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Israël/Etats-Unis : Qui est le maître ?

USISRAEL[1]Cet article a été rédigé et publié par l’association COMAGUER  (Comprendre et Agir contre la Guerre) dans son bulletin n°151, 2006, semaine 36.

Dans le cadre du débat entre ceux qui considèrent Israël comme le bras armé de l’impérialisme américain au Moyen-Orient et ceux qui pensent que les Etats-Unis ne sont que les exécutants de la politique de l’Etat d’Israël, cet article vise à faire avancer la réflexion en apportant une analyse concrète des mécanismes par lesquels le lobby juif états-unien impose une politique extérieure conforme aux intérêts israéliens.

Le lobby juif – puissamment organisé dans des structures d’envergure nationale ou locale et regroupant deux millions d’individus très riches et politiquement hyperactifs – exerce son action dans deux directions principales : le contrôle des élus et le formatage de l’opinion publique.

Le contrôle des élus passe par la pression réalisée directement au niveau du Congrès (et de la commission européenne), par le soutien ou l’absence de soutien matériel aux candidats lors des campagnes électorales ou par le dénigrement médiatique de tout opposant à Israël. L’emprise du lobby juif sur la vie politique est si forte que les élus n’apparaissent plus que comme des agents serviles des intérêts sionistes.

Le conditionnement idéologique de la population est assuré par la mainmise du Lobby sur les deux grands journaux nationaux , le New York Times et le Washington Post, dont le contenu éditorial est repris par les grands réseaux de télévision et de radio ainsi que par la grande majorité des quotidiens locaux. Le formatage des consciences est complété par la surveillance des professeurs des universités et des étudiants et par un enseignement pro-sioniste dans le primaire et le secondaire.

L’étude de l’influence du lobby juif sur la politique extérieure des Etats-Unis aboutit à la conclusion que sionisme et impérialisme sont intrinsèquement liés et qu’il est impossible de les combattre séparément.


SOMMAIRE

I- Le « LOBBY JUIF »
II- Le contrôle des élus
A- Structure du lobby
B- Finances du lobby
III- L’action directe de formatage de l’opinion publique
IV- Le LOBBY commence à être critiqué

[Nous avons légèrement modifié les titres de l’article dans le but d’en faciliter la lecture]


Le récent déchaînement militaire d’Israël contre la Liban et Gaza et le soutien total du gouvernement et du Congrès des Etats-Unis à ces actions ont donné un surcroît d’actualité à un débat déjà ancien sur les rapports entre les deux pays.

Ce débat met face à face deux thèses :

La première qu’on peut qualifier de thèse « impérialiste classique » consiste à dire que l’impérialisme dominant (les USA) disposent avec Israël d’un bras armé régional pour l’exécution de leur politique de domination et de transformation du Proche et du Moyen-Orient à leur profit.
La seconde renverse la perspective et considère que le sionisme est politiquement déterminant et que, au moins au Proche et au Moyen-Orient voire dans l’ensemble du monde musulman, les Etats-Unis sont, malgré quelques hésitations tactiques ou divergences momentanées des exécutants de la politique expansionniste de l’Etat sioniste.

L’opposition entre les tenants de ces deux thèses parait irréductible mis il est de toute première importance de les confronter car, quel que soit le chef d’orchestre, la musique jouée par l’orchestre étasuno-sioniste est une marche funèbre déversée depuis un demi-siècle dans les oreilles des peuples du Moyen-Orient. Mettre un terme à cette sombre période historique exige une claire compréhension du complexe étasuno-sioniste.

A ce titre les travaux récents de plusieurs intellectuels étasuniens méritent d’être présentés car ils sont le signe que la crainte d’être accusé d’antisémitisme qui a longtemps servi d’interdiction de réfléchir et a condamné à être mis immédiatement à l’index s’estompe et qu’un travail raisonné, évitant imprécations et invectives, sur ce phénomène politique de grande ampleur et de grands effets devient progressivement possible.

Nous nous sommes appuyés en particulier sur les récents articles du journaliste étasunien JEFFREY BLANKFORT (JB) qui ont l’avantage de faire une synthèse de nombreuses données existantes mais les écrits de JAMES PETRAS et de MANUEL FREYTAS sur ce sujet méritent aussi l’attention (textes en anglais ou en espagnol disponibles à la demande chez comaguer@nomade.fr )

Pourtant cette dépendance matérielle flagrante ne produit pas de dépendance politique c’est-à-dire que contrairement à toute logique capitaliste apparente, le flux massif et ininterrompu de dollars des Etats-Unis vers Israël n’est jamais assorti de conditions politiques. En langage managérial : la filiale Israël, constamment déficitaire, serait donc tenue à bout de bras par la maison mère qui s’interdirait en même temps de mettre le nez dans ses comptes. Etrange ! En changeant de langage : Israël serait-il la « danseuse » des Etats-Unis entretenue à grands frais par un amant éperdu qui lui passe tous ses caprices ?

Cette relation entre Etats est unique. Pour mieux la comprendre il est indispensable d’analyser comment elle s’est progressivement constituée comme un invariant de la politique des Etats-Unis. Ce à quoi s’est employé JB. Le pilier de cette relation spéciale est le « LOBBY JUIF » aux Etats-Unis.

I- Le « LOBBY JUIF »

Le mot « LOBBY » souvent traduit par « groupe de pression » est désormais d’un usage assez répandu en France mais son usage sans précaution ne contribue pas à la compréhension de la réalité de l’institution.

Car un LOBBY est bien aux Etats-Unis une institution et pas un groupement de fait tirant des ficelles dans les coulisses et exerçant une influence clandestine ou discrète. Ne confondre LOBBY ni avec MAFIA ni avec SOCIETE SECRETE.

La Mafia est un objet différent qui s’est développé historiquement aux Etats-Unis à partir des années 30 avec une Mafia italienne dont AL CAPONE est la figure emblématique mais dont le patron incontesté était LUCKY LUCIANO et une mafia juive très puissante qui firent alliance sous la conduite de MEYER SLANSKY, patron incontesté de la seconde, pour constituer ce qui a reçu le nom de SYNDICAT DU CRIME. Nulle prédestination, nul atavisme là dedans, pas plus juif qu’italien : les couches d’immigrants les plus récentes jouaient des coudes pour faire leur place dans la société étasunienne et tous les moyens étaient bons. La conquête de l’Ouest ne s’est pas faite non plus dans la légalité.

Quant aux sociétés secrètes il n’est que d’évoquer le Ku Klux Klan pour rappeler que cette forme sociale a toute sa place aux Etats-Unis.

Un LOBBY est donc un groupement reconnu officiellement avec des locaux, un organe de direction, un budget, des salariés et qui a, à égalité avec l’individu citoyen électeur, un droit à la liberté d’expression sur tout sujet et en particulier sur toute action du gouvernement et de l’administration, droit d’expression garanti par le premier amendement de la Constitution et reconnu régulièrement par des décisions de la Cour Suprême. Ainsi tout LOBBY peut intervenir ouvertement dans le champ politique et ses capacités d’intervention sont d’autant plus grandes qu’il est plus riche. Il y a eu le LOBBY du chemin de fer puissant au moment de la Conquête de l’Ouest comme il y le LOBBY des détenteurs d’armes à feu.

Dans la construction institutionnelle des Etats-Unis tout a été fait pour que l’Etat soit faible, pour que la vie du personnel politique soit précaire, pour que le pouvoir judiciaire soit fragile à force de renouvellement des juges par la voie électorale et pour que le gouvernement et sa politique soit l’expression des intérêts des LOBBIES qui disposent eux de la stabilité et de la richesse. Ainsi une campagne électorale aux Etats-Unis est avant tout une collecte d’argent auprès des particuliers riches et auprès des LOBBIES en échange d’engagements à défendre leurs intérêts au sein des instances de la République. La démocratie étasunienne est en réalité une PLOUTOCRATIE , gouvernement des riches et non un gouvernement du peuple et un système où la corruption est normale et légale car comment appeler autrement le fait qu’un LOBBY achète et entretienne très officiellement un sénateur, un représentant ou un gouverneur.

C’est dans ce contexte qu’il faut analyser le fonctionnement et la puissance du LOBBY JUIF aux Etats-Unis. Il est même souvent appelé « THE LOBBY » sans précision, c’est-à-dire qu’il est l’archétype du LOBBY, le plus actif, le mieux structuré. D’après les observateurs locaux il ne serait dépassé en puissance que par le LOBBY des retraités mais celui-ci a évidemment moins d’influence sur la politique étrangère des Etats-Unis.

LOBBY JUIF est une qualification inexacte puisque sur les 6 millions de juifs citoyens des Etats-Unis (autant qu’en Israël), 2 millions seulement sont impliqués dans son fonctionnement et qu’il existe même sur le terrain des petits groupes de juifs antisionistes. Une question vient immédiatement à l’esprit : est-il possible qu’un si petit LOBBY puisse exercer une influence déterminante sur la politique d’un pays de 300 millions d’habitants, première puissance économique de la planète ?

JB répond à cette question. Cette petite minorité est politiquement hyperactive dans un pays où le trait dominant est une passivité politique de masse, passivité encouragée par la classe dirigeante – qui est capable d’une extrême férocité et tue sans scrupules quand une révolte apparaît – et favorisée par un système médiatique particulièrement abêtissant. Cette hyperactivité a un résultat très tangible. Au Congrès des Etats-Unis (Sénat et Chambre des Représentants) tout texte accordant des faveurs militaires, financières à l’Etat d’Israël recueille, cela se vérifie en longue période, l’assentiment de 99 sénateurs (sur 100) et au minimum de 400 représentants (sur 435). JB n’hésite pas à dire que LE LOBBY a dressé les élus de la Nation comme des « animaux de cirque ». Ce contrôle est tel que la Présidence ne peut même pas proposer une mesure que LE LOBBY considérerait comme néfaste pour Israël mais au contraire que ses propositions favorables à Israël sont souvent améliorées par le Congrès.

Sur le montant du soutien financier et pour donner simplement un ordre de grandeur simple notons que depuis 1985 ce ne sont pas moins de 100 milliards de dollars d’aides publiques qui sont passés des caisses des Etats-Unis vers celles d’Israël. Cette aide ne s’interrompt jamais, ne diminue jamais même lorsque le budget des Etats-Unis est gravement déficitaire, ce qui est le cas aujourd’hui. LE LOBBY est en fait un véritable système.

II – Le contrôle des élus

A – Structure du lobby

1- AIPAC

Au centre du système l’AIPAC : AMERICAN ISREAL PUBLIC AFFAIRS COMMITTEE, qui intervient directement dans le Congrès à Washington et auprès des membres du Congrès. L’AIPAC a son siège à Washington et des bureaux dans de nombreux autres Etats de l’Union. Elle occupe 165 personnes. Etant enregistrée comme « LOBBY NATIONAL » elle n’est pas considérée comme un organisme de soutien à un pays étranger. Si elle l’était, et les LOBBIES non nationaux ont le droit d’exister, elle serait tenue beaucoup plus à l’écart du Congrès. En tant que LOBBY NATIONAL elle a le droit de participer aux travaux des commissions parlementaires, d’élaborer des propositions de résolutions ou de lois à soumettre ensuite au vote du Congrès, de nommer des membres dans les cabinets des élus. Ainsi tel sénateur ou tel représentant peut avoir très officiellement un salarié de l’AIPAC au nombre de ses collaborateurs directs les plus proches. Celui-ci lui distillera régulièrement le rapport bihebdomadaire sur le Proche-Orient établi par l’AIPAC à destination des parlementaires. Ce salarié s’occupera également en période électorale de réunir les soutiens nécessaires à la réélection de son « élu », soutien évidemment conditionné par la stricte orthodoxie prosioniste de l’élu en question.

L’omniprésence de l’AIPAC à l’intérieur du Congrès permet à tout moment de mobiliser sénateurs et représentants et l’AIPAC est capable d’obtenir la signature quasi instantanée de 70 sénateurs sur 100 pour faire pression sur le Président au cas où celui-ci aurait l’intention de prendre une position ou de proposer des mesures qui ne serviraient pas strictement les intérêts d’Israël. La Maison Blanche le sait et le cas se présente rarement. Le plus connu, relaté par JB remonte à la Présidence de Gérald FORD. En 1976, le Président (Républicain) s’apprêtait à appeler publiquement au respect par Israël des frontières de 1967. Une lettre des sénateurs l’en dissuada et son discours ne fut jamais prononcé !

Le LOBBY n’a pas manqué d’intervenir au moment de la récente guerre du Liban .

Dés le début de l’attaque israélienne, La Chambre des représentants a voté par 410 voix contre 8 une résolution qui « condamne les ennemis de l’Etat juif »

Aussitôt – le 20 Juillet – l’AIPAC, qui a organisé l’opération et probablement rédigé le projet de résolution, clame « l’écrasant soutien du peuple américain à la guerre d’Israël contre le terrorisme et la compréhension du fait que nous devons nous tenir aux côtés de notre allié le plus proche en ce temps de crise. »

Le « peuple » n’a pas eu le temps de dire grand-chose mais l’AIPAC n’hésite pas à le faire parler !

L’AIPAC s’appuie sur la CONFERENCE DES PRESIDENTS DES PRINCIPALES ORGANISATIONS JUIVES AMERICAINES qui fédère 52 organisations ou groupements partageant toutes deux objectifs principaux :

1- promouvoir l’Etat d’ISRAEL
2- stigmatiser les opposants à ISRAEL et à sa politique et les intimider

Les deux membres les plus importants de cette CONFERENCE sont l’ANTI DEFAMATION LIGUE (ligue anti-diffamation) ADL, et l’AMERICAN JEWISH CONGRESS (Comité juif américain) AJC.

2 – ADL

Créée en 1949 celle ligue est à l’origine une association de lutte contre l’antisémitisme, émanation de la B’NAI B’RITH qui existe toujours. Aujourd’hui elle s’est transformée en défenseur vigilant du sionisme, surveille ceux qui critiquent Israël et lance des campagnes médiatiques pour les « démolir » dans l’opinion publique.

JB relate un cas de surveillance de l’opinion publique par l’ADL. En 1992 la police de San Francisco fait une perquisition dans les locaux du bureau local de l’ADL. Elle y trouve un fichier de 600 groupes et 12000 personnes opposés à des degrés divers à la politique d’Israël. L’ADL s’intéresse particulièrement aux associations et militants contre l’apartheid sud-africain à une époque où Israël et l’Afrique du Sud avaient des liens très étroits et où l’apartheid sud-africain constituait un modèle qui a inspiré largement l’apartheid anti-palestinien. Cette activité illégale de fichage de la population fit l’objet d’une plainte mais ne fut pas sanctionnée par la justice. Une promesse de l’ADL de « ne pas recommencer » suffit à arrêter les poursuites et la justice ne se donna pas les moyens de vérifier si elle avait été tenue. Pour effacer la mauvaise impression qu’aurait pu produire son activité illégale sur la police locale, l’ADL offrit aux policiers des séjours en Israël. Ils y firent connaissance avec les méthodes de lutte antiterroriste en vigueur dans ce pays qui leur furent ainsi données en modèle.

3 – AJC

Organisation créée en 1906 par des juifs venus d’Allemagne qui voulaient défendre les droits de leur communauté en expansion aux Etats-Unis. Antisioniste à l’origine elle se convertit au sionisme après 1945. Evolution sans surprise : à l’origine il s’agissait de soutenir les immigrés juifs s’installant aux Etats-Unis, une fois l’Etat d’Israël créé et les juifs bien installés aux Etats-Unis la priorité devint la défense du nouvel Etat. L’AJC s’occupe particulièrement des « affaires étrangères » du LOBBY et a dans ce cadre ouvert un bureau à Bruxelles en 2004 histoire de faire pression sur l’Union européenne, trop sensible, selon cette organisation, aux problèmes des Palestiniens. L’AJC rencontre chaque semaine un commissaire ou un chef d’Etat de l’UE , en particulier celui occupant la Présidence tournante.

4 – Comités locaux et laboratoires de pensée

A ces grosses structures nationales s’ajoutent 117 comités locaux qui poursuivent sur le terrain les mêmes objectifs généraux que ceux des structures nationales. Le militantisme prosioniste de terrain est nourri par le travail idéologique réalisé par une certain nombre de laboratoires de pensée (« think tanks ») parmi lesquels se détachent :

– WASHINGTON INSTITUTE FOR NEAR EAST POLICY (Institut de Washington pour la politique proche-orientale)
– AMERICAN ENTERPRISE INSTITUTE
– FONDATION POUR LA DEFENSE DE LA DEMOCRATIE (créée par Bush après le 11 Septembre)

5 – Le soutien chrétien

Toutes ces organisation sont actives là où vivent les 2 millions de juifs qui en sont membres, c’est çà dire dans les grandes villes et surtout sur les côtes Est et Ouest. Pour autant le « pays profond » où les juifs sont très peu nombreux n’est pas insensible à leur influence et à leur discours car les positions du LOBBY sont de plus en plus relayées par la droite chrétienne protestante, évangélistes en tête, qui s’est organisée dans le CUFI : CHRISTIANS UNITED FOR ISREAL (www.cufi.org)

Cette convergence entre sionistes et chrétiens fondamentalistes ne doit pas surprendre. Ces chrétiens sont pénétrés de l’idée que l’arrivée et l’installation de leurs ancêtres sur la terre d’Amérique a été un don de Dieu au nom duquel le pays s’est agrandi et construit et que la vocation à la grandeur des Etats-Unis : la fameuse « destinée manifeste » est une vocation divine. Ils ne peuvent que soutenir les sionistes en train d’établir au nom de Yahvé et des annonces de l’Ancien Testament un nouvel Etat. Cette fraternité de destin les conduit à considérer les palestiniens d’aujourd’hui comme leurs ancêtres ont considéré les Apaches et les Cheyennes : des obstacles à l’expansion territoriale et à la volonté divine

Le CUFI tient un grand meeting annuel à San Antonio et favorise les rencontres des chrétiens avec des représentants de l’Etat d’Israël qui viennent explique l’état d’avancement de la prédiction biblique
Ce pathos idéologique peut faire sourire mais il a une conséquence pratique très concrète : grâce à ce relais chrétien, l’influence sioniste s’exerce sur la totalité du territoire des Etats-Unis.

6 – Les « Political Action Committee » (PAC)

Les PAC sont des organismes locaux qui font sur le terrain le même travail que les LOBBIES à Washington : campagnes d’opinion, pressions sur les élus, soutien électoral …. Les PAC pro israéliens sont au nombre d’une quarantaine mais se cachent sous des identités diverses et anodines, évitant ainsi d’apparaître comme des organes de soutien à un pays étranger. Exemple : le « Comité des californiens du Nord pour le bon gouvernement » est en fait un comité de soutien à Israël.

Les PAC pro-israéliens jouent un rôle clé au moment des élections. Très actifs, bien coordonnés au niveau national, ils sont capables au moment des inscriptions pour les primaires d’organiser le déplacement des votes entre républicains et démocrates pour barrer la route à tout candidat qui ne leur conviendrait pas et d’apporter en plus un soutien financier important à son adversaire.

La dernière victime du LOBBY est la représentante démocrate sortante de l’Etat de Virginie CYNTHIA MAC KINNEY qui, battue aux primaires de son parti par un inconnu soutenu par l’AIPAC, ne pourra pas retrouver son siège à l’assemblée en Novembre 2006. CYNTHIA MAC KINNEY est connue pour ses critiques de la politique israélienne et d’une façon plus large de la politique intérieure et extérieure de l’équipe BUSH.
Ce cas exemplaire et tout récent est venu à point pour rappeler la puissance du LOBBY et la quasi impossibilité d’être réélu si le candidat ne prend qu’une position « équilibrée » c’est-à-dire non entièrement prosioniste dans le conflit palestinien. La campagne de l’AIPAC contre l’élection de CYNTHIA MAC KINNEY a fait l’objet d’un documentaire « American Blackout » campagne qui lui avait déjà coûté son siège en 2002, siège qu’elle avait réussi à récupérer en 2004.

B – Finances du lobby

La fonctionnement du LOBBY et de toutes ses composantes est favorisé par un système de financement très puissant qui est partie intégrante de la législation fiscale des Etats-Unis [1], mais qui s’explique aussi par la position sociale élevée de ses 2 millions de membres actifs et par leur concentration dans les milieux financiers et médiatiques.

Une enquête réalisée en 2000 par le magazine MOTHER JONES sur les principaux donateurs individuels pour la campagne électorale (présidentielle et législatives) fait apparaître que sur les 10 plus gros donateurs, 7 sont juifs, sur les 20 plus gros 12 le sont et sur les 250 plus gros, 125 le sont.

Mais l’argent ne vient pas que des citoyens riches ou très riches. Les syndicats US ont des économies et ont investi 5 milliards de dollars dans les bons du trésor israélien.

III- L’action directe de formatage de l’opinion publique

Le contrôle des élus est d’autant plus facile et incontesté que parallèlement LE LOBBY poursuit une action de formatage de l’opinion publique à travers les grands journaux nationaux : NEW YORK TIMES, WASHINGTON POST en particulier. Leur influence est considérable alors que le nombre de leurs lecteurs est faible mais l’organisation du système médiatique est telle qu’un éditorial de l’un de ces deux quotidiens va être cité abondamment dans les grands réseaux de télévision et de radio, aux Etats-Unis comme ailleurs, et que le mécanisme de la « SYNDICATION » assure la reproduction massive de cet éditorial sur tout le territoire et dans le monde entier. La « SYNDICATION » est un système de mise en commun de la matière éditoriale qui permet à un obscur quotidien du Missouri ou de l’Arkansas de consacrer son travail de journalisme à l’actualité locale et de simplement reproduire sur les questions de politique générale ou internationale les éditoriaux qu’il achète aux « grands » journaux. Cet achat de matériau déjà tout prêt est souvent complété par l’achat de dossiers supposés permettre à tout journaliste jeté le matin sur un sujet un peu complexe de pouvoir avoir l’air savant deux heures plus tard et asséner avec tranquillité des certitudes pré-mâchées qui ne seront pas de son cru.

La « SYNDICATION » est un système mondial et les grands quotidiens français y adhèrent.

De plus, pour empêcher toute déviation, existent deux groupes de surveillance des médias CAMERA WATCH et HONEST REPORTING qui sont chargés de susciter des réactions nombreuses et indignées de téléspectateurs à tel ou tel programme ou émission n’ayant pas strictement repris le point de vue sioniste.

Récemment s’est développée une action plus ciblée en direction des universités soupçonnée d’abriter de trop nombreux pro-palestiniens tant chez les étudiants que chez les professeurs. Il a donc été créé un ISRAEL CAMPUS WATCH (ICW), organe de surveillance des universités. Cet organisme établit la liste des professeurs et des activistes pro-palestiniens, la tient constamment à jour et la distribue aux médias pour qu’ils ne les invitent pas. Ce travail est effectué sur place par des étudiants membres de l’ICW qui assure leur formation au moyen des productions des « think tanks » cités plus haut.

Dans le droit fil de cette activité a été déposé récemment au Sénat un projet de loi visant au contrôle des départements d’études moyen-orientales, de leurs étudiants, enseignants et chercheurs, soupçonnés a priori « d’intelligence avec l’ennemi »

Les enseignements primaire et secondaires ne sont pas oubliés non plus. Le JOURNAL d’ANNE FRANK et les livres d’ELIE WIESEL sont étudiés presque partout. De la même façon l’Holocauste des juifs occupe beaucoup plus de place dans les programmes d’histoire que l’élimination des Indiens d’Amérique du Nord comme du Sud.

IV – Le LOBBY commence à être critiqué

Ce fonctionnement du LOBBY tel qu’il vient d’être décrit est connu des militants mais il a fallu attendre l’année 2005 pour que deux universitaires étasuniens publient un rapport dans lequel ils soulignent sa puissance et qu’il concluent par un appel à ne pas définir la politique des Etats-Unis en fonction des seuls intérêts d’Israël. Les Etats-Unis devraient selon eux défendre d’abord leurs propres intérêts et pas ceux d’un autre Etat et ils estiment que la soutien permanent et total à Israël commence à avoir des conséquences négatives pour les Etats-Unis eux-mêmes qui, pour cette raison, sont de plus en plus haïs dans le monde. Rien de révolutionnaire donc mais un appel aux dirigeants des Etats-Unis pour qu’ils ne soient plus à la remorque de la politique d’un autre Etat.

L’un de ces deux universitaires, JOHN J. MEARSHEIMER est enseignant à Chicago, l’autre STEPHEN M. WALT à Harvard. Leur rapport, une cinquantaine de pages, annexes comprises – dont COMAGUER peut adresser à la demande la version française – a été boycotté par les éditeurs, passé sous silence même par un intellectuel critique comme CHOMSKY et n’a pas été publié aux Etats-Unis mais dans une respectable revue britannique la LONDON REVEW OF BOOKS au printemps 2005.

Ce problème de bon sens a bien été évoqué dans le passé dans certains cercles du pouvoir US mais sans suite concrète.

JB cite ROGER HILSMAN, chargé du renseignement dans l’administration KENNEDY qui a pu écrire :

« Il est évident même pour l’observateur le moins attentif que la politique étrangère des Etats-Unis au Moyen Orient a été plus la réponse aux pressions de la communauté juive US et à son désir naturel de soutien à ISRAEL qu’aux intérêts pétroliers US ; »

Il est bien connu que KENNEDY ne voyait pas non plus d’un bon œil la bombe atomique israélienne, en préparation à l’époque grâce aux contributions françaises d’abord puis britannique, mais il n’eut ni le pouvoir ni le temps d’empêcher sa fabrication. Ainsi STEPHEN GREEN auteur du livre « Les relations secrètes des USA avec l’ISRAEL militant » a-t-il pu écrire :

« Depuis 1953, ISRAEL et les amis d’ISRAEL aux USA ont fixé les grandes lignes de la politique US dans la région. Aux présidents de la mettre en œuvre avec des degrés divers d’enthousiasme et de gérer les problèmes tactiques. »

Observation qui fut confirmée par le grand intellectuel palestinien EDWARD SAID. Il écrit dans « Le dernier tabou américain » (2001) :

« Qu’est-ce qui explique le présent état des choses ? La réponse tient dans le pouvoir des organisations sionistes sur la politique américaine, dont le rôle dans le processus de paix n’a jamais été suffisamment pris en compte , négligence absolument étonnante vu que la politique de l’OLP a été de remettre le destin de notre peuple entre les mains des USA, sans avoir aucune conscience stratégique du fait que la politique US est dominée par une petite minorité dont les positions sur le Moyen-Orient sont d’une certaine façon plus extrêmes que celles du Likoud lui-même. »

Mais EDWARD SAID, bien qu’installé aux Etats-Unis, ne pouvait pas troubler l’establishment étasunien comme l’ont fait MEARSHEIMER et WALT, purs produits de l’élite nationale.

Ceux-ci se plaignent encore maintenant que, sous la pression du LOBBY, le débat sur leur rapport n’ait pas pu avoir lieu sereinement mais qu’ils aient surtout été la cible d’attaques personnelles et de la classique accusation d’antisémitisme. La récente agression du Liban par Israël les a conduits à confirmer leur analyse : pour eux, le soutien inconditionnel à Israël est néfaste aux intérêts des Etats-Unis au Moyen-Orient et une attaque de la Syrie et/ou de l’Iran ne ferait que dégrader encore la position internationale des Etats-Unis.

Pour conclure, provisoirement

Cette présentation faite, la question initiale de savoir qui, dans ce couple très lié, influence l’autre, prend une autre profondeur.

L’influence du LOBBY est considérable mais elle l’est car il a su et n’a rien fait d’autre qu’utiliser à son avantage et avec une remarquable efficacité tous les mécanismes officiels du système politique étasunien et du rôle déterminant qu’y joue l’argent.

Le LOBBY sioniste aux Etats-Unis n’est pas un acteur de l’ombre, un comploteur, un manipulateur, il est un cas d’hyperintégration et d’hyperadaptation au dispositif capitaliste impérial dont le centre est à Washington. Nulle illusion à entretenir : l’imbrication d’ISRAEL et des ETAT-UNIS a atteint un tel degré que seul un blocage mondial de leur politique impériale commune peut rendre possible un arrêt du programme conquérant et dévastateur qu’ils portent en commun, tous partis politiques dominants confondus [2] : démocrates et républicains d’un côté, travaillistes, Likoud et Kadima de l’autre.

Ce blocage mondial suppose : un regain d’activisme politique aux Etats-Unis d’abord et dans tous les pays impérialistes – même secondaires comme la France, une meilleure coordination de « l’autre monde » celui qui, à travers le Venezuela, Cuba, la Chine, l’Iran, la Russie – que Richard LUGAR, Président de la commission des affaires étrangères du Sénat US vient de demander de classer dans l’axe du mal – et quelques autres tente de s’émanciper de la dictature capitaliste et militaire des Etats-Unis dont Israël constitue un concentré.

Le sionisme, fabrication et élément constitutif de l’impérialisme, en est indissociable. On ne combat pas l’un sans combattre l’autre.

Notes

[1] Les contributions déductibles peuvent atteindre 50% du revenu individuel et 10% du revenu imposable des entreprises. Pas étonnant que plus de 2 millions d’associations à but non lucratif soient en permanence en chasse de cette manne d’autant plus que les finances publiques à tous les niveaux sont de plus en plus avares – application rigoureuse et systématique des politiques néolibérales depuis 25 ans – en subventions pour la culture, le sport, la science, la littérature …

[2] Ce qui conduit à penser que l’émergence du débat public sur le LOBBY aux Etats-Unis, bien que lente et difficile, n’est rien de plus que la préparation de la campagne présidentielle démocrate de 2008, destinée à faire croire à un rééquilibrage de la politique internationale des Etats-Unis mais qui se conclura comme en 2004 par un affrontement entre deux candidats qui seront dépendants l’un et l’autre, même si c’est par des par des canaux divers, de l’influence du LOBBY. Ne pas oublier que parmi les candidats à la candidature démocrate pour 2004, les deux seuls : HOWARD DEAN et DENIS KUCINIH qui avaient manifesté quelque sympathie pour la cause palestinienne ont été recalés.

 

 




Modernité et holocaustes du XXème siècle. La construction d’empires et l’assassinat de masse

genocide[1]Article de James Petras publié dans Rebelion le 5 juin 2006.

terre et des chômeurs au Brésil et en Argentine.impérialisme au 21ème siècle » (2002).  Le but de cet article est de montrer que les holocaustes du 20ème et du 21ème siècles sont le produit des conquêtes impérialistes .  holocauste juif, en le resituant parmi tous les autres holocaustes, arménien, chinois, coréen, indochinois, guatémaltèque, irakien et en lui déniant toute singularité qui le placerait au-dessus des autres. [ …]

Dans un deuxième temps, J. Petras s’attaque aux explications psycho-culturelles mettant en avant l’irrationalité et la haine des masses dans l’apparition des holocaustes. Au contraire, les masses ne sont jamais à l’initiative des assassinats de masse et lorsqu’elles y prennent part, elles sont manipulées.

En dernier lieu, l’auteur nous donne sa propre interprétation du phénomène à savoir que l’holocauste moderne a partie liée avec l’impérialisme pour des raisons économiques et politiques : créer une cohésion interne pour entreprendre des conquêtes, détourner les masses populaires de la lutte des classes dans un contexte d’expansion très coûteuse, s’accaparer les terres et les richesses des populations conquises, écraser les populations indigènes beaucoup plus résistantes à l’impérialisme après la phase de décolonisation.

                                                                                                                                          Photo : Abdellah Derkaoi (Maroc). 

Dessin issu du concours de caricatures organisé à Téhéran après la publication des caricatures antimusulmanes au Danemark.


SOMMAIRE

Introduction
1. Critique de la « singularité » de l’Holocauste juif
2. Critique des explications psycho-culturelles
3. Explications alternatives du phénomène holocaustique
4. Holocauste, cohésion et impérialisme
5. Pourquoi l’impérialisme débouche sur des holocaustes
6. Les holocaustes comme objet d’étude de la modernisation et de la construction impérialiste
7. Des héritages troubles
Conclusion


 Introduction

Les holocaustes comportent l’extermination, sur une grande échelle, d’un grand nombre de civils non combattants durant une longue période, sponsorisée systématiquement par l’État. Il s’agit d’exterminations basées sur l’identité de classe, ethnique, raciale ou religieuse des victimes. La violence est le précédent de tous les holocaustes du XXème et du XXIème siècles, une violence exercée par l’État ou la société civile contre les populations victimes.

Avant les holocaustes, certains secteurs importants de la société étatique et civile expriment généralement leur opposition à la violence contre ces victimes. Cependant, une fois que les auteurs des holocaustes parviennent à s’emparer du pouvoir d’État, ils sont capables de neutraliser, de faire taire, de réprimer et de s’attirer ceux dont ils étaient auparavant les opposants.

Plusieurs théoriciens ont tenté d’expliquer l’holocauste (ou les holocaustes) en se centrant exclusivement sur un cas particulier, l’extermination de vastes secteurs des communautés juives par l’Allemagne nazie en Europe centrale, occidentale et orientale.

D’un point de vue méthodologique, si l’on se centre sur le cas particulier des juifs en Europe, on n’obtient pas un modèle fonctionnel, puisque cela ne permet pas d’expliquer les holocaustes antérieurs, contemporains ou postérieurs perpétrés contre d’autres victimes en Europe, en Amérique ou en Asie.

 Ce sont surtout, mais pas exclusivement, les universitaires juifs qui parlent de la « singularité » des victimes juives des nazis. Ce faisant, ils se moquent des données historiques et justifient des compensations monétaires considérables [2 ] et l’exercice de l’expansion coloniale en Palestine et en d’autres lieux du Moyen-Orient. Et ils le font en appliquant les mêmes techniques que les oppresseurs nazis : culpabilisation collective, législation basée sur la race, torture massive légalisée et nettoyage ethnique.

 1. Critique de la « singularité » de l’Holocauste juif

 Les holocaustes modernes n’ont certes pas commencé aux XXème et XIXème siècle avec les pratiques génocidaires anglaises, nord-américaines et belges qui ont eu lieu en Inde et à l’ouest des États-Unis, ni au moment où le Congo a fait état de ses racines prémodernes [3 ]. Et il est vrai qu’il y a de grandes différences entre les divers holocaustes du XXème et du XXIème siècles, mais ils ont en commun une force conductrice sous-jacente : la construction impérialiste , ou la riposte face à ceux qui défient l’empire.

Les déclarations de « singularité » de l’holocauste judéo-nazi (HJN) se basent sur quelques arguments fragiles qui peuvent être démontés de façon rapide et simple.

 Ceux qui ne parlent que du HJN basent leurs arguments sur la quantité de victimes : 6 millions de juifs [4 ]. C’est exactement dans le même temps que les nazis et leurs alliés ont exterminé 20 millions de civils soviétiques, en majorité russes [5 ]. De la même façon, les Japonais ont exterminé 10 millions de Chinois, disparus entre 1937 et 1942 [6 ]. Pendant l’occupation et le bombardement massif des USA en Indochine et en Corée, [8 ] ce sont respectivement 3 à 4 millions de civils qui ont péri. Il n’y a donc pas lieu d’argumenter que l’Holocauste juif est supérieur quant au nombre de victimes et donc « singulier ».

La seconde justification de la singularité du HJN est le rôle de l’État dans le processus d’extermination systématique de victimes juives. Comme dans le cas précédent, cet argument manque de validation historique. Durant la période de décadence de l’empire ottoman, le gouvernement des Jeunes Turcs a entrepris une politique d’extermination massive qui a déclenché le génocide du peuple arménien entre 1915 et 1917, qui a fait plus d’un million et demi de victimes [9 ].

 De la même façon, sous prétexte de politique de ”contre-insurrection”, usaméricaine pendant les bombardements massifs (Vietnam, Laos et Cambodge) plus de 4 millions de civils ont été exterminés. Les politiques de la terre brûlée commanditées par USA en Amérique centrale dans la décennie de 1980, provoquèrent l’assassinat systématique de plus de 200 000 Indiens mayas, et la destruction de plus de 250 communautés rurales [10 ].

 Il en est de même pour l’embargo américain contre l’Irak entre 1991 et 2003, qui avait été planifié scientifiquement, tout comme l’invasion et l’occupation (de mars 2003 à aujourd’hui) ont fait plus de 500 000 morts d’enfants entre 1991 et 2000, et plus de 200 000 morts civils depuis l’invasion [11 ].

D’autres défenseurs de la singularité du HJN invoquent l’idéologie raciale et exterminationniste , en oubliant la base profondément raciale des politiques génocidaires du Japon contre la Chine, les régimes fantoches d’Amérique centrale et leurs campagnes aussi racistes que virulentes contre les Mayas, pour ne citer que quelques exemples parlants.

 Certains historiens juifs comme Goldhagen s’approprient les méthodes historiographiques nazies pour affirmer la thèse de la « singularité » sur la base de la culpabilité de l’ensemble du peuple allemand et de son histoire [12 ]. Cette propagande, brandie par un professeur de Harvard, omet le fait que les nazis n’avaient obtenu que 37,3 % des votes en juillet 1932, et perdirent presque un tiers de leur électorat en novembre de la même année, juste avant de prendre effectivement le pouvoir [13 ]. Goldhagen passe sous silence le fait qu’un tiers des Allemands (surtout les ouvriers) votèrent pour les candidats socialistes-communistes, qui s’opposaient fermement aux nazis et soutenaient les droits des juifs [14 ].

En termes historiques, l’argument est encore plus fragile. Avant les années 1920, les mouvements qui se montraient ouvertement antisémites, les meneurs de l’opinion et les politiques, étaient exclus de la vie politique allemande. En outre, il est évident que l’argument ignore le « niveau culturel élevé » des Allemands, basé sur la tolérance, que partageaient de nombreux juifs et qui donna lieu dans une grande mesure à ce dont nous avons hérité de l’Allemagne en matière de musique, de philosophie, de sciences et de lettres.

Enfin, la notion de faute collective de toute la société civile refuse de reconnaître que la première rafle politique, et la plus large, affecta des dizaines de milliers d’Allemands, en majorité communistes, syndicalistes et militants antifascistes, tous sujets à l’extermination dans les premiers camps de concentration, y compris Buchenwald et Baden-Baden.

L’argument postérieur aux faits se base sur le manque de résistance franche de la part des Allemands une fois que le régime terroriste eut consolidé son pouvoir. Cet argument n’a que peu de rapport avec l’ « acquiescence » allemande en faveur de l’antisémitisme, et se rapproche plus de l’efficacité de la répression d’État.

Mais, même dans le cas où presque 50% de la société civile allemande aurait consenti au génocide d’État et y aurait même contribué, cela ne serait pas un cas isolé. De fait, l’extermination d’un nombre de Slaves trois fois plus grand fut soutenu dans la même proportion (les “scientifiques” nazis chargés de l’hygiène raciale considéraient que les Slaves étaient semblables aux bêtes, des infrahumains destinés à travailler jusqu’à la mort).

 Des secteurs importants tant de la société civile turque que de la société kurde ont pris part à l’assassinat et au pillage des Arméniens. Dans le cas des USA, la plus grande partie de la société a réélu le président Reagan après qu’il eut déclaré publiquement son soutien au dictateur guatémaltèque Rios Montt, qui avait exterminé le peuple maya. Une majorité écrasante de la société “civile” israélienne finance et sert la colonisation militaire et la dépossession de 4 millions de Palestiniens dans l’holocauste palestino-israélien [15 ]. La société civile japonaise dans son ensemble a soutenu le massacre de Nankin et ses séquelles.

Il est impossible d’argumenter que le seul lien entre les nazis et la société civile ait été l’extermination des juifs, surtout si nous tenons compte du point de vue qui se cache derrière les yeux volontairement aveugles d’une historiographie prédisposée.

C’est si évident qu’on se trouve obligé de faire une incursion dans la « sociologie de la connaissance » en ce qui concerne la singularité de l’holocauste juif : en quoi elle est un outil pour l’augmentation actuelle du pouvoir israélien, aux niveaux politiques et économiques. L’usage et l’abus de l’histoire, concrètement dans le cas de la singularité du NJH, débouche sur une accumulation de facteurs permettant l’holocauste palestinien.

La manipulation de la question des victimes de l’holocauste a contribué de façon disproportionnée à l’influence que les groupes de pression pro-israéliens exercent pour assurer que les USA comme l’Europe financent le nettoyage ethnique du peuple palestinien .

Les explications ethno-raciales des holocaustes, y compris celle qui se base sur la « faute collective », peut être remplacée rapidement par celle de « châtiment collectif » des familles, des communautés et des villages, sans le moindre rapport avec l’allégation d’offenses à des victimes uniques devenues pouvoir régional. Un exemple de ceci peut être trouvé dans la mentalité de nombreux experts du terrorisme, israéliens et juifs, qui se vantent de tout savoir sur la « mentalité arabe ».

 2. Critique des explications psycho-culturelles

Ces explications de l’holocauste basées sur le « comportement massif irrationnel » ou d’une façon plus générale, sur la « psychologie de masse » passent sous silence le point central de la manipulation des élites, ancrées dans l’État, dans l’économie et dans la société civile. Dans aucun des holocaustes du XXème et du XXIème siècles, les masses ne se sont trouvées en situation de démarrer, d’organiser ni de diriger les holocaustes.

Cependant, il est vrai que ce sont quelques secteurs des classes inférieures qui ont mis en oeuvre les politiques en question, et tiré profit directement des camps de concentration. En premier lieu, les holocaustes sont des activités d’État qui profitent de toute attitude contradictoire de la population (le préjugé contre le groupe qui en est l’objet) et qui l’instrumentalisent pour créer une cohésion avec l’élite expansionniste, ou avec des politiques impérialistes.

Les classes dirigeantes qui ont soutenu les holocaustes sponsorisés par l’État ne l’ont pas fait par haine de classe ou en raison d’une haine ethnique irrationnelle, mais simplement parce que l’holocauste est une façon de légitimer l’idée de maîtrise inconditionnelle de l’État, de même que c’est la base de l’exploitation économique sur les marchés intérieur et extérieur. De fait, les facteurs psychologiques et culturels des holocaustes reposent sur les grands intérêts économiques et géopolitiques impérialistes de l’État. Il n’y a aucun attribut culturel ou psychologique « singulier » bien ancré dans les sociétés qui fomentent l’holocauste. Il y a beaucoup de cultures parallèles en concurrence, et une multitude de psychologies différentes. Sous l’impératif de l’expansion de l’État impérial, qui jouit du soutien des institutions religieuses, des partis politiques et des moyens de communication influencés par l’État, ce sont surtout (mais pas seulement) les masses manipulées qui ont un rôle actif dans le processus d’assassinat massif.

Défendre les explications culturelles et psychologiques des holocaustes est un procédé utilisé pour détourner la population de l’examen du rôle de la politique impérialiste et de l’État. Se centrer exclusivement sur l’idéologie, c’est une façon de négliger le cadre social dont se nourrissent, sont financées et soutenues les fonctions de l’idéologie génocidaire. Rejeter les bases politiques et économiques fondamentales, les impératifs de la conquête impérialiste et la nécessité de cohésion interne, de même que les holocaustes en gestation, empêche de réaliser les processus en jeu.

D’un autre côté, les structures impérialistes permanentes favorisent la récurrence des holocaustes , comme on a pu le constater durant les quatre principaux holocaustes des XXème et XXIème siècles, dans lesquels entrait en jeu l’impérialisme usaméricain : l’exécution de 4 millions de Coréens (1950-1953), de 4 millions d’Indochinois (1960-1975), de 300 000 Mayas au Guatemala (1980-1983), et des centaines de milliers d’Iraquiens (1991-2002 et de 2003 à ce jour).

Dans leur combat pour la conquête impériale, les élites holocaustiques suscitent des collaborateurs dans certaines classes sociales, qui en bénéficient directement. Les grands propriétaires et les paysans turcs et kurdes se sont emparés de la propriété arménienne. Les professeurs allemands ont pris possession des chaires et des laboratoires de leurs collègues juifs. Les élites des entreprises japonaises se sont emparées des compagnies minières de Mandchourie.

Les militaires usaméricains ont pillé les antiquités inestimables et les richesses de l’Asie. Le pillage et le dépouillement de victimes à grande échelle produisent des rapports verticaux entre l’élite de l’Empire et les secteurs moins représentatifs de celui-ci, créant de la sorte, momentanément, une réalité qui permet au peuple de s’investir dans le génocide collectif.

Ceux qui s’occupent de recruter des collaborateurs parmi les victimes sont les organisateurs d’holocaustes. Les Allemands constituèrent la « police juive » (les kapos) » et les « conseils » adéquats pour préparer l’HJN, et les soldats ukrainiens et russes blancs préparèrent le terrain pour l’holocauste russe. Le Japon constitua des régimes fantoches tout en en mettant fin à l’existence de dizaines de millions de Chinois. Pour leurs chefs usaméricains, les régimes fantoches de Sygman Rhee en Corée et de Diem au Vietnam servaient de façade politique tandis que leurs pays étaient dévastés par les bombardiers B52 avec des millions de tonnes d’explosifs, de napalm et de poisons comme l’Agent orange, qui mirent fin à l’existence de millions de personnes.

Dans certains cas, les holocaustes sont des opérations conjointes des élites et des classes supérieures qui se sentent menacées par les victimes. Ainsi par exemple au Guatemala, les spécialistes en assassinats massifs des USA et d’Israel se sont joints aux élites guatémaltèques (les descendants d’Européens blancs) et ont entrepris des massacres qui ont anéanti la population indienne; ils ont pris leurs terres, se les sont partagées, et tour cela fait partie du processus d’holocauste.

En fait, les holocaustes sont structurés, en des strates multiples, et requièrent un grand nombre de collaborateurs et de bénéficiaires dans les couches inférieures. Plutôt que des évènements qui englobent toute la société, il s’agit de processus verticaux , dans lesquels l’État a un rôle dominant pour assurer la cohésion interne nécessaire pour l’expansion externe.

 3. Explications alternatives du phénomène holocaustique

Expliquer les holocaustes à partir des notions de “faute collective culturelle” ou en termes de phénomène psychosocial est au bout du compte creux, ou au mieux, partiel, dérivé. La plus grande carence de ces explications est le manque de compréhension de la dynamique structurelle de l’impérialisme.

Une relation intime et profonde avec l’impérialisme, voilà le trait commun à tous les holocaustes du XXème et du XXIème siècle, qu’il s’agisse d’une conquête externe ou de « cohésion interne » orientée vers la construction impérialiste. Même si tous les holocaustes ne sont pas fomentés par l’impérialisme (certains sont le résultat d’accumulations de capital « interne », telle la collectivisation forcée de Staline entre 1929 et 1934) depuis le XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui tous les impérialismes ont débouché sur des holocaustes.

 4. Holocauste, cohésion et impérialisme

Le HJN est un exemple frappant d’élite dirigeante qui prend pour victime une minorité afin de créer une cohésion de classe, en détournant les masses des conflits internes entre travail et capital et des coûts réels ou potentiels des politiques impérialistes.

Au lieu d’approfondir la critique de l’exploitation capitaliste, l’élite dirigeante orientait le mécontentement des travailleurs et des classes moyennes vers les banquiers et les capitalistes juifs. Cette propagande était particulièrement efficace dans des branches comme la médicine ou les petits commerçants, où la concurrence était forte entre juifs et non-juifs, pour les postes et pour les profits du marché.

Le passage de l’exclusion intensifiée et de la discrimination ethnique à la pratique du génocide a coïncidé avec l’expansion militaire, économique et politique massive, et avec la conquête qui a eu lieu à la fin des années 1930 et au début des années 1940. A mesure que les coûts de la construction impérialiste augmentaient, la nécessité de distraire la population avec des assassinats massifs augmentait d’autant. De façon parallèle au HJN, la conquête impériale de grandes zones d’Europe occidentale et de la Russie produisait un holocauste encore plus vaste, l’assassinat de 30 millions de Slaves et la mise en esclavage de bien d’autres millions qui furent intégrés à la machine de guerre impérialiste-capitaliste.

 L’holocauste a accompagné les conquêtes impériales japonaises et le régime colonial de la Chine depuis la fin des années 1930 jusqu’en 1945. L’assassinat systématique de millions de paysans, de boutiquiers, d’ouvriers et de professeurs chinois (c’est-à-dire de toutes les classes sauf les élites collaboratrices) fut une forme extrême de dépouillement colonial de leur propriété et de leur vie, qui a servi de moteur à la construction impérialiste, et de subvention à la loyauté des masses japonaises dans le pays même [16 ].

Les holocaustes ont eu lieu comme résultat des défis révolutionnaires massifs adressés à des dirigeants impopulaires de régimes fantoches, qui minaient les prétentions à l’invincible domination impériale. L’intervention militaire des USA et l’occupation de la Corée et de l’Indochine en soutien aux régimes en échec ont débouché sur l’assassinat de 8 millions de victimes civiles et à la destruction totale de grands secteurs de l’économie, au moyen du bombardement massif génocidaire et de la guerre chimique, qui firent des zones industrialisées des champs de ruines, comme pour les terres cultivées, et installèrent des troubles génétiques à long terme chez les générations suivantes. Pourtant, malgré la taille et l’ambition des camps de concentration, on ne put vaincre les armées populaires de libération nationale.

 La cohésion interne s’accompagna de purges politiques parmi les dissidents usaméricains dans la société civile et les emplois publics, surtout pendant l’holocauste US-coréen. Mais les coûts humains élevés, en matière de perte de soldats impériaux usaméricains, et les dépenses effrénées (l’holocauste a également un coût élevé) forcèrent les dirigeants impérialistes à signer un armistice [17 ].

Plus les mouvements de libération nationale sont forts, efficaces et populaires, plus ils menacent les régimes fantoches, plus il est probable que les pouvoirs impérialistes qui les combattent recourront systématiquement aux assassinats massifs et à la guerre totale. Plus les législateurs élaborent des visions stratégiques intégrées, dans lesquelles ils considèrent l’empire comme dépendant de la sécurité de chaque dirigeant fantoche dans chaque nation, plus il est probable que s’appliquera la stratégie de la guerre totale, qui efface les frontières entre civils et combattants, économies de subsistance et industries de guerre [18 ].

Les empires se construisent autour de réseaux qui vont des chaînes de ravitaillement, de matières premières et d’exploitation dans le travail, aux percées militaires et aux dirigeants fantoches. Ils comptent sur le soutien des armées impériales et de leurs défenseurs nationaux, comme l’indique le complexe de supériorité de la « nation dominante » sur ses sujets coloniaux. Les holocaustes impériaux sont la conséquence des menaces qui pèsent sur les « réseaux globaux », mais ne sont pas nécessairement liés aux profits économiques immédiats attendus d’un projet bien circonscrit. C’est pourquoi les holocaustes ne peuvent pas s’expliquer simplement en termes de coûts et profits , de pertes et de gains économiques. Par exemple, tous les pouvoirs impériaux entreprennent ce qu’ils décrivent comme des assassinats massifs exemplaires de civils, pour provoquer la reddition, la soumission, la dépossession et l’obéissance face au régime impérial.

L’attaque militaire massive perpétrée par les USA en Irak fut qualifiée très justement de « commotion écrasante ». En Russie les nazis élaboraient des politiques de la terre brûlée. Le dirigeant clientéliste Rios Montt, sous la protection des USA, a rayé de la carte des centaines de villages mayas. Les assassinats exemplaires de Palestiniens ont fait que des millions de personnes ont fui des terres qui ont ensuite été occupées et exploitées [19 ].

Quand les pouvoirs impériaux s’engagent dans l’horreur de l’holocauste, ils justifient leurs crimes au nom d’une « cause sacrée » qui repose sur « la mission historique la plus haute ». On peut supposer que, à défaut d’une telle cause, le dégoût qu’inspirent leurs actes pourrait susciter le doute, dans les armées impériales elles-mêmes. Le HJN a été compris comme une façon de libérer le peuple allemand des tentacules de la « conspiration juive » ; et l’holocauste russe, assorti de conquête, était vu comme le moyen de « créer un espace vital pour l’esprit libre des Allemands ». L’holocauste usaméricain en Asie a été présenté comme la « libération du joug totalitaire ». l’holocauste palestino-israélien continue à être décrit en termes de « retour du peuple juif à sa terre promise ». Tous les holocaustes impériaux sont décrits et justifiés au nom d’une fausse « libération nationale » dans laquelle les dirigeants impériaux assument le guidage d’un « peuple élu », soit par Dieu, soit par l’histoire, soit par la génétique.

La désintégration des empires provoque des holocaustes ; Ce sont des instruments de « reconstruction nationale » destinés à amener « un sang neuf » à en finir avec les dirigeants en décadence et les minorités « privilégiées ».

Le génocide turco-arménien (1915-1917) perpétré par les Jeunes Turcs est un exemple de « revitalisation nationale » d’un empire en décadence, menée à bien au moyen de l’holocauste contre des « séparatistes » supposés. De même, on peut dire que le HJN fut en partie le résultat de la défaite et du démembrement de l’empire allemand, et de la tentative des nazis d’en reporter la faute sur les trahisons (“juives”) internes. En résumé, l’impérialisme se base sur le consensus interne et la cohésion sociale pour mobiliser une nation entière pour les guerres de conquête, particulièrement là où les failles en termes de classe sont les plus graves. Une guerre ou un holocauste contre les minorités ethniques internes sert à détourner le mécontentement de classe envers les guerres ethniques et impérialistes.

Les holocaustes reposent toujours sur une idéologie de “régénération morale” et l’extermination massive sert à intensifier l’idée de “peuple moral” qui punit le peuple “dégénéré” ou inférieur. Les mythes reposant sur des affirmations exclusives qui se basent sur des « religions populaires » ou des « impératifs historiques » sont instrumentalisés pour servir à la construction d’un empire moderne.

 5. Pourquoi l’impérialisme débouche sur des holocaustes

 Par nature, l’impérialisme comporte le dépouillement et la rafle des ressources, de la main-d’œuvre et du territoire, outre la domination politique et économique [20 ]. La construction de l’empire exige les assassinats en masse et la « diplomatie » garantissant l’acquiescement de l’élite puis de l’opinion internationale. Les holocaustes internes peuvent se comprendre comme une sorte d’ « accumulation primitive de capital » qui permet de confisquer les ressources d’une minorité, et ensuite le transfert de celles-ci vers les élites qui dirigent les conquêtes impériales. S’agissant des holocaustes impériaux transnationaux, le vol de biens, de territoires, le pillage des ressources agricoles, minières et industrielles conduit à l’appauvrissement général, tandis que les réfugiés grossissent les excédents de force de travail, et que des ennemis potentiels apparaissent. La décision de mise en œuvre d’un holocauste a pour objet de réduire l’excès de population provoqué par les réquisitions et le pillage, au moyen de l’élimination physique des gens qui peuvent constituer les recrues de la guérilla des déracinés.

Dans ce contexte l’impérialisme doit faire face à une contradiction. D’une part, il entreprend un holocauste pour déposséder des millions de gens ; de l’autre, il a besoin d’exploiter les travailleurs et de fournir des sepoys (soldats indigènes de l’Armée britannique des Indes, qui se révoltèrent en 1857 ; équivalent anglais des harkis, NDT), qui servent à maintenir en activité les armées d’occupation impériale. La solution consiste à exploiter les peuples conquis comme s’il s’agissait d’esclaves, avec une main d’œuvre à bon marché, ou à éliminer l’excédent de population « non travailleuse ». Dans la plupart des cas, l’ « holocauste » est un processus parallèle à l’extermination massive et aux travaux forcés. Dans les cas où un holocauste a fini par éliminer la main d’œuvre locale, ou si la résistance des masses est apparue, bien souvent le pouvoir impérial-colonial recourt à l’importation de main d’œuvre, soit par force, soit en provenance d’autres régions conquises avec des bas salaires.

 6. Les holocaustes comme objet d’étude de la modernisation et de la construction impérialiste

 Depuis le premier holocauste du XXème siècle (le génocide arménien en Turquie) les assassinats massifs ont été considérés comme faisant partie intégrante du processus de modernisation et d’unification d’une nation, processus basé sur la violence d’État. Au cours du « nettoyage ethnique » consécutif, concernant toutes les minorités de l’ancien empire ottoman, une logique républicaine laïque a été mise en œuvre, dans laquelle les militaires assumaient le rôle de défenseurs de l’ethos « moderniste » face aux « ennemis » imaginaires, les minorités. [21 ]

La fondation mythique servant de justification à l’État d’Israël a servi à installer l’idée que la Palestine était une terre sans peuple, tandis que les juifs seraient un peuple sans terre ; le mythe s’est transformé en prophétie d’auto-réalisation, tout à fait utile, puisque les juifs israéliens étaient justement en train d’expulser de force des millions d’arabes palestiniens des terres qu’ils occupaient [22 ].

On continue à justifier l’holocauste palestino-israélien par l’existence d’un État juif démocratique, quoique exclusif, maintenant des liens exceptionnels avec un réseau mondial d’élites modernes, qui se caractérisent par leur richesse et leurs succès financiers [23 ]. L’interaction du comportement holocaustique avec une modernité reposant sur des réseaux globaux très denses paraît remarquable à toutes les élites impériales qui cherchent à reconstruire les empires du Proche Orient, surtout parmi les civils militaristes des USA.

L’HJN a donc été une manifestation supplémentaire de la modernité industrielle et dynamique, qui a été mise à profit pour mener à bien la conquête impériale : la technologie supérieure allemande et les grandes avancées scientifiques se sont basées sur la cohésion interne encouragée par l’antisémitisme sur plan interne et l’antislavisme sur le plan exetrne. Le résultat fut un double holocauste : campagnes d’extermination des juifs d’une part, et des russo-slaves de l’autre. Et la destruction historique et irréversible de la gauche et de ses organisations de masse a constitué une condition préalable essentielle pour toute la dynamique expansioniste nazie.

Les impérialismes « tardifs » comme l’Allemagne, le Japon ou les USA, ont manifesté la même tendance à entreprendre des guerres génocidaires et des campagnes d’extermination telles qu’on peut les qualifier d’holocaustes. A l’exception du Japon, où on a affaire à une société homogène du point de vue ethnique, les États où l’impérialisme a été tardif ont entrepris des campagnes d’extermination génocidaire à grande échelle contre des minorités internes diverses : indienne et afroaméricaine aux USA, juive en Allemagne. C’est ainsi que s’est forgée une cohésion nationale, et le complexe de supériorité raciale indispensable pour mener à bien les conquêtes impérialistes et les holocaustes : l’Allemagne contre les peuples slaves, les USA contre l’Asie et contre les Indiens de l’Amérique centrale.

L’holocauste japonais en Chine a atteint son sommet avec l’infâme « viol de Nankin », où plus de 300 000 Chinois ont été violés et assassinés brutalement en quelques jours, au cours de l’année 1938. Ceci a été précédé et immédiatement prolongé par l’extermination systématique, dirigée par l’État, de plus de 7 millions de civils chinois de tout âge et de toute classe sociale. Dans l’holocauste sino-japonais le nombre de victimes a été encore plus élevé que dans le cas de l’holocauste judéo-nazi ; cependant on constate l’inexistence de monuments, fondations, compensations millionnaires et autres branches de la commémoration, dans le cas de l’holocauste sino-japonais ; ceci s’explique par l’absence d’un groupe de pression fort en faveur de cet holocauste-là en Occident, et par le fait que l’Occident et le Japon se soient ligués ensuite contre la République Populaire de Chine. Naturellement, les affirmations autopersuasives des publicitaires juifs sur la singularité de l’HJN ont contribué à l’expansion de l’amnésie collective.

L’ascension des USA jusqu’à devenir la puissance impérialiste dominante est liée aux holocaustes tricontinentaux, c’est à dire multiples, en Corée (1950-1953), en Indochine (1961-1975) pour l’Asie, dans l’Afrique australe par procuration (Angola, Mozambique, Congo-Zaïre entre 1961 et les années 1990), en Amérique centrale (1979-1990) et au Proche-Orient (Irak 1991-2006) [24 ].

Pour des raisons de méthodologie, nous avons exclu de ce panorama l’extermination d’État que supposaient les bombardements nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki, et la campagne d’extermination par procuration en Indonésie, durant l’année 1966, qui provoqua la mort de plus d’un million de gens censés être des syndicalistes, parfaitement désarmés, des membres du parti communiste, des sympathisants et de leurs proches. Le recensement des victimes de l’impérialisme tardif des USA est comparable à celui de ses prédécesseurs japonais et allemand : quatre millions en Indochine, quatre millions en Corée, encore plus dans l’Afrique australe, plus de 300 000 en Amérique centrale (200 000 mayas au Guatemala, 75 000 au Salvador, 50 000 au Nicaragua, 10 000 au Honduras et 10 000 au Panama, ces derniers dans le cadre d’une invasion militaire directe et en Irak, plus de 700 000 à ce jour. Les stratégies employées par l’impérialisme usaméricain mènent directement aux camps de concentration holocaustiques, parce qu’il n’y a aucune distinction entre victimes civiles et militaires.

La multiplication des holocaustes en ce contexte d’impérialisme tardif s’explique en partie parce qu’il y a justement un vif rejet du retour à la domination coloniale-impériale. En fait, les nations issues de mouvements anticoloniaux massifs qui avaient pris des distances nettes par rapport à l’impérialisme européen et japonais sont mieux préparées pour résister aux nouvelles menées usaméricaines, au plan social, au plan politique et au plan militaire. Idéologie et culture anti-impérialiste et nationaliste sont bien enracinées désormais dans les nations post-coloniales, depuis les années 1950, et ces nations diffèrent complètement des sociétés féodales-marchandes sur lesquelles s’était exercé le pouvoir impérial plus tôt. La dépossession et la désarticulation des sociétés où la mobilisation nationaliste ou socialiste est très élevée requièrent des moyens supplémentaires. Il ne suffit plus d’assassiner ou d’envoyer en exil quelques milliers de dirigeants. Ce sont des populations entières qui peuvent être attaquées à titre « d’exemple », ou comme le disent les mongers (« commerçants en problèmes ») israéliens à propos des Palestiniens après l’élection démocratique du gouvernement du Hamas : « c’est à eux d’assumer les coûts », c’est à dire d’encaisser les assauts militaires et les assassinats quotidiens de civils, le blocus systématique sur la nourriture et les médicaments, ce qui débouche sur un état de malnutrition généralisée [25 ].

Les avancées technologiques dans la machinerie de l’extermination massive ne déterminent pas la fréquence des holocaustes, dont ils accélèrent, certes, la mise en route. Les holocaustes manuels, qui requièrent beaucoup d’efforts, comme celui de Nankin, peuvent être aussi mortels que des chambres à gaz hautement technologiques, requérant des investissements élevés, ou le bombardement massif de villes en Corée, en Indochine et en irak. Mais la haute technologie accélère le processus d’extermination et diminue le risque de « ratés » humains (tels que la pitié, la mauvaise conscience) qui peuvent entraver l’exécution du projet. Les holocaustes sont une source de motivations pour l’expérimentation, l’évaluation et l’application de nouvelles méthodes d’extermination en temps et en situation réels. Ainsi par exemple, les USA ont testé des armes nucléaires sur des champs de bataille avec de l’uranium appauvri dans les deux guerres du Golfe et dans les Balkans.

L’holocauste commis par Israël a toutes les caractéristiques décisives des holocaustes ci-dessus : usage du terrorisme d’État à grande échelle et à long terme ; dépouillement de plus de 4 millions de Palestiniens ; réclusion forcée de plus de 3 millions de Palestiniens dans des ghettos ; ségrégation raciale et ethnique, séparation à tous les niveaux : justice, propriété, transport, mobilité géographique ; droits basés sur des « liens de sang » (filiation par la mère) ; torture légalisée ou quasi-légalisée, usage systématique du châtiment collectif ; une société hautement militarisée tendant à entreprendre des attaques militaires dans les communautés voisines de Palestine et d’autres États arabes ; assassinats unilatéraux extraterritoriaux et extrajudiciaires ; rejet chronique et systématique du droit international ; idéologie de guerre permanente et paranoïa internationale (ils voient de l’ « antisémitisme » partout), idéologie de la supériorité ethnique « le peuple élu ») [26 ]. On a là tous les paramètres des holocaustes passés et présents , y compris les camps de concentration pour les milliers de « militants » présumés, la destruction des fondements économiques de la vie quotidienne, les évictions massives des logements, le nettoyage ethnique systématique.

Pour l’Irak et le HEI (holocauste Usaméricano-irakien) depuis 16 ans (1990-2006) c’est un exemple on ne peut plus clair d’extermination planifiée par l’État, avec tortures, destruction physique, le tout visant à dé-moderniser la société civile en plein développement, et à en faire une série d’entités basées sur la guerre des clans, la guerre tribale, cléricale ou ethnique, privée d’autorité nationale ou d’économie viable.

L’ampleur des faits confirme qu’il s’agit absolument d’un holocauste : 500 000 enfants morts comme résultat d’un blocus économique assassin sous Clinton (1992-2000), 250 000 morts entre 2003 et 2006 [27 ]. Cet holocauste a été approuvé ouvertement par son principal architecte, Madeleine Albright, qui a déclaré que toutes ces morts d’enfants « en valaient la peine ». Le bombardement aveugle sur des cibles civiles au cours des deux guerres du Golfe, mais surtout de la seconde, a abouti à la destruction de toute l’infrastructure. A terme, l’usage systématique et généralisé de projectiles à l’uranium appauvri aura des conséquences mortelles sur des milliers de personnes. On a tous les documents prouvant l’usage systématique de la torture et de l’assassinat en masse de civils. Tout cela est considéré comme justifié dans l’entourage de Bush et par la majorité au Congrès et au  Sénat [28 ].

Rien d’essentiel ne distingue, finalement, la campagne d’extermination usaméricaine des holocaustes antérieurs, si ce n’est que le monde entier y assiste en direct, comme à un spectacle pour des millions de spectateurs. La répugnance globale devant chaque révélation particulière est aussi générale que « l’acceptation passive » de cette réalité. L’holocauste devient donc une activité de routine, se résumant à des comptages journaliers de victimes, produisant l’immunisation de la communauté mondiale devant l’horreur d’un holocauste en direct.

 7. Des héritages troubles

A l’exception du HJN et probablement du HCJ (holocauste sino-japonais), les auteurs ont échappé à des poursuites judiciaires internationales. Un traitement différencié dans le cadre de l’impunité générale correspond à des avancées militaires et politiques : les empires nazi et japonais ont été battus ; en dehors du petit groupe des dirigeants nazis, presque tous les cadres nazis ont été blanchis par la suite, et une grande partie d’entre eux a retrouvé la réussite professionnelle dans le monde de l’économie et de la politique, certains étant recrutés par les gouvernements usaméricain et allemand pour occuper des postes stratégiques ; ceci s’est fait principalement à la faveur de la guerre froide ; à cette occasion, les auteurs de l’holocauste japonais ont joué un rôle décisif en soutenant les holocaustes coréen et indochinois, et en mettant à la disposition des USA des bases militaires, des ressources et un soutien logistique.

Plusieurs tribunaux non officiels ont examiné ces faits, avec un grand écho médiatique, en particulier le Tribunal Bertrand Russel pour l’holocauste indochinois. Mais leur rôle a été purement symbolique, dans la mesure où ils manquaient des mécanismes permettant de faire appliquer leurs verdicts. Et les auteurs n’ont pas manifesté la moindre reconnaissance du moindre remords ou repentir, même après le changement des équipes au pouvoir. En d’autres termes, il y a un consensus systématique pour justifier ces holocaustes ; aussi peut-on dire que la notion de « norme juridique » est à ce jour désastreuse.

De fait, l’ONU en est complice : impliquée activement dans l’holocauste usaméricain en Corée, incapable d’intervenir dans l’holocauste palestino-israélien, et offrant un soutien institutionnel aux USA en Irak. Au niveau national, le système judiciaire international a des résultats aussi piteux : au Japon, le régime Koizumi continue à rendre hommage aux criminels de guerre du passé (les principales autorités se rendent tous les ans au tombeau de Yoshikuni), les manuels scolaires japonais offrent une version « blanchie » des crimes de guerre. La nostalgie de l’holocauste continue à empoisonner les relations bilatérales avec la Chine, mais seulement au niveau symbolique-diplomatique, et les relations économiques entre la Chine et le Japon n’en sont nullement affectées.

De façon comparable, en dehors de la France, aucun pays occidental n’a condamné officiellement le massacre turco-arménien ou le refus de la Turquie de reconnaître sa responsabilité. Malgré le fait que bien des Israéliens aient été victimes de l’holocauste nazi, Israël refuse de reconnaître le génocide turco-arménien, et interdit aux Arméniens d’intervenir dans aucune des commémorations holocaustiques. C’est particulièrement irritant, si l’on se souvient qu’Israël a accueilli des milliers de survivants de ce même génocide arménien. En fait, Israël a un pacte militaire avec ceux qui nient le génocide arménien. Ceci est valable aussi pour expliquer le soutien des USA aux Turcs qui nient l’holocauste, malgré la forte pression exercée par la communauté arméno-usaméricaine, soutenue par le Congrès : l’exécutif bloque toute condamnation officielle du génocide.

Pour les holocaustes usaméricano-asiatiques, Washington impose toujours un blocus économique brutal, en Corée du nord et en Indochine, ce qui a conduit à l’ »autarcie forcée » ces pays; au Cambodge c’est la même situation qui a poussé le régime des Khmers rouges à déclencher l’exode massif depuis les centres urbains, ce qui constitue un cas d’holocauste conjoint entre USA et Khmers rouges.

Avec la conversion des élites indochinoises au capitalisme, dans le cadre de l’impunité dont bénéficièrent les crimes de guerre commis par les USA, la réconciliation des USA et du Vietnam, sans rapport avec la justice, est devenue la norme pour la suite. On peut constater que les politiques de libéralisation ont débouché sur une nouvelle exploitation impériale de main d’œuvre à bon marché, obtenue par les « lois » du marché et non plus par les invasions militaires.

Pour ce qui est de l’holocauste en Amérique centrale, il n’y a pas eu la moindre intention d’entreprendre des poursuites internationales. L’ancien président Bill Clinton a seulement présenté des excuses pour la forme, en confirmant l’appui des USA au gouvernement fantoche du Guatemala. Les régimes impliqués, clients des USA, sont les descendants directs et les bénéficiaires des holocaustes usaméricains antérieurs en Amérique centrale. Après avoir détruit le tissu social et avoir miné l’économie locale par la guerre et la liberté commerciale, après avoir démobilisé les guérillas, l’Amérique centrale est devenue une région de paysans déracinés, de réfugiés errants qui deviennent des immigrés ailleurs ou des criminels, gouvernés par des politiciens cleptocrates et par une oligarchie d’hommes d’affaires. Ce sont des survivants qui fuient vers l’Amérique du nord, où les attend maintenant une législation très répressive, outre la criminalité massive, le dépouillement, la prison et la déportation.

L’holocauste palestino-israélien s’accélère à présent ; non seulement les dirigeants et les civils sont assassinés, mais l’économie est totalement bloquée : c’est la stratégie d’encerclement du ghetto, digne de l’époque nazie, il s’agit d’affamer jusqu’à la reddition. Le groupe de pression juif au sein du gouvernement usaùéricain et tout autour de lui assure l’impunité à Israël, et la complicité tant des USA que de l’Europe [29 ].

Désormais, la mise en œuvre d’holocaustes parvient à la connaissance générale par les médias et l’internet, malgré les campagnes de propagande officielle. La complicité de certains secteurs de la société civile et des médias privés, dans le cadre de régimes qui ne sont pas totalitaires ou dictatoriaux exige une réflexion nouvelle sur le rapport entre dictateurs, systèmes électoraux et holocaustes.

 Conclusion

Aucun des grands crimes contre l’humanité récents ne débouche sur la justice ; c’est plutôt l’impunité et la récidive qui dominent. L’impunité usaméricaine en Corée a permis les holocaustes suivants, en Indochine, en Amérique centrale, en Irak. Le nettoyage ethnique des Palestiniens, commis par Israël entre 1947 et 1950 permet la progression constante vers la « solution finale » de l’expulsion totale. La négation du génocide turco-arménien a permis le nettoyage ethnique du peuple kurde en Anatolie. Ces crimes contre l’humanité ne relèvent pas de la psychopathologie de quelques dirigeants ou de traditions autoritaires, car ils se réclament de traditions concurrentes, de « psychologies collectives » propres, et d’idéologies diverses ou opposées.

Dans tous les cas, ce sont les offensives impériales qui déclenchent les holocaustes ; et elles se fortifient du fait de l’impunité, de la négation systématique des crimes commis.

Les intellectuels occidentaux ne reconnaissent pas les multiples holocaustes du XXème siècle et du XXIème, non par manque d’information sur le sujet, mais par refus d’envisager la responsabilité directe des gouvernements et des États dans les holocaustes. Ils ne veulent pas voir que leurs gouvernements élus prennent part au terrorisme de masse, que leurs médias privés mentent et maquillent systématiquement les actes de génocide, et que de grands secteurs de la « société civile » sont soit des critiques impuissants soit des collaborateurs, des complices.

La plupart des intellectuels des sociétés impériales sont incapables de mesurer et de comprendre la gravité des crimes qui se commettent en LEUR nom. Ils nous parlent de « conflits territoriaux » entre voisins, de « guerre de Corée, d’Indochine, d’Irak » ou même de « guerres pour la démocratie » et autres falsifications monstrueuses. Étranges guerres où toute la société civile, des millions de gens, sont partisans du camp adverse, où la destruction fait suite à l’occupation, et où tous les dépossédés sont les cibles des constructeurs d’empire.

Il y a une résistance ; on attaque des soldats impériaux ; on attaque des armées fantoches ; on détruit des hélicoptères et des blindés. Dans le ghetto de Varsovie, la résistance avait réussi à vaincre les troupes d’assaut nazies. Les Vietnamiens étaient parvenus à abattre 58 000 envahisseurs, faisant 500 000 blessés. Falloudjah résiste en Irak ; Jénine en Palestine résiste : l’endurance de ceux qui refusent de succomber ou qu’on extrait des décombres ne doit pas nous faire oublier qu’il s’agit de guerre totale contre des peuples entiers.

Les historiens conventionnels autant que les révisionnistes ont intégré l’euphémisme systématique, et parlent de « confits », de « croisades », de « drames » alors qu’ils devraient analyser un processus criminel récidiviste à grande échelle. Les seuls tribunaux effectifs sont ceux qu’implantent les puissances impériales pour s’acharner sur leurs adversaires vaincus, comme dans le cas de la Yougoslavie, de Panama [contre le président Noriega, après l’invasion US], l’Irak.

Seules des révolutions populaires, et la défaite définitive de l’État impérial permettra à une cour pénale internationale de faire répondre les auteurs d’holocauste de leurs crimes. Pour le moment, les nouvelles élites capitalistes qui émergent au sein des peuples victimes sont toutes prêtes à pardonner et à oublier les crimes de l’holocauste en échange d’une monnaie forte et d’une position privilégiée sur le marché mondial.

James Petras

Traduit de l’anglais en espagnol pour Laberinto par Eloísa Monteoliva García, membre de ECOS (Traducteurs et interprètes pour la solidarité) et de l’espagnol en français par Maria Poumier et révisé par Fausto Giudice, membres de Tlaxcala (http://www.tlaxcala.es ),  le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique.

Notes

[1 ] Traduit de l’anglais pour Laberinto par Eloísa Monteoliva García, membre de ECOS (Traducteurs et interprètes pour la solidarité)

[2 ] Finkelstein, Norman. L’industrie de l’holocauste, Paris 2001.

[3 ] Davis, Mike. Late Victorian Holocausts (London: Verso 2001)

[4 ] Bauer, Yehuda. A History of the Holocaust (New York: Franklin Watts 1983; Bard, Mitchell. The Complete History of the Holocaust (California: Green Haven 2001)

[5 ] Dallin, Alexander. German Rule in Russia, 1941-45 (London: MacMillan, 1957); Salisbury, Harrison. The 900 Days: The Seize of Leningrad (NY De Capo Press 1969); Mayer, Arno. Why Did the Heavens Not Darken: The Final Solution in History (NY: Pantheon Books 1988)

[6 ] Fenby, James. Generalissimo: Chiang Kai-Shek and the China He Lost (London: Free Press 2003)

[7 ] Sur le Vietnam, voir Fitzgerald, Francis. Fire in the Lake: The Vietmanese and the Americans in Vietnam (New York: Little, Brown and Co., 1972); Herman, Edward. Atrocities in Vietnam: Myths and Realities (Pilgrim Press: 1971); Chomsky, Noam and Herman, Edward. The Washington Connection and Third World Fascism: The Political Economy (Boston: South End Press 1979), Ch. 5; Falk, Richard. Crimes of War (New York:RH Press 1971); The Dellums Committee Hearings on War Crimes in Vietnam, (NY: Vintage 1972); sur le Cambodge, voir le Center for Genocide Studies (Yale Univeristy). La page web correspondante affiche: Pour les points bombardés par les USA, des tableaux consignent les données suivantes : date du bombardement, situation exacte, nombre et type d’avions à chaque opération, charge du bombardement, type d’ordonnance, nature de la cible visée, évaluation des dommages causés ; exemple : 13 000 villages au Cambodge, 115 000 cibles pour les 231 000 bombardiers qui survolèrent le Cambodge entre 1965 et 1975, lançant 2,75 millions de tonnes de munitions ; 158 prisons dirigées par le régime de Pol Pot et les Khmers rouges entre 1975 et 1979 ; 309 cimetières comportant 19 000 fosses ; 76 poursuites judiciaires après 1979, pour la mémoire des victimes des Khmers rouges. Le directeur du Genocide Center, Ben Kierman, d’une perversité inégalée dans le monde universitaire, n’inclut pas, dans sa contribution au débat sur le génocide, l’assassinat et la mutilation de millions de Cambodgiens, par la faute des USA. Il se borne à étudier le régime de Pol Pot. C’est grâce à cette vision sélective du génocide qu’il a obtenu un poste de titulaire à l’université de Yale, et son centre a été distingué par un prix, assorti de financement généreux de George Soros et de Coca Cola.

[8 ] Pour la Corée, voir John Gittings and Martin Kettle, “US and S Korea Accused of War Atrocities”, Guardian. January 18, 2000; Bruce Cummings, The Origins of the Korean War, Vol.I, Vol II. (Princeton, New Jersey: Princeton University Press 1981, 1990). Selon les données publiées en Union soviétique, 11,1% du total de la population de la Corée du nord (1.130.000 personnes) a péri par l’armée de terre et l’aviation usaméricaines. Dans toute la Corée, ont été assassinées plus de 2.500.000-3.000.000 personnes, et 80% des infrastructures industrielles et publiques ont été détruites, ainsi que trois quartiers où se trouvaient les bureaux du gouvernement, et la moitié des logements. Entre juin 1950 et mai 1953, les généraux Eisenhower et McArthur, les présidents Truman et Eisenhower, et le chef adjoint d’État-major ont recommandé l’utilisation d’armement nucléaire contre la Corée. Selon Gittings et Kettle, outre les milliers de réfugiés assassinés par des officiers de l’armée usaméricaine « les bombardements usaméricains à la fin de la guerre ont causé bien plus de morts de civils encore, en particulier à Pyongyang en 1952 ».

[9 ] Richard Hovannisian (ed). The Armenian Genocide: History, Politics, Ethics (St. Martin’s Press NY 1992); Richard Hovannisian, ed. Remembrance and Denial: The Case of the Armenian Genocide (Detroit: Wayne State University Press 1999)

[10 ] Patrick Bell et al. State Violence in Guatemala 1960-96 (AAAS, Washington DC 1999); Amnesty International Report: Guatemala (1982, 1983, 1984 London); Thomas Melville, Through a Glass Darkly: US Holocaust in Central America (Xlibris Corporation 2005); Kent Ashabranner Children of Maya (NY Dodd Mead 1986). Guatemala Nunca Mas: 4 Tomos, Officina de Derechos Humanos Arzbipado 1998.

 [11 ] Les Roberts, et al, ‘Mortality before and after the 2003 invasion of Iraq: cluster sample survey. Lancet Vol. 364, no. 9445; Oct.31, 2004.

[12 ] Daniel Goldhagen, Hitler’s Willing Executioners: Ordinary Germans and the Holocaust (New York, Knopf 1996)

[13 ] Ver Thomas Childer, The Nazi Voter: The Social Foundations of Fascism in Germany 1919-1933 (Chapel Hill, North Carolina: University of North Carolina Press 1983) surtout todo pp 264-266.

[14 ] Aux élections de novembre 1932, les nazis avaient obtenu 33,1% des votes; les communistes et socialistes en avaient 37,3%, Childer op cit.

[15 ] Sur l’holocauste plaestino-israélien, voir Edward Said, Politics of Dispossession: The Struggle for Palestinian Self-Determination(NY Vintage 1995).Benny Morris, The Birth of the Palestinian Refugee Problem: 1947-49 (Cambridge, Cambridge University Press 19987). Felicia Langer, With My Own Eyes, (Ithaca: Ithaca Press 1975). Naseer Hasan Aruri, Palestinian Refugees (London: Pluto Press 2001); Ilan Pappe, Israel/Palestine Question: Rewriting History (London Rutledge 1999); Edward Said, The Question of Palestine (NY Vintage Press, 1979); Maxine Rodinson, Israel: A Colonial Settler State (Monad Press: NY 1973); Walid Khalidi, ed. All That Remains (Institute of Palestine Studies).

[16 ] Iris Chang, The Rape of Nanking (London, Penguin 1997).

[17 ] Selon le Pentagone, le nombre des victimes usaméricaines dans la guerre de Corée fut de 54.246 personnes, dont 33.686 morts au combat, et 8.142 « pertes dans les combats ».

[18 ] Pendant la guerre de Corée, Douglas McArthur a ordonné à l’aviation de “détruire tous les moyens de communication, installations, usines, villes et villages” situés au sud du fleuve Yalu à la frontière chinoise. Voir la citation complète sur www.brianwillson.com/awol/koreacl.html .

[19 ] Voir Benny Morris op cit. Selon Edward Said, op cit 4 millons de Palestiniens sont des réfugiés, et presque 2 millions vivent dans les territoires occupés par l’armée israélienne. Selon l’Observatoire des droits humains en Palestine depuis la deuxième intifada, Israel a réalisé 300 assauts militaires dans les territoires occupés chaque semaine, provoquant un nombre élevé de morts, des centaines de blessés et de prisonniers ; plus de 10 000 maisons d’habitation ont été détruites, des milliers d’acres de terre cultivée ont été stérilisées. En réponse aux élections démocratiques de Palestine en 2006, Israël a imposé un blocus total sur la nourriture, les produits de santé et d’urgence dans les territoires occupés, mettant en danger la vie de plus de deux millions et demi de Palestiniens.

[20 ] James Petras, Henry Veltmeyer, Luciano Vasapollo et Mauro Casadio. Empire with Imperialism (London: Zed Press 2005)

 [21 ] Hovanassian, op cit

[22 ] Said, op cit

[23 ] James Petras. The Power of Israel over the United States (Atlanta: Clarity Press 2006)

[24 ] Sur l’holocauste usaméricain en Irak, voir le rapport de la Johns Hopkins School of Public Health Epidemiologists, Les Roberts et al, ‘Mortality before and after the 2003 invasion of Iraq: cluster sample survey.’ Lancet Vol. 364, no. 9445; Oct.31, 2004.

[25 ] Voir les numéros du quotidien israélien en version anglaise Haaretz, pour la période de février à juin 2006, qui analysent les politiques de blocus israélien et ses effets catastrophique sur la santé et l’équilibre alimentaire des Palestiniens. Les principaux groupes de pression sionistes USA, les présidents des principales organisations juives et l’AIPAC sont des défenseurs inconditionnels de l’holocauste palestino-israélien, ils soutiennent le blocus et les assassinats journaliers de civils par les forces spéciales israéliennes.

[26 ] Voir Ilan Pappe, Israel/Palestine Question: Rewriting History; E. Said, Politics of Dispossession. Op cit.

[27 ] Sur l’holocauste US-Iraq voir Lancet. Op cit; Anthony Arnove (ed), Iraq Under Siege: The Deadly Impact of Sanctions and War (Boston: South End Press 2002); Alex Cockburn and Jeffery St. Clair, Imperial Crusades (California: Counterpunch 2004).

[28 ] C’est grâce à un vaste réseau de sites web que le public est au courant de l’usage systématique de la torture et de l’assassinat de masse aux USA pour la conquête de l’Irak; c’est même parvenu jusqu’aux médias non dissidents. Voir pour l’anglais : informationclearing house.info; commondreams.org, counterpunch.org, entre autres .

[29 ] James Petras, The Power of Israel Over the United States, op cit.




Frappes médiatiques au Liban

avion[1]Article du journal Le Plan B d’octobre – novembre 2006 sur les relais sionistes dans les médias français et sur le traitement de la débâcle israélienne au Liban.

Légende : « Souris mon fils sinon on pourrait t’accuser d’antisémitisme » .


Quand une guerre éclate entre une puce et un éléphant – ou entre un allié des États-Unis doté d’une aviation moderne et un allié de la Syrie et de l’Iran qui recourt à la guérilla –, les alliés médiatiques de l’éléphant connaissent la musique. Il leur faut, d’une part, humaniser le pachyderme, faire oublier le troupeau qui l’entoure. Et, d’autre part, diaboliser le plus faible, forcément plus fourbe, en particulier s’il est arabe.

Humaniser l’armée israélienne ? Rien de plus facile ; il suffira d’évoquer sans relâche le nom du moindre soldat prisonnier : qui ne connaît celui du caporal Gilad Shalit, « dix-neuf ans », enlevé par le Hamas le 25 juin dernier ? Et qui n’a pas entendu s’exprimer cent fois l’angoisse de sa famille ? En revanche, qui peut réciter le nom d’un seul des huit civils assassinés sur une plage de Gaza par un bateau de guerre israélien, ou celui d’un seul des centaines de Palestiniens – ministres et députés compris – enlevés par l’armée de Tel-Aviv ?

Israël « frappe », le Hezbollah « bombarde »

Vous voulez dire par Tsahal ? Justement, parlons-en ! En avril 2002, un auditeur de France Inter, « Frédéric », avait interrogé les journalistes de la station sur leur utilisation, qu’il jugeait partisane, de ce nom de « Tsahal ». Bertrand Vannier, directeur de l’information, avait expliqué : « Tsahal, c’est un acronyme. Cela veut dire “Tsiva Hagana Lei Israël”, l’armée de défense d’Israël. J’ai demandé aux journalistes de la rédaction de France Inter de ne plus prononcer le mot de “Tsahal”, car il y a risque de confusion à partir du moment où les Israéliens en ont fait une sorte de surnom, diminutif affectueux . » En juillet-août 2006, ce « diminutif affectueux » fut employé plusieurs fois par jour – et même par heure – sur France Inter pour évoquer une « armée de défense d’Israël » qui défendait Israël en envahissant le Liban. Le jour où le Hezbollah baptisera son armée « Mon chéri », l’appellation sera-t-elle aussi couramment reprise par France Inter ?

En temps de guerre, les mots tuent. Bernard-Henri Lévy le sait tellement bien qu’il s’offusqua, dans Le Monde naturellement, de l’emploi du mot « roquette » pour parler des projectiles tirés contre l’État hébreu. « Pourquoi ne pas dire “obus” ? ou “missile” ? Pourquoi ne pas rendre, en utilisant le juste mot, toute sa dimension de violence barbare à cette guerre voulue par les iranosaures du Hezbollah et par eux seuls ? »(1) Quelques jours avant que Le Monde publie l’interminable tartine béachélienne (deux pages !), la mort de dizaines de civils libanais et palestiniens avait pourtant inspiré au quotidien vespéral un titre qui n’avait pas indigné le philosophe préféré de « Tsahal » : « Les frappes israéliennes se multiplient sur le Liban, le Hezbollah bombarde Tibériade » (lemonde.fr, 15.7.06). Et pourquoi pas la formulation inverse, avec le Hezbollah qui « frappe » et les Israéliens qui « bombardent » ?

Le Plan B connaît la réponse. Pendant la guerre du Kosovo, les sondages – trafiqués, comme toujours – employaient plus volontiers le terme de « frappes » occidentales que celui de « bombardements » ou d’« intervention » de l’Otan. L’une de ces enquêtes, réalisée les 26 et 27 mars 1999 par l’institut CSA pour Le Parisien, avait révélé qu’une majorité relative de Français (46%, contre 40%) désapprouvait les « bombardements aériens des forces de l’Otan contre la Serbie ». Le « problème » était corrigé dès le lendemain : une nouvelle enquête d’opinion (Ipsos-Le Journal du dimanche) pouvait proclamer triomphalement qu’une majorité absolue de Français (57%, contre 30%) approuvait « l’intervention militaire de l’Otan en Yougoslavie ». Un sondeur expliqua ce renversement : « “Bombardement” donne un poids de chair et de sang à la question qui est posée. “Frappe”, c’est plus chirurgical et aseptisé que “bombardement” » (2).

On résume : de temps en temps, un membre de Tsahal, le jeune et sympathique Gilad par exemple, « frappe » avec ses camarades. De braves garçons tout juste un peu rugueux, mais c’est de leur âge.

Une « joyeuse bousculade »

Titré « Irresponsabilités », un lumineux éditorial du Monde (ils le sont tous) analysa dès le 16 juillet 2006 : « La crise de Gaza a conduit à celle du Liban, qui, elle-même, n’a été possible que parce que la Syrie et l’Iran ne sont pas opposés au coup de force de leur protégé libanais, le Hezbollah. » Relisons ce résumé : à aucun moment Israël n’est mis en cause. « La crise de Gaza », c’est pourtant dix Palestiniens tués par jour. Et quand BHL pleure sur « ces photos de quinze jeunes gens, parfois des enfants, qui sont morts… », à qui pense-t-il ? Eh oui, à ceux « qui sont morts sous le feu des artificiers palestiniens » (3) ! Les artificiers israéliens en revanche sont sympathiques et humanistes. « Le chef de guerre, roucoule Bernard-Henri, s’appelle Ephraïm Sneh. Il a ce physique de père tranquille, à la fois cordial et bourru. » Quant aux soldats d’Ephraïm, BHL admire « leurs moqueries de gamins », « l’allure décontractée ensuite, j’allais dire débraillée et même désœuvrée, d’une petite troupe qui me rappelle irrésistiblement la joyeuse bousculade des bataillons de jeunes républicains décrits, une fois encore, par Malraux » (4). Vite, un nouveau film !

« Oui mais c’est le Hezbollah qui a commencé ! » Une ânerie journalistique se consommant toujours en boucle, procédons à la revue (partielle) des troupes et des troupiers. Jean Daniel : « Les premières réactions d’Israël contre les agressions du Hezbollah relevaient de l’autodéfense » (Le Nouvel Observateur, 20 juillet). Philippe Val approuve Daniel : « Mets-toi deux minutes à la place des Israéliens : ils se sont retirés du Liban contre la paix. Ils ont eu des roquettes. Ils se sont retirés de Gaza contre la paix. Ils ont eu des roquettes… » (Charlie Hebdo, 26 juillet). Colombani s’inspire de Val : « La crise n’a de précédent que dans celle des missiles soviétiques installés à Cuba en 1962 : en laissant l’Iran et la Syrie installer, via le Hezbollah, de douze mille à dix-sept mille missiles, le Liban a placé Israël à la portée de l’Iran » (Le Monde, 1er août). Attali plagie Colombani : « En mars 1936, face à la remilitarisation de la Rhénanie par Hitler, Halifax puis Blum ont laissé faire, et nous avons eu la guerre. En octobre 1962, face à l’arrivée de fusées soviétiques à Cuba, les frères Kennedy n’ont pas laissé faire, et nous avons eu la paix » (L’Express, 3 août).

Au vu de ce qui précède, on comprend qu’interpellé le 11 août par un lecteur du New York Times – « Pourquoi n’écrivez-vous votre histoire que du point de vue des Israéliens ? » – BHL ait aussitôt répliqué : « Parce que seul l’autre point de vue est considéré et je n’aime pas le conformisme, et encore moins l’injustice. » Dina Sorek, ministre-conseiller à l’information auprès de l’ambassade d’Israël à Paris, qui n’aime pas non plus le conformisme, spamma à ses milliers de correspondants les textes de BHL et de son chouchou Philippe Val.

Au demeurant, des penseurs-chansonniers-humoristes aussi subtils allaient-ils s’encombrer du rappel des dix-huit années d’occupation du Liban par Israël, des milliers de détenus – certes arabes – non encore libérés ? Eux que la fourniture d’armes iraniennes au Hezbollah incommodait tant, allaient-ils s’offusquer des livraisons de missiles américains, y compris à longue portée, y compris à tête nucléaire, à l’État hébreu ? Devaient-ils vraiment se souvenir que la veille du jour où le soldat Gilad Shalit fut capturé, les forces « d’autodéfense » israéliennes avaient kidnappé deux civils de Gaza – bien qu’il s’agisse d’Arabes, Le Plan B dévoile leur nom –, Osama et Mustafa Muamar ? Évidemment non.

« Fiefs du Hezbollah »

Il faut dire qu’Israël ne bombardait pas des villages chiites libanais, des villes comme Tyr, Saada, Baalbek, Beyrouth, mais frappait des « fiefs du Hezbollah ». Claude Angéli, qui nota ce langage « politiquement correct » de « certains confrères » (5), omit de désigner les coupables. Le Plan B les a aussitôt démasqués dans sa banque de données obèse. Palme d’or à Libération, qui, le 22 juillet, annonce : « Vendredi, les chasseurs bombardiers israéliens ont pilonné Baalbek, fief du Hezbollah ». Puis récidive le 9 août : « Raids sur la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah. » Ex-æquo, Le Monde du 26 juillet : « Israël s’empare de Bint Jbeil [une ville, pas un hameau], fief du Hezbollah au Liban sud ». Même chose le 4 août : « L’aviation a bombardé la banlieue de Beyrouth, fief du Hezbollah chiite ».

Une guerre comporte toujours ses moments de détente. Le géographe Philippe Val nous les offrit dans son nouvel éditorial antiarabe « Garçon, un demi et un atlas ! » : « Si l’on regarde une carte du monde, en allant vers l’est : au-delà des frontières de l’Europe, c’est-à-dire de la Grèce, le monde démocratique s’arrête. On en trouve juste un petit confetti avancé au Moyen-Orient : c’est l’État d’Israël. Après, plus rien, jusqu’au Japon. […] Entre Tel-Aviv et Tokyo règnent des pouvoirs arbitraires dont la seule manière de se maintenir est d’entretenir, chez des populations illettrées à 80%, une haine farouche de l’Occident, en tant qu’il est constitué de démocraties » (6). Mais selon le Rapport des Nations unies sur le développement humain de 2003, seuls trois pays au monde avaient alors un taux d’illettrisme supérieur à 80%. Et aucun d’entre eux n’était situé entre Tel-Aviv et Tokyo, puisqu’il s’agissait du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Ailleurs, entre Tel-Aviv et Tokyo, le taux d’illettrisme était de 23% en Iran, de 9% en Chine, de 7% aux Philippines. Et… de 13% au Liban.

Mais c’était avant que les écoles y soient (à nouveau) « frappées » par les amis lettrés de Philippe Val et de Charlie Hebdo.

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LE CASSE-PIEDS DU TELEPHONE ET L’AMATEUR DE VINAIGRETTE
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Jeudi 3 août, vers 13 h 15, Claude Lanzmann a pensé tristement à feu Jean-François Revel. Lanzmann venait de publier une nouvelle ode affectueuse aux tankistes de l’armée israélienne. Il escomptait ainsi ne pas être distancé par BHL sur ce créneau qu’il juge lui appartenir en propre depuis la sortie en 1994 de son péplum d’amour sur Tsahal (7). Or, jusqu’au trépas de Revel, il y a quelques mois, sitôt que Lanzmann se débarrassait d’un de ses textes dans les pages du Monde (son vide-poche préféré), il appelait Revel pour en être complimenté…

Ce 3 août, Claude Lanzmann – d’une fatuité telle qu’elle excède parfois celle de Jean Daniel (!) – était plus fier de lui encore que d’habitude. Même s’il n’injuriait pas cette fois les pacifistes israéliens (des « fripouilles sans foi ni loi », avait-il estimé quelques semaines plus tôt [8]), son texte n’en demeurait pas moins un bijou lanzmannien. Il chantait la douce armée israélienne. Le prix qu’elle « attache à la vie de ses hommes ». Sa politesse envers les Libanais : « Israël avait averti, par tracts et par radio, la population d’avoir à quitter les lieux. » Toute cette « population », qui disposait assurément de jets privés et de résidences secondaires, n’avait qu’à s’envoler à destination d’un ryad aussi voluptueux que celui de BHL à Marrakech. Pour y attendre la fin de la guerre en dégustant des olives.

Lanzmann, en transe, ne cessait de relire à voix haute (devant un miroir) le début de son article. Il avait en effet réussi à juxtaposer à intervalles très rapprochés les mots de « clameur », « rues arabes », « voracité » et « hypocrite ». Mais, jurait-il, la vertu l’emporterait : en dépit des Arabes hypocrites qui avaient profité des accords d’Oslo pour « s’armer jusqu’aux dents », « Israël, n’en doutons pas, prendra le dessus ».

La guerre gagnée sur le papier, Lanzmann se demanda qui appeler pour s’entendre couvrir d’éloges. Revel était mort. Or, dans ses Mémoires de l’année 2000, l’ancien immortel raconte l’histoire d’un casse-pieds qui le harcèle au téléphone en plein été. Extrait :

« Samedi 1er juillet. Arrivé hier au soir en Bretagne, je me rends ce matin au marché de Pleubian, qui a lieu tous les samedis. […] Rentré à la maison vers midi, j’entends mon téléphone sonner. Tiens, me dis-je, même le premier jour de mes vacances et en plus un samedi, ils ne peuvent pas me laisser tranquille. Je décroche. C’est Claude Lanzmann.
– Tu n’es donc pas à Paris ? me dit-il.
Je sens une tristesse dans sa voix. Que mon éloignement l’afflige à ce point n’est pas loin de me bouleverser.
– Eh bien, non, lui dis-je, mais nous nous verrons en septembre.
Un silence.
– Dans le lieu écarté où tu te trouves, reprend-il, tu ne reçois pas les journaux ?
– Bien sûr que si. Je viens de les acheter au village.
Long silence.
– Est-ce que tu as lu mon article ?
– Écoute, je viens juste de poser ma pile sur mon bureau et ensuite je suis revenu dans la cuisine, où j’ai commencé à confectionner ma vinaigrette montée. Tu sais à quel point c’est difficile à réussir !
– J’ai un article qui commence à la une du Monde et qui, à la tourne, occupe une page entière.
– Excellente nouvelle !
– C’est un très bon article.
– J’en suis convaincu.
– Lis-le tout de suite.
– Je laisse tomber et retomber ma vinaigrette et je te rappelle dans vingt minutes
»(9).

En achevant sa vinaigrette, Revel sourit. Il se souvint que, moins de quatre mois plus tôt…

« Mercredi 15 mars. […] Lundi prochain, je suis invité à une émission de Thierry Ardisson, avec, m’a-t-on dit, et je m’en suis réjoui, Claude Lanzmann comme interlocuteur. C’est du moins ce que je croyais. Mais Claude Lanzmann me détrompe en me précisant, d’une voix sépulcrale, au téléphone : “C’est une émission sur moi. Toi, tu n’interviens qu’à la fin pour parler de moi” »(10).

Le 3 août 2006, faute de mieux, Lanzmann se résigna à appeler cet âne de Romain Goupil, que chacun laisse braire dans son étable depuis des années. Malheureusement pour Claude, Romain n’achète Le Monde que lorsqu’il y signe une nouvelle tribune à la gloire de W. Bush avec ses collègues du Club de la coupe au bol, Bruckner et Glucksmann. Pour se consoler, Lanzmann a revu Tsahal.

Notes

(1) Le Monde, 27.7.06. Acrimed, notre rutilante vitrine universitaire, a réfuté chacune des assertions conjointes de BHL et du Monde le 1er août 2006.
(2) Sondages et commentaire cités dans Serge Halimi, Dominique Vidal et Henri Maler, L’opinion, ça se travaille, Agone, Marseille, réédition poche, septembre 2006, p. 25.
(3) BHL, op. cit.
(4) Ibid.
(5) Le Canard enchaîné, 9.8.06.
(6) Charlie Hebdo, 26.7.06. Val fut ravi de lire deux jours plus tard l’édito de Denis Jeambar sur le site de L’Express : « Cette défaite d’Israël, si elle devait survenir, serait aussi la première défaite de la seule démocratie existant, à l’exception de la démocratie indienne, entre la Méditerranée et les rivages du Pacifique. » Toutefois, Jeambar se garda bien de répéter l’ânerie de Val sur les « populations illettrées à 80% ».
(7) Lire à ce sujet Amnon Kapeliouk, « “Tsahal”, ou les mésaventures de la vérité historique au cinéma », Le Monde diplomatique, novembre 1994.
(8) Les Temps modernes, mars-juin 2006.
(9) Jean-François Revel, Les Plats de saison, journal de l’année 2000, Le Seuil, 2001, p. 215-216.
(10) Id., Ibid, p. 83.

Dessin : Mantaq Ach Chaatine – La logique du diable : « Souris, mon fils, sinon on pourrait t’accuser d’antisémitisme ».




Hezbollah et Israël : aux sources du conflit

Article de Georges Corm paru sur le site du Réseau Voltaire en octobre 2006.

L’auteur est consultant économique et historien, ancien ministre des Finances du Liban (1998-2000). Il enseigne la coopération économique internationale et les finances publiques à l’université Saint-Joseph de Beyrouth.

Pour G. Corm, l’offensive israélienne de l’été 2006 n’a rien à voir avec la défense d’un État, mais correspond à une expansion coloniale. Selon lui, « il apparaît de plus en plus que les États-Unis et Israël servent de polarisateurs à un regain de visées hégémoniques et autoritaires dans le monde, voir même de type fasciste ».


La crise actuelle qui a entraîné le Liban à nouveau dans un cycle de violences et de destructions peu communes ne peut se comprendre que si son analyse est élargie au double contexte historique et régional. Se contenter de l’analyse faite par les États-Unis, Israël et le Royaume-Uni ou d’autres pays européens qui sympathisent avec leurs thèses ne permet pas de comprendre les enjeux complexes, ni d’appréhender une solution qui participerait à l’apaisement des tensions régionales majeures qui déchirent le Proche-Orient depuis des décades.

Bien au contraire, la simplification, voir la caricature binaire du conflit comme un affrontement entre des « terroristes » (le Hezbollah) manipulés par « un Axe du Mal » (la Syrie et l’Iran) qui s’oppose aux aspirations démocratiques des peuples de la région que les États-Unis s’efforcent de réaliser, est une recette qui ne peut que mener à la catastrophe dans le futur, même si une stabilisation est trouvée dans le court terme.

Cette caricature pourtant constitue le cœur de la doctrine israélo-américaine et anglaise sur la crise libanaise et toutes les autres crises et tensions de la région. C’est elle qui structure tous les commentaires et les analyses et les présentations des nouvelles dans les grands médias occidentaux ; elle peut se résumer de la façon suivante en sept points :

1. Le Hezbollah est une organisation terroriste, tout comme le Hamas en Palestine,

2. Il attaque de façon injustifiée et inadmissible l’État d’Israël,

3. Israël est donc dans son bon droit en voulant éradiquer le Hezbollah du Liban, c’est un État qui protège légitimement sa population civile des agressions commises par ce groupe terroriste

4. Les victimes civiles libanaises ne sont dues qu’à la lâcheté du Hezbollah qui prend en otage la population civile libanaise et en fait un bouclier humain,

5. Sans la Syrie et l’Iran qui lui fournissent armes et financement, le Hezbollah ne pourrait pas exister,

6. L’idéologie du Hezbollah est la même que celle du Hamas ou de la nébuleuse des groupes jihadistes que Ben Laden animerait, c’est-à-dire un fascisme islamique redoutable anti-occidental et anti-sémite qui refuse toutes les valeurs de la démocratie et des droits de l’homme,

7. C’est donc une partie d’un ennemi global de l’Occident et de la civilisation qu’il faut extirper du Moyen-Orient pour assurer la paix du monde.

Le plus consternant dans cette approche est la confusion générale qu’elle sème et les tensions qu’elle fait monter au Proche-Orient alimentées par l’ampleur et la cruauté des actions de l’armée israélienne qui à le monopole de la violence aérienne qui est exercée sans aucune retenue contre les immeubles d’habitations et les infrastructures civiles et administratives au Liban, comme à Gaza ou en Cisjordanie. Ces images de souffrances indicibles des populations civiles palestiniennes et libanaises, s’ajoutent aux images de souffrances de la population irakienne sous occupation américaine et britannique essentiellement.

La contradiction principale de cette approche réside dans le fait que si la Syrie et l’Iran sont les deux puissances régionales qui manipulent les groupes dits « terroristes », pourquoi martyriser inutilement des populations civiles libanaise et palestiniennes au lieu de s’en prendre directement à ces deux États ? Cette contradiction s’est déjà révélée dans la catastrophe de l’invasion américaine de l’Irak sous prétexte de lutte contre le terrorisme de Ben Laden, alors qu’aucun lien n’a jamais existé entre Ben Laden et le régime irakien.

Après avoir fait supporter à la population civile irakienne 13 ans d’un embargo implacable qui a fait mourir, aux dires des organisations internationales telles que la l’UNICEF ou la FAO ou la Croix Rouge, plusieurs dizaines de milliers d’Irakiens pauvres, et particulièrement d’enfants, les États-Unis et le Royaume-Uni ont cru bon d’abreuver la population irakienne en 2003 de milliers de tonnes de bombes.

En réalité, le problème se situe au niveau de l’analyse du terrorisme « proche-oriental » par les États-Unis et des conséquences qui en sont tirées sur le plan international. La conception et la doctrine états-uniennes sur le sujet sont claires : le terrorisme est une forme de mal qui n’a de cause ou d’explication que dans l’existence d’une « force du Mal » qui cherche à dominer la « force du Bien » incarnée par les démocraties occidentales. Ces forces terroristes sont une et même force, qu’il s’agisse du Hezbollah au Liban, du Hamas en Palestine occupée ou des groupes Ben Ladenistes qui opèrent désormais en Irak pour combattre « la force du Bien » , les États-Unis qui y établissent la démocratie.

L’analyse est ici d’une telle pauvreté intellectuelle qu’elle mène directement à des politiques catastrophiques. Pourtant, cette analyse est désormais la doctrine officielle des Nations-Unies qui, dans le document majeur destiné à proposer les lignes d’une réforme de l’institution à l’occasion du sommet des chefs d’État tenu en septembre 2005, considère qu’un seul danger guette l’humanité, celui du terrorisme dit « transnational » (c’est-à-dire « islamique ») qui cherche à mettre la main sur des armes de destruction massives [1].

Aucun des conflits et des situations qui ont entraîné le terrorisme moyen-oriental n’est évoqué ; aucune distinction n’est faite entre la résistance légitime à des occupations et le terrorisme de type classique qui émane de groupes ayant des idéologies de type messianique et nihiliste et qui ont, par ailleurs jalonné l’histoire moderne, notamment le terrorisme russe de la seconde partie du XIXè siècle ou, plus près de nous le terrorisme de groupes marxisants dans les années 60 et 70 du siècle dernier et qui ont affecte l’Italie, l’Allemagne, la France, l’Amérique latine.

Bien plus, aucune évocation n’est faite de l’instrumentalisation que les États-Unis eux-mêmes ont pratiqué des groupes de jeunes djihadistes arabes anti-soviétiques qu’ils ont soutenu et armés pour lutter contre l’influence grandissante de l’URSS dans le tiers-monde et le développement spectaculaire des partis marxistes et qui sont partis se battre en Afghanistan, puis en Bosnie et qui sont aujourd’hui en Tchétchénie ; ceci, sans parler des religieux en Iran pour contrer la révolution bourgeoises et nationaliste du Premier ministre, Mossadegh, qui avait nationalisé l’industrie du pétrole iranien en 1952, puis pour se substituer au pouvoir défaillant du shah d’Iran en 1979 face au risque d’une prise de pouvoir du parti communiste iranien et des marxisto-islamiques des Moujahidin Khalq.

Plus grave encore, la doctrine états-uno-israélienne et britannique sur le terrorisme ignore de façon absolue et drastique le fait que l’État d’Israël est en infraction permanente à tous les principes du droit international, des résolutions des Nations Unies qui la concernent et des Conventions de Genève sur les responsabilités de l’occupant, notamment la protection de la population civile, ainsi que l’interdiction de changer la structure démographique d’un territoire occupé, l’interdiction de châtiments collectifs sur la population civile).

Aujourd’hui, lorsqu’Israël, les États-Unis, la France et d’autres pays insistent sur la nécessaire application de la résolution 1559 qui enjoint, entre autres, le gouvernement libanais de désarmer le Hezbollah et les groupes palestiniens encore présents au Liban et de déployer son armée, qui n’a plus guère d’équipement que la FINUL présente au sud du Liban depuis 1978, ils oublient toutes les autres résolutions des Nations Unies concernant l’évacuation par Israël des territoires occupés en 1967 (Gaza et la Cisjordanie, le Golan Syrien, la zone des Fermes de Chébaa à la lisère de la frontière entre Israël, la Syrie et le Liban) et le droit des Palestiniens expulsés ou ayant fui les combats en 148, puis en 1967 à revenir dans leur foyer ou à être indemnisés par l’Etat d’Israël.

Pour ce qui est du Liban, Israël prétend avoir respecté la résolution 425 de 1978 qui lui demandait d’évacuer inconditionnellement le Sud du Liban envahi en mars de cette année là, sous prétexte de la présence de guérilla palestinienne opérant contre le territoire israélien à partir du Liban. Mais Israël oublie de dire que c’est la résistance tenace des militants du Hezbollah qui sont tous jeunes villageois du Sud du Liban qui l’ont obligé après 22 ans d’occupation à se retirer unilatéralement en mai 2000 à quitter ce territoire.

Israël et les États-Unis oublient aussi de dire que c’est l’État d’Israël qui a empêché en 1978 la FINUL de se déployer jusqu’à la frontière de façon à ce que l’occupation de 1000 km2 dans cette région du Liban puisse perdurer.

On peut évidemment être étonné que le Hezbollah après l’évacuation des Israéliens du sud du Liban ait conservé ses armes et n’ait pas immédiatement été intégré à l’armée libanaise. En réalité, plusieurs facteurs ont contribué à convaincre l’armée libanaise et une majeure partie des forces politiques du pays que cette intégration était prématurée.

Parmi ces facteurs :

1. l’absence de garanties pour le Liban que son territoire serait désormais à l’abri d’une nouvelle occupation ou de nouvelles agressions de l’armée israélienne contre le Liban, agressions quasi-quotidiennes depuis 1968, en sus des deux invasions du Liban en 1978 et en 1982 ;

2.de plus, après l’évacuation de 2000, les violations de l’espace aérien et maritime libanais ont été permanentes ;

3. de plus, l’État d’Israël a maintenu de très nombreux prisonniers libanais en Israël.

4. Enfin, ce dernier a refusé de reconnaître que le territoire des fermes de Chébaa était libanais, avait été occupé après l’invasion du Golan syrien durant le guerre de 1967 et ne relevait donc pas de la résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU, mais bien de la résolution 478 concernant l’évacuation des territoires occupés.
Face à l’armée israélienne, et comme l’ont montré les évènements récents, seule une guérilla bien entraînée et bien aguerrie peut empêcher une nouvelle occupation et non point une armée régulière qui ne dispose d’aucune aviation et d’aucun système de défense antiaérienne. La question des armes du Hezbollah était d’ailleurs en discussion, sous la pression des États-Unis et de la France pour l’application de la résolution 1559, dans un dialogue national officiel qui tenait des séances régulières, lorsque les évènements dramatiques récents sont arrivés.

Par ailleurs, on peut désapprouver l’étiquette religieuse sous laquelle se bat le Hezbollah, son « extrémisme » ou sa « radicalité », sa rhétorique anti-israélienne ; la réalité est que ce mouvement, tout comme le Hamas, est le successeur des mouvements de libération nationale et de décolonisation. Le Hezbollah, à coloration chiite, le Hamas à coloration sunnite, se battent d’abord pour libérer des territoires occupés ; ils sont les héritiers des Fellaga algériens, du Vietcong vietnamen et de tant d’autres mouvements de libération du tiers monde anti-impérialiste.

La coloration religieuse de ces deux mouvements provient de la nature même de l’État d’Israël qui se définit lui-même comme État des Juifs et qui occupe et colonise des territoires en infraction aux résolutions des Nations Unies et aux conventions de Genève. L’État d’Israël est soutenu sans réserve par les États-Unis qui se définissent eux aussi comme une « nation de croyants » et, de façon plus générale, par les pays occidentaux qui depuis quelques années se définissent à leur tour comme défendant des valeurs judéo-chrétiennes ; l’ancienne définition de l’Occident comme héritier de la civilisation gréco-romaine a disparu des vocabulaires. On peut donc difficilement critiquer l’étendard idéologique de ces deux mouvements, lorsque l’on constate la disparition mondiale des espaces laïques et la non application du droit international d’inspiration laïque et humaniste par l’Occident lui-même, dès qu’il s’agit du Proche-Orient.

Il est oiseux de discuter sur la responsabilité respective du Hezbollah et d’Israël dans la nouvelle destruction du Liban. La provocation du Hezbollah capturant deux soldats israéliens dans l’espoir de reprendre les négociations sur la libération des prisonniers libanais restant dans les prisons israéliennes ne permet en aucun cas aux yeux du droit international, en particulier du droit de représailles qui doit être mesuré et proportionnel à l’acte commis, de mettre ainsi le Liban à feu et à sang et sous blocus maritime, aérien et terrestre.

Si l’IRA irlandaise avait enlevée deux soldats britanniques en Irlande du Nord aurait-on accepté que l’Angleterre abreuve l’Irlande du Sud d’un déluge de fer et de feu ? Ou si l’ETA basque avait enlevé ou tué des gendarmes français ou espagnols auraient-on vu l’armée française ou espagnole pilonner de bombes la province basque et y faire des milliers de victimes civiles sous prétexte que les terroristes de l’ETA s’abritent derrière cette population ?

Il est important ici de rappeler qu’un échange de 400 prisonniers libanais dans les prisons israéliennes avait eu lieu en janvier 2004 par l’intermédiaire du gouvernement allemand, suite à l’enlèvement par le Hezbollah d’un homme d’affaires israélien, vraisemblablement membre des services secrets israéliens ; cet échange avait été suspendu par Israël. Le Hezbollah a-t-il cru qu’en capturant deux soldats, il pourrait continuer cet échange ou bien a-t-il voulu soulager la pression sur le gouvernement de l’Autorité Palestinienne dirigée par le Hamas et qui avait fait de même, enlevant un soldat israélien pour obtenir la libération de prisonniers palestiniens en Israël dont le nombre s’élève à 10 000, ou bien encore a-t-il senti que l’étau se refermait sur lui ? Nul ne le saura avec certitude.

L’autre hypothèse, favorisée par les dirigeants occidentaux, est celle d’une opération télécommandée par l’axe Damas-Téhéran ; c’est sûrement la moins plausible. On ne voit pas le Hezbollah qui s’est profondément libanisé depuis une quinzaine d’années, inséré dans le jeu politique libanais, gagné une popularité sans précédent au Liban, mettre en danger son existence même pour les beaux yeux de ces deux puissances régionales. Les combattants de ce parti, on ne le répètera jamais assez, sont des jeunes libanais du sud du Liban qui ont d’abord dédié leur combat à la libération de leur terre. Le fait que ce combat soit soutenu par l’Iran et la Syrie, voir que l’idéologie du « martyr » soit présente dans le discours du parti, n’enlève rien à cette réalité.

Rappelons-nous ici que les luttes anti-coloniales et anti-impérialistes du tiers monde dans les années 50 et 60 étaient soutenues par l’URSS ou la Chine ou l’Égypte nassérienne ; cela n’enlevait rien à la réalité de l’insertion de ces mouvements dans leur société et la légitimité de leur lutte. La France, au lieu de mettre en cause son propre colonialisme, accusait l’Égypte d’être à l’origine de la rébellion algérienne et a même attaquée l’Égypte en 1956 aux côtés d’Israël et du Royaume-Uni. Les États-Unis ont fait de même au Vietnam, accusant l’URSS de financer et soutenir les combattants du Vietcong. Tous ces mouvements de libération se sentaient d’ailleurs solidaires entre eux et avec les mouvements de guérilla d’Amérique Latine, tout comme aujourd’hui, le Hamas et le Hezbollah ne peuvent que se sentir solidaires de la lutte similaire qu’ils mènent contre un même État qui occupe et colonise. L’opinion dans tous les pays arabes se sent, elle aussi, solidaire du combat anti-israélien mené par ces deux mouvements.

La virulence des réactions israéliennes au « refus » des Arabes de prendre en compte leurs exigences de sécurité et leur « droit à la colonisation », en particulier l’obstination des groupes combattants palestiniens et libanais, les plus directement concernés, a été depuis longtemps analysée par des spécialistes des effets produits par l’Holocauste dans la psychologie des dirigeants israéliens.

Le plus célèbre d’entre eux Raul Hilberg explique comment s’est opéré ce qu’il appelle le « transfert d’hostilité » des Juifs dans leur malheur sur la Grande-Bretagne, alors encore puissance mandataire en Palestine et sur les Arabes. C’est ainsi que les communautés juives survivantes de l’Holocauste en Europe et celle des États-Unis, ainsi que les émigrants en Palestine, ne pouvant exprimer leur hostilité à l’encontre de tous ceux qui avaient fait et laissé faire le génocide, l’ont transféré un moment sur les Britanniques, puis de plus en plus sur les Palestiniens et les autres peuples arabes environnants [2]

En réalité, aujourd’hui, les pays occidentaux parviennent d’autant plus facilement à se défausser sur le monde arabe et musulman de toute culpabilité dans l’antisémitisme européen et son paroxysme, l’Holocauste, que la théorie de la guerre de civilisation a pris consistance en s’incarnant dans la doctrine de l’ennemi unique de l’Occident que serait le terrorisme islamique. A l’ancien ennemi disparu qui était la subversion communiste alimentée par l’URSS et la Chine, l’Occident s’est trouvé un ennemi nouveau et Israël, dans cette vision, se trouve à la pointe de ce combat de par sa position géographique même.

De plus, cela permet aussi aux pays européens qui ont colonisé l’ensemble du monde musulman dans un passé récent d’effacer toute trace de culpabilité sur les atrocités commises lors de la colonisation.

Face au chaos proche-oriental, l’Europe se félicite d’être enfin en paix et de réaliser progressivement son unité, après des siècles de guerres féroces entre ses nations, qui ont entraîné deux conflits successifs d’envergure mondiale et causé des dizaines de millions de morts. Elle ne réalise pas, cependant, que le vent de folie meurtrière qui va de l’Afghanistan à la Palestine et au Liban, en passant par l’Irak et que son allié américain appelle « guerre de civilisation » n’est, en grande partie, que le sous produit de sa propre histoire.

C’est en effet au Proche-Orient que se manifeste incontestablement la convulsion la plus spectaculaire de cette histoire tragique, due à l’horreur causée par le génocide des communautés juives d’Europe sous le Troisième Reich. Ce génocide est un point culminant d’un antisémitisme de nature raciste qui a sévi durant tout le XIXè siècle, prenant le relais de l’antijudaïsme de nature théologique prêché durant des siècles par les catholiques et protestants. La Révolution française et le rationalisme déiste de la Philosophie des lumières avaient largement réussi à ouvrir aux juifs une citoyenneté à part entière, notamment en Europe de l’Ouest. Toutefois, le développement en Allemagne des théories linguistiques et racistes opérant une division binaire du monde entre sémites et aryens, avait contribué à réduire cette avancée majeure de la démocratie naissante en Europe.

Ce sont toutes ces données qui expliquent l’anesthésie des consciences européennes, là où ces consciences se sont révoltées comme dans le cas de l’Afrique du Sud, du Timor Oriental et de bien d’autres situations de violation permanente des principes d’humanité [3] Sortir de ce guêpier ne sera guère aisé. Même après la fin du mandat de Georges Bush, il n’est pas sûr que nous ayons un apaisement, car le « nationalisme », voir le fanatisme « civilisationnel » lancé par la politique américaine et repris par beaucoup d’Européens sera d’autant moins facile à apaiser que la rhétorique « islamique » inverse est alimentée par l’expédition malheureuse contre l’Irak, les violences et souffrances sans fin des deux peuples libanais et palestinien, sans parler de la dégradation rapide de la situation en Afghanistan et du déploiement de troupes américaines dans un très grand nombre de pays musulmans, au plus grand mécontentement des sentiments populaires.

L’Union Européenne pourrait certes être plus active et plus dynamique, comme l’y invite son Parlement qui a préconisé à juste titre une application de l’ensemble des résolutions des Nations Unies sur le conflit Israélo-Arabe. Si la « communauté internationale » s’obstine à vouloir faire appliquer ces résolutions, uniquement lorsqu’elles imposent des obligations aux Etats arabes, mais jamais lorsqu’elles en imposent à l’État d’Israël, comme c’est le cas pour la furie avec laquelle on veut imposer au Liban la mise en œuvre de la résolution 1559, il y a peu de chances de voir une la stabilité et la paix régner dans la région.

On peut d’ailleurs être étonné du contraste entre l’activisme du Conseil de sécurité à l’égard du Liban, et notamment toute la série de résolutions les plus contraignantes prises à la suite de l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafik Hariri, et son incapacité à faire cesser la mise sous blocus de tout le Liban et le bombardement de ses populations civiles et de son infrastructure. Il est vrai que M. Hariri était « un ami » de l’Occident, alors que le Hezbollah est considéré comme un ennemi, mais est-ce une raison, suffisante pour avoir ainsi deux poids deux mesures dans le traitement de la violence qui frappe aujourd’hui tous les Libanais.

Comme on le voit, le règlement du conflit israélo-arabe exige de renoncer aux simplifications abusives et à la vision binaire et manichéenne du monde qui domine les médias et les cercles dirigeants dans beaucoup de pays occidentaux.
Certes, pour justifier le bain de sang en Palestine et au Liban, on pourra toujours invoquer la nature fanatique de l’Islam, l’absence de traditions démocratiques, la persistance des traditions tribales et communautaires violentes et autres clichés anthropologiques faciles sur l’Orient musulman. On pourra invoquer aussi à loisir la nature machiavélique et éminemment nocive des deux régimes syrien et iranien.

Il n’en reste pas moins, cependant, qu’admettre qu’au nom de la lutte contre le terrorisme on envahisse des pays, les mette sous blocus maritime, aérien et terrestre, terrorise leurs populations civiles par des bombardements aériens massifs, c’est accepter que le « monde civilisé » s’engouffre à nouveau dans une forme de barbarie que l’on croyait disparue.

Plus grave, en faisant de l’État d’Israël, un État hors norme du droit international, ne s’agit-il pas de la résurgence d’une nouvelle forme de racisme inversé, particulièrement subtile, perverse et dangereuse pour l’avenir ?

Le Proche-Orient continue aujourd’hui de payer les dettes morales des guerres et des violences survenues au sein de l’Europe. Celle-ci peut-elle encore réagir pour arrêter ce nouveau bain de sang, accepter la responsabilité qui est la sienne, dépasser ses traumatismes, retrouver sa culture humaniste et anti-raciste, ouvrant ainsi, enfin, la voie à la paix et la réconciliation avec son Orient proche ?

La Méditerranée pourrait-elle enfin redevenir « notre » mer commune, sans ingérence d’Outre-Atlantique ? Il ne semble pas malheureusement que c’est le cas, dans la mesure où la plupart des gouvernements européens, non seulement se sont alignés sur la politique états-unienne au Proche-Orient, mais certains n’ont pas hésité à déclarer ouvertement, tel le gouvernement allemand, qu’ils envoyaient leurs troupes au Liban, dans le cadre du renforcement de la FINUL prévue par la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, pour protéger l’État d’Israël.

De plus, certains dirigeants européens, tel M. Sarkozy, président du principal parti de la majorité parlementaire en France, n’ont pas hésité non plus à faire étalage de leur absence de sympathie pour le Liban dans l’épreuve qu’il a subie au cours de l’été 2006 du fait de l’ampleur de l’agression israélienne et de leur solidarité totale vis-à-vis d’Israël.

En réalité, il apparaît de plus en plus que les États-Unis et Israël servent de polarisateurs à un regain de visées hégémoniques et autoritaires dans le monde, voir même de type fasciste, dont le Proche-Orient fait directement les frais. La tentation pour l’Europe de se joindre à la croisade états-uno-israélienne dans cette région du monde est très forte. Les pays européens, y compris l’Allemagne, ont désormais des contingents armés déployés de l’Afghanistan au Liban, en passant par les Balkans, l’Irak et les pays de la péninsule Arabique pour des missions dont la nature reste à définir. Au Liban, en tous cas, si ces bataillons s’impliquent dans une chasse au Hezbollah au profit d’Israël, cela ne pourra qu’entraîner de très graves conséquences et achever de déstabiliser le Moyen-Orient.

Georges Corm

[1] Voir Dans une liberté plus grande. Développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous Document A/59/2005 de l’Assemblée Générale des Nations Unies, New York.

[2] « La réserve qu’observait la communauté juive à l’égard de l’Allemagne fut remplacée au moins chez les juifs du monde occidental, par des actes de militantisme en faveur d’Israël », écrit cet auteur. « Le déplacement de l’hostilité ne constitue pas une réaction isolée dans les annales du comportement individuel et de masse. C’est une vaste entreprise de « neutralisation » réussie, l’une des plus grandes de l’histoire ». Extrait de l’ouvrage capital de Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, vol. II, pp.905-906, Gallimard, Folio/histoire, Paris, 1991.

[3] C’est cette anesthésie qu’illustre parfaitement bien l’article de Joschka Fischer, « Le mauvais calcul iranien » dans le quotidien français Le Monde du 8 août 2006 où il pratique l’analyse caricaturale de la crise que nous avons exposée dans notre analyse et fait preuve d’une insensibilité totale aux souffrances que l’armée israélienne impose aux civils, Libanais et Palestiniens.




Robert Redeker : Il n’y a jamais eu de Fatwa ! Chronique d’une islamophobisation des esprits

Concert_de_soutien_a_Redeker-2-f02f8[1]Article de Jacques RICHAUD du 13 octobre 2006.

L’auteur est praticien hospitalier au CHU de Toulouse, il s’attaque ici à un cancer très particulier : la propagande islamophobe qui s’est développée à travers l’ « affaire REDEKER ».

L’article reprend étape par étape cette manipulation et révèle comment les mensonges du monde politico-médiatique se sont accumulés pour faire de Redeker une victime et de l’islam l’ennemi qu’il faut réellement combattre.

L’objectif de cette campagne étant selon J. Richaud, de  » préparer l’opinion à la troisième guerre de Georges Bush  » : la guerre contre l’Iran.


La sur-médiatisation et la dramatisation de «l’affaire Robert Redeker » par nos services politico-médiatiques aurait pu inciter à la prudence tous ceux qui en toute bonne foi souvent ont cru devoir réagir après s’être indignés. Une simple investigation «journalistique » menée correctement aurait peut-être pu éveiller quelques soupçons concernant les intentions de ceux qui ont instrumentalisé ce fait en évoquant les noms de Rushdie et Calas, un peu trop vite peut-être.

C’est alerté par des amis arabophones étonnés de la teneur des affirmations exploitées par la presse que j’ai demandé à trois sources arabophones différentes, dont une universitaire, de vérifier la teneur des propos tenus sur la chaîne Al-jazeera, incriminés comme à l’origine de la «FATWA » dont serait victime Robert Redeker. Les trois «retours » reçus ce jour douze octobre sont similaires et surprenants !

Pour donner à cette modeste investigation la rigueur nécessaire et l’interprétation utile, il est important de reconsidérer la chronologie des faits établis, en se posant à chaque étape les questions que cette affaire non encore achevée, ne manque pas de soulever.

I – CHRONOLOGIE D’UNE AFFAIRE SINGULIERE

1- DECLENCHEMENT

C’est le 19 septembre 2006 que le Figaro publie une double tribune sur la même page, celle de Robert Redeker et celle d’Antoine Sfeir. Celle de Robert Redeker se nomme «Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ? »

Le jour même de la parution de ce quotidien du matin, 19 septembre, sa diffusion est interdite en Tunisie (Elle sera le 24 septembre également interdite en Egypte par décret source : Reporters sans frontières le 25/9/2006)

C’est le même jour que Robert Redeker déclare «avoir reçu des menaces de mort » et prévient le responsable de son établissement de son incapacité à assurer la poursuite de ses cours ; il est aussitôt «exfiltré » et caché en lieu sûr, ainsi que sa famille mise également sous «protection » par la Défense et Surveillance du Territoire (DST). Le professeur lui même sur I-Télé précisera avoir reçu des «menaces directes par mail » et révèle que des forums jihadistes «qui ne sont pas accessibles à tout le monde » donnent «toutes les coordonnées pour pouvoir (l)’assassiner ».

Ce n’est que le 20 septembre sur la chaîne Al-jazeera, dans le bulletin d’information bref de Hassad Al Yaoun d’une minute, qu’est transmise l’information de la censure du Figaro en Tunisie, à cause «d’un article insultant le prophète Mohammed » écrit par un philosophe dont le nom n’est pas même cité, mais qui «accuse le Coran d’inciter à la violence » et qui «se moque des rites du pèlerinage chez les musulmans » (Tout ceci est effectivement contenu dans la tribune de RR). Dans une information complémentaire la parole est donnée au «Président de l’union islamiste des savants musulmans » le cheikh Youssef Al-Gardaoui qui dans son commentaire au sujet de l’article, appelle les musulmans «à protester d’une manière sage le vendredi 22 septembre…pour défendre l’islam et son prophète contre les propos du Pape Benoît XVI et l’auteur de l’article du Figaro », dont le nom ne sera pas cité ; en appelant à la modération et «à ne pas s’attaquer aux églises ou aux ambassades…pour ne pas donner l’image de musulmans violents dont les médias occidentaux sont friands »

A ce stade retenons que le nom de l’auteur n’a pas même été cité et que la protestation émise n’appelle nulle vengeance, mais une expression de réprobation calme pour le surlendemain. Il n’a jamais été question de «fatwa » qui possède un sens religieux et juridique particulier connu de tous !

Le 21 septembre, et sans attendre la manifestation prévue le lendemain, Pierre Rousselin directeur adjoint du Figaro exprime sur la chaîne Al-jazeera «ses regrets concernant la publication de l’article…(qui) est une erreur…(et) n’exprime pas l’avis du journal…(cette) tribune libre n’engageant que son auteur…(cette publication a été faite) sans vérification préalable, il s’en excuse ». Le même jour 21 septembre l’article est retiré du site du Figaro (j’ai pu le vérifier), l’intervention de Pierre Rousselin sera aussi retirée du site d’Al-jazeera…

A ce stade on peut s’étonner de la non-mention de ce fait dans les médias français ; et plus encore de la complaisance plus tardive de tous ceux qui partiront en campagne au nom de la «liberté d’expression » sans même évoquer le désaveu et la dérobade du Figaro, qui s’associera à la même campagne ! Personne n’a reproché au Figaro une quelconque «islamisation » des esprits comme le déclarait l’auteur de la tribune incriminée et qui l’aurait poussé à commettre cette autocensure !

Surtout aucun lien ne peut non plus être établi entre les menaces reçues la veille par RR et l’émission de la chaîne arabe ; ce fait est d’évidence ! Si des menaces ont été faites leur source est ailleurs.

Le même jour 21 septembre, le texte de Robert Redeker ainsi que celui d’Antoine Sfeir sont repris et diffusés sur le site français PROCHOIX (animé par Fiammetta Venner et Caroline Fourest), accompagnés d’un article de Fiammetta Venner intitulé « Quelques remarques à propos du Pape, de l’Islam et du Figaro ». Cette diffusion est explicitement destinée à «notre lectorat tunisien » pour contourner la «censure ». Cet article, il faut le souligner prend nettement ses distances avec celui de RR en stigmatisant aussi les violences des autres religions.

Le vendredi 22 septembre les médias français sont présents à la manifestation appelée par le cheikh Youssef Al-Gardaoui qui se passe dans le calme et ne sera donc pas relayée par les chaînes nationales. Le même jour Nasrallah se faisait ovationner à Beyrout par une foule immense au cours d’une manifestation pour «le jour de la victoire », cette manifestation a été intégrée aux journaux télévisés français et a fait le sujet principal des chaînes arabes, pour lesquelles Robert Redeker reste toujours un inconnu !

Le même jour 22 septembre, Tarik Ramadan publie sur son site un long article « le Pape et l’Islam : le vrai débat » sans mentionner la tribune de RR. Le forum de discussion qui suit mentionne l’article du Figaro pour s’en indigner ainsi que de sa reprise sur le site de Prochoix ; en réponse il est écrit que « sœur Caroline (Fourest)…prétendue antiraciste…cette femme est une Oriana Fallaci déguisée…voilée sous les appellations de …féministes, antiracistes, laïques…no comment ».

Le 25 septembre sur le site Prochoix c’est cette fois Caroline Fourest elle-même qui signe un éditorial mensonger au regard des faits rappelés ci-dessus : « Sur Al-jazeera, Youssef Al-Quradami désigne Robert Redeker à la vindicte » en écrivant mensongèrement « Le 20 septembre sur la chaîne Al-jazira le cheikh Youssef al-Qaradani a profité de son immense audience pour désigner le philosophe Robert Redeker comme islamophobe du moment. Ce n’est pas rien lorsqu’on connaît l’influence du cheikh…aucun texte ne mérite une FATWA MONDIALE ». Et Caroline Fourest « soutien le droit de Redeker à s’exprimer », elle assume d’avoir repris la publication, mais prend elle aussi ses distances avec le ton de RR en disant « toutes les religions sont instrumentalisables pour le pire »

LE MOT « FATWA « » A ETE LANCE ET LA SUITE EST CONNUE

Tous les bien-pensants qui se croient démocrates choisissent leur camp sur l’énoncé d’une imposture. Il n’y a jamais eu de Fatwa et le nom de Robert Redeker n’a pas même été prononcé !

A CE STADE QUE RESTE T-IL ?

Des menaces exprimées dés le 19 septembre dont la police serait dans l’incapacité de déterminer la provenance informatique, régionale ? nationale ? internationale ? Chacun sait que n’importe qui peut envoyer un mail à n’importe qui, même à soi-même ; mais la tracabilité de ces envois est tout à fait possible et même devenue légale depuis les lois Perben et les mesures «antiterroriste ».

Alors que fait la police ? Info-intox ou manipulation ? L’origine des menaces est elle identifiée ? Tenue encore secrète ? Cela accréditerait l’hypothèse d’une manipulation policière et politique désireuse de tirer aubaine de la publication de cette tribune islamophobe, en entretenant une pesanteur dont Robert Redeker est la première victime désormais, même s’il n’y a jamais eu de « fatwa » !

On laisse se dérouler la réaction à une « fatwa » qui n’a jamais existé. Une Presse complaisante à l’émotion générale ressentie fournit jour après jour les tribunes qui accréditent les thèses de Robert Redeker, sans prudence ni discernement. L’ensemble de la presse se positionne clairement dans le «choc des civilisations » annoncé du côté de Robert Redeker dont la tribune immonde trouve un succés inespéré de l’auteur lui-même !

Robert Redeker est-il à l’abris pour autant ? Même en l’absence de « fatwa » ? Sûrement pas, tant il est évident qu’une agression sur sa personne accréditerait à la fois sa thèse et celle de ceux qui le soutiennent, en même temps qu’elle démontrerait le bien fondé d’une accentuation des mesures «sécuritaires » déjà développées dans notre pays.

Redeker pourrait bien avoir à se méfier de certaines «protections ». Il pourrait devenir demain « l’idiot utile » ou la victime même d’une cause qui le dépasse désormais.

Ceux qui logiquement doivent le plus souhaiter sa protection efficace sont ceux qui trouvent ses thèses immondes justement ! Longue vie à Robert Redeker pour qu’il puisse demain rencontrer d’autres hommes et femmes, musulmans et sains d’esprit qui lui feront percevoir la profondeur de ses erreurs.

2. L’EMBALLEMENT

C’est le 27 septembre que le grand public par « la Dépêche du Midi » apprend « à la une » que « un professeur de philosophie est menacé par les islamistes »

Le 29 septembre la revue électronique « Respublica » éditorialise sous le pseudo habituel « Evariste » un article : « Robert Redeker : première victime de la FATWA en France » et stigmatise de façon très virulente tous ceux qui oseraient ne pas le soutenir. L’Union des Familles Laïques (UFAL) par la voix d’Evariste apporte « un soutien inconditionnel à Robert Redeker » et dénonce « la rhétorique insidieuse qui consiste à assortir la condamnation de la FATWA dont est victime Robert Redeker d’un même si ou d’un bien que ». Une pétition de « la Gauche Républicaine » est donc lancée immédiatement signée par des dizaines de personnalités.

Le 30 septembre 2006 le recteur de la grande mosquée de Lyon Kamel Kabtane, dans un communiqué, « Emet les plus grandes réserves quant à l’origine exacte de ces menaces… l’heure est aussi aux manipulations », il faut que « les auteurs soient identifiés et sanctionnés comme le permettent les lois de la République » (cité sur le site Prochoix).

Le même jour 30 septembre « Libération » fait sa une sur « Peut-on encore critiquer l’Islam ? » et Olivier Roy écrit « certains jouent à chatouiller la fatwa » et dans ce numéro Caroline Fourest précise « nous sommes passés d’une affaire Ruschdie tous les dix ans à une affaire Ruschdie tous les ans, voire maintenant quasiment tous les mois. A l’époque quand l’ayatollah Khomeiny lança sa FATWA contre l’écrivain, la gauche était soudée pour défendre la liberté d’expression et le droit d’offenser toutes les religions ». Le même joue « le Monde » évoque le « repérage » par la DST de « forums jihadistes anglais » qui confirmeraient la menace avec photos, adresse plan d’accès au domicile de RR….Mais quel crédit peut-on apporter à ces allégations ?

Il va de soi que ces menaces sont injustifiables et imposent la protection de Robert Redeker par la force publique. Mais la situation n’est pas véritablement la même entre une condamnation à mort par une autorité religieuse islamiste (qui n’a jamais eu lieu) et une menace par des propos haineux sur Internet comme il en circule quotidiennement sur des dizaines de forums accessibles à tous, particulièrement entre les communautés impliquées dans les drames du Moyen Orient.

Redisons le clairement, il n’y a jamais eu de « fatwa », ce qui n’exclue pas la matérialité de menaces d’autre nature et elles aussi préoccupantes, dénoncées par l’intéressé lui-même. Le web est devenu un terrain privilégié de la manipulation et les idées les plus abjectes circulent quotidiennement sur des forums plutôt mal pondérés, les interventions y sont le plus souvent signées de « pseudo » qui autorisent toutes les outrances, se faisant même parfois passer pour « la partie adverse » pour lui donner une image révoltante, personne ne peut empêcher cela.

Mais transformer un « fait grave » en un phénomène de société relève de l’irresponsabilité et de la démesure. Caroline Fourest elle-même et Philippe Val et bien d’autres ont été « menacés » après certains de leurs écrits et protégés de façon plus discrète !

La résonance donnée à la menace dénoncée par RR lui-même a pour premier effet d’amplifier, en la généralisant, la sensation d’une menace qui est à la base de la xénophobie et de tous les racismes. Plus personne ne perçoit que pour RR la critique de la religion musulmane dans son ensemble n’est pas une discussion philosophique mais une «opinion » qui s’inscrit dans la promotion du «choc des civilisations ». Qu’une large assemblée d’intellectuels se soit rangés derrière sa frange la plus extrémiste est un succès considérable pour les thèses de RR ! Tout cela ne fait le jeu que des néoconservateurs les plus extrémistes et de la partie adverse authentiquement jihadiste…

Mais que vont faire certains dans cette galère ? Le 30 septembre Caroline Fourest écrit « Affaire Redeker : A quoi joue la DST ? » pour s’étonner du fait que « davantage que le niveau des menaces, habituel, c’est bien le niveau de la réaction policière qui a changé » et questionne en référence aux menaces islamistes supposées : « Les services détiennent-ils des informations précises ou sont-ils dans le bleu ». elle questionne « s’agit-il de créer un effet de panique légèrement disproportionné qui punit Redeker au lieu de le protéger » ? Il faut dit-elle «s’interroger sur le choix policier et donc politique opéré »…

Une autre voie est étouffée : Le 30 septembre le groupe progressiste du « Manifeste des Libertés » édite une autre pétition « Pour la liberté de parole » dont le texte est le suivant : « Nous dénonçons avec la plus grande force les menaces de mort dont fait l’objet Robert Redeker, bien que nous soyons en désaccord avec ce qu’il a écrit, avec la médiocrité triviale de ses propos, avec ses outrances verbales en miroir avec les islamistes violents ». Cette pétition plus « voltairienne » que celles affirmant un soutien inconditionnel ou une approbation aura de nombreuses signatures de personnalités musulmanes, mais curieusement ne sera ni médiatisée ni reprise par la presse nationale.

Nos médias massivement se sont retranchés dans le camp du soutien à l’intolérance de Redeker, occultant aussi bien des vérités factuelles (l’absence de fatwa) que des voix plus pondérées que celles attisant objectivement le «choc des civilisations » replacé dans l’actualité par la tribune de Robert Redeker !
En effet l’emballement s’est poursuivi.

Le 1 octobre 2006 « le Monde » à son tour éditorialise «Pour Robert Redeker ».

On peut retenir, mais nous le savions déjà, que l’opinion publique « ça se fabrique » et des ouvrages ont déjà été consacrés à l’invention de cet « islam imaginaire » qui doit nous terroriser, non pas dans sa perversion islamiste mais bien dans son ensemble.

Le même jour un nouveau « Respublica » appelle à un « soutien sans réserve » et réaffirme que Robert Redeker est « victime d’une FATWA » qui le force à la clandestinité, réfutant toute « analyse indécente de ses propos ». Il réédite une tribune ancienne de Robert Redeker publiée dans La Dépêche du Midi le 21 octobre 2003 consacrée à « L’islamophobie, l’arme des islamistes contre la laïcité » faisant référence au livre de Caroline Fourest et Fiammetta Venner reprenant l’histoire du concept d’islamophobie décrit comme « une arme forgée par les islamistes » ! Il cite aussi la formule de Maïakovski «les mots sont des balles » (Qu’il ne pouvait donc ignorer en écrivant sa tribune du 19 septembre 2006 !). L’auteur tentait aussi péniblement de démontrer que l’islamophobie n’est pas un racisme et écrivait « Un islam à visage humain est-il possible ? ». Le même numéro contient un communiqué de presse de l’UFAL « la République doit protéger les victimes des FATWA » et un article d’Antoine Peillon (président de la France Radicale Gauche Démocratique et Républicaine) menaçant : « Nous mettons aussi en garde …ceux qui ne le soutiennent pas totalement et sans condition, car ils sont dés lors, plus que jamais nos adversaires ». Cela ressemble au discours de Bush en septembre 2001 « Ceux qui ne sont pas avec nous, sont contre nous ! ». On a envie de dire tu déconnes Antoine ?

Le 2 octobre « le Monde » rattache, d’après la DST la menace à AL-Qaida (qui possédait donc dés le 19 septembre un plan de la commune de Saint-Orens et l’adresse du professeur…brrrr, il y a de quoi trembler !) La menace ne relèverait plus d’une fatwa mais du terrorisme ? Le journal publie une autre « liste de soutien » que celle lancée par Respublica, intitulée celle-ci « En faveur de Robert Redeker ».

Le 3 octobre la revue Prochoix de Caroline Fourest relaie cet appel avec invitation à le signer sur l’adresse de la revue « les Temps Modernes » dont RR était éditorialiste.

Le 4 octobre « Evariste » dans un nouveau « Respublica » stigmatise le MRAP et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) ou « Quelques islamo-gauchistes pèsent bien peu, de même que le sectarisme congénital d’une organisation laïque qui trouve encore le moyen de lancer une polémique au lieu de se rassembler derrière la défense de Redeker ». Il stigmatise aussi « Nicolas Sarkozy, qui encourage les fous d’Allah à réclamer toujours plus de dérogations communautaristes » et Evariste prétend s’exprimer au nom des « citoyens » qui « en ont assez », rappelant que Redeker est « victime » et « condamné à mort ».

Dans le même numéro Sonja Rivière écrit « Redeker a finalement raison », rajoutant même aux propos de RR que «Le mois sacré de ramadan doit apporter son quota de sacrifices humains » et il est temps de «dénoncer l’effroyable imposture »…(Cela ne vous rappelle rien ?) et une «islamisation des esprits devenue insupportable ».

Le même jour dans Charlie-Hebdo, Caroline Fourest collaboratrice régulière de cet hebdomadaire s’étonnait des excuses de Rousselin : « Les éditorialistes du Figaro ne nous avaient pas habitués à tant de prudence sur l’Islam », tout en confirmant encore une fois que «le théologien vedette d’Al-jazeera et des frères musulmans…a désigné Robert Redeker à la vindicte le 20 septembre ». Elle ironise sur « le courage économique » du Figaro ayant présenté ses excuses. Elle surenchérit à propos d’une « fatwa contre Mozart » après le retrait préventif d’Idoménée du Deutsche Oper à Berlin, même si elle relève que pour Angela Merkel « l’autocensure par la peur n’est pas tolérable »…

Ainsi donc, peu importe qu’il y ait eu ou non « fatwa » ; il nous faut penser seulement « qu’il aurait pu y avoir, qu’il y aurait certainement même eu fatwa, inspirant une peur qui explique le retrait de la pièce ! ». Dans le même numéro Philippe Val stigmatise « Sa sainteté Mouloud Aounit » qui avait eu le tort de rappeler au nom du MRAP que « toute forme de violence en appelle hélas d’autres en retour, parfois plus extrêmes encore ».

Le « Canard Enchaîné » du 4 octobre à raison de décrire « Une affaire islamentable » et de conclure « pour …passer de l’invective au dialogue, du simplisme à la complexité, il faudrait des gens qui savent penser en profondeur…comment dit-on, déjà ? Des philosophes ». Hélas les philosophes ont signé en masse leur soutien «inconditionnel » à Robert Redeker.

Le 5 octobre « le Point » titre « Nous sommes tous des Redeker » mais donne aussi la parole à Tarik Ramadan : « Robert Redeker est libre de dire ce qu’il veut, je l’ai affirmé et répété, mais j’ai moi aussi le droit de dire que son texte est haineux ». Le « Nouvel Observateur » du même jour réaffirme encore « le 20 septembre, Redeker est dénoncé sur Al-Jazeera ».

Le 6 octobre « Valeurs Actuelles » titre « la fatwa Redeker ».

Le 7 octobre dans « Marianne » Guy Konopnichi s’égare : « Je tiens le principe de respect pour une saloperie…entre Mahomet et Robert Redeker, je choisis Redeker. N’en déplaise à Mouloud Aounit ! ».

Le 9 octobre 2006 c’est dans le journal « la Croix » que sera précisé à propos de la chaîne Al-Jazeera : « Le nom du philosophe (n’a) pas été prononcé » dans un sujet traité en « à peine une minute ». Toutes les démarches rapportées montrent que l’économie de la vérité devient la base d’un appel à dénonciation universelle d’une menace, exactement celle qui est au cœur de la chronique de Robert Redeker !

Il est confirmé que dénoncer la surenchère des extrêmes n’est pas dans l’air du temps pour les pétitionnaires. Pour Philippe Val « La situation a de quoi inquiéter », la menace contre RR est assimilable à l’attitude de Ahmadinedjab en Iran qui veut « mettre du plutonium dans les centrifugeuses » ! La boucle est enfin bouclée qui nous désigne en filigrane la logique et l’objectif de toute la campagne menée : il s’agit d’instrumentaliser « l’affaire Redeker » pour préparer l’opinion à la troisième guerre de Georges Bush, après l’Afghanistan et l’Irak, ce sera demain l’Iran

Le 5 octobre 2006 Pascal Boniface directeur de l’Institut de Recherche Internationale et Stratégique (IRIS) publie une note dans Témoignage Chrétien qui rappelle que « Robert Redeker est favorable au choc des civilisations », tout autant que « ceux qui l’ont menacé ». Il précise « ses idées sont nauséabondes, mais c’est bien sur le domaine des idées qu’il faut les combattre. Ses propos auraient pu même avoir une suite sur le plan juridique, car il contredit très réellement les lois françaises sur l’interdiction de propager la haine raciale. Mais tout est fait pour que le débat soit piégé. Les menaces ont transformé Robert Redeker de coupable en victime. Plus personne ne parle du caractère raciste de ses propos, mais des menaces qu’il a subies. Or les deux sont condamnables ». Il conclue « Soit on admet le droit de tout dire y compris les injures raciales au nom de la liberté…soit l’on considère que le climat est tellement lourd et explosif qu’il faut apporter certaines limites à la liberté d’expression. En tous les cas on ne peut pas plaider pour la première thèse dans certains cas et pour la seconde dans d’autres ».

II – DE NOMBREUX QUESTIONNEMENTS PERSISTENT AUTOUR DE CET EVENEMENT ET SURTOUT DE SON NSTRUMENTALISATION

1. LES FAITS

Il n’y a pas eu de Fatwa, mais tout le monde feint de l’ignorer ; ce mensonge était nécessaire pour une dramatisation de la menace.

Il y aurait bien eu des menaces dont les services de renseignement affirment qu’elles seraient « de mort » et en relation avec « Al-Quaïda » sans étayer cette affirmation de preuves depuis plusieurs semaines. Ceci est surprenant de la part d’un ministre de l’intérieur qui nous avait habitué à une communication plus agressive sur des faits divers de gravité moindre.

Il est avéré que les premières menaces, le jour même de la publication, sont antérieures à une émission sur la chaîne Al-Jazeera présentée, de façon mensongère, comme le relais d’une « fatwa » qui relève du fantasme ; sachant bien que très peu d’arabophones auront eu la capacité de vérifier ce fait. La vraie question est de savoir si ces menaces relèvent d’une piste locale (expliquant la précision de la menace), d’une piste nationale ou internationale ; l’incertitude entretenue plaide pour que l’hypothèse d’une gigantesque intoxication ou manipulation doive être considérée.

2. LA MANIPULATION

C’est une constante du discours extrémiste d’englober dans sa stratégie l’existence reconnue d’une « liberté d’expression » qui crée de fait une « obligation d’en débattre » et de reconnaître le caractère « licite » de quelque opinion que ce soit, en restant libre de la désavouer… « les chambres à gaz n’ont pas existé ? Bon, débattons-en, à ma droite X, à ma gauche Y qui représente la thèse inverse… »

Mais avec l’affaire Robert Redeker le débat a changé de nature, car une étape a été franchie qui consiste à court-circuiter même l’obligation d’apprécier la thèse en présence, pour consacrer ses efforts seulement à la défense de la liberté d’expression de son auteur ! Il est vrai que la thèse aurait du mal a trouver des défenseurs crédibles aux yeux de l’opinion comme des érudits sur le sujet de l’Islam ! « Ne parlons donc pas de ses thèses islamophobes délirantes, unissons seulement nos efforts pour la défense de leur auteur menacé, même sans trop bien savoir par qui…Et si ce texte a suscité la colère de fanatiques, c’est donc qu’il était juste de les dénoncer ! CQFD », Redeker : un ; Raison : zéro !

3. LES CONSEQUENCES PREVISIBLES

Pour comprendre l’importance de ce « glissement » il nous faut nous rappeler que lorsque les intellectuels se sont mobilisés pour contrer, dans le passé des thèses révisionnistes ou négationnistes, il s’agissait de ne pas étouffer ou déformer une vérité historique passée. L’article de Redeker, lui, même s’il se réfère à une fausse connaissance du Coran, s’exprime en fait dans et pour le temps présent et le temps à venir ; il pose une affirmation qui est un acte de guerre dans un choc des civilisations dont nous ne vivons que les premiers soubresauts. Ce choc se prépare, par les armes et par les mots.

Nous savons l’existence authentique de forces en présence que personne ne songe à nier ; celles d’un islam perverti extrémiste mais encore ultra-minoritaire et celles de l’axe du bien autoproclamé porteur de valeurs de la civilisation judéo-chrétienne. Les deux sont prêts à incendier la planète, certains, dont Redeker croient ce choc inéluctable et contribuent à la « diabolisation » de l’Islam tout entier pour faire accepter le pire au plus grand nombre.

Lorsque nos intellectuels les plus médiatiques se sont solidarisés avec la frange la plus intolérante de la pensée occidentale, c’est bien cette image globale (et non celle d’un paradis de la liberté d’expression !) qu’ils ont donné au reste du monde, comme un immense « quitus » à tous ceux qui militent pour le choc des civilisations.

Mais les premières victimes des écrits de Robert Redeker et du soutien inconditionnel qui lui est apporté par beaucoup ne seront pas les islamistes ; ce seront les très nombreux musulmans ou intellectuels éclairés qui n’épousent pas leurs thèses et luttent dans ce monde complexe pour faire sortir des peuples entiers de la théocratie et de l’obscurantisme par certains entretenu.

Ceux qui en Islam ont compris que les «lumières » d’occident ne sont ni éloignées ni incompatibles avec les « lumières » d’Islam, ignorées chez nous par le plus grand nombre, auront à répondre sur leur vie de la haine répandue par Robert Redeker et ses soutiens. Le pire, qui doit être admis, est que l’élimination programmée de ces « modérés » est au centre de la stratégie des uns comme des autres. Le choc des civilisations annoncé par tous les néoconservateurs militaristes de la planète n’est pas une option de progrés espéré mais une option de confrontation armée considérée comme inévitable.

Robert Redeker, par ses écrits antérieurs et actuels, est un soldat de ce combat. La question qui est posée à tous d’un soutien voulu inconditionnel n’est pas une question philosophique, c’est une question politique.

Notre choix « pour Redeker » peut paraître peu signifiant et allant de soi dans nos salons mondains. Mais pour ceux qui luttent contre l’intolérance dans des lieux ou la connivence n’est pas de mise entre penseurs aux opinions divergentes, mais ou les minoritaires et démocrates sont en danger de mort permanent, ce choix peut être une sentence fatale au motif même des liens établis avec une forme de la pensée occidentale qui a porté au cours des siècles le germe de la plupart des mouvements d’émancipation.

Nous sommes tous comptables, au nom même des idées que nous prétendons défendre, de la vie de tous ceux qui sur d’autres rives ne nous haïssent pas et ne peuvent comprendre notre venin ou notre lâcheté. Soutenir RR c’est clairement consentir au sort fait à ceux là dont le sort, déjà et pour longtemps, semble nous être étranger.

La démocratie d’opinion n’a t’elle pas généré une philosophie de la protection ? Une philosophie qui pour affirmer sa liberté dénonce ce qui serait susceptible de l’entraver ? Cette évolution peut même contribuer à cautionner, paradoxalement, des lois liberticides.

Ce que nous observons n’est-il pas l’extinction de tout débat sur la responsabilité des intellectuels ? Ces débats qui en un autre temps ont séparé et parfois réunis Jean Paul Sartre et Raymond Aron, seraient-ils encore possibles aujourd’hui ? Lequel de ces deux penseurs aurait osé stigmatiser l’autre en le menaçant de complaisance envers une « islamisation des esprits », simplement pour avoir tenté de poser la raison en avant de la passion ?

Au stade ou nous en sommes arrivés, en sortant ce n’est pas la peine d’éteindre la lumière ; l’ampoule a déjà rendu l’âme…

Comme tant d’autres philosophes qui se voulaient médiatiques, Robert Redeker souhaitait obtenir par sa tribune « son quart d’heure de célébrité » comme disait Andy Warhol ; sans imaginer qu’en s’auto-désignant expert en islam, il allait se prendre les pieds dans le tapis et être placé devant la responsabilité d’un acte qu’il croyait de pure forme. Le marketing des idées a aussi ses revers, comme une mauvaise pub qui fait un « flop ».

La réalité de la détresse de Redeker ne semble pas faire de doute, qui n’était pas préparé par son statut d’intellectuel, à devoir vivre en clandestin selon les conseils que lui prodigue la DST. Mais les victimes de son attitude sont aussi son épouse et ses enfants que nul ne songe à soutenir et qui le méritent pourtant, totalement victimes, eux, de cette surenchère sécuritaire qui devrait cesser dans l’intérêt de tous.

CONCLUSION PROVISOIRE

Cet événement d’une importance factuelle dérisoire représente en réalité un événement majeur, révélateur d’un glissement de nos perceptions qui nous fait banaliser l’intolérance. On peut y voir l’effet de « la peur » qui a saisi nos sociétés depuis le 11 septembre 2001. On peut aussi y voir l’impact d’une sournoise propagande au quotidien qui travaille pour banaliser aussi bien le découpage du monde en un axe du bien et un axe du mal, légitimant toutes les lois sécuritaires et les guerres préventives. Il est dans ce contexte attendu que les intellectuels ne soient au service que d’une seule cause qui sert les intérêts de l’occident ; ceux d’entre eux qui tenteraient de garder une pensée « universaliste » sont suspects et discrédités, assimilés au camp déjà désigné ennemi !

Robert Redeker, dans sa sincérité délirante et sa phobie voyait partout une « islamisation des esprits » ; en réalité ce que cet événement a révélé c’est tout le contraire, c’est une ISLAMOPHOBISATION massive des esprits !

Parce que les mots « tuent » il ne faut banaliser aucun discours excessif. Le tribunal de Nuremberg n’a pas jugé des combattants de terrain qui auraient survécu à leurs crimes, il a jugé les penseurs et les instigateurs de ces crimes qui avaient élaboré une idéologie faisant de l’intolérance un dogme.

Il est fait appel à Voltaire en omettant de dire qu’il n’a jamais préconisé de taire la critique, mais seulement de la fonder sur la raison et non sur la force. Qui peut imaginer qu’un Voltaire aurait signé un soutien inconditionnel à une thèse dont il aurait détesté le contenu, sans engager toute son énergie d’abord pour la combattre. C’est ce que semblent avoir collectivement oublié nombre de ceux qui croient devoir donner leur bénédiction laïque à des propos islamophobes détestables. Tous ceux la sont déjà formatés à une pensée de l’intolérance qui pourrait bien mener le XXI ème siècle vers la tragédie.

Rares sont ceux qui s’interrogent, comme Mohammed Arkoun dans « Histoire de l’Islam en France » (Albin Michel 2006) sur l’émergence de l’islamisme mais aussi sur la construction médiatique de l’islamophobie. Assurément un ouvrage tel que celui là doit paraître insupportable à tous les annonciateurs du « Choc des civilisations ». Il se pourrait que la survie même de notre société dépende de notre capacité à reconquérir une pensée obscurcie, non par l’islam, mais notre peur de voir s’ébranler nos dogmes hégémoniques et nos certitudes intellectuelles.

EPILOGUE

Pendant que nos pseudo-intellectuels médiatiques font de la surenchère pour soutenir l’un des leurs engagé dans un combat douteux, le 7 octobre 2006 à Moscou tombait sous les balles la journaliste et écrivaine Anna Politkovskaïa dont une part de la vie a été consacrée à témoigner du sort fait au peuple tchétchène.

La Tchétchènie, cette ex-république musulmane de l’ex-empire soviétique est soumise à la folie d’une Russie gangrenée par la xénophobie, le racisme et particulièrement l’islamophobie. Anna Politkovskaïa défendait admirablement cette cause, non en soutien de la forme de ses combats, sachant refuser toutes les complaisances dans les deux camps, mais en soutien et par essence même d’une exigence de justice. Le racisme était totalement étranger à sa pensée et elle était libre de toute aliénation, philosophique, politique, matérielle ou religieuse ; pour cela elle était intolérable pour le pouvoir en place. Les tueurs ne lisaient certainement pas le Figaro ; mais pour exécuter un meurtre politique il faut à la fois mettre une arme au poing d’un homme et aussi lui vider le cerveau en l’abrutissant de discours haineux.

Nos frères tchétchènes seront demain plus seuls qu’hier, non seulement du fait de la volonté de Moscou, mais aussi parce que rendus plus vulnérables par le meurtre d’une femme libre dont la vie était consacrée à délégitimer tous les discours haineux «rédékériens » qui ne sont rien d’autre que des cautions avant meurtre.

Puisse cet événement contribuer à clore chez nous un débat ouvert après une sinistre tribune du Figaro dont le journal lui-même s’est désolidarisé.

Le seul débat qui doive être poursuivi, on peut même dire réouvert, c’est celui de la responsabilité des intellectuels face au monde réel, celui des enjeux de domination ou de résistance, d’aliénation ou d’émancipation humaine.

 




Qu’est-ce qui définit un juif et ses droits ?

imagesPQJSNVBUArticle de Robert THOMPSON publié en octobre 2006 sur le site de Michel Collon .

L’auteur est avocat honoraire au barreau de Boulogne-sur-mer. Il se présente comme « chrétien catholique engagé et pratiquant » et s’intéresse de longue date à la cause palestinienne et à la question du sionisme.

La thèse soutenue dans ce texte est que le sionisme est au fond une idéologie anti-sémite qui se fonde sur l’idée d’une race juive, idée chère à Hitler et portée aujourd’hui par le CRIF.

« Tristement, le CRIF est tombé entre les mains de voleurs, d’oppresseurs et d’assassins, que se réclamement du sionisme, et la vocation du cet organisme, qui devait représenter dans tous les domaines les Français de confession juive, en souffre beaucoup. Il a de grandes difficultés à remplir ces fonctions utiles, tellement il est tributaire de ces forces anti-démocratiques, et – pour utiliser un de leurs mots fétiches – anti-sémites, dans le sens que ceux qui sont anti-arabes. « 

Quelle est la vocation du CRIF ?

Ces idées viennent du 2 octobre 2006, Yom Kipour, le jour du grand pardon célébré par tout véritable juif, quand il demande pardon pour tous ses péchés de l’année écoulée.J’ai eu une pensée amicale pour nos concitoyens juifs, qui sont si souvent injustement accusés de ne pas être des français à part entière, et à ceux qui prétendent les représenter au sein de la nation.

Le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France), l’organe officiel de la communauté juive de France pourrait devenir fort utile, non seulement à cette communauté, mais également à la nation, s’il se limitait à sa vocation qui est double :
– en premier lieu, il doit rassembler les divers courants du judaïsme français, surtout les orthodoxes et les libéraux, pour mieux les représenter dans leurs contacts avec toute autre communauté religieuse du pays, avec les autorités de l’Etat et avec leurs concitoyens en général ;
– deuxièmement, il peut agir pour créer, et maintenir, des liens avec leurs co-religionaires partout dans le monde.

Je suis heureux, en tant que chrétien catholique pratiquant et engagé, de bénéficier d’un tel organe sous la forme de notre Conférence des Evêques de France, qui parraine des organisations non seulement pour nous réunir, mais en outre pour nous mettre en contact ensemble avec les autres communautés, et avec l’Etat. De telles activités sont totalement conformes à notre devise nationale, puisqu’elles donnent une force accrue à la Liberté, à l’Egalité, à la Fraternité, dans notre vie de tous les jours.

Mais, tristement, le CRIF est tombé entre les mains de voleurs, d’oppresseurs et d’assassins, que se réclamement du sionisme , et la vocation du cet organisme, qui devait représenter dans tous les domaines les Français de confession juive, en souffre beaucoup. Il a de grandes difficultés à remplir ces fonctions utiles, tellement il est tributaire de ces forces anti-démocratiques, et – pour utiliser un de leurs mots fétiches – anti-sémites, dans le sens que ceux qui sont anti-arabes.

Les dirigeants du CRIF, à la suite de leurs maîtres sionistes, semblent avoir accueilli des idées venant du dix-neuvième siècle, en acceptant les propos de l’allemand Wilhelm Marr, le fondateur de la Ligue Anti-sémite, lesquelles idées ont servi à fournir des arguments aussi racistes au Hongrois, Theodor Herzl, le mieux connu des fondateurs du sionisme. Marr a inventé l’idée d’une race juive , une thèse acceptée par la suite par Herzl et adoptée – avec joie – par Adolf Hitler.

Selon cette thèse, tout juif est défini non pas par les critères rabbiniques, mais par la descendance physique d’ancêtres juifs – ou par la conversion – sans le moindre souci que cette personne suive ou non les enseignements du judaïsme. Ainsi est né l’idée du juif séculaire, qui se sent membre de la tribu juive, mais qui n’a aucune intention de vivre en juif.

Soyons clairs, les juifs de France ont les mêmes droits de citoyenneté et les mêmes devoirs que tout autre français, qu’il soit chrétien, musulman, d’une autre religion ou sans appartenance religieuse, et ils ont – il me semble – de ce fait un devoir de réfléchir à tout ce qui peut arriver si l’on revient aux idées inspirées par Marr, Herzl et Hitler. Mais, les dirigeants du CRIF réclament le droit de défendre l’Etat sioniste, même contre les intérêts de leur propre pays, et ils se sont ainsi arrogé le droit d’ingérence en Palestine. Ils sortent ainsi de leur vocation française pour soutenir l’occupation d’un autre pays, sur un autre continent, par les envahisseurs sionistes du pays en question.

Il me semble juste de demander à toute personne qui soutient le CRIF d’expliquer pourquoi il fut le comble de l’horreur de voler, d’opprimer et d’assassiner des gens parce qu’ils furent censés être juifs, mais qu’il est acceptable en Palestine occupée de traiter les habitants de la même façon parce qu’ils ne sont pas censés – par les critères identiques, aux termes des « lois » dites d’Aliyah – être juifs. Personnellement, je condamne les sionistes et je leur applique les mêmes critères que j’applique aux nazis. Tout simplement, je rejette toute forme de ce genre de discrimination fondée sur la couleur de la peau, l’ethnie ou l’appartenance religieuse. Il est inacceptable d’appliquer des critères variables face aux mêmes thèses de supériorité raciale par lesquelles tout autre homme, femme ou enfant fait partie de la classe des Untermenschen. Il faut condamner le sionisme comme nous avons condamné l’apartheid sud-africain, et pour les mêmes motifs.

Il est impossible de voir en quoi le comportement des sionistes correspond aux enseignements du judaïsme, car, loin de représenter un désir de pardon, il ne témoigne que d’un désir de saisir par la force une terre qui appartient à un peuple qui n’avait aucune part dans les agissements anti-juifs en Europe. Certains commentataires arabes ont raison de faire la comparaison du sionisme avec les terribles erreurs du passé de ceux qui ont fait des Croisades une excuse pour aller piller la Terre Sainte, sans le moindre souci de la volonté des habitants de vivre en paix. Je me souviens bien de ce que m’ont dit des amis chrétiens en Syrie au sujet des Croisades. Ils m’ont informé que la population entière a résisté aux envahisseurs étrangers, et que cela explique pourquoi au sein de la résistance populaire contre les Croisés servaient non seulement des arabes musulmans, mais également d’autres qui furent chrétiens et juifs. Nous venons de voir le reflet de ceci au Liban, où la résistance du peuple libanais, quoique menée surtout par le Hizbollah chiite, a reçu l’approbation et le soutien populaire de gens de toute confession.

Tout juif doit avoir le droit d’aller visiter Jérusalem et tous les autres hauts-lieux du judaïsme, mais pour ce faire, il n’est pas nécessaire d’en exclure les autres branches de la famille d’Abraham, les chrétiens et les musulmans. En outre, il est évident qu’il n’existe aucune raison d’instaurer un « état juif » où que ce soit dans le monde . Comme j’ai souvent écrit, je considère que la taille maximum d’un état limité à une seule religion est atteinte par le Vatican. Je ne vois non plus la moindre justification pour la création de quelque pays que ce soit où il existe deux classes de citoyens, et où la « purification ethnique » puisse être une pratique courante. Personne ne peut me persuader qu’il est juste qu’un soi-disant juif – suivant bien sûr la définition établie par Marr, Herzl, Hitler et le Knesset – puisse venir de New York ou de Buenos Aires et avoir le droit de déplacer un bédouin du Naqab, dont la famille a vécu dans le même village non-reconnu depuis des siècles.

J’espère que les électeurs français, lors de la campagne présidentielle, poseront des questions aux hommes et aux femmes politiques – qui adorent se présenter aux diverses manifestations organisées par le CRIF – au sujet de ce qu’ils ou elles pensent de cet organe devenu surtout le porte-parole des sionistes. S’ils répondent, comme il est souvent le cas, « Israël a le droit de se défendre », il est temps pour tout démocrate de leur refuser le vote, car, quoique tout peuple a le droit de se défendre, aucun n’a le droit d’envahir un autre pays ni d’opprimer se habitants. L’état d’Israël, tel qu’il existe actuellement, n’a rien à défendre que son butin, et j’espère qu’un jour la Palestine historique deviendra un pays où chaque citoyen bénéficiera des mêmes droits et aura envers son état les mêmes devoirs sans distinction de religion ni de race. Soyons pas dupes du slogan stupide, selon lequel il s’agit de la seule démocratie au Proche Orient. Cela n’est vrai que si l’on approuve la démocratie des grecs de l’antiquité, où les citoyens avaient des esclaves, ce que sont devenus les gens de deuxième zone sans aucun droit sous la domination des sionistes.

source : http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2006-10-05%2006:20:49&log=invites

 




Au delà de toute comparaison

Jews_israel_nazi[1]Article de Gilad Atzmon du 10 août 2006

Traduit de l’anglais par M. Charbonnier et révisé par F. Giudice, membres de Tlaxcala www.tlaxcala.es réseau de traducteurs pour la diversité liguistique.

L’auteur est un musicien de Jazz, né en Israël en 1963 et exilé en Angleterre. Il a dernièrement composé la musique du dernier documentaire de Simone Bitton « Le mur » qui a obtenu le Grand Prix du Festival international du documentaire de Marseille 2004.


« L’action militaire israélienne est une agression injustifiée, effectuée dans un style digne d’Hitler, d’une manière fasciste. » Hugo Chávez , Président de la République bolivarienne du Venezuela

« A l’évidence, le Président Chávez a bien besoin de reprendre contact avec la réalité en ce qui concerne le conflit au Moyen-Orient. » Abraham H. Foxman , Directeur national (pour les USA)de l’Anti-Defamation League

 

Il y a incontestablement une tendance, chez nous tous – nous, les détracteurs d’Israël et du sionisme. A tout bout de champ, nous comparons Israël au Troisième Reich ; nous identifions l’armée israélienne – « Tsahal » – à la Wehrmacht ; nous trouvons une ressemblance entre les tactiques de l’aviation israélienne et les techniques du blitz de la Luftwaffe ; à l’occasion, nous associons les crimes de guerre de Sharon et d’Olmert à ceux d’Hitler. Je suis moi-même tombé dans ce piège, tête la première, à maintes reprises. Mais maintenant, ça y est, j’ai réagi : il faut qu’un terme soit mis à cette manière de s’exprimer, une bonne fois pour toutes !

Voir en Hitler le Mal absolu, cela revient tout simplement à capituler devant le discours siono-centriste. Considérer Hitler comme l’homme le plus perfide et le Troisième Reich comme l’incarnation du mal, cela n’a d’autre résultat que de sauver la mise à Israël. Comparer Olmert à Hitler, cela revient à fournir à Israël et à Olmert un bouclier moral. Cela maintient Hitler en tête du peloton, et cela permet à Olmert de se planquer juste devant la voiture balai.

Ma mère, qui est vraiment très clairvoyante, m’a coincé, un jour, il y a de cela bien des années… Je m’en souviens très bien. Elle m’a demandé : « Dis-moi, Gilad, pourquoi diable, tes amis et toi, vous éprouvez toujours ce besoin de comparer Israël aux Nazis ? Israël n’est pas assez horrible sans cela ? »

Sur le coup, j’ai trouvé son observation plutôt amusante, mais l’intuition cynique de ma mère était tout à fait pertinente. En effet, Israël est « assez horrible comme ça ».

Israël a d’ores et déjà démontré une interprétation unique en son genre de la notion de rouerie qui a réussi à surpasser tout autre mal. Il est grand temps que nous intégrions le fait qu’Israël et le sionisme sont le Mal absolu, sans aucun point de comparaison. Et si cela ne suffisait pas, rappelons que, contrairement au nazisme, qui appartient au passé, la malignité du sionisme est un crime qui continue à se dérouler, en empirant. Chávez avait, de toute évidence, le droit le plus absolu de déclarer ce qu’il a déclaré. Cependant, que l’adorable président du Venezuela me permette de lui rappeler qu’Hitler n’a jamais détruit par bombardements un quelconque pays en l’absence d’un quelconque motif. Or, c’est exactement ce que les Israéliens sont en train de faire depuis quatre semaines au Liban, et c’est ce qu’ils font, depuis des années et des années, à Gaza. Le spectacle du carnage et de la dévastation au Liban ne laisse aucune place au doute. La brutalité israélienne actuelle n’est rien d’autre que le mal pour le mal, une punition impitoyable. Israël est une réincarnation collective dévastatrice du Samson de la Bible. Israël est une réédition de l’homme tuant femmes, enfants et vieillards, c’est ce maître victorieux des représailles aveugles et arbitraires, tellement récurrent dans la Bible [que cela en devient lassant].

Depuis de longues années, les progressistes politiquement corrects qui se présentent eux-mêmes comme de gauche insistent à nous raconter que l’agression israélienne doit être analysée en termes d’expansionnisme colonial. Cette ligne de pensée continue à être propagée par quelques militants pacifistes juifs, un peu partout dans le monde. La raison est simple : aussi longtemps qu’Israël continuera à être considéré comme un État colonial, ils pourront continuer à appliquer au conflit moyen-oriental leur paradigme marxiste orthodoxe archaïque – remontant au dix-neuvième siècle. De plus, si Israël était bien effectivement une force coloniale régionale expansionniste, alors il n’y aurait rien de catégoriquement mauvais, chez les Israéliens ; ils seraient tout simplement comme l’étaient les Britanniques, avec un petit demi-siècle de retard, voilà tout…

Délirant ! L’interprétation surannée que nous venons d’évoquer est fondamentalement erronée et délibérément trompeuse. De plus, elle n’est plus applicable, même plus en tant que feuille de vigne à usage d’un « politiquement correct » judéocentrique. Il suffit de regarder la dévastation semée par l’aviation de guerre israélienne, de contempler la mort et le carnage au Liban : il n’y a plus l’ombre d’un doute, ce qui est en train de se passer n’a strictement rien à voir ni avec le colonialisme, ni avec l’expansionnisme. Le Liban et Beyrouth n’ont jamais fait partie des aspirations au Lebensraum des sionistes. C’est exactement le contraire qui est vrai : jusqu’à la fin des années 1960, les Israéliens étaient absolument persuadés que le Liban serait le premier pays arabe à faire la paix avec l’État juif. Israël n’a jamais eu aucune visée sur le territoire situé au Nord de la rivière Litani et, malgré cela, Israël a désormais détruit absolument tous les ponts, tous les aéroports, toutes les stations électriques du Liban. Les hôpitaux sont bombardés, des villages et des quartiers entiers ont été rayés de la carte, un millier de civils libanais ont perdu la vie et plus d’un million de citoyens libanais sont déplacés et sans abri.

Maintenant, ça suffit : il faut se lever et dire qu’à la différence des Nazis, qui respectaient les autres mouvements nationalistes – y compris le sionisme – Israël n’a strictement aucun respect pour quiconque, y compris ses voisins de palier. Il faut prendre conscience du fait que le comportement israélien est le summum de la barbarie biblique, après lequel il n’y a plus que le cannibalisme. Israël n’est rien d’autre que le mal pour l’amour du mal. C’est une perversion sans aucune comparaison.

Dès lors, entre Israël et les Nazis, il n’existe plus la moindre différence qui permettrait de procéder, à proprement parler, à une comparaison. Et si comparaison il devait y avoir, ce serait alors les Israéliens qui remporterait le championnat de la brutalité, pour des raisons évidentes. L’Allemagne nazie était une tyrannie, alors qu’Israël est une démocratie, gouvernée par un gouvernement d’union nationale majoritairement de centre gauche. Si nous n’avons à notre disposition aucun instrument objectif précis permettant de mesurer l’approbation des crimes nazis par le peuple allemand (pour commencer, les Allemands n’étaient pas informés des crimes homicides nazis. Ensuite, il n’existait en Allemagne, à l’époque, aucun organisme de sondage indépendant), la population israélienne, elle, approuve collectivement les crimes de son gouvernement au Liban, et ce fait est surabondamment attesté par une foultitude de sondages.

Les nazis étaient certes des expansionnistes au sens propre du terme : ils s’efforçaient de s’emparer de villes et de territoires intacts.

Les bombardements en tapis et la destruction de quartiers entiers densément peuplés, tellement tendance chez les militaires et les hommes politiques israéliens (ainsi qu’anglo-américains), cela n’a jamais fait partie de la tactique, ni de la stratégie des Nazis. Apparemment, Israël ne cherche pas à s’emparer du Liban ; les Israéliens ne semblent pas être intéressés par le territoire libanais. Non : tout ce qu’ils veulent, c’est démolir le Liban ! On peut se perdre en conjectures sur ce qu’ils cherchent véritablement ? De fait, personne, ni en Israël, ni où que ce soit ailleurs, du reste, ne le sait.

Veulent-ils démanteler le Hezbollah ? Assurément, ils ont réussi à faire exactement le contraire ! Leur impression que le Hezbollah ne serait qu’une petite faction de miliciens fondamentalistes minoritaires du point de vue religieux et qu’on aurait pu éliminer sans effort notable s’avère être une thèse ridicule, et cela est confirmé à chaque jour qui passe. Non seulement le Hezbollah a démontré qu’il est une force avec laquelle il faudra compter, mais il est aujourd’hui soutenu par 85 % des Libanais, y compris chez les chrétiens [dont 80 % soutiennent le Hezbollah .]

Israël veut-il conserver sa puissance de dissuasion ? Là encore, il a réussi à faire exactement le contraire. Désormais, tout Arabe sait que l’armée israélienne n’est plus si formidable et glorieuse que ça. De fait, les photos des godillots de soldats israéliens abandonnés sur le sol libanais en disent très long. Dans cette guerre, c’est le soldat israélien qui se débarrasse de ses rangers pour pouvoir courir plus vite tenter de sauver sa peau.

Israël veut-il assurer la sécurité de ses centres peuplés ? Il a, de toute évidence, réussi à faire exactement le contraire. Plus Israël détruit l’infrastructure du Liban, plus sont intenses les tirs de barrage de roquettes qui s’abattent sur les villes israéliennes. De fait, le moment où Tel Aviv pourra se faire une petite idée de ce à quoi ressemble la vie à Gaza et à Beyrouth n’est plus qu’une question de temps. Oui, c’est un fait : Israël n’a ni plan, ni stratégie ; en lieu et place, il pratique la forme la plus vile de zèle barbare collectif. Les Israéliens démolissent pour le plaisir de détruire. Israël est bien, en effet, un mal incomparable.

Néanmoins, force nous est bien d’admettre que les Nazis ont eu un succès assez remarquable pour ce qui est de provoquer un certaine outrage international. En-dehors du monde germanique [et de l’aristocratie britannique, ne l’oublions pas…], peu de gens aimaient Hitler.

En revanche, le cannibalisme israélien est absolument adulé par certains dirigeants occidentaux, et ce sont Blair, Bush et même Merkel qui ont trop peur pour s’opposer à la barbarie sioniste. Alors que le nazisme a été vaincu douze ans après son accession au pouvoir, la brutalité sioniste est une boule de neige d’une haine repoussante, qui ne connaît ni limites ni fin. Cette boule de neige de haine roule sur l’Occident, y recrutant les forces les plus détériorées sur le plan moral qu’elle y rencontre sur son passage, qu’il s’agisse de Blair et de son engeance ou de fondamentalistes chrétiens extrémistes américains. Le sionisme vise à faire de notre Planète un champ de bataille ensanglanté. Pour le moment, il est en train de transformer les institutions de l’Onu en une marionnette néoconservatrice américaine.

Il est grand temps de reconnaître que les sionistes sont au centre même de ce qu’on appelle le « clash entre cultures ».

Alors que le Nazisme était un mouvement nationaliste expansionniste aux ambitions extensives, mais néanmoins limitées, les lobbies sioniste et israélien tentent de remettre au goût du jour l’idée d’une croisade planétaire, au nom d’une guerre de religion très bizarre (censée opposer on ne sait trop quels « judéo-chrétiens » aux musulmans). Si nous voulons sauver le monde, si nous voulons vivre sur une planète humaine, nous devons nous concentrer sur le pire ennemi de la paix, sur ces ennemis qui sont roués pour le plaisir de faire le mal : j’ai nommé l’État d’Israël et le sionisme mondial.

Il est plus que temps de sortir du placard et de dire tout cela, et à haute et intelligible voix. Israël et le sionisme mettent le monde en danger. Ce ne sont pas « seulement » le Liban, la Palestine et les Arabes, qui souffrent. C’est désormais la Grande-Bretagne et l’Amérique qui sont entraînées dans une guerre stupide. C’est l’ensemble de l’Occident qui se voit sommé de tenter de sauver ce que les Israéliens n’ont pas fini de bousiller au Liban.

Nous devons tous nous dé-sioniser, tant qu’il en est encore temps !

Nous devons comprendre que c’est Israël qui incarne le Mal absolu, et non pas l’Allemagne nazie. Abe Foxman et l’Anti-Defamation League ont raison – une fois n’est pas coutume : nous avons tous besoin de reprendre contact avec la réalité.

Nous ne devrions plus jamais comparer Israël à l’Allemagne nazie.

Dans la course à l’horreur, nous devons désormais laisser Israël prendre la tête du peloton, et la conserver…

Sources :
Article original sur le site de Gilad Atzmon
Traduction de Marcel Charbonnier, révisée par Fausto Giudice, sur le site de Tlaxcala.

 




I am with Terrorism

Nizar-Kabani-3[1]Poème de Nizar Qabbani (1923-1998).

L’auteur était un syrien, poète et diplomate. « I am with terrorism », publié le 15 avril 1997 dans Al-Hayat, est un de ses derniers poèmes.

On nous accuse de terrorisme
quand nous défendons la rose et la femme,
la poésie aux vers si puissants et le bleu du ciel.
Cette « autorité » avec rien dedans :
pas d’eau, pas d’air,
pas une tente, pas un chameau,
pas même de noir café arabica !!!

On nous accuse de terrorisme
quand nous refusons de mourir
sous les bulldozers d’Israël
qui déchirent notre terre et notre histoire,
notre Bible et notre Coran,
qui déchirent les tombes de nos prophètes.
Mais quand tel est notre péché,
qu’il est noble, ce terrorisme !

On nous accuse de terrorisme
quand nous refusons d’être effacés
de la main du Mogol, des Juifs et des Barbares,
quand nous jetons des pierres
dans les vitres du Conseil de sécurité
après que le César des Césars s’en est emparé.

On nous accuse de terrorisme
quand nous refusons de discuter avec le loup
et de serrer la main de la grande putain.
Amrika,
face aux cultures des peuples,
tu n’as pas de culture.
Face aux civilisations des civilisés,
tu n’as pas de civilisation.
Amrika au si puissant édifice,
tu n’as même pas de murs !

On nous accuse de terrorisme
quand nous refusons cette époque
où Amrika a mis sa folie,
sa richesse, sa puissance,
au service d’Israël.

On nous accuse de terrorisme
quand nous jetons une rose
sur Jerusalem,
sur al-Khalil,
sur Gaza,
sur an-Nasirah,
ou quand nous apportons pain et eau
à Troie assiégée.

On nous accuse de terrorisme
pour avoir élevé la voix
contre les régionalistes parmi nos dirigeants.
Tous ont changé d’allure :
de partisans de l’union
ils sont devenus hommes d’affaires.

Quand nous commettions cet atroce délit de culture,
quand nous nous révoltions contre les ordres du grand calife
et contre le siège du califat,
quand nous apprenions la jurisprudence et la politique,
quand nous rappelions Dieu
et que nous lisions la sourate al-Fatah
[le chapitre qui parle précisément de la conquête],
quand nous écoutions le sermon du vendredi,
c’est alors que nous étions bien imprégnés
de l’art du terrorisme !

Nous sommes accusés de terrorisme
quand nous défendons la terre
et l’honneur de la poussière qui la couvre,
quand nous nous révoltons contre le viol des peuples
et du nôtre en particulier,
quand nous défendons les derniers palmiers de notre désert,
les dernières étoiles de notre ciel,
les dernières syllabes de nos noms,
les dernières gouttes de lait du sein de nos mères.
Mais quand tel est notre péché,
qu’il est noble, ce terrorisme !

Je suis avec le terrorisme
quand il peut me sauver
de ces immigrés de Russie,
de Roumanie, de Hongrie, de Pologne.
Ils se sont installés en Palestine,
ont posé les pieds sur nos épaules
pour nous voler les minarets d’al-Quds
et la porte d’Aqsa,
pour voler les arabesques et les coupoles.

Je suis avec le terrorisme
quand il veut libérer le Messie, Jésus de Nazareth,
et la vierge, Meriam Betula, et la cité sainte
des ambassadeurs de la mort et de la désolation.

Naguère encore,
la rue nationaliste était ardente
comme un cheval sauvage,
les rivières abondaient de l’esprit de la jeunesse.

Mais après Oslo,
nous n’avions plus de dents :
aujourd’hui, nous sommes un peuple aveugle et perdu.

On nous accuse de terrorisme
quand nous défendons de toutes nos forces
notre héritage poétique,
le rempart de notre nation,
notre civilisation rose,
la culture des flûtes de nos montagnes
et les miroirs reflétant des yeux noircis.

On nous accuse de terrorisme
quand nous défendons nos écrits,
l’azur de notre mer
et l’arôme de l’encre, .
quand nous défendons la liberté du mot
et la sainteté des livres.

Je suis avec le terrorisme
quand il est capable de libérer un peuple
des tyrans et de la tyrannie,
quand il est capable de sauver l’homme
de la cruauté même de l’homme,
de rendre les citronniers, les oliviers
et les oiseaux au Sud du Liban,
de rendre son sourire au Golan.

Je suis avec le terrorisme
s’il peut me délivrer
du César de la Judée
et du César de Rome.

Je suis avec le terrorisme
aussi longtemps que ce nouvel ordre mondial
sera partagé en parts égales
entre Arrika et Israël.

Je suis avec le terrorisme
avec toute ma poésie,
avec tous mes mots
et avec mes dents
aussi longtemps que ce nouveau monde
sera aux mains d’un boucher.

Je suis avec le terrorisme
si le sénat américain
applique ses jugements, ses décrets,
ses récompenses, ses châtiments.

Je suis avec l’irhab (le terrorisme)
aussi longtemps que ce nouvel ordre mondial
détestera l’odeur des Arabes.

Je suis avec le terrorisme
aussi longtemps que le nouvel ordre mondial
voudra massacrer ma progéniture
et la donner en pâture aux chiens.

Pour tout ceci,
je le crie de toute ma voix :
Je suis avec le terrorisme
je suis avec le terrorisme
je suis avec le terrorisme !!!

Nizar Qabbani
Londres, 15 Avril 1997

Traduit et adapté de l’anglais par J.M. Flémal

 

 

 

 




De l’arrogance à l’humiliation ou la défaite d’Israël au Liban

400-2-6-b0f3c[1]Analyse du CAP de la déroute israélienne au Liban pendant l’été 2006.

Depuis près de 60 ans, le Peuple palestinien est toujours debout contre l’infernale machine de guerre juive. La même logique prévaut au Liban. Depuis l’invasion de ce pays en 1982, jamais la résistance libanaise n’a cédé. Le mythe de l’invincibilité de l’armée coloniale s’est effondré et les crimes commis au Liban ont rappelé la véritable nature de l’Etat sioniste.

Jamais la résistance palestinienne n’a baissé les bras malgré les ressources militaires (fournies par les Etats-Unis et l’Europe), financières (3 milliards de dollars sont versés par les USA chaque année), idéologiques (l’accès aux grands médias) dont dispose l’Etat colonial d’Israël. Au contraire, cette résistance en est sortie plus forte, plus unie, plus disciplinée. Au point que les Israéliens pensent que la résistance du peuple palestinien tient du miracle.

Depuis près de 60 ans, le Peuple palestinien est toujours debout contre l’infernale machine de guerre juive, créée en 1948 pour voler la terre, coloniser et faire disparaître le peuple palestinien.

Aujourd’hui l’occupant en vient même à organiser la famine à Gaza et en Cisjordanie, continue à massacrer la population et à kidnapper de nombreux représentants démocratiquement élus. La même logique prévaut au Liban. Depuis l’invasion de ce pays en 1982, jamais la résistance libanaise n’a cédé. La défaite cuisante et historique que vient de subir l’entité sioniste usurpatrice en est une démonstration irréfutable. Non seulement, elle n’a pas récupéré ses deux soldats arrêtés sur le territoire libanais, mais elle n’a pas non plus réussi à détruire l’ossature de la résistance libanaise : le Hezbollah. Déjouant toutes les prévisions, ce dernier a infligé une leçon à Israël et à tous les Etats occidentaux et arabes qui ont soutenu cette agression coloniale contre le peuple libanais.

Bien mieux, le Hezbollah en est sorti renforcé et plus populaire que jamais. La seule réussite de l’Etat terroriste israélien est là aussi d’avoir miné ses propres bases et unifié le peuple libanais. En « Israël », l’heure est aux règlements de compte sur la conduite de cette guerre, les affaires en tous genres éclatent au grand jour.

Le mythe de l’invincibilité de l’armée coloniale s’est effondré et les crimes commis au Liban ont rappelé la véritable nature de l’Etat sioniste.

Cette sixième guerre menée contre un pays voisin est un pas de plus dans le processus d’autodestruction de l’Etat colonie. Il en fera d’autres dans ce sens, puisqu’il ne connaît que la logique de la force. Par trois fois, il a déjà violé la « cessation des hostilités » exigée par la résolution 1701 votée le 11 août 2006. Pourtant cette résolution a été adoptée dans l’objectif de servir les intérêts israéliens : désarmer la résistance libanaise par des forces internationales sous l’égide de l’ONU. Mais parmi les puissances européennes, il y a beaucoup d’hésitations. Et on les comprend car les terroristes ne sont pas ceux que l’on croit. D’un côté la résistance libanaise ne désarmera pas tant que la menace israélienne persistera et de l’autre, l’Etat colonial juif est connu pour ne respecter aucune résolution de l’ONU et n’a jamais hésité à tuer des casques bleus. Mais il ne faut pas être dupe sur les objectifs de cette résolution 1701 car les Nations Unies n’ont jamais envisagé d’envoyer une force de protection du peuple palestinien contre les massacres perpétrés par les sionistes. Or il y a fort à parier qu’après la défaite au Liban et afin de satisfaire son opinion publique, Israël redouble de violence en Palestine.

Dans le cadre du projet « Grand Moyen-Orient », les USA et Israël ont pour ambition de mettre au pas les résistances populaires en morcelant les peuples de cette région sur la base d’appartenances religieuses ou ethniques. Le but est de diviser pour mieux régner afin de contrôler les riches réserves pétrolières. Mais ce plan impérialiste est contrecarré par les résistances en Palestine, au Liban, en Irak, en Afghanistan et en Iran.

Dans ce contexte, la victoire de la résistance libanaise fait enfin naître un espoir de voir disparaître le système colonial et raciste israélien, condition sine qua non à la justice et à la paix dans cette région du Monde.

 COMITE ACTION PALESTINE

 




Israël : l’Etat de la guerre permanente

PJC_HorreurGhaza14[1]Tract et première analyse du CAP sur les évènements de l’été 2006 en Palestine et au Liban.

Aujourd’hui comme depuis près de soixante ans, l’Etat-colonie, nommé « Israël », sème la mort en Palestine comme dans tous les pays voisins

Après l’arrestation de trois soldats ennemis par la résistance palestinienne et libanaise en vue de les échanger contre les 10 000 prisonniers enlevés par l’armée coloniale, la machine à tuer israélienne a laissé libre cours à ses instincts : bombarder les civils et détruire, tout en faisant passer les Israéliens pour des victimes. Ce que les grands médias français dans leur servilité habituelle tentent de relayer. Certes, « la réaction est disproportionnée » expliquent ces médias, mais « les hostilités ont été déclenchées par le Hamas et le Hezbollah ». Sauf que les faits sont têtus et montrent que les différents bandits sionistes qui ont dirigé « Israël » depuis 1948 n’ont jamais cessé de terroriser le peuple palestinien et tous les peuples de la région.

Ainsi l’histoire d’Israël est jalonnée de crimes contre l’Humanité en Palestine

Les massacres de Deir Yassin en 1948, de Qibya en 1954, la dévastation de Jénine en 2002 et celle de Rafah en 2004, les tueries quotidiennes, le vol des terres à Gaza ou en Cisjordanie dévoilent le vrai visage de cet État colonial : il s’agit bel et bien d’une volonté de purification ethnique inscrite dans le projet sioniste, purification ethnique commencée en 1948 lorsque l’armée terroriste expulse près de 800 000 Palestiniens. Il y a aujourd’hui 5 millions de réfugiés pour la plupart entassés dans des camps. Le projet colonial israélien est de vider la Palestine de ses habitants arabes pour les remplacer par des juifs. Tout le reste n’est que discours destiné à rendre légitime cette politique génocidaire qui ne dit pas son nom.

Cette entreprise criminelle a atteint un stade ultime depuis la victoire des candidats du Hamas aux élections législatives du 25 janvier 2006 : il s’agit d’obtenir la reddition du peuple palestinien en le soumettant à un blocus économique qui le prive de ses ressources financières et des biens de première nécessité. A cet étranglement économique s’est ajouté le kidnapping par l’armée d’occupation de représentants palestiniens démocratiquement élus. Affamer et décapiter la résistance, telle est la stratégie politique d’une dictature coloniale digne de ce nom.

Aujourd’hui, la stratégie de la terreur au Liban en rappelle d’autres

Après l’agression contre l’Egypte en 1956 et l’occupation de Gaza, Cisjordanie, Jérusalem –Est et du Golan syrien en 1967, « Israël » attaque pour la première fois le Liban en 1968. En 1978, il envahit le sud du Liban et quatre ans plus tard massacre plus de 20 000 civils libanais et 3000 réfugiés palestiniens à Sabra et Chatila.

Mais en 2000, l’Etat criminel d’ « Israël » est vaincu, humilié et éjecté hors du Liban grâce à la résistance conduite par le Hezbollah. C’est une défaite que l’entité sioniste n’a jamais digérée. Depuis cet Etat n’a eu de cesse de provoquer la guerre civile au Liban dans le but de soumettre ce pays à sa domination. Encore une fois c’est un échec et c’est ce qui explique la sauvagerie des bombardements israéliens actuels pour diviser et affaiblir le peuple libanais. Dans ce contexte de radicalisation, la plupart des dictatures arabes ont montré leur vrai visage : elles soutiennent la dictature coloniale israélienne contre les résistances populaires au Liban ou en Palestine qui pourraient s’étendre et les balayer un jour.

Les résistances libanaise et palestinienne sont sommées aujourd’hui par les Chirac, Olmert, Bush et consorts de déposer les armes, conformément à la Résolution 1559 votée à l’initiative de la France et des Etats-Unis. Parions que cette Résolution sera appliquée dès lors qu’Israël appliquera les dizaines de Résolutions de l’ONU, dont le droit de retour de tous les réfugiés et la fin de l’occupation en Palestine. Comment expliquer que les grandes puissances n’ont jamais poussé « Israël »à respecter ces Résolutions ? La réponse est simple : la dictature coloniale israélienne est leur gendarme dans le Moyen-Orient.

L’enjeu est le contrôle des réserves pétrolières de la région. Plus globalement, l’enjeu est de maintenir la domination économique occidentale sur le reste du monde, c’est-à-dire sur la 4/5ème de l’humanité qui vit dans la pauvreté. La domination coloniale et néo-coloniale prévaut toujours.

Mais nous faisons confiance aux peuples et à leur capacité de résistance.

L’Histoire est de leur côté. La défaite américaine au Vietnam n’a pas été obtenue par une résolution de l’ONU mais grâce à la résistance héroïque du peuple vietnamien. Cuba résiste toujours malgré une quarantaine d’années d’embargo; le peuple vénézuélien et le peuple bolivien sont entrés dans la résistance face à la domination américaine. C’est toute l’Amérique latine, celle des classes populaires, qui peu à peu tient tête aux visées impérialistes des Etats-Unis. En Irak comme en Afghanistan, la résistance ne faiblit pas, bien au contraire, elle inflige des pertes toujours plus grandes à l’ennemi américain et à ses alliés.

Aujourd’hui il y a deux voies possibles : il y a celle de la résignation et de la soumission à un ordre mondial injuste et meurtrier et il y a celle de la résistance et de la solidarité entre les peuples. En Palestine occupée, le peuple Palestinien est toujours debout, uni depuis près de soixante ans contre l’infernale machine de guerre coloniale israélienne. Il nous indique la voie à suivre.

Nous, membres du CAP, nous sommes à ses côtés sur ce chemin.

Plus que jamais nous devons soutenir la lutte du Peuple Palestinien jusqu’à la victoire de la résistance et la satisfaction des revendications légitimes :

La fin de l’occupation et le droit à l’autodétermination

Le droit au retour des réfugiés palestiniens chez eux

La libération de tous les prisonniers palestiniens

COMITE ACTION PALESTINE