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Communiqué (05/07/2006 à 10h00)

Publié: Sun, 16-Jul-2006 Vues: 3707 fois

 

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Communiqué du 05/07/2006

A la suite de l’annulation des deux représentations de la troupe des enfants palestiniens Al Rowwad de Bethléem « nous sommes les enfants du camp », le Comité Action Palestine informe qu’il a déposé trois requêtes contre la mairie de Cenon auprès du Tribunal Administratif. La requête en référé suspension et le référé liberté font l’objet d’une audience en urgence ce jour mercredi 5 juillet à10h30.

Les enfants sont bien arrivés, ont vu l’océan et ont été accueillis hier soir par les familles qui ont spontanément accepté de pallier la défection de Cenon. Ils visiteront ce matin mercredi, comme prévu à 11h00 le marché de Cenon Palmer et joueront probablement de la musique. Nous invitons tous ceux qui le peuvent à venir les accompagner et les soutenir.

Comme nous l’avons annoncé, les représentations sont maintenues mercredi et jeudi à 19h 00 : le « Théâtre en miettes » de Bègles et la compagnie des Enfantsdu paradis ont proposé d’organiser l’accueil de la troupe de jeunes artistes.// Vous pouvez donc réserver d’urgence au 05 56 43 06 31. Faites vite, il n’y a que 100 places par représentation.

Il va sans dire que si le jugement du Tribunal Administratif nous est favorable, la représentation de jeudi 6 juillet aura lieu dans la salle Simone Signoret à Cenon qui pourra accueillir beaucoup plus de personnes, car les messages de solidarité que nous recevons sont très nombreux.

Dans tous les cas la parole des enfants palestiniens ne sera pas censurée.




Communiqué (02/07/2006) : Des Palestiniens indésirables ?

Communiqué (02/07/2006) : Des Palestiniens indésirables ?

Publié: Sun, 02-Jul-2006
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Alors qu’en Palestine, les forces coloniales israéliennes bombardent le peuple palestinien, alors que des dirigeants du gouvernement palestinien démocratiquement élu sont kidnappés et accusés de tous les maux, alors que les voix de ceux pour qui les mots de respect de la dignité humaine ont encore un sens devraient s’élever, ici une troupe de théâtre composée d’enfants palestiniens se voit interdite de représentation. Là bas on massacre un peuple, ici on l’empêche de raconter son histoire.

La Mairie de Cenon et le Festival des Hauts de Garonne viennent d’annuler, sous la pression communautariste du CRIF, les deux représentations de la troupe des enfants palestiniens d’Al Rowwad de Bethléem, « Nous sommes les enfants du camp », qui devaient avoir lieu les 5 et 6 juillet dans la salle Simone Signoret de Cenon. De fait, cette annulation conduit à une interdiction pour les familles de Cenon d’héberger ces enfants et empêche toutes les rencontres prévues avec les jeunes de cette commune.

Le Comité Action Palestine vous informe que les enfants seront malgré tout bien accueillis chez nous aux dates prévues, et vous invite à réagir vivement auprès de la Mairie de Cenon et de la direction du Festival des Hauts des Garonne (coordonnées ci-jointes).

Les représentations théâtrales seront maintenues, les lieux vous seront communiqués dès que possible.

Le Comité Action Palestine envisage par ailleurs de manière politique et juridique de faire face aux attaques dont il a fait l’objet à cette occasion.

Signé : Le Comité Action Palestine

Si vous souhaitez protester :
Mairie de Cenon : tel : 05 57 80 70 00, fax : 05 57 80 70 68, email : info@ville-cenon.fr
Festival des Hauts de Garonne : tel : 05 56 94 43 43, fax : 05 56 31 16 94, email : mdn@free.fr

DERNIERES MINUTES

Le CAP a déposé un recours auprès du TRIBUNAL ADMINISTRATIF de Bordeaux contre la mairie de Cenon. L’audience aura lieu le mercredi 05 juillet 2006 à 10H30.




Une histoire populaire des États-Unis, de 1492 à nos jours

zin_hpeus[1]Fiche de lecture du livre d’Howard Zinn : « Une histoire populaire des Etats-Unis, de 1942 à nos jours » (éditions Agone, 2002).

C’est le propre de la fiction de transfigurer la réalité. Lorsque cette fiction se met au service d’un État ou d’un système économique, elle se nomme propagande idéologique. On se souvient peut-être de 1492, le film commémorant la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, tourné quelque cinq cents ans plus tard. On y voyait Gérard Depardieu, sur une plage de violons, baiser le sable de l’île d’Hispaniola, avant de se frotter à des indigènes menaçants… En réalité, les Arawaks au complet “abandonnèrent leurs villages pour se rendre sur le rivage, puis nagèrent jusqu’à cet étrange et imposant navire afin de mieux l’observer.” Christophe Colomb tenait un journal de bord et il note lui-même que les Arawaks “ont apporté des perroquets, des pelotes de coton, des lances et bien d’autres choses qu’ils échangeaient contre des perles de verre et des grelots. Ils échangeaient volontiers tout ce qu’ils possédaient […] Ils ne portent pas d’armes.” Passée la surprise des premiers instants, le caractère propre à la civilisation occidentale reprend le dessus, et Colomb écrit ce commentaire prophétique : “Ils feraient d’excellents domestiques […] Avec seulement cinquante hommes, nous pourrions les soumettre tous et leur faire faire tout ce que nous voulons.” Les choses étaient dès le départ mal engagées. On sait ce qu’il advint par la suite des Indiens de tout ce continent nouvellement découvert. Et les cinq siècles qui suivirent ne furent guère plus réjouissants.

Une entreprise de démythification

Toute l’entreprise de Howard Zinn est, dans un premier temps, de détruire les mythes américains. Cette épopée du Nouveau Monde et de ses illustres figures -ses “sauveurs”, comme ils sont considérés dans les livres d’histoire outre-Atlantique-, Colomb et les pionniers, les Pères Fondateurs pour la Révolution , Lincoln pour la sortie de l’esclavage, Roosevelt pour la Grande Dépression, Carter pour la guerre du Vietnam et le scandale du Watergate…, Zinn s’attache à la désacraliser, et à l’inscrire dans un contexte matérialiste qui fait la part belle aux obscurs, aux sans-grade, à ceux dont on ne parle jamais mais qui n’en sont pas moins les véritables acteurs de l’histoire. Partant, il rend ainsi hommage à d’innombrables figures oubliées. Le parti pris est évident et totalement revendiqué. Selon l’auteur lui-même, il s’agit d’une “histoire irrespectueuse à l’égard des gouvernements et attentive aux mouvements de résistance populaire. Une histoire qui penche clairement dans une certaine direction, ce qui ne me dérange guère tant les montagnes de livres d’histoire sous lesquelles nous croulons penchent clairement dans l’autre sens.

Un pays fondamentalement raciste

Même si l’on en parle peu, on connaît assez bien la douloureuse tragédie des Indiens. Véritable génocide, leur massacre organisé s’est déroulé sur près de quatre cents ans, en fonction des velléités expansionnistes du nouvel empire qui se constituait. La technique est toujours la même : profiter de la supériorité militaire pour accaparer de nouvelles terres, refouler les Indiens, leur promettre la tranquillité sur leurs nouveaux lieux de vie, trahir la parole donnée et pousser toujours plus loin la conquête. Les colons ont toujours utilisé la politique du fait accompli pour refuser de rendre les terres volées ; une fois qu’ils étaient installés quelque part, ils ne pouvaient plus se retirer. Le tout s’accompagnant bien sûr de déportations, de massacres, de mensonges et d’hypocrisie humaniste ou sécuritaire. Troublant parallèle avec ce qui se fait actuellement en Palestine occupée… Durant cette cohabitation sanguinaire, près de quatre cents traités ont été signés entre les Indiens et les différents gouvernements ; aucun n’a été respecté.

On sait bien sûr que la richesse des premiers propriétaires terriens de l’Est et du Sud s’est constituée grâce à l’esclavage. Zinn estime à cinquante millions le nombre de Noirs qui ont eu à en souffrir. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que l’histoire de ces Noirs n’est qu’une longue série de révoltes, d’insoumissions, et de massacres qui n’ont rien à envier à ceux perpétrés contre les Indiens. Nous sommes loin de l’image du bon nègre soumis à l’autorité du maître paternaliste, comme Autant en emporte le vent le laisse suggérer. Ce que l’on tait également, c’est que beaucoup de Blancs -appelés serviteurs sous contrat- étaient aux ordres de ces grands propriétaires, et que bien vite, unis dans une même servitude, exploités blancs et noirs ont donné des signes d’alliance possible. Zinn montre très bien que, face à cette montée en puissance de conflits de classe, le racisme s’est érigé en instrument de contrôle social. “Si des hommes libres, au désespoir, avaient dû faire cause commune avec des esclaves désespérés eux aussi, les conséquences auraient pu dépasser en violence tout [ce qui se faisait alors]. La solution à ce problème, évidente mais jamais formulée -simplement progressivement assumée-, était le racisme, seul outil susceptible de ségréguer les Blancs dangereux des esclaves dangereux en élevant entre eux le mur du mépris social.

Le racisme est donc un élément fondamental de la politique des États-Unis, et ce, dès l’époque des premiers colons. Pendant les siècles qui suivirent, il fut un des instruments de la domination des capitalistes sur les travailleurs, les syndicats eux-mêmes ayant beaucoup de mal à intégrer des Noirs dans leurs rangs. Zinn rappelle ironiquement que l’intervention américaine pendant la seconde guerre mondiale n’obéissait pas encore vraiment à des motivations humanistes : “Faisait-on réellement la guerre pour démontrer que Hitler se trompait quant à la supériorité de la “race” aryenne sur les races inférieures ? Dans les forces armées américaines, les Blancs et les Noirs restaient séparés. Lorsque, au début de 1945, les troupes furent embarquées sur le Queen Mary pour aller combattre sur le sol européen, les soldats noirs prirent place dans les profondeurs du navire à côté de la salle des machines, aussi loin que possible de l’air frais du pont, dans une sorte d’étrange remake des transports d’esclaves d’autrefois. La Croix-Rouge, avec l’accord du gouvernement, ne mélangeait pas le sang des Noirs avec le sang des Blancs.

L’intervention américaine obéissait donc à d’autres impératifs. Lesquels ? Toujours les mêmes : satisfaire les besoins expansionnistes du capitalisme dominant. La guerre de Sécession (1861-1865) en fut un exemple significatif. Traditionnellement, on oppose les bons Nordistes et Lincoln aux méchants Sudistes esclavagistes. En réalité, les faits furent un peu plus complexes et les résultats moins glorieux qu’on veut bien le prétendre. Les incessantes révoltes des Noirs, appuyées par quelques Blancs abolitionnistes, mettaient en péril un système parfaitement rodé. De nombreux documents témoignent du fait que les propriétaires esclavagistes vivaient dans la peur. Ils étaient obligés d’utiliser les pires méthodes pour mater les Noirs, ce qui ne fonctionnait que très épisodiquement. Il faut rappeler également que, du fait de l’arrivée incessante et massive d’esclaves, les Noirs étaient devenus largement majoritaires dans les États du Sud, et les propriétaires se sentaient quelque peu envahis par cette horde de sauvages assoiffés de sang. Il fallait réagir : “Un soulèvement général risquait de se révéler incontrôlable et de libérer des forces qui pourraient s’en prendre, au-delà de l’esclavage, au système d’enrichissement capitaliste le plus efficace du monde. En cas de guerre généralisée, en revanche, ceux qui la conduiraient pourraient en maîtriser les conséquences.

L’abolition ne fut donc pas le fait d’une prise de conscience humaniste, mais obéit à des impératifs purement économiques. Lincoln lui-même, considéré aux États-Unis comme un héros, est présenté comme un personnage fort ambigu. Ses discours semblaient motivés par l’opportunisme le plus évident. Selon le public auquel il s’adressait, il était capable de tenir des propos soit racistes soit abolitionnistes. Toujours est-il que les esclaves furent affranchis et que tout le monde y trouva son compte -les dirigeants, s’entend. Le capitalisme moderne s’étendit ainsi dans tous les États, du Nord au Sud, les affaires furent plus florissantes que jamais, et des millions de travailleurs, Noirs et Blancs, se retrouvèrent dominés par un nouveau système d’exploitation, beaucoup plus performant et beaucoup plus rentable. Un analyste de la situation de l’époque, W.E.B. Du Bois, affirma que pendant cette croissance du capitalisme américain avant et après le guerre de Sécession, Blancs et Noirs vivaient tous en esclavage.

Le racisme ne disparut évidemment pas pour autant : “Lorsque la guerre de Sécession prit fin, dix-neuf des vingt-quatre États du Nord n’accordaient toujours pas le droit de vote aux Noirs. En 1900, tous les États du Sud, par de nouvelles constitutions et de nouveaux statuts, avaient inscrit dans la loi la suppression du droit de vote et la ségrégation pour les Noirs. Un éditorial du New York Times affirmait que “les hommes du Nord […] ne dénoncent plus la suppression du droit de vote pour les Noirs. […] La nécessité de cette suppression, au motif suprême de l’autopréservation, semble désormais candidement reconnue.” Il faudra attendre les années 1960, et les révoltes en faveur des droits civiques -autre période particulièrement trouble et sanguinaire-, pour que les Noirs aient accès aux même titre que les autres à un minimum de représentation. Et le problème est loin d’être résolu. Aux États-Unis, et encore de nos jours même si c’est plus diffus, le racisme se présente comme un formidable outil de maintien de l’ordre capitaliste.

Une fausse Révolution

La Révolution de 1776 apparaît également dans cet ouvrage comme une vaste fumisterie. Le terme n’est pas trop fort tant le “peuple” de l’époque manifesta peu d’intérêt pour aller se battre contre les Anglais. Les pauvres, Blancs et Noirs, les plus nombreux, ne voyaient pas bien ce que pourrait leur procurer le fait de changer de maîtres, ou plutôt le fait que leurs maîtres s’émancipassent de la tutelle anglaise pour mieux asseoir leur puissance économique. Ils furent pour la plupart enrôlés de force dans l’armée de libération et ne manifestèrent guère l’enthousiasme patriotique dont fait preuve Hollywood lorsque l’industrie du cinéma se penche sur cette période.

De fait, la Déclaration d’indépendance obéit à des objectifs moins avouables que ce que l’on croit d’ordinaire : “Vers 1776, certaines personnalités de premier plan des colonies anglaises d’Amérique [Les Pères Fondateurs] firent une découverte qui allait se révéler extrêmement utile au cours des deux siècles suivants. Ils imaginèrent qu’en inventant une nation, un symbole, une entité légale appelée “États-Unis”, ils seraient en mesure de s’emparer des terres, des privilèges et des pouvoirs détenus jusque-là par les protégés de l’Empire britannique. Du même coup, ils pourraient contenir un certain nombre de révoltes en suspens et forger un consensus qui assurerait un soutien populaire suffisant au nouveau gouvernement contrôlé par une nouvelle élite privilégiée.

Cette idée de génie connut le succès que l’on sait, et c’est ainsi qu’une nouvelle classe dominante fit son apparition, s’appuyant sur une Constitution profondément et fondamentalement libérale, dans le sens où elle donnait tous les pouvoirs aux riches et laissait l’immense masse des pauvres patauger dans le mythe toujours actuel d’une éventuelle ascension sociale.

La lutte des classes

Dès le début, les États-Unis furent la patrie du capitalisme triomphant, sûr de son bon droit et de sa force. Ce qui ne signifie pas que l’histoire se déroula sans heurts. Au contraire, le livre de Zinn fourmille d’exemples montrant que la lutte de classes a toujours été d’actualité dans cet empire qui se constituait peu à peu. Et l’on est étonné face au nombre impressionnant de conflits qui émaillent l’histoire du pays. Que ce soit contre les travailleurs noirs, les ouvriers blancs, parfois -plus rarement- contre les deux unis, les capitalistes ont toujours eu d’énormes problèmes pour assurer la main-mise sur la classe populaire. Mais ils ont toujours utilisé la même méthode pour en venir à bout, et que l’on cache prudemment dans les manuels d’histoire : la plus extrême violence.

Témoin ce qui se passa en 1914 dans une mine du Colorado : “Dès que la grève éclata, les mineurs furent expulsés des logements qu’ils occupaient dans les villes possédées par la compagnie minière.[…] Ils établirent des campements de tentes dans les collines voisines et poursuivirent la grève en maintenant les piquets de grève. Le service d’ordre engagé par les représentants des Rockefeller utilisait des fusils-mitrailleurs et des carabines et effectuait des raids sur les campements de grévistes. […] En avril 1914, deux compagnies de la garde nationale se tenaient dans les collines surplombant le plus important campement de mineurs. […] Les femmes et les enfants creusèrent des fosses sous les tentes pour échapper aux tirs des mitrailleuses. Au crépuscule, les gardes nationaux descendirent des collines pour mettre le feu au campement. […] Le lendemain, un employé du téléphone passant à travers les ruines du campement souleva une plaque d’acier qui recouvrait une fosse creusée dans l’une des tentes et découvrit les corps carbonisés, recroquevillés.” Cet événement est aujourd’hui connu sous le nom de massacre de Ludlow. Il n’est qu’un exemple parmi la longue liste d’abominations commises par les richissimes patrons pour contraindre la classe ouvrière à se soumettre.

Il faut dire que celle-ci, malgré la répression permanente, lutta sans interruption, parfois les armes à la main, pour tenter d’obtenir son émancipation. Juste après la première guerre mondiale, de nombreuses constitutions de ce que l’on est tenté d’appeler des Soviets firent leur apparition. En 1919, à Seattle, la ville fut gérée par les grévistes. “Pendant la grève, la criminalité diminua. Le commandant du détachement militaire envoyé dans la région confia aux grévistes qu’il n’avait jamais vu une ville aussi calme et aussi bien gérée.” Mais ces expériences firent toutes long feu, si l’on peut dire, et, peu à peu, la classe ouvrière fut matée. Les rebelles furent exécutés, ou longuement emprisonnés, ou disparurent sans laisser de traces. Ce n’est pas le moindre des mérites de l’ouvrage de Zinn que de leur rendre là un dernier hommage. La législation fut savamment adaptée pour qu’elle accable toujours les plus faibles.

Incidemment, l’auteur règle son compte à une procédure juridique qui tente de faire son apparition en France ces derniers temps, celle dite de la “peine négociée” : “L’acte final de la procédure de peine négociée est une vaste supercherie qui rivalise elle-même de malhonnêteté avec le crime dont il est question dans bien des cas. L’accusé est contraint de reconnaître publiquement sa culpabilité pour un crime que, bien souvent, il n’a pas commis. Il doit ensuite préciser qu’il a avoué sans y être contraint […] et sans qu’on lui ait fait aucune promesse en retour. Dans la peine négociée, l’accusé plaide coupable, qu’il le soit ou non, épargnant ainsi à l’État, contre la promesse d’une réduction de sa condamnation, la peine d’avoir à le juger.” Les Français sont avertis de ce qui les attend si une telle loi apparaît dans leur pays.

Le consensus bipartisan

Le peuple américain, vivant dans ce que l’on considère comme la plus grande démocratie du monde, pourrait espérer compter sur ce que l’on appelle l’alternance politique, pour voir ses intérêts défendus de temps à autre. Hélas, en fonction de ce que Zinn nomme le “consensus bipartisan”, républicains et démocrates, au cours de leur longue histoire, ont toujours soutenu de façon indéfectible les intérêts des possédants : “La position politique adoptée par les différents candidats ayant participé aux primaires des principaux partis s’est toujours limitée à l’horizon défini par les notions de propriété et d’entreprise. […] Ils acceptaient l’idée que les vertus économiques de la culture capitaliste étaient inhérentes à la nature humaine. […] Et cette culture a toujours été fondamentalement nationaliste.

Les deux grands partis ont ainsi pour tradition bien établie d’abandonner la population à la loi du “libre marché”. Un exemple ? “Sous Reagan, le gouvernement avait réduit le nombre de logements sociaux de quatre cent mille à quarante mille ; sous Clinton, on les supprima totalement.” Pas étonnant donc que les différentes campagnes électorales se concentrent davantage sur le fait de savoir si tel ou tel candidat a été un bon patriote, s’il est un bon mari ou si sa femme fait bien la cuisine, se transformant alors en un immense show médiatique et démagogique. Bien évidemment, tout rapprochement effectué avec notre propre alternance française serait purement fortuit…

Nationalisme, colonialisme et mensonges

Entre nous, […] j’accueillerais avec plaisir n’importe quelle guerre tant il me semble que ce pays en a besoin.” Voilà ce que Théodore Roosevelt écrivait à un ami en 1897. Zinn rappelle que la culture capitaliste américaine est, comme nous l’avons vu plus haut, “fondamentalement nationaliste.” En effet, la guerre présente le triple avantage de souder une conscience nationale et de développer les sentiments patriotiques, de faire ainsi oublier les problèmes internes et les conflits de classe, et de permettre au marché de trouver de nouveaux territoires pour écouler les produits. Ce fait n’est pas nouveau et l’actualité récente en offre bien des exemples. Il est d’ailleurs un des fondements du capitalisme, comme Lénine l’avait déjà remarqué à son époque. Or, l’histoire des États-Unis n’est qu’une longue série de conflits et de guerres extérieures. Les dirigeants américains ont toujours pris soin de présenter à leurs administrés des ennemis bien définis et bien diaboliques.

Tout le monde a en mémoire Saddam Hussein, l’Islam, et auparavant le communisme. Mais cette fabrication d’un ennemi, devant satisfaire le triple objectif précédemment cité, est une vieille histoire. Entre 1798 et 1895, par exemple, cent trois opérations extérieures eurent lieu, particulièrement centrées vers Hawaii, le Japon, la Chine, et surtout l’Amérique latine. Définie en 1823, la “doctrine Monroe” entendait faire clairement comprendre aux Européens, alors que les pays d’Amérique latine prenaient leur indépendance vis-à-vis de l’Espagne, que les États-unis considéraient désormais ces pays comme relevant de leur zone d’influence. On sait par quoi cela se traduisit dans les siècles suivants, Zinn en développe les détails les plus significatifs.

Concernant d’ailleurs les relations entretenues avec l’Amérique latine, John O’Sullivan, rédacteur en chef de la Democratic Review, devait utiliser en 1845 cette formule devenue fameuse : c’est la “destinée manifeste du peuple américain que de se répandre sur le continent que la Providence lui a assigné afin de permettre le libre développement de notre population qui croît annuellement de plusieurs millions d’individus.” Destinée manifeste, en effet. De tels propos permettent un peu de comprendre pourquoi, toutes proportions gardées quant aux chiffres, les États-Unis et Israël se sentent si proches aujourd’hui dans leurs justifications idéologiques.

Un fait est frappant lorsqu’on observe les raisons invoquées pour entrer en guerre. Il s’agit bien évidemment de prétextes, d’agressions supposées et d’appels à la légitime défense. Ce fut le cas pour l’invasion du Mexique en 1846. Un certain colonel Cross, “disparut au cours d’une expédition le long du Rio Grande. Son corps fut retrouvé onze jours plus tard, le crâne défoncé. On prétendit qu’il avait été assassiné par un groupe de guérilleros mexicains ayant osé traverser la rivière.” La guerre était lancée, faisant quelques milliers de morts de part et d’autre.

En février 1898, un navire de guerre américain, le Maine, qui se trouvait dans le port de La Havane fut détruit par une mystérieuse explosion et sombra avec deux cent soixante-huit hommes d’équipage. “Sans preuves, le rapport officiel américain accusa immédiatement l’Espagne, laquelle proposa aussitôt de confier l’enquête à une commission mixte. Les États-Unis refusèrent. Il est intéressant de noter qu’il n’y eut aucun gradé parmi les victimes. Tous les officiers du Maine, ce soir-là, étaient à une réception en ville.” Toujours est-il que les États-Unis entrèrent en guerre avec l’Espagne, chassèrent les Espagnols de Cuba et occupèrent l’île sans se préoccuper davantage des légitimes revendications d’indépendance des Cubains.

En 1914, une grave récession avait frappé les États-Unis. Malgré les déclarations de Woodrow Wilson qui avait promis que son pays resterait neutre (“Il est des nations trop fières pour se battre” ), les États-Unis avaient besoin de stimuler leur économie grâce au marché des armes. Lorsque, au début de 1915, le paquebot anglais Lusitania fut coulé par un sous-marin allemand, cent vingt-quatre Américains sombrèrent avec lui. Les États-Unis prétendirent que ce paquebot ne transportait qu’un chargement inoffensif et que les Allemands avaient commis un crime épouvantable qui obligeait l’Amérique à entrer en guerre. “En fait, le Lusitania transportait bel et bien mille deux cent quarant-huit caisses d’obus et quatre mille neuf cent vingt-sept boîtes de mille cartouches chacune ainsi que deux mille caisses de munitions pour des armes de poing. Son manifeste fut falsifié ultérieurement pour dissimuler cette réalité, et les gouvernements anglais et américain mentirent à propos de sa cargaison.

Concernant l’entrée en guerre des États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale, s’il est évident qu’ils n’ont pas bombardé eux-mêmes Pearl Harbor, il n’en reste pas moins vrai qu’ils ont tout fait pour que le Japon le fasse. Il est désormais certain que Franklin Roosevelt mentit à propos de deux événements impliquant des sous-marins allemands et un destroyer américain. L’un des juges du procès pour crimes de guerre qui se tint à Tokyo après la Seconde Guerre mondiale, affirma que les États-Unis, en décrétant l’embargo sur le fer et le pétrole qui menaçait l’existence même du Japon, avaient à l’évidence provoqué la guerre avec le Japon et qu’ils avaient espéré que le Japon réagirait. “Les archives montrent qu’une réunion à la Maison-Blanche, deux semaines avant Pearl Harbor, anticipait une guerre et s’interrogeait sur les moyens de la justifier.” Les Japonais ayant attaqué, les Américains leur déclarèrent la guerre ; les Allemands déclarèrent à leur tour la guerre aux États-Unis, qui finirent par débarquer en Europe, et l’on connaît la suite…

Au mois d’août 1964, Lyndon Johnson et son secrétaire d’État à la Défense, Robert MacNamara, informèrent la population américaine que des événements tragiques avaient eu lieu dans le golfe du Tonkin, pour démarrer une guerre de grande ampleur au Vietnam. MacNamara affirma que, “au cours d’une patrouille de routine dans les eaux internationales, le destroyer américain Maddox avait été l’objet d’une agression injustifiable” de la part des torpilleurs nord-vietnamiens. “En réalité, la CIA était bel et bien engagée dans une opération secrète dont la cible était les installations côtières nord-vietnamiennes. Ainsi, s’il y avait bien eu attaque, elle n’était pas “injustifiable”. En outre, le Maddox était en mission d’espionnage. De même, il ne naviguait pas dans les eaux internationales, mais en zone vietnamienne. […] Une autre “attaque” contre un autre destroyer américain, deux nuits plus tard -agression que Johnson qualifia d’”agression délibérée”- semble également avoir été inventée de toutes pièces.

Cette longue série de prétextes et de mensonges -non exhaustive ici- pour satisfaire des intérêts peu avouables, ne manque pas d’interroger. Howard Zinn livre peu d’informations concernant les attentats du 11 septembre 2001. L’actualité est encore trop chaude et nous ne disposons pas encore de suffisamment d’éléments pour analyser cet événement de façon à en comprendre clairement les tenants et aboutissants. Toutefois, à la lumière de ce que fut l’histoire des États-Unis par le passé, il n’est pas interdit de penser que les faits ne se déroulèrent peut-être pas de la façon dont les médias, bien aidés en cela par l’Administration américaine, en rendirent compte. Toujours est-il que désormais, nous savons que les États-Unis sont capables de mentir officiellement, et de sacrifier un certain nombre de leurs compatriotes pour satisfaire des intérêts économiques. Si certains en doutaient encore, l’ouvrage de Zinn leur sera d’une lecture édifiante.

Un ouvrage salutaire

On reste quelque peu assommé après avoir terminé ce livre monumental, impossible à résumer et dont on ne peut évidemment rendre compte dans sa totalité. Face à tant de bassesses, de turpitudes, d’hypocrisie, de soutiens inconditionnels aux régimes les plus malodorants -il y aurait beaucoup à dire sur l’histoire de la CIA-, on est tenté de croire que les États-Unis figurent parmi les États les moins fréquentables au monde. Et qu’ils sont même l’État le moins fréquentable, compte tenu du rôle de superpuissance mondiale qu’il possède désormais, et de l’influence qu’il exerce sur la totalité du globe.

Toutefois, le but poursuivi par Howard Zinn n’est pas de détruire son pays. Mais il tient manifestement à ce que tous ouvrent les yeux sur la réalité de ce que l’on cite toujours comme un modèle de démocratie, d’intégration et de liberté.

On ne résiste pas ici à l’envie de reproduire dans son intégralité un passage dans lequel l’auteur décrit ironiquement ce que l’on considère souvent comme des avancées sociales :
N’est-ce pas une formidable idée que de faire payer par la classe moyenne les impôts qui garantiront l’aide sociale apportée aux pauvres ? -ajoutant ainsi la rancœur des premiers à l’humiliation des seconds. Et que dire de la politique qui consiste à déplacer, par l’intermédiaire du ramassage scolaire, les écoliers noirs des milieux défavorisés vers les écoles des quartiers blancs défavorisés en une sorte d’échange cynique entre écoles de pauvres ? Pendant ce temps-là, les écoles réservées aux riches étaient protégées, et les fonds publics distribués avec tant de parcimonie aux enfants nécessiteux étaient engloutis dans la construction d’avions de combat coûtant des milliards de dollars. Ingénieux, également, de répondre aux revendications d’égalité des femmes et des Noirs en leur accordant de maigres privilèges spécifiques et en les mettant en compétition avec tous les autres pour la recherche de ces emplois qu’un système irrationnel et incohérent rendait extrêmement rares. Pas mal non plus, cette idée de focaliser les craintes et la colère de la majorité silencieuse sur une classe de criminels, fruits de l’injustice économique toujours produits en plus grand nombre qu’il n’est possible d’en emprisonner, permettant ainsi de mieux dissimuler le gigantesque pillage des ressources nationales entrepris en toute légalité par de nombreux dirigeants.

Dans un autre paragraphe, Howard Zinn offre un concentré de ce que semblent être les U.S.A : “Il n’existe pas d’autres systèmes de contrôle capables d’offrir autant d’opportunités, de possibilités, de latitude, de souplesse et de récompenses aux heureux gagnants de la loterie sociale. Il n’en est pas non plus qui répartisse ses outils de contrôle de manière aussi sophistiquée -par le vote, la hiérarchie du travail, l’Église, la famille, l’enseignement, les mass-médias-, ni aucun qui ne sache aussi bien endormir son opposition en faisant quelques réformes, en isolant les individus, en mettant l’accent sur la loyauté patriotique.”

Pour autant, si Zinn dénonce les agissements et les structures politiques et économiques de son pays, il n’en reste pas moins vrai qu’il éprouve un profond respect pour son peuple -ou devrait-on dire ses peuples ? Tout l’ouvrage en témoigne, en lui donnant la parole, en mettant l’accent sur ses réactions et ses révoltes, bien plus nombreuses et farouches qu’on ne le croit. Car, aussi sophistiqué soit-il, aucun système n’a jamais réussi à se garantir des révoltes populaires. Et aucune élite au pouvoir n’a pu définitivement se prémunir contre cette capacité des gens apparemment désarmés à résister, des gens apparemment satisfaits à envisager des changements. Pour tous ces gens-là, pour ces oubliés de l’histoire, il fallait faire un livre. Il fallait écrire une histoire. “Faire cette histoire, c’est retrouver chez l’homme ce formidable besoin d’affirmer sa propre humanité. C’est également affirmer, même dans les périodes les plus pessimistes, la possibilité de changements surprenants.

On l’aura certainement compris, cette Histoire populaire des États-Unis n’est nullement un brûlot anti-américain, encore moins un manifeste anti-américains. Il est juste un formidable ouvrage qui met en lumière les iniquités d’un système économique aberrant, fondamentalement injuste, raciste et colonialiste : le capitalisme.

Autant dire que l’on ferait œuvre de salubrité publique si l’on imposait sa lecture dans toutes les écoles de ce monde en proie aux manipulations de toutes sortes. Il n’est pas interdit de rêver…

Serge L.




La capitulation n’est pas une option

Jan_Myrdal[1]Interview de Jan Myrdal, parue le 21 Février 2006 dans le journal libanais Al-Intiqad. Cet article pourrait presque constituer le manifeste politique du CAP tant les positions de Jan Myrdal sont proches des notres : voir la question générale des guerres dans une société capitaliste et la place des facteurs religieux ; voir aussi son analyse de l’immigration juive en palestine dans l’après guerre ; voir enfin et surtout sa vision des mouvements de résistance en général et de l’islamisme en particulier.

Traduit de l’anglais en français par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es ). Cette traduction est en Copyleft.

Les titres sont de notre fait et n’ont pour but que de faciliter la navigation.

Interview

Présentation de Jan Myrdal

Né en 1927, Jan Myrdal est un des intellectuels et des écrivains les plus connus en Suède depuis quarante ans, et il est également une voix qui compte, dans les cercles de gauche, en Europe. Jan Myrdal s’est fait un nom en tant qu’écrivain engagé sur les questions concernant le tiers monde, les luttes de libération nationale, l’anti-impérialisme et aussi en tant que contempteur véhément de la soi-disant « guerre anti-terroriste » américaine. L ‘écrivain est également engagé dans le domaine de la liberté d’expression et de pensée. Il est l’auteur de quatre-vingts ouvrages et d’innombrables articles sur des sujets très variés, et il a été confronté à plusieurs reprises aux forces répressives de la police sioniste de la pensée. Jan Myrdal est issu d’une famille qui a laissé une empreinte très importante sur la société suédoise contemporaine : son père, Gunnar Myrdal, fut professeur d’économie internationale, ministre du Commerce et lauréat du Prix Nobel d’économie en 1974. Sa mère, Alva Myrdal, était aussi une femme politique, haut diplomate de l’Onu et militante pacifiste, à laquelle fut décerné en 1982 un prix Nobel de la Paix. Les parents Myrdal furent aussi, en quelque sorte, les pères fondateurs des visions du parti Social démocrate, premier parti politique suédois. C’est pour nous un grand honneur de publier cette interview exclusive de Jan Myrdal, au cours de laquelle il s’exprime sur des problèmes actuels, comme la question palestinienne, les projets impérialistes visant le Moyen-Orient et le monde musulman, et aussi la nécessité de résister à ces stratégies. Al-Intiqad


1. Guerre de religion et guerre impérialiste : conceptions générales de la lutte anti-impérialiste aujourd’hui

2. La propagande occidentale : démocratie et droits de l’homme
3. La Palestine
4. L’Irak et le Moyen-Orient
5. Résistance et islamisme
6. Perspectives : la capitulation n’est tout simplement pas une option
7. Jan Myrdal : son parcours, son pays
CONCLUSION

 

1.  Guerre de religion et guerre impérialiste : conceptions générales de la lutte anti-impérialiste aujourd’hui

AL-INTIQAD : Soyez le bienvenu, M. Myrdal ! Nous vous remercions pour cette interview, que vous accordez à Al-Intiqad.

JAN MYRDAL : Je suis heureux d’avoir l’opportunité de discuter avec vous et d’exprimer mes opinions sur des questions générales en direction d’un public musulman et anti-impérialiste. Personnellement, je ne suis pas musulman ; il est important de commencer par ce début, parce qu’il existe une forte propagande impérialiste qui affirme qu’il existerait un gouffre infranchissable entre des gens comme moi et les musulmans. J’affirme que c’ est faux. Par cette discussion, qu’est-ce que j’essaie de faire ? J’essaie de poursuivre ce que j’ai tenté de dire au cours de plusieurs conférences, à Stockholm, à Paris, à Istanbul et en Jordanie : le conflit actuel n’est pas un clash entre civilisations, ce n’est pas une guerre entre différentes cultures. Permettez-moi d’être plus concret. Au cours du Tribunal d’Istanbul sur la guerre d’Irak, Bush et Blair ont été reconnus coupables des même crimes que ceux qui ont été condamnés lors du procès de Nuremberg contre les dirigeants nazis. Ces deux dirigeants politiques évoquent souvent leurs convictions et leurs idéaux ; Bush est ce qu’on appelle un « chrétien né à nouveau » et on raconte au sujet de Blair qu’il aurait prié avant de prendre la décision d’entrer en guerre contre l’Irak. Mais leurs actes ne sont en rien l’_expression de je ne sais trop quelle foi chrétienne. A tout le moins, ce sont des hypocrites. Leur guerre n’est pas une guerre sainte chrétienne contre l’Islam. Ma grand-mère, aujourd’hui décédée, était une chrétienne très pieuse. Nous avons des millions de personnes comme elle, dans notre pays. Ces croyants chrétiens ne sont pas les ennemis de vos pays et de vos peuples ; ce ne sont pas eux qui vous font la guerre. Bush, Blair et leurs semblables ont un programme extrêmement simple : leur combat est un combat en vue de conserver leur domination, leur suprématie économique et il vise à assurer leur approvisionnement en ressources naturelles ; dans vos pays, il s’agit spécifiquement du pétrole. En ceci, la situation présente ne diffère pas tellement d’autres périodes de l’histoire contemporaine, au cours des dix-neuvième et vingtième siècles. Dans vos pays, comme dans les nôtres, vous devez voir clairement ce qu’il en est, en réalité. Nous ne devons pas nous laisser embobiner, et parler de la politique de Bush comme si cette politique était décidée en raison de son intérêt pour les « droits de l’homme » ou la « démocratie », ou en raison de ses croyances religieuses chrétiennes. C’est précisément ce dont il ne s’ agit pas ; il s’agit bel et bien d’une question de pétrole et d’énergie, d’ économie et de puissance militaire. Halliburton a obtenu des revenus énormes de cette guerre en Irak, je ne vous apprends rien. Il faut avoir ceci clairement présent à l’esprit. Permettez-moi de vous rappeler que Cheney, l’actuel vice-président des Etats-Unis (et ancien PDG d ‘Halliburton.) a présenté en mai 2001 un rapport sur la sécurité pétrolière des Etats-Unis. Selon Cheney, la production interne américaine allait chuter, passant de 8,5 millions de barils par jour à l’époque à 7 millions de barils par jour en 2020 et, en même temps, la consommation mondiale augmenterait, passant de 19,5 millions de barils à 22,5 millions de barils. Garantir ces approvisionnements énergétiques devait être la priorité de la politique étrangère des Etats-Unis. Nous savons tous – et vous l’avez ressenti personnellement – de quelle manière ces politiques ont été mises en application. Si vous regardez sur une carte du monde les 570 installations militaires des Etats-Unis, vous verrez qu’elles sont agglutinées autour de réserves de pétrole et de pipelines et ce, dans le monde entier. Bien entendu, les dirigeants de ces Etats-Unis prédateurs s’efforcent de dissimuler le problème derrière un rideau de fumée. Les pays musulmans du Moyen-Orient étant riches en pétrole, ils tentent de faire passer leur lutte pour la conquête du pétrole pour une campagne anti-musulmane ou encore pour une « guerre entre les cultures » (« C’est une croisade » a dit Bush ; ou « installons la démocratie et le respect des droits de l’homme », comme a pu le dire Blair.) Cette campagne contre l’Islam en tant que religion et contre les musulmans en tant que croyants est une réalité. Elle colore les mass media et les conversations politiques dans nos divers pays. Elle est utilisée en politique intérieure, contre les minorités dans nos pays européens (comme les habitants des « banlieues », en France, par exemple). C’est pourquoi il est une nécessité, pour nous, au moyen d’articles, de débats, de conférences, de montrer qu’il s’agit là d’une idéologie fallacieuse. Revenons un peu en arrière dans le temps. Si vous consultez les ouvrages d’ histoire, vous pourrez lire beaucoup de choses sur les guerres de religion, en Europe, aux 16ème et 17ème siècles. On parlait énormément de religion, à l’époque. Dans la propagande de l’époque, le souverain suédois Gustave Adolphe, en grand héros protestant du Septentrion, entra en Allemagne dans l ‘intérêt de la religion. Mais est-ce la réalité ? Certes, c’est ce qu’il a dit, et il était protestant, il a effectivement combattu des généraux catholiques. Mais il l’a fait en étant stipendié par le Cardinal Richelieu. En effet, ce Cardinal catholique (par définition.) utilisa le roi protestant suédois dans sa lutte contre l’Empereur Germain Catholique de Vienne. La vérité, derrière cette façade d’une guerre « religieuse », c’est qu’il s’ agissait d’une énième phase dans la lutte entre les puissances, en vue de la suprématie en Europe ! Si je mentionne cela, c’est parce que nous devons être très clairs sur le fait que ce ne sont pas les chrétiens en tant que tels (ces millions de chrétiens en Europe – et ailleurs dans le monde – qui sont de véritables croyants chrétiens comme l’était ma grand-mère), mais bien des puissances impériales, qui utilisent différentes idéologies à des fins parfaitement égoïstes. Ils appellent ça « droits de l’homme », ils peuvent parler – comme l’extrême droite religieuse aux Etats-Unis – de leur « religion », mais en réalité, c’est une question de profit, de domination, et de contrôle de ressources naturelles. Ceci signifie que les peuples, en Occident, sont en réalité tout aussi intéressés à la paix et à une coopération respectueuse – et non à des guerres prédatrices – que le sont vos peuples, dans vos pays. Il nous appartient, à nous les écrivains et les intellos, de clarifier cela et de lutter contre les idées fausses. Je vais prendre un autre exemple, pour illustrer cela. La Suède a une population plutôt réduite, mais nous possédons 15 % des ressources mondiales en uranium. Nous avons décidé, politiquement, de ne pas utiliser cet uranium. Les Etats-Unis ont même, par le passé, exercé une énorme pression sur nous afin que nous ne développions pas notre propre programme de technologie nucléaire – scientifiquement justifié, pourtant, à l’époque – mais de continuer à être dépendants d’eux. Comme je l’indiquais déjà, en 1964 : si la Suède s’avise de faire comme elle l’entend, les Etats-Unis et l ‘URSS s’uniront pour nous bombarder ! Mais à un certain stade, les Etats-Unis – les ressources pétrolières s’ épuisant et leurs besoins énergétiques restant très élevés – vont certainement tenter de s’emparer des gisements d’uranium suédois. D’ ailleurs, la prospection se poursuit, curieusement, en dépit des protestations locales. Si nous refusions de laisser les Etats-Unis utiliser nos ressources naturelles dans leur propre intérêt et pour leur propre profit, en restant fermes sur notre indépendance nationale, mais que nous n’ayons pas préparé une défense réelle, capable (comme celle de la Corée du Nord !) de dissuader les Etats-Unis, ne doutons pas qu’ils essaieraient de nous piquer nos minerais. Ils pourront toujours utiliser un prétexte ou un autre. Par exemple, ils pourront dire que la Suède a eu, durant plus de soixante-dix ans, des gouvernements sociaux-démocrates plus ou moins centristes, qui, à leurs yeux, manquaient de respect pour la propriété privée et que les Suédois doivent être libérés de ce régime social-démocrate, pour retrouver une véritable économie de marché. Ou bien – les gisements d’uranium se trouvant dans le Nord de la Suède – ils pourraient faire valoir que le peuple Same (une minorité ethnique indigène, en Suède) est opprimé et qu’il doit être aidé par les Etats-Unis militairement afin de pouvoir disposer de leur propre état national indépendant. Si je vous dis ceci, c’est parce que vous devez comprendre que vous n’êtes pas les seuls à être en butte à leurs politiques. Regardez la Yougoslavie ! Tant que les Etats-Unis, durant la guerre froide, ont eu besoin de Tito contre l’Union soviétique, ils ont soutenu la Yougoslavie, aussi bien politiquement qu’économiquement, et ils ont chanté les laudes de l’Etat yougoslave. Une fois qu’ils ont gagné la guerre froide, ils ont changé de politique. Il était dans leur intérêt – et aussi dans l’intérêt de l’ Allemagne – de diviser la Yougoslavie. Diviser pour régner !

2.  La propagande occidentale : démocratie et droits de l’homme

AL-INTIQAD : Au moyen de quelles stratégies les pouvoirs impériaux actuels exercent-ils leur contrôle et leur domination . Est-ce indirectement, par l’ intermédiaire d’agents locaux, ou bien directement ? Par quels slogans essaient-ils de dissimuler leurs ambitions dominatrices ?

JAN MYRDAL : Dans vos pays, comme dans les nôtres, il y aura toujours certains groupes qui tireront profit de la domination impérialiste. Au temps des colonies, en Chine et dans bien d’autres pays, on les appelait les « compradores ». Ils étaient appelés « collaborateurs » dans la France occupée. C’étaient des intellectuels et des hommes d’affaires directement liés à la puissance au pouvoir – coloniale, ou occupante. Si vous étudiez l’histoire coloniale de l’Inde, vous verrez qu’il y avait toujours un large secteur de la société indienne qui était étroitement lié à l’impérialisme britannique et qui en tirait profit ; des princes féodaux, des mercenaires, des bureaucrates, des hommes d’affaires. Vous avez connu ce phénomènes, dans vos pays. Ces groupes sociaux existent toujours et, bien entendu, nous avons, nous aussi (en Occident) des gens tels ceux-là. Dans certaines situations, ils peuvent être extrêmement dangereux. Aujourd’hui, ils auront probablement tendance à se déguiser, plus ou moins consciemment, en « ONG pour les droits de l’homme », etc. L’histoire de l’éclatement de l’ ex-URSS et la part qu’y ont prise des « associations des droits de l’homme » financées par l’étranger est, à cet égard, particulièrement éclairant. En ce qui concerne les droits de l’homme, il faut vous souvenir du fait que quand les dirigeants occidentaux, de nos jours, parlent des « droits de l’ homme », le seul droit de l’homme dont ils se préoccupent vraiment est le droit à la propriété, non pas au sens de la propriété individuelle (une maison, une épargne, une petite boutique.), mais au sens du contrôle privé de ressources naturelles, de banques, de monopoles, de trusts. Ils sont tout à fait prêts à emprisonner et à torturer en dehors de tout cadre légal, pour peu que leurs droits à la propriété soient tenus pour sacrés. Prenez leur campagne contre Cuba, par exemple. Les dirigeants des Etats-Unis n’ont jamais pardonné aux Cubains la perte de la suzeraineté des Etats-Unis sur Cuba (ils n’ont pas digéré non plus que les bordels et les tripots qu’ils possédaient sur l’île aient été fermés.) Mais penchez-vous maintenant sur le taux de survie des enfants cubains. Si les enfants cubains vivent, c’est parce que l’influence des Etats-Unis sur Cuba a été abrogée (et que leurs collaborateurs locaux ont été foutus dehors). Quel est le principal droit de l’homme ? Le principal droit de l’homme, c’ est le droit à l’existence, le droit à la survie. Vous pouvez voir les horreurs de l’agenda politique néo-libéral, partout dans le monde. Voyez cette pauvre Russie – je n’étais pas particulièrement un fan des politiques soviétiques, peut-être vous en seriez-vous douté ? – voyez comment la richesse collective du peuple russe a été volée par une poignée d’individus corrompus, comment l’espérance de vie des Russes du peuple a chuté de manière dramatique – après l’imposition de l’économie de marché et le triomphe de la « Démocratie » et des « Droits de l’Homme » ! Par conséquent, il faut être extrêmement prudents, quand on vous parle des « droits de l’ homme ». Les droits de l’homme sont un objectif, quand on est confronté à la torture et à l’exploitation, à la maladie et à la pauvreté, afin de conquérir le droit de survivre et de connaître une vie décente. Ce sont là, effectivement, de véritables droits humains. Mais ce sont précisément les gens qui, de nos jours, plus ou moins ouvertement et consciemment, servent les intérêts impérialistes, qui habillent leurs entourloupes des oripeaux des « droits de l’homme », de la « démocratie », ou que sais-je encore.

AL-INTIQAD : Ces questions dites « des droits de l’homme » ne sont-elles pas particulièrement sélectives ? D’après l’Occident, certains peuples n’ont-ils pas plus de valeur que d’autres ?

JAN MYRDAL : Si, bien sûr. Si une lutte en vue de récupérer une terre agricole volée, dans un pays africain, cause la mort de dix colons blancs, cela devient immédiatement une grave question de droits de l’homme, chez nous, en Occident. Alors que 100 000 décès d’enfants africains, cela n’a aucun intérêt, c’est tout simplement quelque chose de « normal ». Si vous possédez le brevet d’un médicament permettant de soigner une maladie mortelle, mais très commune et guérissable, vous pouvez réaliser des profits considérables. Vous maintenez un prix très élevé. Vous ne permettez pas que des médicaments génériques à bon marché permettent de sauver des enfants. Si un pays du tiers-monde commence à fabriquer lui-même des médicaments pour sauver sa propre population de la maladie et de la mort, le gouvernement des Etats-Unis pousse les hauts cris contre ce « crime », et ils utiliseront tous les moyens possible et imaginables contre ce pays considéré comme un voleur. La vérité, toute simple, c’est que ces quelques petits groupes, dans les puissances impérialistes occidentales (au nombre desquelles il faut compter également des pays comme le Japon et des petites puissances prédatrices comme la Suède) tirent profit de l’oppression et de l’exploitation (à la fois directe et via ce qu’on appelle par euphémisme les « termes de l’ échange ») dans ce qu’il est convenu d’appeler le tiers-monde. En disant ceci, je veux, encore une fois, insister sur le fait qu’il est essentiel que vous voyez la différence qu’il y a entre les peuples, les gens ordinaires de nos pays, et leurs cercles dirigeants.

3.  La Palestine

3.1 Perspective historique

AL-INTIQAD : Quelle est votre analyse de la question de Palestine ?

JAN MYRDAL : C’est là un problème extrêmement grave. Qu’avons-nous dit, nous, la gauche européenne, avant et durant la Seconde guerre mondiale ? Ce que nous avons, nous, pensé, à l’époque, c’était que lorsque la lutte anti-coloniale aurait sorti les Britanniques de la Palestine, il y aurait une Palestine pour le peuple composé de gens de religions différentes, chrétiens, musulmans, juifs – une Palestine unifiée – libérée des Britanniques. Ce n’est pas ce qui s’est passé. Les raisons doivent en être recherchées dans ce qui, en droit, est appelé le « pactum turpe » – vous pouvez appeler ça une sale magouille politique – spécialement entre les Etats-Unis, à l’ époque, et l’Union soviétique, lesquels, tous les deux, pour des raisons différentes, voulaient casser et supplanter ce qui était encore à l’époque l ‘Empire britannique. Certains dirigeants de ce qui était en train de devenir le camp socialiste eurent l’étrange illusion qu’un Etat sioniste serait, pour eux, un Etat socialiste ami. Les Etats-Unis, très réalistes, comptaient sur un tel Etat pour jouer un rôle de bases navale fiable. Et puis, il y a, là aussi, quelque chose que vos pays doivent comprendre. Il y a eu une utilisation cynique d’un antisémitisme latent en Europe, pour créer une émigration de masse vers la Palestine. Les juifs qui avaient survécu aux persécutions allemandes se retrouvaient, en Europe, dans des camps de personnes déplacées, dans des conditions misérables. Il y eut des pogromes honteux, en Pologne, et sur les 80 000 juifs ayant survécu dans ce pays, 30 000 avaient déjà fui, un an après la fin de la guerre, vers l’ Ouest, vers ces camps pour personnes déplacées. Aucun pays, en Europe – quant aux Etats-Unis, il n’en était pas question – n’a voulu de ces multitudes de réfugiés parqués dans des camps. La majorité des 335 000 juifs de Roumanie et les 200 000 juifs de Hongrie n’avaient absolument plus rien et – en dépit de la phraséologie officielle – ils furent poussés dehors, direction : la Palestine. Ces multitudes pauvres et opprimées ont été utilisées comme des outils pour ouvrir la Palestine à une immigration massive. Ce fut une politique d’un cynisme inouï. Le résultat, ce fut que le nouvel Etat n’a pas été créé en tant qu’Etat post-colonial pour la population de la Palestine – constituée de citoyens de diverses religions – mais en tant qu’entité coloniale artificielle, dépendante et raciste, dont on chassa la population indigène. Le peuple palestinien devint un peuple de réfugiés ou d’indigènes opprimés. Ainsi, Israël fut fondé en tant qu’Etat raciste aliène, en conflit et en expansion perpétuelles. Il s’agit là d’une situation extrêmement instable. Cela a conduit, nous le savons à une guerre ininterrompue, qui a connu plusieurs phases. En 1967, après la guerre dite des « six jours », j’ai pris la parole lors d’un meeting de protestation à Stockholm, et j’ai dit que cette guerre risquait de se poursuivre encore pendant un siècle, voire plus. Il faut toujours garder à l’esprit que, quel que soit notre espoir, il existe en permanence, aussi, des possibilités négatives. Il y a six siècles, ni les habitants de ce qu’on connaît aujourd’hui sous le nom d’Australie ou d’Amérique du Nord n’auraient envisagé qu’ils pourraient être exterminés (partiellement, au sud de ce qui constitue aujourd’hui la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, et totalement au nord de cette frontière, et en Australie). Mais ils l’ont bel et bien été. Le génocide dans ce qui est aujourd’hui le Mexique a été un des plus importants, numériquement, de tous ceux dont l’histoire a conservé la mémoire. Le génocide dans ce qui est aujourd’hui les Etats-Unis fut pratiquement total. Dans ce pays, le massacre s’est poursuivi jusqu’au début du vingtième siècle et il n’y a plus, aujourd ‘hui, que de petits vestiges de la population amérindienne indigène.

Nous devons garder à l’esprit que les Palestiniens, eux aussi, pourraient être exterminés. Un peuple peut disparaître. Pour certains groupes, en Israël – certains colons, par exemple – la disparition du peuple palestinien est non seulement envisageable : elle est envisagée ! Pour des raisons culturelles, une acceptation traditionnelle d’un génocide tel celui-là est également admise, culturellement.

3.2 La résistance

AL-INTIQAD : Quelle devrait être la réaction des Palestiniens, aujourd’hui, face à cette situation ?

JAN MYRDAL : Dans leur situation, il est bien entendu primordial pour eux de procéder à une analyse très précise. La lutte est nécessaire, s’ils veulent survivre, mais la lutte et l’héroïsme ne suffisent pas. Personne n’est en mesure de dire que la population indigène des Etats-Unis d’aujourd’hui – ceux que l’on appelle improprement les « Indiens » – n’a pas combattu ou n’a pas mené une résistance suffisamment héroïque. Mais il y a aussi une différence fondamentale : aujourd’hui, il y a un facteur nouveau : la solidarité internationale. La population indigène d’Amérique du Nord n’avait pas pour voisins des peuples puissants. Les Palestiniens, en revanche, en ont. Il y a également une compréhension croissante, dans tous les pays du monde, du fait que ce qui arrive aux Palestiniens, depuis soixante ans, peut nous arriver, à nous tous. Comme l’a dit John Donne en 1622 – Hemingway a d’ ailleurs cité ce propos dans son célèbre roman consacré à la guerre du peuple espagnol contre le fascisme : « Ne demande jamais pour qui sonne le glas : il sonne pour toi ! ». La solidarité est donc un facteur très important. Mais nous en connaissons tous les limites, tant dans nos propres pays qu’au sein des cercles dirigeants du Moyen-Orient. Un autre facteur non négligeable est le facteur temps / démographie. La population indigène des actuels Etats-Unis était clairsemée ; ses membres pouvaient être aisément éliminés. Au sud de la frontière, la situation était différente. Les Palestiniens sont nombreux – et ils ont un taux de croissance démographique comparable à celui des populations indigènes du Mexique ou de la Bolivie. Une entité telle Israël, basée sur une théorie raciale, n’est pas viable, sur le long terme. Dans cent ans – ou dans deux ou trois siècles – cet Etat s’effritera comme le Royaume des Croisés ou la République sud-africaine. Non que les gens qui y vivent disparaîtront : ils seront assimilés, de la même manière que les quelques Croisés et leurs descendants furent assimilés, et de la même manière que les Afrikaaners sont en train d’être assimilés, après la disparition de leur état ségrégationniste. Mais, pour le moment, le soutien à Israël à l’Onu et au sein de l’Union européenne est apparemment très fort. Même la Suède coopère militairement avec Israël. Mais étant donné que cette coopération va à l’encontre des intérêts et des souhaits de la majorité de notre peuple, nous devrions être en mesure de la supprimer. Ainsi, il peut y avoir des changements, dans les politiques européennes, il peut même y avoir du changement en Israël. Après tout, il y a en Israël des contradictions sociales et politiques qui peuvent tout à fait vraisemblablement aboutir à une situation différente. Rien n’est inscrit dans le marbre. Le principal soutien international à Israël, on le sait, provient des Etats-Unis. Ce pays utilise actuellement Israël comme une base de débarquement. Mais il n’y a ni amitié, ni loyauté, ni idylle, ni alliés éternels, en matière de politique internationale. S’il s’avère un jour de l’ intérêt des Etats-Unis de changer de camp dans le conflit israélien – plusieurs scénarios de cette nature existent – Israël perdrait tout soutien, du jour au lendemain.

AL-INTIQAD : Comment se fait-il que le Japon et l’Allemagne, au sortir de la Seconde guerre mondiale, alors même qu’ils étaient occupés, ont capitulé totalement devant la puissance occupante, n’offrant aucune résistance, et allant même jusqu’à coopérer avec les forces d’occupation. Ceci, alors que les exemples de pays musulmans occupés, comme la Palestine et l’Irak, montrent qu’il y a une résistance militaire et idéologique très intense contre la puissance occupante. Quelle est l’origine de cette différence, est-ce l’idéologie du pays occupé, sont-ce des facteurs historiques ?

JAN MYRDAL : On ne peut pas vraiment comparer. La lutte actuelle contre les forces d’occupation en Irak, en Afghanistan et en Palestine est similaire à la lutte contre les occupants allemands en Europe, ou contre les occupants japonais en Corée, en Chine, au Vietnam, en Birmanie. Ces luttes étaient, et sont aujourd’hui, des luttes de libération nationale. Souvent très complexes, bien entendu – rappelez-vous le casse-tête de la situation prévalant en Birmanie.

AL-INTIQAD : Mais pourquoi les peuples allemand ou japonais n’ont-ils pas résisté à l’occupation de leur pays ?

JAN MYRDAL : La situation, comme je vous l’ai dit, était totalement différente. Les populations avaient été impitoyablement réprimées par les gouvernants nazis et impériaux. Ils ne voulaient plus entendre parler ni des Hitlériens, ni de la dictature impériale japonaise. Au début, ils ont cru dans les phases occidentales de démocratisation. Les cercles dirigeants changèrent de camp et purent ainsi conserver leur position de gouvernants. Si vous regardez en arrière, vous verrez que ce sont les mêmes cercles capitalistes qui dirigent l’Allemagne aujourd’hui que durant l’ère nazie. Au Japon, c’est la même chose : dans ce pays, l’Occident a même gardé le criminel de guerre Hirohito en tant qu’empereur nippon. Les anciens dirigeants et les occupants ont coopéré de manière intensive ; tout le programme spatial américain a été mis sur pied par des spécialistes nazis. Les capacités des Etats-Unis en matière de guerre bactériologique ont été plus que renforcées par la coopération de bactériologistes venus du Japon. Les Etats-Unis, à la différence de l’Union soviétique, n’ont pas traîné ces responsables de crimes de guerre devant les tribunaux ; ils les ont incorporés à leur société, eux et les résultats de leurs recherches et expérimentations (y compris celles effectuées sur les tissus humains de prisonniers de guerre alliés.)

4.  L’Irak et le Moyen-Orient

AL-INTIQAD : Que pensez-vous de la guerre en Irak et des tentatives en cours d’occuper ce pays ? Quelle est la stratégie générale qui préside à ce conflit ?

JAN MYRDAL : Les Etats-Unis tentent de coloniser l’Irak et, bien entendu, certains groupes, en Irak, vont collaborer avec eux, parce que c’est juteux. Mais ils ne sont pas assez stupides pour ne pas se souvenir de cet adage français, qui dit qu’on peut se servir d’une baïonnette pour beaucoup de choses. sauf s’asseoir dessus ! Ils vont donc s’efforcer d’instiguer la « balkanisation » de l’Irak. Il est dans leur intérêt que l’Irak soit divisé au minimum entre trois Etats, voire plus. Dans le meilleur des cas, de leur point de vue, ces trois Etats seraient dans un état permanent de tension, et peut-être même de guerre entre eux, et leur soumission serait plus ou moins complète. La balkanisation est une méthode de gouvernement. Je me souviens de l’époque où je vivais en Inde. Les responsables américains, que nous considérions tous appartenir à la CIA – on les appelait les « Amis » – disaient souvent que l’Inde pourrait être divisée en seize Etats. La Chine pouvait quant à elle être divisée entre six Etats (ceci explique la violente réaction du gouvernement chinois contre les manifestations de la Place Tien-an-men, en 1989) et l’Iran en cinq entités différentes. Ces responsables des Etats-Unis qualifiaient cela de « possibilité démocratique ». Mais en réalité, c’était une recette infaillible pour la domination des Etats-Unis. Diviser pour régner. Créer des Etats faibles. Des Etats clients. Actuellement, Washington prend la tête d’une nouvelle croisade contre l’ Iran. S’ils peuvent envahir l’Iran, ou une fois de plus fomenter le renversement du gouvernement iranien – comme ils l’ont déjà fait en renversant Mossadegh, dans les années 1950 – ils le feront, n’en doutons pas un seul instant. Ni pour on ne sait quels idéaux, ni pour des motifs religieux. Simplement pour le profit, et le pétrole ! Pourquoi tout ce ramdam autour de la politique énergétique atomique iranienne ? Ce n’est pas simplement parce que les Américains redoutent que les Iraniens ne produisent leur bombe atomique, mais bien parce que si l’ Iran enrichit son propre uranium, il aura un contrôle accru sur ses propres ressources énergétiques (là, vous pouvez faire la comparaison avec la Suède !). Gun Kessle et moi-même, nous avons vécu en Iran à l’époque du Shah. Nous aimions et respectons beaucoup le peuple iranien, mais l’influence des Etats-Unis était très forte et l’oppression sociale sautait aux yeux. Nous pensions qu’une révolution pouvait éclater, à tout instant. Nous n’étions pas les seuls, évidemment. L’ambassadeur suédois- à l’époque il s’agissait de Ragnvald Rason Bagge – en était lui-même convaincu. Mais il a fallu beaucoup d’années pour que cela finisse par se produire. On ne saurait prédire exactement ce qui va se produire dans le futur, même si on peut voir certaines grandes lignes. De même, on peut voir les lignes de conflits en train de couver sous la cendre.

AL-INTIQAD : Les autres puissances régionales et mondiales vont-elles se croiser les bras, et regarder sans rien dire les Etats-Unis mener leurs politiques agressives et expansionnistes au Moyen-Orient ?

JAN MYRDAL : Ni la Russie, ni la Chine ne supportent de gaîté de cour les bases militaires américaines en Asie centrale. On retrouve, une fois de plus, une situation analogue à celle où la Russie et l’Empire britannique étaient en concurrence et tentaient de limiter la sphère d’influence de l’ adversaire en Perse, en Afghanistan et au Tibet. Les empires étaient en compétition ; à l’époque, les Britanniques voulaient avoir du coton et des routes commerciales, et la Russie voulait des routes commerciales libres, vers le sud, jusqu’aux mers chaudes. Ceci aboutit à trois guerres anglo-afghanes. Le prix qu’a dû payer le peuple afghan a été extrêmement élevé, mais sur le plan militaire, c’est la Grande-Bretagne qui a perdu ces trois guerres. Et finalement – après la troisième guerre – le peuple afghan fut en mesure de recouvrer son entière souveraineté. Les ambitions impériales qui entraînèrent l’invasion soviétique de l’ Afghanistan, puis l’invasion américaine, sont similaires. La lutte populaire des Afghans, elle aussi, ressemble beaucoup à celle qu’ils ont menée par le passé, et le résultat final sera le même – mais, encore une fois, c’est le peuple afghan qui devra payer un prix exorbitant pour sa liberté. Mais ni le Tsar de Russie, ni le Roi-Empereur britannique, ni Brejnev, ni Bush n’ont jamais eu aucun autre motif que l’avidité à l’état pur. Les Afghans se sont battus vaillamment, et les gentlemen britanniques les considéraient non-civilisés et cruels. Mais ils ont conquis leur indépendance.

5.  Résistance et islamisme

AL-INTIQAD : Le phénomène du Hezbollah, le phénomène de la résistance islamique, de manière générale. Comment se fait-il que les Etats-Unis, dans leurs ambitions impériales, n’aient pas rencontré une telle résistance par le passé ?

JAN MYRDAL : Au sujet du Hezbollah, je pense que, de manière général, on peut dire qu’il s’agit d’un mouvement jouissant d’une large base populaire, qui a réussi à repousser la très puissante armée israélienne d’occupation. Mais, dans votre question, je vois un danger qui rôde. Le Hezbollah, indéniablement, est courageux. Mais ce n’est pas le premier mouvement populaire qui se soit dressé contre l’impérialisme américain ! Rappelez-vous l’héroïque résistance philippine contre l’impérialisme américain, à la suite de la guerre Hispano-Américaine. Souvenez-vous de la révolution mexicaine ! Souvenez-vous de l’héroïque combat des Coréens contre l’agression états-unienne. N’oublions pas les luttes des peuples d’Asie du Sud-Est. A certains moments, au siècle passé, les Etats-Unis ont pu paraître d’éternels vainqueurs. Mais au cours des dernières décennies, les impérialistes états-uniens ont été à plusieurs reprises défaits militairement, par des peuples en armes ! Quant à la Seconde guerre mondiale, elle fut à la fois une guerre entre divers intérêts impériaux antagonistes, et celle de peuples luttant en vue de leur indépendance. En Europe, les résistances norvégienne et française, les guérillas de l’Italie du Nord, luttaient pour leur libération nationale, comme le font de nos jours les Palestiniens, les Irakiens ou les Afghans. Dès lors que règne l’oppression, les peuples se révolteront. Les idéologies peuvent être différentes, selon l’époque, selon l’histoire de chacun de ces peuples. Mais si les gens sont opprimés, ils finiront par réagir. Ils se révolteront et leur lutte sera juste et légitime. Aujourd’hui, dans beaucoup de pays du monde – en particulier, en Asie – l’ idéologie musulmane, ou islamique, est devenue une force motrice dans la résistance populaire à l’oppression. La situation, et par conséquent, les idéologies, étaient différentes, en ce qui concerne les patriotes d’Europe ou de Chine, durant la Seconde guerre mondiale. Mais, à l’époque, comme aujourd’hui : se révolter contre l’oppression est un droit, c’est même un devoir. C’est quelque chose de juste. Je pense que vous réussirez, en définitive. A long terme, l’impérialisme ne sera plus capable de s’entretenir lui-même. Il est obligé d’emprunter, de s’ endetter, pour livrer ses guerres. A long terme, leur situation ne pourra conduire qu’à l’échec. Toutefois, cela peut se produire dans très longtemps !

AL-INTIQAD : Vous avez déclaré un jour, lors d’une conférence, que si on ne peut pas carrément vaincre une force d’occupation, tout au moins on doit essayer de rendre l’occupation la plus inconfortable possible à l’ oppresseur.

JAN MYRDAL : C’est vrai. Prenons la raison pour laquelle il est normal de combattre, dans une situation où cela n’est pas immédiatement « rentable ». Vous pouvez prendre un exemple simple, tiré de l’histoire européenne : durant la Seconde guerre mondiale, vous aviez la « Résistance » – de Gaulle, et bien d’autres – en France. Ils combattaient grâce au soutien de la population, mais ils n’avaient pas de moyens militaires conséquents. Et puis vous avez eu, contrastant avec ceci, la très puissante invasion militaire alliée en Normandie, en 1944. Tout était préparé : les Etats-Unis avaient même imprimé les billets de banque d’une monnaie d’occupation, utilisables dans une France « libérée » par les Alliés. La France allait devenir un Etat européen de second ordre, placé sous la suzeraineté américaine. Mais de Gaulle réussit d’extrême justesse un de ses « coups », qui lui permit de ré-instaurer l’Etat français indépendant, quand les Alliés l’autorisèrent à débarquer, lui aussi, en Normandie. Après quoi, de Gaulle et les Communistes convinrent d’un commun accord que la population de Paris devait se libérer par elle-même, par la lutte armée. Les Américains disaient que ça n’était pas nécessaire. On peut dire que si les Parisiens étaient restés assis tranquillement sur leur derrière, ils auraient été libérés, de toute manière, par les Américains. Et par conséquent, beaucoup de ceux qui sont morts auraient survécu. Mais dans une France soumise ! Au cours de l’insurrection de 1944, beaucoup de Parisiens perdirent la vie, d’autres furent mutilés pour le restant de leur existence, mais les Français libérèrent Paris par eux-mêmes, et ils partirent immédiatement se battre contre les armées allemandes, et c’est pourquoi la France existe encore, aujourd’hui, en tant que nation.

AL-INTIQAD : Les Palestiniens se battent pour avoir un Etat démocratique, et les Islamistes eux-mêmes envisagent le même avenir : un Etat où les musulmans, les chrétiens et les juifs pourront vivre ensemble, en jouissant des mêmes droits. Israël n’est pas favorable à un Etat démocratique. Est-ce acceptable ? Les Palestiniens doivent-ils simplement capituler devant le plus fort et accepter cet Etat d’apartheid ?

JAN MYRDAL : La décision que le peuple palestinien prendra doit appartenir entièrement au peuple palestinien. Ils peuvent recevoir un soutien de l’ étranger, y compris de notre part, en Europe, mais ce sont eux qui doivent décider. L’exigence d’un Etat démocratique, avec des droits égaux, dans lequel musulmans, chrétiens et juifs pourront vivre ensemble, est une exigence qui bénéficiait d’un très fort soutien dans les cercles où j’ai grandi. Cela me semble toujours aujourd’hui que la seule solution, en vue d’un avenir pacifique dans la région. Mais la manière de réaliser cet objectif, la décision du choix des types de luttes qui sont nécessaires pour y parvenir : c’est au peuple palestinien qu’il revient d’en décider.

AL-INTIQAD : Comment se fait-il que ce soient, de nos jours, les islamistes qui portent le flambeau de la résistance contre l’hégémonie mondiale, contre différentes sortes de domination impérialiste ou néo-colonialiste ?

JAN MYRDAL : C’est là une importante question. L’impérialisme états-unien a longtemps représenté une menace pour les intérêts des peuples, dans diverses régions du monde. Prenez l’exemple des Philippines : l’occupation américaine était un point de focalisation pour le mouvement anti-impérialiste, voici un siècle de cela. Les indigènes chrétiens luttaient contre cet impérialisme. L ‘écrivain Mark Twain a évoqué cette question (il a dénoncé les soldats américains qui torturaient des prêtres catholiques de la même manière horrible dont ils torturent aujourd’hui des musulmans). Aujourd’hui, en raison de la lutte populaire, les Etats-Unis ont dû abandonner leurs bases militaires aux Philippines. Le combat se poursuit. On le voit : cette guerre a concerné de nombreuses générations, sous divers slogans, en partie militaires, en partie politiques. En Bolivie, les idéologies qui animent la lutte de libération contre les Etats-Unis ont d’autres racines. Dans beaucoup de régions d’Amérique du Sud, la théologie de la libération – l’_expression est de Castro – a joué un rôle positif contre la domination de l’impérialisme américain. Tout ceci peut s’ analyser comme étant la résultante des comportements de diverses classes, dans la société, qui peuvent être analysés. Dans beaucoup de pays de ce qu’ il est convenu d’appeler le « tiers monde », les bourgeois, c’est-à-dire la classe moyenne, la « bourgeoisie », veulent eux aussi obtenir l’ indépendance. Il s’agit donc d’une situation extrêmement complexe. Il est évident que les musulmans – les islamistes, si vous préférez – ont pris la tête du combat dans de vastes zones du monde. En grande partie, parce que d’importants secteurs de la gauche intellectuelle ont échoué, en tant que révolutionnaires (leurs origines sociales étaient bien souvent la moyenne bourgeoisie) ; ils ont été cooptés par la classe compradore, et ils ont perdu leur légitimité de représentants des masses opprimées. Mais il ne faut pas oublier que les mouvements islamistes, aujourd’hui, mènent leur combat contre l’impérialisme des Etats-Unis pour des motifs religieux. Il faut le comprendre. Bien entendu, je ne suis pas musulman, et je ne suis pas religieux, mais je ne suis pas non plus un libéral laïcard. Pour moi, la religion a beaucoup de réalité, et beaucoup de force, dans la société. Si vous vous penchez sur l’ histoire de la Suède, vous remarquerez que les premiers mouvements démocratiques populaires qui se sont déclenchés au début du dix-neuvième siècle dans ce pays étaient de nature religieuse ; c’étaient des mouvements chrétiens. Comme je l’ai fait observer, en Jordanie, toute la structure du mouvement populaire suédois, le « Folkrurelser », qui a donné sa forme à la Suède moderne, ainsi que le mouvement travailliste, furent formés par ces mouvements religieux du début du dix-neuvième siècle. La plupart des Suédois n’en ont pas conscience, de nos jours, mais c’est là une autre question. Si vous remontez encore plus loin dans le passé, jusqu’à la période des grandes jacqueries paysannes, aux 15ème et 16ème siècles, vous verrez que ces luttes ont connu le succès en Suède, en Suisse et dans le nord de la Finlande. Ceci rendit nos pays quelque peu différents du reste de l’Europe. Mais, en Allemagne, les guerres paysannes étaient des mouvements religieux. Prenez une grande figure historique et un martyr de la Démocratie tel Thomas Muntzer ; il était le chef d’une révolution paysanne. Mais il était aussi professeur de théologie. Sa traduction de la Bible eut une importance énorme, c’est dans ce travail qu’il trouva sa vérité, qui l’amena à prendre la tête d’une révolution. Si j’avais pu être ramené soudain au 16ème siècle et que je sois allé trouvé Muntzer en lui disant : « Mon cher ami, je sais que vous êtes un paysan révolutionnaire », il m’aurait regardé avec des yeux ronds et il m’aurait dit : « Non, non, non. Pas du tout ! Je me bats pour Dieu ! ». J’aimerais que vous, en tant que musulmans, vous compreniez que, de l’extérieur – en tant que non-musulman – je peux comprendre le rôle, principalement anti-impérialiste, d’une organisation telle le Hezbollah. Je puis dire qu’il s’agit là d’une réalité objective. Mais je sais, et je respecte le fait que la motivation de la position anti-impérialiste du Hezbollah soit religieuse : il s’agit du Logos divin. Le dire, ce n’est en rien dénigrer la religion. En aucune manière.

6. Perspectives : la capitulation n’est tout simplement pas une option

AL-INTIQAD : Les sionistes exigent des Palestiniens (mais aussi des Irakiens, des Libanais et des Afghans) une capitulation humiliante. Capituler et finalement subir le même sort que les indigènes amérindiens d’ Amérique du Nord – cette capitulation ne donnerait-elle pas naissance à des conflits et des guerres d’une ampleur encore plus grande ?

JAN MYRDAL : Je ne pense pas même que la question de la capitulation soit posée. La capitulation n’est tout simplement pas une option. Vous pouvez dire que beaucoup des gouverneurs féodaux, en Inde, aux 18ème et 19ème siècles, ont accepté la loi britannique. Dans la propagande officielle, les Britanniques gouvernaient pacifiquement, jusqu’à ce qu’ils finissent par devoir quitter l’Inde à leur corps défendant. Mais c’est un énorme mensonge ! Tout d’abord, les Britanniques ont dû faire face à l’énorme guerre de 1857 – la Première guerre d’Indépendance – ils ont répliqué avec une violence massive et purement sadique. Puis il y eut une lutte populaire ininterrompue contre l’impérialisme britannique. Gandhi fut un grand personnage historique. Mais la lutte du peuple indien fut mené par de tout autres méthodes – à la fois des méthodes pacifiques et des méthodes violentes. Mon premier beau-père était ce que les Britanniques appelaient, voici soixante-quinze ans, un « terroriste du Bengale », et il aurait pu vous raconter ses hauts faits des journées entières. Puis, en 1942, le mouvement « Quit India » [Foutez le camp de l’Inde !] fut à la fois très puissant et extrêmement violente. Et pourquoi croyez-vous que les Britanniques quittèrent l’Inde, cinq ans plus tard, cette Inde qui était le « Joyau de la Couronne » de leur empire ? Simple ! Parce que : a) ils avaient perdu leurs investissements durant la Seconde guerre mondiale ; b) au cours de la mutinerie de Bombay, leur propre flotte s’est retournée contre eux ; c) ils avaient perdu le contrôle de leur armée de terre. Ils n’étaient plus en mesure de condamner même les dirigeants de l’Armée Nationale Indienne que Subhas Chandra Bose – Netaji – avait dirigée, durant la guerre contre eux. Les Britanniques n’étaient plus en mesure de contrôler l’Inde, sans mener une guerre sanglante, que de toutes les manières ils auraient perdue. Mais pourquoi le peuple allemand ne s’est-il pas révolté contre Hitler ? La raison est la même que celle pour laquelle le peuple britannique ne s’est pas révolté contre les bâtisseurs d’Empire, ou pour laquelle seule une fraction du peuple des Etats-Unis s’est révoltée contre Bush et ses guerres impériales. C’est très simple : la population allemande avait le meilleur niveau de vie en Europe, durant la Seconde guerre mondiale. Le régime nazi pillant toute l’Europe occupée et donnant une petite part du butin au peuple allemand, ses protestations contre Hitler étaient réduites au silence. Quand il pleut sur le coq, l’eau ruisselle sur les poules ! Le Hezbollah, comme les Afghans, les Palestiniens, les Chinois, les Coréens, les Indiens et tous les autres avant eux, ne peuvent compter sur un changement d’avis chez leurs oppresseurs et leurs séides. Les impérialistes peuvent donner à leur propre population certains bénéfices de la domination impériale. Tant qu’ils le font, ils ont un relatif soutien. Quand la guerre tourne mal, alors, comme au cours de la guerre du Vietnam, les pertes étant devenues beaucoup trop importantes, les impérialistes peuvent être contraints à reculer. En Irak, que va-t-il se passer ? Cela dépendra, pour partie, de l’importance des pertes (américaines) – en hommes et en dollars. Vous pouvez dire que chaque GI tué augmente la possibilité d’un retrait américain. Mais, auparavant, ils vont essayer d’entraîner leurs alliés pleins de bonne volonté dans le sale boulot (voir l’Afghanistan). En même temps, les Etats-Unis vont s’efforcer de balkaniser, de soulever un groupe contre un autre ; s’ils peuvent obtenir une guerre civile entre différents groupes de la population irakienne, les Etats-Unis pourront continuer à réaliser des profits, et leurs troupes pourraient rester dans leurs casernes, pour très longtemps. Mao, qui était un homme politique clairvoyant, a dit que l’impérialisme était un tigre de papier, mais qui n’en possédait pas moins des griffes bien réelles. Une chose est de dire que la domination des Etats-Unis est condamnée à terme. Mais il n’existe pas d’arbre qui pousse jusqu’au ciel. Ou bien prendre en considération l’aspect économique ; un empire comme celui des Etats-Unis, qui vit à crédit, finira par s’effondrer, tôt ou tard. Un jour, la Chine, ou l’Arabie saoudite, ou le Japon devront refuser d’accepter du papier monnaie sans véritable valeur. Pour l’instant, ces pays ont encore peur de faire s’effondrer ce château de carte qu’est le système monétaire international. Mais, tôt ou tard, ils devront le faire, afin de protéger leurs intérêts propres. Mais pour cela, il faudra sans doute attendre encore très longtemps. Prenons l’expérience de ma génération, en Europe, durant la Seconde guerre mondiale. Nous savions, depuis décembre 1941, Hitler n’ayant pu conquérir Moscou et ayant dû reculer, que le Troisième Reich était condamné – mais il a fallu beaucoup de temps, plusieurs années et des millions de morts, avant qu’on voit la fin de cette interminable guerre.

AL-INTIQAD : Le conflit n’est plus entre Israël et la Palestine, les guerres sont fomentées contre la Syrie, l’Iran et le Liban, et ceci parce que ces pays soutiennent la résistance des Palestiniens et le Hezbollah. Que pensez-vous au sujet de ces conflits annoncés ?

JAN MYRDAL : Les Etats-Unis sont contraints, par l’inertie propre à la lutte pour les ressources énergétiques et les bases militaires, de les protéger et de poursuivre leurs guerres. D’un autre côté, leurs ressources militaires et leur base monétaire sont d’ores et déjà soumise à rude épreuve. C’est une politique d’escarmouches. La manière dont le chat qui s’apprête à sauter va le faire n’a rien d’évident. Si les Etats-Unis sont en mesure d’exercer leur chantage sur l’Union européenne afin de la contraindre à devenir leur supporter zélé, il est bien entendu possible que cela étende le conflit armé à l’Iran et / ou à la Syrie. Mais il est beaucoup plus facile d’entreprendre une guerre que la terminer. Je pense qu’ils pourraient faire montre d’un minimum de prudence, avant de se lancer dans toute nouvelle guerre. En Irak, ils ont fait une erreur monumentale. Ils ont pu renverser Saddam Hussein, mais ils ont été incapables de réaliser la victoire. S’ils étendaient le conflit, certaines personnes deviendraient extrêmement prospères, aux Etats-Unis. Il s’agit de la fine équipe du trust Halliburton, regroupant des firmes pétrolières et des firmes de l’armement. Mais beaucoup de gens, aussi, aux Etats-Unis, y compris chez les pro-impérialistes, ressentent d’ores et déjà un certain malaise. Etendre la guerre ne semble pas être la meilleure manière de garantir des profits. Aussi, leur politique actuelle conduit-elle à un accroissement des contradictions entre les Etats-Unis et des puissances comme la Russie et la Chine. Même les pays de l’Union européenne qui se sont conduits, récemment, comme des pays clients serviles, commencent à ne plus se sentir très bien. Ce que nous pouvons faire, dans nos pays respectifs, c’est bien entendu augmenter la connaissance de ces faits, augmenter la solidarité, renforcer le mouvement anti-guerre.

7. Jan Myrdal : son parcours, son pays

AL-INTIQAD : Vous avez incontestablement du courage civique, et vous dites ce que la plupart des gens pensent, mais n’osent dire. Votre engagement, sur ces questions, donne de l’espoir aux Palestiniens et à d’autres peuples opprimés. Comment avez-vous été amené à vous engager sur ces questions, et pouvez-vous vraiment travailler en toute liberté, ou y a-t-il des tentatives pour limiter votre action, ou la censurer ?

JAN MYRDAL : Je suis têtu, sans aucun doute. Je crois que c’est là tout le « secret ». Comme beaucoup de personnes de ma génération en Europe, j’ai dû prendre position, dans ma jeunesse – j’étais encore un jeune garçon, oui, vous pouvez dire cela – pendant la Seconde guerre mondiale. Ainsi, j’ai eu la chance d’être repéré comme « rouge » par la Police Sécuritaire Suédoise (et l’ambassade américaine.) – avant même d’avoir dix-huit ans ; cela, effectivement, m’a évité de devenir un intellectuel européen « normal » et servile – même si j’aurais aimé en devenir un. (Ce que je n’ai pas fait !) Ensuite, ce qui s’est passé, c’est que mon épouse et moi-même, nous avons voyagé et vécu durant plusieurs années, à partir des années 1950, en Asie : Iran, Afghanistan, Inde, Chine, Birmanie, puis en Asie centrale alors soviétique, puis au Cambodge, en Arabie saoudite, en Egypte et en Afrique du Nord. Et, comme vous pouvez le repérer dans les ouvrages que nous avons publiés, au fil du temps, nos perspectives ont évolué. Notre livre consacré à l’Afghanistan, dans les années 1960, vient de connaître sa sixième édition en Suède, et il a joué un certain rôle dans la création d’un courant de solidarité avec le peuple afghan. Durant certaines périodes – comme par exemple les années du maccarthysme, qui furent très qui furent très dures, en Suède, également – j’ai dû faire attention, afin de pouvoir être édité. Non que j’aie menti, mais j’ai dû me résoudre à écrire dans à la manière d’Esope. Dans d’autres périodes, ce fut plus facile. Et la Suède fut, un temps, une des sociétés les plus ouvertes en Europe. Je n’ai été jugé qu’une seule fois, par manque de prudence dans le choix de mes mots. Et nous avons gagné le procès que nous faisait le gouvernement ! Bien entendu, il est possible de faire carrière en Suède, comme dans d’ autres pays, en faisant gaffe à votre expression. Mais ça

 




L’antisionisme : une exigence de justice

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Tract de novembre 2004 qui revient sur les fondements de l’Etat d’Israël et dénonce la criminalisation de l’antisionisme.

Être antisioniste, c’est déjà dénoncer le triple caractère, raciste, ethnocratique et colonial de l’État d’Israël. Ni plus ni moins. C’est aussi dénoncer la posture des dirigeants sionistes qui entretiennent la confusion entre judaïsme et sionisme et qui veulent faire de tout juif un soutien à la politique de l’État d’Israël. C’est enfin dénoncer cette propagande qui n’autorise plus à penser l’Histoire autrement qu’à travers le prisme de l’idéologie sioniste.

« Une terre sans peuple pour un peuple sans terre » : voilà dès l’origine ce qui fut le leitmotiv du sionisme. D’emblée, ce mouvement colonial se fondait sur la négation du peuple palestinien. La naissance en 1948 de l’État juif, soutenu par les puissances occidentales, reconnu par l’ONU, allait permettre d’accélérer les objectifs du sionisme : vider la Palestine de ses habitants arabes pour les remplacer par des juifs, au moyen d’expulsions et de nombreux massacres.

Aujourd’hui, cette politique sioniste se poursuit puisque l’État-colonie d’Israël ne reconnaît toujours pas le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, ni bien évidemment le droit au retour des quelques 4 millions de réfugiés, et ce, malgré les nombreuses résolutions de l’ONU. Bien au contraire, les massacres continuent, des murs s’érigent, et des pseudo-retraits purement tactiques tentent de berner les observateurs extérieurs…

Outre sa nature coloniale, Israël est également un État raciste et théocratique, puisqu’il se fonde sur une appartenance ethno-religieuse : l’État juif établit une hiérarchie entre juifs et Palestiniens, en ne reconnaissant pas à ces derniers les mêmes droits sociaux et politiques. Dans cet esprit, renforcer le caractère juif d’Israël consiste à faire appel à l’immigration juive tout en continuant à exproprier et chasser les Palestiniens. Le sionisme n’est pas autre chose qu’une politique d’épuration ethnique.

Être antisioniste, c’est déjà dénoncer ce triple caractère, raciste, ethnocratique et colonial de l’État d’Israël. Ni plus ni moins.

En cherchant à favoriser l’immigration juive en Palestine, les sionistes entretiennent un climat qui tend à faire croire que l’antisémitisme se développe un peu partout dans le monde, et notamment en France. Cette propagande, largement relayée par les médias et les plus hautes instances politiques vise aussi, en assimilant antisionisme et antisémitisme, à museler et casser tout mouvement de solidarité avec le peuple palestinien, en stigmatisant particulièrement les populations issues de l’immigration.

Les tentatives actuelles pour criminaliser l’antisionisme – avec le rapport Rufin qui va dans ce sens et les nombreuses poursuites judiciaires contre des militants, des journalistes ou des intellectuels – sont un pas supplémentaire vers l’étouffement, voire l’interdiction de toute critique à l’encontre de l’État d’Israël.

Être antisioniste, c’est aussi dénoncer la posture des dirigeants sionistes qui entretiennent la confusion entre judaïsme et sionisme et qui veulent faire de tout juif un soutien à la politique de l’État d’Israël ; c’est dénoncer enfin cette propagande qui n’autorise plus à penser l’Histoire autrement qu’à travers le prisme de l’idéologie sioniste.

Nous, militants du Comité Action Palestine, affirmons que l’antisionisme n’est pas un crime, mais qu’il s’appuie au contraire sur les valeurs universellement reconnues d’antiracisme, d’égalité des droits pour tous, et de droit à l’autodétermination des peuples. Être radicalement antisioniste, c’est demander le respect absolu et l’application intégrale de ces valeurs-là.

Nous enjoignons donc la population à ne pas se laisser intimider par le fascisme rampant qui gagne du terrain, à se mobiliser pour dénoncer la complicité honteuse de nos dirigeants avec l’État sioniste, et à soutenir la lutte du peuple palestinien pour la juste reconnaissance de ses droits.

 

 

 

 




Le PS promet au CRIF de purger l’administration française de ses éléments «Arabes» s’il revient au pouvoir

bhl_fabius_kouchner_01-1728x800_c[1]publié le 11 janvier 2006 par EuroPalestine La plupart des partis politiques français courbent l’échine devant le CRIF. Cet article montre que le PS tente de se démarquer en en faisant encore plus que les autres. Reste à savoir pourquoi. Imaginons l’inverse un seul instant : un homme politique qui promettrait de débarrasser les instances politiques et administratives des juifs : ça ne vous fait penser à rien ?

sur EuroPalestine : Déférant une énième fois à une convocation du CRIF, François Hollande y est allé de nouveaux hommages à Sharon et à la politique du gouvernement israélien.

Mais il a également tenu à marquer sa différence, dans l’exercice de surenchère pro-israélienne auquel se livrent la plupart des dirigeants politiques français, au gouvernement comme dans l’opposition.

Il a ainsi estimé, rapporte le CRIF, « qu’il y a une tendance qui remonte à loin, ce que l’on appelle la politique arabe de la France et il n’est pas admissible qu’une administration ait une idéologie ». Il a ajouté qu’il y a un « problème de recrutement au Quai d’Orsay et à l’ENA » et que le recrutement « devrait être réorganisé ».

En clair, si Hollande et ses amis reviennent aux affaires, Cukiermann et ses amis peuvent être assurés qu’il y aura une chasse aux éléments « arabes » ou « pro-arabes » que le CRIF leur désignera. Ladite chasse ne devant d’ailleurs pas se limiter à des fonctionnaires et diplomates en place, mais toucher aussi les étudiants entrant à l’ENA. En principe, ces derniers sont recrutés à travers des concours, mais on peut désormais faire confiance au couple Hollande-Cukiermann pour opérer la sélection. Au faciès ? Au patronyme ? Sur fiches préparées par leurs officines de délation ?

A propos, c’est quoi, la « politique arabe de la France », dont Monsieur Hollande semble faire grand cas ? Le refus persistant de notre gouvernement d’appliquer les résolutions internationales condamnant les crimes de l’occupation israélienne des territoires palestiniens ? La collaboration militaire française avec Israël ? Le parrainage de la participation française à la construction d’un tramway reliant Jérusalem aux colonies juives de la Cisjordanie occupée ? La présence des ministres de la police d’Israël chez Sarkozy pour lui apprendre à bien mater les Arabes ? Le tapis rouge étendu par Jacques Chirac au criminel de guerre Ariel Sharon l’an dernier à Paris ?

Cet aveu d’allégeance du Premier Secrétaire du Parti Socialiste aux vues du gouvernement israélien a été publié par le CRIF dans un compte-rendu de la rencontre, en date du 30 novembre 2005, qui figure sur le site du CRIF à l’adresse suivante : http://www.crif.org/?page=sheader/detail&aid=5768&artyd=2

Nous n’avons pas de raison de remettre en cause l’exactitude des propos tenus par Hollande tels que le CRIF les rapporte, car ces propos, n’ont donné lieu à ce jour à aucun démenti ni rectification de la part du Parti Socialiste. Au demeurant, ceux qui se donneront la peine de lire l’intégralité du compte-rendu y constateront que toutes les déclarations de Hollande vont dans le même sens.

Cette précision méritait d’être apportée quand on sait par quelle pirouette le Parti Socialiste a récemment tenté d’expliquer comment et pourquoi un certain nombre de ses députés ont voté la scandaleuse loi du 23 février 2005 vantant les bienfaits de la colonisation. « C’était par inadvertance », avait ainsi commenté avec désinvolture le joufflu de la rue de Solférino.

Les anarchistes qui défilent aux cris de « P comme pourri, S comme salauds, à bas, à bas, le Parti Socialo ! » ont sans doute un sens prononcé de la polémique. Il faut dire que parfois, cela démange.

par CAPJPO-EuroPalestine