sur la scène régionale arabe que la résistance palestinienne et la colère de la rue arabe ont eu des retombées diplomatiques inattendues. En appelant, même tardivement, à un sommet arabe de solidarité avec la résistance palestinienne, le petit émirat de Qatar, qui entretenait pourtant des relations avec l’Etat d’Israël, a créé la surprise. Le mur du silence officiel arabe a été brisé. Certes, le sommet de Doha du 16 janvier n’a pas rassemblé la majorité des Etats arabes mais en réunissant les chefs d’Etat du Qatar, de la Syrie, de l’Algérie, du Soudan, de la Mauritanie, de l’Iran et surtout du président du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, ce sommet a annoncé clairement la couleur.

Il ne s’agissait pas seulement de dénoncer l’agression barbare israélienne contre le peuple palestinien. Il s’agissait aussi d’affirmer le soutien à la résistance palestinienne légitime et d’appeler à la suspension des relations avec Israël. Le Qatar et la Mauritanie ont annoncé lors de ce sommet la fermeture des représentations israéliennes dans leurs capitales respectives et ont appelé les autres Etats arabes concernés à faire de même.

Quelles que soient les arrière-pensées attribuées aux Etats présents au sommet de Doha et quelques que soient les limites de ce sommet, il est désormais acquis que la résistance palestinienne peut désormais compter ouvertement sur un certain nombre d’Etats dotés de capacités politiques et diplomatiques non négligeables pour peu qu’ils les mobilisent sérieusement au service de la cause palestinienne, ce qui ne pourrait se faire sans une pression constance de leurs opinions publiques respectives.

Certes, les Etats présents au sommet de Doha ont échoué à faire endosser leurs revendications par le sommet arabe qui a eu lieu les 19-20 janvier à Koweit. En effet, ce dernier n’a pu aboutir à un consensus concernant le maintien en l’état ou la suspension de la fameuse Initiative de paix arabe adoptée à Beyrouth en 2002.

Les diplomaties égyptienne, saoudienne et jordanienne continuent à jouer sur leur proximité avec les capitales occidentales et l’absence d’alternative militaire crédible à l’alliance stratégique américano-israélienne pour dominer en fin de compte les débats politiques au sein de la Ligue des Etats arabes. Mais comme l’a souligné, à juste titre, l’éditorialiste palestinien d’Al Quds al Arabi, Abdelbari Atwane, le sommet de Koweit a néanmoins enregistré un début de réconciliation inter-arabe sur une base minimaliste qui doit être consolidé et élargi dans la mesure où il s’agit d’un acquis de la résistance palestinienne et de la pression populaire de la rue arabe.

Le principal résultat concret à l’actif du sommet de Koweit reste bien entendu les engagements financiers pris plusieurs Etats arabes pour la reconstruction de Gaza. L’engagement saoudien qui demeure le plus important ( 1 Milliard de dollars) suivi d’autres engagements ( le Qatar promet 250 millions de dollars, l’Algérie 200 millions de dollars) n’est pas négligeable au vu des destructions subies par la société palestinienne à Gaza. Mais cet engagement financier ne doit pas faire oublier ses retombées politiques et diplomatiques qui ne sauraient être neutres. Ce n’est pas un hasard si le sommet arabe s’est clôturé sans prendre une décision finale sur les mécanismes à mettre en œuvre pour dépenser ces sommes colossales tant il n’y avait pas consensus en la matière.

Le conseiller général du Congrès national-islamique, Munir Chafiq, a eu raison d’insister sur le fait que cet argent ne doit pas passer par le gouvernement de Abbas. En effet, le risque n’est pas seulement que cet argent n’aille pas à Gaza mais qu’il serve surtout à alimenter la machine de guerre d’une Autorité corrompue en vue de se renforcer au détriment de la résistance et de préparer le trucage des prochaines élections.

Sous les pressions israéliennes, américaines et européennes, les Etats arabes et surtout l’Egypte vont tout faire pour utiliser la bataille de la reconstruction de Gaza pour prendre leur revanche sur le Hamas à Gaza en tentant de le court-circuiter pour favoriser leurs partenaires politique de l’Autorité de Abbas et surtout pour imposer un cadre de négociations allant à l’encontre des droits nationaux légitimes du peuple palestinien. En d’autres termes, l’enjeu diplomatique crucial de l’heure se résume dans la question : Israël gagnera-t-il la bataille de la reconstruction de Gaza après avoir perdu celle de sa destruction ?

Tel est le véritable enjeu du sommet de Charm el-Cheikh auquel ont accouru précipitamment les principaux Etats européens qui voulaient à la fois transformer la défaite militaire de leur comparse israélien en victoire diplomatique et sauver la face de leur ami Moubarak qui a été floué et humilié par la signature de l’accord sécuritaire israélo-américain sur la surveillance du passage de Rafah et la proclamation israélienne d’un cessez-le-feu unilatéral visant à minimiser le rôle diplomatique de l’Egypte dans la région.

Mais le principal objectif poursuivi par la perfide diplomatie européenne reste bien entendu empêcher coûte que coûte que le Hamas transforme la victoire de Gaza en victoire politique au service de la création d’un nouveau rapport de forces régionales qui serait plus en faveur de la cause nationale du peuple palestinien et des acteurs régionaux qui résistent d’une manière ou d’une autre à la domination américaine, ce qui en dit long sur le rôle de sous-traitant rempli par la diplomatie européenne au service de l’Empire américain dans la région du Moyen Orient malgré tous les discours démagogiques sur une politique étrangère européenne indépendante.

Dans une telle situation, deux solutions s’offrent à la résistance palestinienne. Ou bien elle arrive à arracher un compromis arabe qui finirait par imposer que la reconstruction de Gaza se fasse avec les partenaires qui sont sur le terrain et qui bénéficient de la légitimité démocratique de leur peuple ou bien, dans le cas contraire, elle se voit obligée de se tourner vers les Etats qui la reconnaissent pour qu’elle puisse bénéficier directement de leurs engagements financiers. Même au prix d’efforts incommensurables et de concessions qui ne toucheraient pas l’essentiel, la première solution reste préférable dans la mesure où la seconde solution, si elle renforce à court terme la résistance, pourrait consacrer la division des rangs palestiniens à long terme.

Le rôle de l’opinion publique

Les efforts politiques et diplomatiques en vue d’imposer la première solution dans les prochains jours et les prochaines semaines seront déterminants pour l’issue finale de la bataille future qui attend le peuple palestinien. Le mouvement de solidarité populaire qui a montré sa force durant le siège de Gaza aura d’autres tâches dans les semaines à venir qui ne sont pas moins importantes.

Exiger que l’argent arabe aille avant tout à la population de Gaza qui a subi dans sa chair les destructions sauvages de l’armée israélienne, exiger la poursuite des criminels de guerre israéliens devant les juridictions européennes et internationales, appeler les Etats arabes qui entretiennent des relations avec Israël ( Egypte, Jordanie, Maroc, Tunisie) à suivre l’exemple de Qatar, de Mauritanie, de Bolivie et du Vénézuela, Soutenir la réconciliation inter-arabe et inter-palestinienne sur la base de revendications nationales minimales, appeler à renforcer l’engagement des Etats présents au sommet de Doha au profit de la résistance palestinienne et élargir cet engagement à d’autres Etats restent des tâches minimales pour le mouvement de solidarité arabe à l’égard du peuple palestinien.

Dans la bataille de la reconstruction et de la résistance qui s’annonce, le rôle de l’opinion publique européenne, dont la mobilisation pacifique a constitué un facteur de pression politique et diplomatique important sur le gouvernement israélien, ne sera pas négligeable.

C’est au nom de leurs peuples respectifs que les gouvernements européens s’acharnent à choisir arbitrairement les partenaires qu’ils jugent fréquentables ou non à la table des négociations alors que la véritable question n’est pas qui négocie mais quoi négocier. Veut-on un Etat palestinien viable qui signifie le démantèlement des colonies et le retour des réfugiés ou bien veut-on seulement un Etat dortoir pour surveiller les millions de prolétaires palestiniens obligés d’aller travailler de l’autre côté de la frontière ?

L’opinion européenne acquise à une paix juste et durable au Moyen Orient qui ne saurait se réaliser dans la négation des droits nationaux légitimes du peuple palestinien a aujourd’hui une occasion inespérée de juger de la sincérité et la crédibilité de gouvernements européens qui ne cessent de chanter la paix et les valeurs universelles des droits de l’Homme. Le droit international humanitaire qu’ils invoquent ailleurs pour faire passer leurs sordides intérêts économiques et leur volonté de puissance peut-il atteindre les frontières d’Israël ?

Les criminels de guerre israéliens seront-ils poursuivis devant des juridictions européennes et internationales comme le réclament de nombreuses associations civiles ? Israël sera-t-il sanctionné pour ses violations flagrantes des conventions de la guerre et pour son utilisation d’armes prohibées ? Les accords de coopération privilégiée dont bénéficie l’Etat israélien, notamment dans les domaines scientifiques, technologiques et militaires, seront-ils suspendus ?

Les syndicats européens se joindront-ils aux appels au boycott de l’Etat colonialiste et raciste d’Israël comme le demandent de nombreuses organisations de la société civile ou accepteront-ils au moins d’empêcher la livraison des produits à caractère militaire à destination d’Israël comme l’ont fait les syndicats grecs lors du siège de Gaza ? L’Union européenne alliera-t-elle les actes aux discours dans la mobilisation financière pour la reconstruction de Gaza ou bien une fois de plus, les Arabes vont payer pendant que les politiques européens continueront à donner des leçons comme au bon vieux temps de la coloniale ?

Seul le mouvement social, par une mobilisation multiforme sur le terrain qui ne doit pas fléchir, pourra répondre concrètement à toutes ces questions.




Poursuivons la lutte contre l’Etat sioniste et ses relais en France

 Manifestations Gaza Bordeaux

Nous étions encore plusieurs milliers samedi 17 janvier à Bordeaux pour dénoncer la barbarie israélienne et soutenir la résistance du peuple palestinien.

De nouveau dans le calme et la dignité, nous avons dénoncé la collaboration des Etats occidentaux à ce crime contre l’humanité, et la complicité des gouvernements arabes. Nous avons aussi dénoncé la censure et la désinformation dans les médias.

Devant l’hôtel de ville où la manifestation a pris fin, le message adressé par les manifestants, notamment les jeunes, à Alain Juppé et à la municipalité, a été ferme et clair pour signifier que ce jumelage honteux avec la ville israélienne d’Ashdod doit cesser.


Nous tenons à saluer la mobilisation de milliers de personnes, depuis 3 semaines, dans un formidable élan populaire. Cette mobilisation doit sa réussite à un travail de coopération sans précédent entre plusieurs associations : le Conseil Régional du Culte Musulmam, le Cercle des Intellectuels et Artistes Algériens de Bordeaux III, International Solidarity Movement, Femmes Plurielles, l’Association Girondine des Musulmans turcs, l’Association des Musulmans de Villenave d’Ornon et de Talence qui ont été signataires de notre appel et qui se sont tant investies pour le succès de cette immense mobilisation. Malgré toutes les tentatives de division et de diabolisation du mouvement {chantage à l’antisémitisme, accusation d’ « islamisme »}, ces associations ont fait preuve d’une grande maturité en continuant ensemble le combat.

Aujourd’hui, il est possible de dire que la Résistance palestinienne a remporté une immense victoire . Sous blocus depuis 2 ans, elle tenu tête pendant 3 semaines à l’une des armées les plus puissantes du monde dont l’objectif était de faire capituler le peuple palestinien. Cette victoire de la résistance palestinienne, c’est celle de tout un peuple et de tous ses martyrs depuis près de 100 ans. Comme en 2006 au Liban, cette résistance héroïque a redonné espoir à tous les peuples du monde qui résistent contre l’oppression coloniale et néocoloniale. Elle réaffirme la légitimité de la résistance palestinienne sous toutes ses formes, notamment armée, contre cet Etat fasciste et raciste. Plus que jamais, nous devons renforcer cette solidarité sans conditions avec la résistance du peuple palestinien qui lutte pour la justice, pour que triomphe un monde meilleur. Et ce combat, c’est aussi le nôtre !

Aussi notre mobilisation doit se poursuivre sans relâche pour empêcher l’Etat sioniste, et ses relais en France , de « blanchir » son ignoble guerre et de poursuivre son œuvre génocidaire. Seule une mobilisation sous différentes formes et sur le long terme portera ses fruits.
Nous, Comité Action Palestine, poursuivrons sans relâche notre travail d’information, de mobilisation et d’action sur les bases claires que nous avons érigées en principes. Nous invitons toutes les personnes qui partagent cet objectif à nous rejoindre pour poursuivre la lutte.

 


Prise de parole du Comité Action Palestine,  le 17 janvier 2009 , Place de la Victoire à Bordeaux.

Il n’a pas suffi aux criminels israéliens de tuer plus d’un millier de Palestiniens et de faire des milliers de blessés, des milliers de vies brisées, broyées, des milliers d’enfants à jamais traumatisés. Non, ces criminels s’attaquent aussi aux écoles, aux mosquées, aux hôpitaux, aux bâtiments de l’ONU. L’objectif du fascisme israélien n’est pas seulement de liquider les héroïques militants du HAMAS, mais aussi celui d’anéantir le peuple palestinien. Sinon pourquoi s’attaquent-ils aux écoles, aux hôpitaux, à la population civile, aux enfants ? On a bien affaire à un crime contre l’humanité !

Depuis plus de soixante ans, et sans relâche, l’entité sioniste n’a qu’un objectif : détruire le peuple palestinien ; depuis plus de 60 ans, elle déporte, tue et emprisonne des Palestiniens, depuis plus de 60 ans, Israël détruit les maisons, les écoles, les villages et toute forme d’organisation sociale des Palestiniens ; depuis plus de 60 ans Israël fait la guerre à tous les peuples de la région.

Et quelle a été la réaction des Etats occidentaux, de ces prétendus Etats démocratiques ? Un soutien inconditionnel à tous ces crimes ! Pas une seule fois Israël n’a été soumis à une quelconque pression ! La survie du peuple palestinien ne tient qu’à sa noble résistance, une résistance qui est un exemple pour nous tous ; l’émancipation du peuple palestinien sera l’œuvre du peuple palestinien lui-même !

Mais face au crime organisé par les Etats-Unis et les européens dans cette région, nous nous devons d’apporter notre solidarité à la cause anticoloniale du peuple palestinien ; le combat mené en Palestine est un combat qui nous concerne car c’est un combat pour la liberté, un combat pour la justice, un combat qui doit être mené partout dans le monde.

Le combat contre le sionisme en Palestine est un combat qui se mène aussi ici car la force du sionisme c’est d’abord le soutien que lui apportent les Etats européens !

La condition pour un cessez-le feu est claire et simple. Il ne faut pas de force soit-disant internationale qui continuerait à pourchasser les résistants pour le compte d’Israël.

Il faut dire stop à la guerre criminelle et au massacre du peuple palestinien. Il faut lever totalement et sans conditions le blocus de Gaza, ouvrir tous les passages frontaliers. L’armée israélienne doit se retirer totalement de la bande de Gaza.

C’est pourquoi la solidarité avec le peuple palestinien doit être inconditionnelle et rappeler chaque jour ses revendications :

– Le droit à l’autodétermination

– Le droit au retour de tous les réfugiés chez eux

– la libération de tous les résistants emprisonnés par les sionistes




Réduire la guerre contre Gaza à sa dimension humanitaire, pour mieux occulter la question de la décolonisation

img4961163063930[1]Mohamed Tahar Bensaada est enseignant à la Haute Ecole Ilya Prigogine de Bruxelles.

Dans cette analyse, il déconstruit avec rigueur et précision la présentation idéologique, par les politiques et les médias européens, de l’offensive israélienne à Gaza. Le discours politico-médiatique, bien ficelé, vise à justifier, par son occultation, la domination coloniale sioniste en Palestine.

L’argumentaire déployé et martelé sur toutes les ondes repose sur deux idées majeures : la réduction de la situation des Palestiniens de Gaza à une question humanitaire et la diabolisation du Hamas. Le premier axe de la propagande pro-israélienne permet en effet de passer sous silence la question essentielle des causes de l’offensive sioniste à Gaza, à savoir la volonté politique d’Israël d’éradiquer toute forme de résistance à son occupation. La souffrance brute des Palestiniens, qui, à dessein, n’est jamais restituée dans son contexte historique et politique, est utilisée pour appeler à un cessez-le-feu qui ne remet aucunement en cause le rapport d’oppression colonial.

La diabolisation du Hamas permet d’aller plus encore dans la légitimation de l’entité sioniste puisqu’elle justifie implicitement la guerre à Gaza. Et explicitement l’impossibilité de négocier avec un tel acteur politique. L’absence de discussion avec un ennemi diabolisé devrait conduire logiquement à l’envoi d’observateurs internationaux au passage de Rafah, ce qui permettrait de réaliser le bouclage total de la bande de Gaza et d’approfondir ainsi la domination coloniale israélienne.


Paru le 13 janvier sur Oumma.com

Les manifestations qui ont lieu dans la plupart des grandes villes européennes contre l’agression barbare israélienne visant Gaza, outre qu’elles donnent du courage à la population et aux résistants palestiniens, peuvent contribuer à l’établissement d’un cessez-le-feu qui permettrait à la résistance de souffler, de panser ses blessures et de se réorganiser dans la perspective de batailles politiques futures.

L’horreur que nous inspirent à juste titre les images qui nous proviennent de Gaza et les témoignages émanant d’organisations non gouvernementales nous en disent long sur les risques humanitaires encourus par la population de Gaza. Mais cette tragédie humanitaire risque d’être utilisée par les médias européens pour travestir la réalité et occulter les véritables enjeux politiques de la guerre menée par l’armée israélienne contre Gaza. Même quand ces médias font semblant de nous émouvoir, ils insistent pour déplorer le nombre élevé de victimes « civiles » et notamment des enfants. Sous-entendu, les autres victimes, les « terroristes » du Hamas, n’ont que ce qu’ils méritent.

Plus grave, cette propagande tente de légitimer le discours officiel des dirigeants israéliens qui déplorent publiquement la perte des vies humaines mais cherchent à en imputer la responsabilité au Hamas qui aurait, selon eux, pris la population palestinienne en otage. A l’appel des dirigeants européens, le gouvernement israélien a accepté de cesser ses attaques durant trois heures par jour pour permettre l’ouverture d’un corridor humanitaire à Gaza. L’agresseur, qui a fait en douze jours plus de 700 tués, dont plus de 250 enfants, tente de donner l’image d’un Etat soucieux de la crise humanitaire !

Mais comme pour démentir un acteur qui bénéficie pourtant de la complaisance démesurée des médias européens, l’actualité est venue montrer qu’il s’agit d’un Etat voyou qui viole le droit humanitaire international. En effet, le même jour, l’aviation israélienne a bombardé deux écoles appartenant aux Nations unies et le lendemain un convoi d’aide humanitaire onusien poussant l’UNRWA à suspendre son activité à Gaza. Paradoxalement, à la veille d’un cessez-le-feu auquel il se sait obligé dans les jours qui viennent, à cause non seulement des pressions internationales mais aussi de l’échec politico-militaire d’une opération qui a commencé à diviser son propre gouvernement, Israël redouble de barbarie à l’égard de la population de Gaza coupable, à ses yeux, de n’avoir pas abandonné le Hamas comme il l’espérait. C’est dire que la crise humanitaire risque de s’aggraver.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que saluer et soutenir les ONG qui cherchent à aider la population palestinienne en bravant tous les risques. Mais si cet aspect humanitaire est à considérer, il serait politiquement dangereux de réduire la bataille actuelle de Gaza à cette seule dimension. A force d’insister sur cet aspect, les politiques et les médias européens cherchent, en fait, à nous faire oublier que la responsabilité première de ce drame humanitaire incombe à Israël et que la crise humanitaire est le résultat direct de son agression barbare. Mais le plus grave est que l’insistance sur l’aspect humanitaire sert à occulter le nœud politique de la crise qui est d’ordre politique.

Une guerre atroce lancée par un Etat colonialiste contre un peuple colonisé, en vue de le pousser à se désolidariser de ceux parmi les siens qui résistent à la colonisation, devient subitement dans le discours politique et médiatique européen un « conflit » apitoyant où la balance démographique de 1 Israélien pour 100 Palestiniens tués rejoint le racisme postcolonial le plus abject. Pourtant, ce qui se passe à Gaza n’est ni un tremblement de terre ni une épidémie mais bien le résultat d’une décision politico-militaire prise au plus haut niveau d’un Etat qui vient de voir ses relations avec l’UE « rehaussées » par la grâce de son ami de toujours, Nicolas Sarkozy.

Argumentaire raciste

La violence et la guerre ne sont pas des épiphénomènes dans l’histoire de cet Etat colonialiste et expansionniste. Elles sont dans sa nature essentielle. Dans son discours et sa pratique, le colonialisme israélien, comme tout colonialisme, s’accompagne d’une forme exacerbée de racisme. Qu’on en juge par ce que disent les dirigeants israéliens eux-mêmes. Nous ne citerons pas les discours racistes primaires du genre de celui de Golda Meir qui osait s’interroger sur l’ « existence » du peuple palestinien. Prenons plutôt le discours le plus récent des dirigeants israéliens actuels qui prétendent qu’ils ne font pas la guerre au peuple palestinien mais au Hamas.

Que cache ce discours, relayé par les politiques et les médias européens ? Israël chasse les Palestiniens de leurs terres, les sur-exploite économiquement et les opprime politiquement à coups de discriminations politiques et judiciaires dans le cadre d’un système d’apartheid mais en même temps il est prêt à faire la paix avec eux s’ils se laissent faire sans broncher. Il promet qu’il ne leur fera pas la guerre s’ils se tiennent tranquilles. La preuve, regardez ce qui se passe avec la bourgeoisie compradore et la bureaucratie corrompue de Mahmoud Abbas ! Israël ne leur fait pas la guerre puisqu’elles acceptent le fait accompli colonial au nom du réalisme politique ! Les militants et les sympathisants du Hamas n’acceptent pas cette politique du fait accompli colonial ? Israël est « malheureusement » obligé de leur déclarer la guerre !

Quelle est la logique qui sous-tend pareil raisonnement ? Pour le savoir, posons-nous la question simple : Que pense au fond de lui un être humain sensé d’un autre être humain qui se résigne indéfiniment à ce qu’on le déleste de ses droits et de sa dignité ? De deux choses, l’une : ou bien les dirigeants israéliens ne sont pas des êtres humains sensés et alors on comprend pourquoi ils ne se posent pas la bonne question ou bien ils sont des êtres humains sensés capables de se poser la question et d’y répondre justement (par le droit à la résistance). Dans ce cas, ils dénient la qualité d’être humain aux Palestiniens dans la mesure où ils attendent d’eux une réaction autre que celle qu’on est en droit d’attendre d’êtres humains mis dans pareille situation d’oppression et d’injustice ! On voit à quelle logique raciste et infâme se sont rangés les politiques et les médias européens qui reprennent à leur compte l’argumentaire israélien sans autre jugement.

Cautionner le discours politique qui voudrait réduire la bataille de Gaza à sa seule dimension humanitaire revient à occulter la véritable nature de cette guerre qui constitue avant tout une guerre d’une puissance coloniale qui s’accroche à son statut colonial au mépris de l’histoire et de la volonté de tout un peuple. A force de diaboliser le Hamas, les politiques et les médias qui reprennent à leur compte la propagande israélienne, en viennent à perdre de vue qu’il existe un peuple, le peuple palestinien qui a prouvé tout au long de son histoire qu’il reste attaché à sa terre et à son droit imprescriptible de fonder un Etat national viable.

Dans sa lutte, ce peuple s’est donné des organisations sociales, politiques et culturelles appelées à défendre ses droits légitimes en fonction de programmes, de stratégies et de tactiques dictés par la nature de sa lutte et la conjoncture régionale et internationale. Si jamais le Hamas venait à disparaître ou à abdiquer comme l’a fait la direction du Fatah, d’autres mouvements renaîtront et reprendront le flambeau de la lutte. Israël pourrait tout au plus gagner du temps mais comme tout système colonial, le système colonial israélien est condamné par l’histoire.

« Paix des braves »

Certes, nous entendons, ici et là, des voix européennes s’élever pour dire que le prise en charge de la crise humanitaire de Gaza ne peut se faire sans un arrêt des hostilités et que ce dernier, pour être durable, doit être suivi de négociations sérieuses pour l’instauration de la paix dans la région. Mais à y voir de plus près le cadre et les conditions de ces négociations, on est vite avisé sur la nature véritable de la « paix » proposée.

Une paix qui devrait cautionner et légaliser le rapport de forces actuel, en faveur du colonisateur israélien, assuré qu’il est de la protection de son parrain américain. Une paix qui consiste à laisser aux Palestiniens une sorte de bantoustan à la merci économique, politique et militaire d’Israël. Cette paix, si elle venait à se réaliser un jour, sera-t-elle durable ? Oui, si on continue à raisonner comme un raciste de la pire espèce et croire que les Palestiniens sont des sous-hommes capables d’accepter ce qu’aucun peuple digne de ce nom ne saurait accepter.

Mais si on pense que tout peuple a droit à la liberté, à la justice et à la dignité, alors une telle « paix », si jamais les Américains réussissaient à l’imposer pour un moment, risque de ne pas durer longtemps. Le temps en question n’est pas une abstraction physique. Ce sont des milliers de vies humaines fauchées par la violence et la guerre. Ce sont des milliers d’orphelins. Ce sont des souffrances indicibles. C’est une haine mutuelle qui ira en grandissant et qui fera reculer d’autant la perspective d’une paix véritable et durable. Et pour être durable, la paix a besoin de justice. Justice pour le peuple qui en est actuellement exclu, à savoir le peuple palestinien.

Diabolisation de Hamas

Les plus malins parmi les défenseurs de la politique israélienne reconnaissent la gravité de la crise humanitaire ouverte par la guerre actuelle et appellent au cessez-le-feu et à la poursuite des négociations avec l’Autorité palestinienne en vue de déboucher sur un accord de paix mais sans le Hamas. Le prétexte invoqué est que le Hamas serait un mouvement « terroriste » hostile par nature à tout accord de paix et à toute coexistence pacifique avec Israël.

Pour bien isoler le Hamas sur la scène internationale, on n’hésite pas à mobiliser l’argumentaire bien connu selon lequel islamisme rime avec antisémitisme et avec terrorisme. Comme toute propagande de guerre, celle du Hamas n’est pas exempte de dérives sémantiques dans un schéma classique de survalorisation du Même et de dévalorisation de l’Autre. Mais ne retenir de la ligne programmatique et politique du Hamas que cet aspect serait non seulement réducteur mais complètement faux.

Le discours du Hamas, et des Frères Musulmans en général dans la région, a beaucoup évolué depuis deux décennies. Les reclassements géopolitiques internationaux et régionaux mais aussi des débats idéologiques intenses ont eu raison des discours rigides du passé. De nouvelles élites politiques ont pris la relève et elles n’ont rien à envier dans le discours et dans la pratique aux mouvements de libération nationale même si le référentiel idéologique a changé. Et pour cause. La crise du mouvement de libération nationale et sociale arabe et la faillite des composantes nationalistes, libérales et socialistes, ont donné un nouveau souffle aux mouvements d’inspiration religieuse.

Il ne faut pas plus pour mobiliser l’Eglise laïque de France et de Navarre ! Dans des sociétés sécularisées depuis au moins un siècle, le fait que des courants « démocrates-chrétiens », « sociaux-chrétiens » et autres participent à vie politique et à des gouvernements de coalition n’empêche manifestement pas de dormir nos laïcs, républicains, libéraux, sociaux-démocrates ou gauchistes mais que des courants sociopolitiques dans des sociétés musulmanes s’avisent de chercher dans leur patrimoine théologico-politique et éthique des principes et des valeurs susceptibles de refonder leur pratique politique et voilà qu’on crie à l’intégrisme et au terrorisme !

Mais le plus grave dans cette opération de désinformation visant le Hamas, c’est qu’un mouvement sociopolitique d’une telle complexité et d’un telle richesse en est réduit à ses seules dimensions religieuse et militaire dans le but de le discréditer. Le Hamas aurait-il gagné les élections contre le Fatah à Gaza, comme il l’a fait en janvier 2007, s’il n’était qu’un mouvement paramilitaire et extrémiste de 10 à 15000 hommes comme on s’évertue à le présenter dans les médias occidentaux ? En fait, il s’agit d’un mouvement sociopolitique organisé et enraciné dans la société palestinienne grâce à de multiples ramifications sociales, caritatives, éducatives, médicales, estudiantines et professionnelles qui en font un partenaire politique incontournable sauf à vouloir remplacer le peuple palestinien par un autre peuple imaginaire !

Libres aux organisations gouvernementales et non gouvernementales appelées à gérer des questions palestiniennes de privilégier le partenaire de leur choix au sein de la société palestinienne en fonction de leurs convictions philosophiques et politiques. Mais cela ne doit pas pousser à l’aveuglement ni à la manipulation politique. Il est compréhensible de prendre position en faveur de tel ou tel protagoniste dans la compétition politique entre le Fatah et le Hamas. Mais cette compétition, qui ne devrait pas dégénérer en conflit fratricide, ne doit surtout pas se faire aux dépens de la cause nationale du peuple palestinien.

Dans sa composante majoritaire, le Fatah reste une organisation démocratique malgré la capitulation de sa direction. Les militants du Fatah qui ont cœur de sauver leur mouvement devraient se retourner contre les sbires de Dahlane et de Abbas au lieu de s’en prendre au Hamas ! En effet, c’est dans sa capacité concrète à mobiliser les ressources sociales, politiques et militaires de son peuple contre l’occupation que chaque organisation montrera son degré d’attachement à la cause nationale et pourra ainsi mériter la confiance populaire. Il serait politiquement faux et moralement indécent d’attendre la disqualification du Hamas et la victoire du Fatah de l’intervention militaire israélienne ! Au contraire, comme en ont témoigné des correspondants de presse européens à Ramallah, la guerre n’a fait que renforcer le crédit politique de Hamas en Cisjordanie occupée.

Quant à la supposée inféodation du Hamas à l’Iran que certains ressortent comme un argument de nature à le discréditer parmi son peuple, seuls ceux qui ne connaissent rien à la politique de la région peuvent y accorder crédit. Le Hamas et les Frères Musulmans en général, que ce soit en Egypte ou en Jordanie, tentent de tirer avantage de l’antagonisme existant entre l’Iran et les Etats-Unis pour casser l’isolement régional dans lequel les ont mis leurs régimes respectifs. Mais aussi bien leurs références religieuses sunnites que leurs analyses politiques tendent à les éloigner de la géopolitique iranienne. C’est une des raisons qui explique par ailleurs la relation complexe existant entre le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien. L’alliance objective et la coopération politico-militaire qui existent entre ces deux mouvements ne devraient pas occulter les différences de positionnement géopolitique de chacun de ces deux protagonistes de la scène régionale.

Les Israéliens et leurs alliés occidentaux traitaient hier le Fatah de Yasser Arafat de « terroriste ». Plus tard, ils ont été obligés de traiter avec lui, même si malheureusement ils l’ont fait dans une conjoncture internationale qui ne laissait aucune chance aux Palestiniens de tirer de négociations biaisées un résultat honorable. Aujourd’hui, après l’abdication du Fatah devenu fréquentable, les mêmes accusent le Hamas de « terroriste » et jurent qu’ils ne négocieront jamais avec lui. C’est là tout l’enjeu du plan franco-égyptien tendant à sortir Israël du bourbier de Gaza au moyen d’observateurs internationaux qui seront chargés d’assurer la surveillance du passage de Rafah et donc la sécurité des frontières sud d’Israël.

Nul doute que les gouvernements européens et arabes qui s’acharnent à sauver l’agresseur israélien de son impasse actuelle vont instrumentaliser la crise humanitaire de Gaza pour justifier un cessez-le-feu conditionnel qui sera comme une continuation de la guerre menée contre le peuple palestinien par d’autres moyens. Le Hamas a compris le piège et a eu raison de rejeter cette manœuvre diplomatique qui viendrait annihiler les fruits du désengagement israélien de 2005 et constituerait une violation flagrante de la souveraineté égyptienne et de celle, naissante, de l’Etat palestinien en gestation. Sarkozy et Moubarak réussiront-ils à sauver Israël d’une seconde mésaventure politico-militaire qui viendrait s’ajouter à celle du Liban de 2006 ? La réponse dépend de la résistance du peuple palestinien et de la vigilance des forces démocratiques et pacifistes qui le soutiennent à travers le monde.

Mohamed Tahar Bensaada, Enseignant-chercheur

Voir aussi : http://www.comiteactionpalestine.org/modules/wfsection/article.php?articleid=53