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Interview du représentant du Mouvement du Jihad Islamique au Liban, Abu Imad al-Rifa’i

le 21/2/2007 11:00:00 (532 lectures)

 

Interview de Abu Imad al-Rifa’iJan, représentant du Mouvement du Jihad Islamique au Liban, réalisée par le Centre d’Information sur la Résistance en Palestine le 30 janvier 2007.

Pas un jour, pas une semaine ne passent en Palestine sans l’annonce d’arrestations ou d’assassinats de membres ou cadres du mouvement du Jihad islamique par l’occupation sioniste.

Mouvement islamique de résistance, le Jihad islamique est né dans la bande de Gaza à la fin des années 70. Il prône la résistance à l’occupation et refuse catégoriquement toute lutte interne.

Ce sont d’ailleurs les responsables du Jihad islamique, aux côtés des autres formations politiques, qui sont sollicités pour mettre fin aux conflits internes qui secouent la scène palestinienne, ayant la confiance de plus d’un partenaire palestinien.

C’est cette position charnière dans le paysage politique de la résistance palestinienne que le CIREPAL a voulu faire connaître dans cette longue interview de Abu Imad al-Rifâ’i, représentant du mouvement au Liban.

CIREPAL : Comment analysez-vous la situation en Palestine, dans le cadre régional et international ?

Abu Imad : Au nom de Dieu, le Clément et le Miséricordieux.
Sans revenir à l’histoire du vécu du peuple palestinien et de l’injustice qu’il subit depuis l’occupation, rappelons que la première intifada constitue une étape importante dans l’histoire de la lutte du peuple palestinien. En raison de conditions diverses, internes et objectives, de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui fut encerclée et sur laquelle furent exercées des pressions, celle-ci n’a pas pu mettre en avant cette lutte et fut contrainte d’aller signer les accords d’Oslo.

Depuis la signature des accords d’Oslo jusqu’à 2000, nous avons constaté que l’entité sioniste n’a pas respecté ces accords, malgré toutes nos réserves sur ces accords, en tant que Palestiniens et en tant que mouvement du Jihad islamique, car ils ne remplissent même pas le minimum des revendications palestiniennes.

D’importantes pressions internationales, américaines notamment, et israéliennes furent exercées sur le peuple palestinien pour qu’il accepte cette situation, et des pressions furent exercées sur le président Arafat pour qu’il fasse des concessions à Camp David, des concessions par rapport aux 20% de nos terres.

Plusieurs forces avaient refusé les accords d’Oslo et ont poursuivi la résistance, et à mon avis, elles ont maintenu le terrain fertile pour le renouvellement de l’Intifada, en 2000, face à cette entité sioniste qui a morcelé la terre palestinienne et son peuple et l’a assiégé sur le plan économique.
[…]
En 2000, l’intifada constitua une nouvelle étape dans la lutte, et toutes les forces palestiniennes avaient posé pour objectif de cette nouvelle lutte la fin de l’occupation et le retour aux frontières du 4 juin 1967. Mais cela n’a jamais signifié pour les mouvements de la résistance, ou du moins pour certains d’entre eux, la reconnaissance de l’entité sioniste. L’objectif était donc de repousser l’occupation jusqu’aux frontières du 4 juin 1967 et de lever tous les obstacles qui ont morcelé le territoire palestinien.

La résistance a réussi à repousser l’occupation hors de la bande de Gaza, bien sûr, il ne s’agit pas d’un retrait entier, car les passages sont toujours sous la domination israélienne, mais sur le terrain, au niveau des colonies, il s’agit d’une réalisation du mouvement de la résistance palestinienne, qui a obligé l’occupant à démanteler les colonies.

Nous tenions, dès ce moment, à poursuivre la lutte, pour obliger l’occupant à se retirer de la Cisjordanie aussi, et nous avons poursuivi la résistance, seule capable d’imposer de nouvelles réalités sur le terrain, en obligeant l’entité sioniste à se retirer des territoires occupés en 1967, car les négociations ont prouvé leur stérilité.

Concernant les élections législatives qui se sont déroulées en 2006, nous avions dès le départ considéré que ces élections ne sont pas différentes des précédentes, elles se déroulent sous occupation et ont pour couverture les accords d’Oslo. Nous avons dès lors décidé de ne pas y participer. Mais les frères dans le mouvement Hamas avaient leur propre réflexion. Nous avons considéré que les élections avaient plus d’aspects négatifs que positifs et avions discuté avec les partenaires palestiniens, notamment avec le mouvement Hamas. Les Etats-Unis ne se soucient pas de la démocratie, ce qui les intéresse dans les élections, c’est uniquement de voir les urnes et la participation. Rien de plus. Lorsque les élections ont lieu, elles sont considérées démocratiques si elles vont dans le sens des Etats-Unis et d’Israël, la démocratie n’est en fin de compte pour eux qu’un critère pour ceux qui suivent leur voie.

L’expérience des élections l’a prouvé. La participation et l’élection des frères du Hamas au conseil législatif ne leur ont pas donné la légitimité, même en tant que force ayant été élue démocratiquement. Il n’a pu exercer son rôle de direction dans l’Autorité palestinienne alors qu’il représente la majorité du conseil législatif.

Ce que voulaient en réalité l’entité sioniste et l’administration américaine qui ont exercé des pressions sur certaines parties arabes et musulmanes, pour assiéger le gouvernement du Hamas, c’est qu’il reconnaisse l’entité sioniste et qu’il mette fin à la résistance. Ils exigent surtout que le gouvernement reconnaisse les accords signés et notamment les accords d’Oslo. Ceci indique que la communauté internationale ne respecte pas les choix des peuples, et surtout le choix du peuple palestinien, qui veut en finir avec l’occupation.

Par conséquent, nous sommes devant une situation où le pouvoir palestinien est assiégé politiquement, économiquement, avec des tentatives de susciter des luttes internes, au moment où faut préserver le projet de la résistance, en général.

Si nous analysons la situation palestinienne dans le cadre de la situation régionale et générale, nous remarquons que dans la région, l’administration américaine est en voie de susciter les conflits et les séditions dans les pays arabes, elle vise à étendre les luttes intestines non seulement entre les partis politiques ou les divers nationalismes mais aussi entre les confessions, parce que l’administration américaine veut que les Musulmans entrent dans des conflits qui les éloignent de la question principale, qui est la présence de l’entité sioniste, entité qui occupe, colonise, tue, détruit et domine la Palestine, mais aussi la présence américaine dans la région qui pille et maîtrise nos biens et nos ressources.

Ainsi, les Israéliens et les Américains cherchent à susciter les querelles et les conflits entre partis, confessions et ethnies dans cette région en vue de la diviser, et pouvoir imposer leurs conditions sur les peuples.

Ils veulent par ailleurs détruire l’image radieuse de la résistance dans le monde arabo-musulman, ils veulent liquider l’esprit de la résistance au sein des peuples du monde arabo-musulman, que ce soit la résistance en Palestine et ses acquis ou la résistance au Liban et ses acquis face à l’entité sioniste. Durant 33 jours, la résistance au Liban a pu faire face à une des armées les plus puissantes dans le monde et en Palestine, l’Intifada Al-Aqsa qui entre dans sa septième année résiste toujours à la répression, à la violence des chars israéliens et la machine sioniste de la mort.

Cette résistance, qui constitue un stimulant et un catalyseur au sein des peuples arabo-musulmans, ils réclament sa destruction. C’est ce qui se déroule au Liban et en Palestine, ils veulent détruire la résistance en la détournant vers des conflits et luttes internes et marginales.

Pour notre part, nous avions toujours affirmé que la démocratie américaine est une illusion. Les Etats-Unis ne permettront pas l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement qui exerce ses tâches en tant que gouvernement, il ne peut y avoir qu’une forme d’Autorité, avec un semblant d’autonomie, ils ne veulent même pas un Etat. Par conséquent, la période que nous vivons est une période de libération nationale et non une période de recherche d’acquis, ici ou là, nous devons poursuivre la résistance pour réaliser entièrement nos droits et ensuite, nous pourrons discuter d’un gouvernement, d’une Autorité ou autre forme qui puisse répondre aux attentes de notre peuple.

Actuellement, en Palestine, nous assistons à une extrême tension interne dont sont responsables les pressions et les incitations américaines. Il y a des tentatives israélo-américaines pour soutenir une partie au dépend d’une autre, il y a aussi un silence ou plutôt une implication arabe dans ce qui se passe au niveau palestinien. Cette situation tendue explose de temps en temps, comme nous l’avons vu récemment lors des affrontements entre les mouvements du Hamas et du Fateh.

Pour nous, évidemment, nous ne pouvons admettre l’écoulement du sang, la cible doit être l’occupation israélienne qui fait couler notre sang tous les jours. Les luttes internes ne peuvent qu’avoir des effets négatifs sur la cause palestinienne et peuvent amener les peuples qui sont solidaires avec nous de cesser leur sympathie. Par conséquent, nous n’avons d’autre choix que de rechercher les points communs entre tous, pour arrêter ce processus, tout en mettant en avant que le moment n’est pas venu pour rechercher les gains ou le pouvoir. Nous devons plutôt consacrer nos forces pour repousser l’occupation israélienne.

Nous pensons que la situation est extrêmement dangereuse et en tant que mouvement, nous avons pris la décision de faire cesser ces luttes intestines, en rapprochant les points de vue de façon à faire participer les parties en conflit, en mettant en avant que ces luttes ne servent pas la cause palestinienne. La seule issue est d’instaurer des mécanismes pour le dialogue entre le Hamas et le Fateh. Par contre, si la situation se poursuit ainsi, dans le cadre des pressions américaines et le siège arabe imposé contre le gouvernement palestinien, sans proposer des solutions logiques et réalistes pouvant mettre fin à ce cauchemar, la situation en Palestine sera encore pire.

Nous pensons que si les Arabes avaient fait réellement un effort dans le sens de calmer la situation, cela aurait eu des effets bénéfiques et aurait mis fin aux luttes intestines entre le Fateh et le Hamas. Ce que nous apercevons, c’est que les Arabes ne peuvent intervenir que dans le cadre des pressions américaines et selon les désirs des appareils sécuritaires sionistes et américains.

CIREPAL : Mis à part le fait que le Hamas a participé aux élections qu’il a remportées, où se situe sa responsabilité, alors que nous voyons que son gouvernement a été assiégé et qu’il subit plutôt des pressions de l’ensemble de la communauté internationale ?

Abu Imad : Il est vrai que le Hamas a participé aux élections législatives et les a remportées, et quiconque remporte les élections a le droit de former le gouvernement. Mais la première responsabilité est celle de la position arabe officielle, qui n’a envisagé la cause palestinienne que du point de vue américain, et qui, de plus, a exercé des pressions sur la partie palestinienne et les forces de la résistance, en faveur de l’entité sioniste. Au lieu d’être un élément de pression sur la partie américaine, en faveur du peuple palestinien.

L’autre responsabilité est celle de la communauté internationale, qui a demandé la tenue des élections mais qui a refusé ses résultats. Nous constatons qu’il n’y a pas une communauté internationale exerçant librement ses actions pour régler les conflits dans le monde, et non seulement dans la région, elle exerce son rôle selon la vision américaine. De plus, la communauté internationale a participé au siège contre le peuple palestinien, ce siège n’est pas imposé contre le gouvernement du Hamas, mais contre le peuple palestinien pour l’amener à se soumettre et à s’agenouiller, à accepter l’entité sioniste et l’occupation.

Le troisième niveau de responsabilité, si l’on excepte le rôle américain et sioniste, est celui de l’Autorité palestinienne, et notamment de la présidence, lorsque la mobilisation et la campagne se sont menées, au sein du Fateh, pour dire que Hamas est le problème et qu’il est responsable du siège. Alors que la lecture objective de la situation montre au contraire que le siège imposé sur le peuple et le gouvernement palestiniens est dû au refus par l’administration américaine et de parties dans le Quartet des positions du Hamas.

Donc, la responsabilité de la situation actuelle n’est pas le fait du Hamas, mais nous disons que dans le cadre du soutien américain (à Israël), du siège imposé contre les Palestiniens, du silence de la communauté internationale et de l’absence du rôle des gouvernements arabes, tout cela intensifie la crise et complique la situation, notamment lorsqu’il y a soutien d’une partie au détriment de l’autre. La responsabilité n’est évidemment pas celle du mouvement Hamas, mais nous rappelons qu’il avait déclaré, comme nous tous, que l’écoulement du sang palestinien est une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir. Donc, il ne faut absolument pas entrer dans une lutte interne, quelles que soient les raisons car l’écoulement du sang palestinien dans des luttes internes ne peut qu’élargir le fossé entre les fils du peuple palestinien.

Ensuite, les frères du Hamas, dès les premiers instants où ils ont senti qu’il y a refus international de leur gouvernement, qu’il y a un siège contre eux, ils auraient dû lire exactement ce que cela signifie et se retirer du gouvernement. Ils auraient dû dire qu’en conséquence de l’attitude internationale qui refuse de reconnaître un gouvernement élu démocratiquement, ils ne seraient pas prêts à reconnaître tout autre gouvernement dans le futur, et par conséquent, tout gouvernement formé après celui du Hamas serait un gouvernement illégal, puisqu’il est accepté par l’occupation sioniste.
A partir de là, il évite de tomber dans la guerre civile et se dirige clairement vers la résistance, tout en montrant au monde entier que la démocratie à laquelle appelle l’Occident, et le processus démocratique auquel il a appelé n’est qu’un mensonge. Il ne faut donc compter ni sur la communauté internationale ni à plus forte raison sur les Etats-Unis qui sont considérés comme les parrains du processus du paix dans la région. Nous ne comptons que sur Dieu, gloire à Lui, sur la volonté de notre peuple et la volonté des peuples de la nation, et sur la résistance, en tant que seule alternative pour récupérer la terre volée par l’occupation.

CIREPAL : Est-ce que vous proposez cette alternative aux frères du Hamas ?

Abu Imad : Nous avons fait une déclaration dans ce sens. Plus longtemps le Hamas reste dans le gouvernement, plus la situation se complique pour qu’il puisse en sortir. Il aurait dû le faire au début, cela aurait été plus simple. Les autres organisations doivent mobiliser leurs efforts, à l’heure actuelle, pour empêcher que le conflit entre les deux mouvements, Hamas et Fateh, aille plus loin.

CIREPAL : Depuis la rencontre du Caire entre les organisations palestiniennes, aucun pas n’a été fait pour réorganiser l’OLP. Où sont les voix palestiniennes qui contestent le fonctionnement de l’OLP ?

Abu Imad : L’OLP a été vidée de son contenu depuis les accords d’Oslo et je pense que l’administration américaine a tout fait, ces dernières années, pour écarter l’OLP, en faisant de l’Autorité palestinienne le représentant du peuple palestinien et qui signe les accords. Le but était d’écarter l’OLP et la remplacer par l’Autorité palestinienne qui est plus apte à faire des concessions dans le cadre des pressions internationales.

De notre côté, nous avons déclaré que nous n’avons aucun problème pour revenir à l’OLP et préserver cet organisme, comme l’ont déclaré l’ensemble des organisations palestiniennes.

Au Caire (en 2005), l’accord qui a eu lieu a décrété la trêve et la réorganisation de l’OLP. Nous étions prêts à faciliter tous les pas pour que l’OLP puisse être de nouveau l’organisme représentatif de toutes les composantes du peuple palestinien et de ses objectifs, pour que l’OLP puisse être comme auparavant, qu’elle puisse exercer son rôle en tant qu’organisation rassemblant toutes les forces palestiniennes.

En réalité, nous avons ressenti, à la conférence du Caire, que certaines parties, dont M. Mahmoud Abbas, ne voulaient rien d’autre que la trêve, laquelle n’a pas été reconnue par le gouvernement sioniste qui a poursuivi ses actes d’assassinats et de terreur contre le peuple palestinien, et notamment contre le mouvement du Jihad islamique.

Lors de la rencontre à Damas entre des membres du comité exécutif de l’OLP et les secrétaires généraux de tous les mouvements de la résistance, il y a eu un accord sur des mécanismes précis pour activer la réorganisation de l’OLP. Mais M. Abbas a rejeté tout cela et n’a pris en compte que la trêve. Il n’a fait aucun pas dans ce sens, il a entièrement ignoré l’accord du Caire. Par conséquent, l’OLP, telle qu’elle est aujourd’hui, ne représente pas le peuple palestinien ni les organisations de la résistance palestinienne. Elle n’a aucune volonté, elle n’a même plus de charte, elle n’a aucune institution. Nous tenons cependant toujours à réorganiser l’OLP mais pour l’instant, il y a des forces influentes qui ont l’intention d’empêcher sa réorganisation, pour des buts personnels et de pouvoir.

Quand l’OLP rassemblait, exprimait la volonté du peuple palestinien, quand elle possédait une charte, un mécanisme et des institutions, nous n’avions aucun problème avec l’OLP, mais actuellement, rien de tout cela existe, il n’y a même pas d’institutions. Pour nous, nous tenons soit à la réorganisation de l’OLP, en tant qu’organisation reconnue sur le plan international, soit à la recherche d’un organisme qui puisse être le cadre rassemblant toutes les composantes et forces du peuple palestinien.

CIREPAL : L’Etat sioniste n’a pas cessé ces derniers temps de poursuivre et assassiner les cadres et militants du Jihad islamique. Comment expliquez-vous cette insistance ?

Abu Imad : L’acharnement de l’Etat sioniste contre le mouvement du Jihad islamique fait partie de la permanence de l’attaque sioniste contre tous les mouvements qui cherchent à relever la situation du peuple palestinien. Et le mouvement du Jihad islamique représente l’une des bases de cette relève.

De plus, les dirigeants de l’entité sioniste savent que le mouvement du Jihad islamique possède une vision très claire sur la manière de traiter le projet sioniste et a une position très claire sur l’occupation israélienne. Israël peut considérer que le mouvement du Jihad islamique représente un danger stratégique pour lui à cause précisément de sa vision et analyse clairvoyantes.

Nous considérons que la terre ne pourra être récupérée que par la résistance, c’est ce que nous montrent clairement les négociations passées entre l’OLP et plus tard, l’Autorité palestinienne et les sionistes : elles n’ont donné aucun résultat car l’entité sioniste fut le principal obstacle à l’application de ces accords.

Par conséquent, nous pensons que l’alternative de la résistance est la plus apte à faire recouvrer nos droits. De plus, nous pensons que nous sommes dans une étape de libération nationale, donc nous ne pouvons pas nous détourner de notre but pour des miettes fugitives, que ce soit le pouvoir, le gouvernement ou le conseil législatif car tout cela n’a aucun poids dans le cadre de l’occupation israélienne. Nous disons qu’aujourd’hui, la tâche est de libérer la terre, et après la libération, nous aurons une place importante dans l’établissement de ces institutions. Dans le cadre de l’occupation israélienne, il n’est pas possible de fonder des institutions ou un Etat ayant une souveraineté totale. Notre projet est donc celui de la résistance, que craint l’Etat d’Israël, et c’est pourquoi il pratique les assassinats des cadres et des membres de notre mouvement.

CIREPAL : Vous parlez de résistance. Est-ce que vous la concevez uniquement comme une résistance militaire ? Certaines institutions, éducatives, médicales, etc.. ne peuvent-elles pas représenter aussi une résistance ?

Abu Imad : Bien évidemment, nous n’avons jamais dit que la résistance armée est la seule résistance. La résistance est multiforme, politique, sociale. Elle consiste aussi à préserver les constituants de la société palestinienne, à préserver l’identité palestinienne. Le fait de ne pas participer aux élections législatives ne signifie nullement que nous n’avons pas de rôle politique ou d’actions politiques. Nous avons une participation active dans la situation du peuple palestinien, nous participons par exemple aux élections locales, syndicales, parmi les étudiants et d’autres professions. Nous ne pensons pas que la résistance armée est la seule résistance mais face à l’ennemi sioniste, la résistance armée est la première forme de résistance.

CIREPAL : Concernant la situation des Palestiniens au Liban, nous savons qu’elle est très difficile, ce pays vient de subir une guerre. Comment voyez-vous la situation des Palestiniens au Liban ?

Abu Imad : Le peuple palestinien au Liban vit la douleur de l’exil et de l’éloignement de sa patrie. Il vit dans le cadre de lois injustes pratiquées par le gouvernement libanais, lois qui ne témoignent aucunement d’une vision contemporaine de la vie civile. Les Palestiniens sont privés de pratiquer près de 88 métiers, ils ne peuvent être propriétaires même d’un logement. Au Liban, le Palestinien vit une situation de misère et de privation. Mais il est évident que la patience de ce peuple et sa foi dans la justesse de sa cause l’aident à supporter toutes ces misères.

Mais par ailleurs, nous avons aperçu ces derniers temps une ouverture venant de la part du gouvernement libanais, en vue d’instaurer un dialogue libano-palestinien et organiser la situation palestinienne au Liban, pour accorder au peuple palestinien ses droits civils et sociaux. Nous avons eu de l’espoir au début de la formation du gouvernement Sanioura, mais les problèmes internes libanais et la tension ont remis ce dialogue à plus tard. Mais malgré tout, nous craignons qu’il y ait une volonté d’imposer une situation au peuple palestinien en acceptant les pressions et même les décisions internationales.

Nous craignons essentiellement le projet d’installation définitive (tawtin) au Liban, projet que nous, en tant que Palestiniens, nous refusons catégoriquement. Nous refusons tous les projets qui peuvent être imposés aux Palestiniens, que ce soit l’installation définitive ou l’expulsion. Le Palestinien doit revendiquer ses droits au Liban, il a le droit de s’accrocher à son identité palestinienne et d’agir pour retourner à son pays. Nous avions transmis nos craintes au gouvernement libanais, nous en avions parlé dans les médias, car nous observons très clairement les conséquences de l’attitude israélienne qui, en refusant le retour des réfugiés à leurs terres, bloque toute solution dans la région. La communauté internationale doit assumer sa responsabilité sur ce plan, tout comme doit l’assumer la partie officielle arabe qui doivent faire pression pour que les Palestiniens préservent leur identité et ne soient pas définitivement installés dans les pays arabes, en réclamant sans cesse que l’entité sioniste accepte le retour des réfugiés à leurs terres.

CIREPAL : certaines parties au Liban réclament le désarmement des Palestiniens, dans les camps ou hors des camps, alors qu’au même moment, les agents sionistes poursuivent les assassinats de cadres de la résistance, comme cela s’est passé lors de l’assassinat de deux membres du Jihad islamique à Saïda. Qui peut protéger le peuple palestinien ?

Abu Imad : Tant que les menaces et les agressions israéliennes se poursuivent contre le Liban, que ce soient par les survols aériens, les bombardements ou les assassinats, contre les Libanais et les Palestiniens, nous considérons que la question de la sécurité est importante, mais nous considérons que la question des Palestiniens au Liban doit être vue par le biais politique et non sécuritaire.

La présence de l’armement palestinien peut être perçu par le gouvernement libanais comme un élément qui l’aide à garder vivante la question palestinienne, qui devient un élément de force pour ce gouvernement, car l’armement palestinien a une signification tactique, politique et morale à la fois, liée au fondement de la question palestinienne. Désarmer les Palestiniens prépare la voie à des plans qui visent la présence palestinienne au Liban, et en premier lieu leur installation définitive au Liban.

Ce qui empêche ce plan, c’est la présence d’un peuple qui affirme sa volonté de libérer sa terre. Il n’est pas nécessaire qu’il mène sa lutte à partir du sud-Liban, mais la signification morale de cet armement protège la question palestinienne et permet au Liban de maintenir la pression et réclamer que la communauté internationale assume son rôle pour le retour des réfugiés. C’est pourquoi le fait de traiter la question de l’armement palestinien du point de vue sécuritaire uniquement est une erreur que commet le gouvernement libanais. Ses dommages retomberont sur les peuples libanais et palestinien.

Et par ailleurs, les camps palestiniens sont toujours sous la menace, il y a quelques mois le martyr Mohammad Majzoub et son frère Nidal ont été assassinés, le réseau responsable de l’assassinat a été arrêté et a montré la responsabilité de l’entité sioniste et du Mossad. De plus, la guerre menée en juillet dernier a montré que les camps sont toujours menacés. Qui protège ces camps ?

CIREPAL : Nous avons entendu récemment des déclarations de certaines forces politiques libanaises, dont les Forces Libanaises, racistes et haineuses envers les Palestiniens du Liban. Geagea, par exemple, a déclaré avoir « libéré Ayn Rummaneh » faisant référence à l’assassinat de plus de 40 Palestiniens au début de la guerre civile. D’autres déclarations ont été émises dans le même sens. Est-ce que les Palestiniens se sentent menacés plus spécifiquement ou considèrent-ils que leur situation dépend de la situation libanaise dans son ensemble ?

Abu Imad : Malheureusement, il y a un racisme évident et de haut niveau dans le comportement de certaines forces libanaises avec le peuple palestinien. Les appareils sécuritaires libanais ont même arrêté des forces qui incitaient aux meurtres des Palestiniens. Les Palestiniens sont toujours menacés, non seulement par la partie sioniste, mais également par des parties qui adoptent une attitude raciste et qui incitent contre les Palestiniens. Certaines forces politiques cherchent à faire croire que les Palestiniens sont dans une situation de non droit au Liban, qu’ils vivent une situation de hors-la-loi, mais c’est une attitude erronée et injuste. Le gouvernement libanais a la possibilité d’entrer dans n’importe quel camp, nous avons des contacts réguliers avec le gouvernement. Nous pouvons régler de multiples problèmes par le biais des canaux de discussion, mais les déclarations racistes et haineuses envers les Palestiniens sont des éléments de tension.

CIREPAL : Comment voyez-vous la visite de M. Mahmoud Abbas au Liban ? Y a-t-il des projets précis, comme l’installation définitive des Palestiniens, par exemple ?

Abu Imad : Si la visite de M. Mahmoud Abbas a pour but de discuter la situation difficile que vivent les Palestiniens au Liban, du fait des lois injustes qu’ils subissent et de demander au gouvernement libanais de reconsidérer ces lois afin que le Palestinien puisse vivre dignement au Liban, je pense que cette visite est positive. Mais si elle intervient dans le cadre de la vision américaine, pour constituer un front opposé à la résistance, cela comporte de graves dangers.

Interview réalisée par le Centre d’Information sur la Résistance en Palestine (CIREPAL)




Interview du Maire de Jayyous, Shawkat Mustapha SAMHA

le 24/1/2007 15:58:21 (3160 lectures)

 

 Le maire de Jayyous, Shawkat Mustapha SAMHA« Nous ne serons pas toujours faibles et nous détruirons le mur qui détruit nos vies »

déclare Shawkat Mustapha SAMHA, maire du village palestinien de Jayyous, dans une interview réalisée pour le CAP, le dimanche 5 novembre 2006.

Nous sommes 4 jours avant le massacre de Beit Hanoun. L’incursion israélienne a commencé depuis 3 jours, et déjà plus de 20 palestiniens ont été tués.

Jayyous est un gros village agricole de Cisjordanie situé à environ 50 km au nord-ouest de Jérusalem. En 2002, Israël a entrepris la construction du Mur de l’Apartheid qui prive les habitants de Jayyous de 80% de leurs terres.

En octobre 2005, Shérif Omar Khalid, un agriculteur de Jayyous, responsable du Comité de Défense de la Terre, était venu à Bordeaux, à l’invitation du CAP nous exposer la situation du village de Jayyous et nous parler du combat des villageois contre la politique israélienne devol de la terre. (voir L’histoire de l’abri de jardin et La politique israélienne d’expropriation systématique ).

Le Mur a détruit le village de Jayyous et ses habitants. L’unique objectif de ce Mur est de les faire partir, de les obliger à abandonner cette terre qui est leur raison d’exister. Ce Mur est l’un des outils de la politique sioniste de vol de la terre et d’épuration ethnique de la Palestine. Plus qu’un outil, il en est aujourd’hui un symbole.

Présents à Jayyous pendant la première semaine de novembre 2006, nous avons pu voir tout cela. Nous avons pu écouter les habitants de Jayyous parler de la situation. Nous avons notamment recueilli les propos du Maire de Jayyous que nous vous rapportons ici.


CONTEXTE

Jayyous est un gros village agricole de Cisjordanie situé à environ 50 km au nord-ouest de Jérusalem. Ses terres s’étendent de part et d’autre de la Ligne Verte, qui est la ligne d’armistice de 1949, franchie en 1967 par l’armée israélienne pour occuper toute la Cisjordanie. Le village lui-même se dresse sur les premières collines de Cisjordanie, à 6 km de la Ligne Verte. Il fait face à la plaine côtière et du village on peut apercevoir la Méditerranée. Ce village est un très ancien village et de nombreux édifices attestent d’une existence millénaire. Il compte actuellement environ 3500 habitants et presque autant de Jayoussi exilés.

 Village de Jayyous
Le village de Jayyous (photo CAP)

La superficie du village est de 14 500 dunums (1450 ha), dont 2000 sont effectivement situés à l’ouest de la Ligne Verte. Mais parce qu’elles sont fertiles et richement dotées en ressources en eau, les terres de Jayyous, comme celles de tous les villages situés le long de la Ligne Verte, sont très convoitées par Israël. Depuis 1967, les confiscations ont commencé pour construire la colonie de Zufim, en vigueur d’anciennes lois ottomanes, ou bien issues du mandat britannique ou tout simplement pour « des raisons de sécurité ». Les confiscations les plus importantes (1360 dunums) ont eu lieu en octobre 1988 sur ordre militaire. Depuis les agriculteurs de Jayyous se battent juridiquement pour conserver chaque arpent de terre.

En 2002, Israël a entrepris la construction du Mur de l’Apartheid. A Jayyous, il passe au pied du village, c’est-à-dire à 6km de la Ligne Verte, ce qui signifie aussi que 80% des terres se trouvent à l’ouest du Mur. Des milliers d’oliviers et d’amandiers ont été arrachés, dont certains étaient millénaires.


Olivier millénaire arraché par les israéliens (photo CAP)

Ce Mur a détruit le village de Jayyous, il a détruit la vie des habitants. L’unique objectif de ce Mur est de les faire partir, de les faire abandonner cette terre qui est leur raison d’exister. Ce Mur est un des outils de la politique sioniste de vol de la terre et d’épuration ethnique de la Palestine. Plus qu’un outil, il en est aujourd’hui un symbole.

Présents à Jayyous pendant la première semaine de novembre 2006, nous avons pu voir tout cela. Nous avons pu voir le Mur et l’unique passage qui permet à certains agriculteurs autorisés de rejoindre leurs terres situées à l’Ouest du Mur. Nous avons pu voir la zone d’extension de la colonie de Zufim établie sur les terres confisquées. Cette nouvelle colonie devrait comprendre 1000 unités d’habitations, soit 10 fois plus que la « colonie-mère ».

Nous avons pu écouter les habitants de Jayyous parler de la situation. Nous avons notamment recueilli les propos du Maire de Jayyous que nous vous rapportons ici.

Pour plus de détails, voir le site de l’association Les Amis de Jayyous . Vous pouvez aussi venir assiter à nossoirées témoignage .


INTERVIEW

Mr SAMHA nous souhaite la bienvenue.

Tous les Palestiniens sont contents que des invités viennent en Cisjordanie se rendre compte des conditions de vie si difficiles sous occupation.

En fait, les médias israéliens ne disent pas la vérité. Pendant la période nassérienne -Nasser est décédé en 1967- les Israéliens, les Américains et les Européens disaient que Nasser et les pays arabes voulaient jeter les juifs à la mer. C’était un gros mensonge. Nous n’avons jamais voulu faire ça. La réalité, c’est le mur et vous avez vu combien il endommage nos vies. La réalité c’est que les israéliens veulent nous jeter dans le désert.

Le mur a été construit pour voler toujours plus de terres aux palestiniens

A Jayyous, la plupart des habitants sont agriculteurs Ils tirent leurs revenus du travail de la terre, de leurs cultures – des légumes, des agrumes, des arbres fruitiers – et ceci parce qu’ils y travaillent nuit et jour. Comme tous les agriculteurs sur terre, nous aimons notre terre, nous aimons travailler sur nos terres. Et nous en vivions bien jusqu’à ce qu’ils construisent le mur. En fait ce mur n’endommage pas seulement notre terre, il endommage notre vie.

J’ai été enseignant pendant 32 ans. Tous les soirs, après l’école, j’allais dans mon jardin, sur ma ferme. Vous pouviez voir alors tous les habitants de Jayyous, tous vos voisins, dans leur jardin. Et ainsi ils obtenaient des revenus supplémentaires. Leur vie était bonne avec leur famille. J’ai 5 filles et 4 fils, je pouvais envoyer mes filles à l’Université. Maintenant, depuis le mur, je ne peux pas les envoyer à l’école, et je ne parle pas de l’Université.

Quand Israël a commencé à construire le mur, ils ont dit que c’était pour la sécurité. Réellement, vous l’avez vu, le mur : il est à 6 km à l’intérieur des terres de Jayyous. Si c’est la sécurité qu’ils veulent, ils auraient pu construire le mur sur la ligne verte, sur la frontière entre la Cisjordanie et le côté ouest. En réalité, ce mur ils ne le veulent pas pour la sécurité, mais pour confisquer de plus en plus de notre terre.


Mur passant au pied du village de Jayyous (photo CAP)

Rien que pour sa construction ce mur a conduit à la confiscation sur la commune de Jayyous de 600 dunums (60 ha) qui étaient plantés d’environ 4000 oliviers et amandiers. A l’ouest du mur, il y a 8 600 dunums plantés d’environ 30 000 arbres : agrumes et autres, 20 000 oliviers et amandiers, avec 1 020 serres et 6 puits. Nous irriguions nos arbres et légumes avec cette eau, et en ramenions au village car elle était de très bonne qualité. Mais, depuis la construction du mur, ce n’est plus possible.

Depuis, à Jayyous, nous devons utiliser l’eau du puits d’Azzoun, puits situé à moins de 300 mètres d’une décharge utilisée par les colons depuis plus de 25 ans. Cette eau est très chargée en métaux lourds. Les analyses réalisées à l’Université Al Nadja de Naplouse révèlent que la qualité de cette eau est mauvaise. Beaucoup de gens sont malades, il y a de nombreux cancers. Beaucoup disent que c’est à cause de l’eau. Par le biais de l’Autorité Palestinienne et le service des Eaux, nous avons déposé une demande d’autorisation afin de ramener l’eau des puits situés à l’ouest du mur. Le gouvernement israélien a demandé une licence, un permis… Nous avons envoyé des cartes. Mais depuis 6 mois, nous n’avons aucune réponse. Nous espérons bien qu’un jour ou l’autre, nous pourrons récupérer cette eau.

Pour cultiver sa terre il faut obtenir un permis des israéliens qui ne l’accordent qu’à 20% de la population

Les habitants de Jayyous ont perdu leurs fermes, leurs terres, leur travail. Ils restent là, ils ne travaillent pas, car ils ne peuvent pas non plus aller travailler en Israël. Celui qui veut travailler, se rendre sur sa ferme, doit obtenir un permis de la part des autorités israéliennes.. A Jayyous, 85% des habitants sont agriculteurs et seulement 20% des habitants de Jayyous ont un permis.


Porte de Jayyous (photo CAP)

Quand les permis ont commencé à être octroyés, un officier israélien est venu de Qadoumim et a commencé à distribuer les permis. Imaginez qu’ils ont établi des permis pour des morts, pour des personnes très âgées, et même pour des bébés. Quelqu’un a fait la remarque suivante : « prenez ce permis et allez le mettre au cimetière ». Maintenant tous ceux qui veulent un permis doivent aller le demander à Qadoumin. Mais actuellement, lorsque le permis arrive à échéance, il est très difficile d’obtenir son renouvellement parce qu’ils ne veulent pas que nous allions sur nos terres.

Par exemple, je n’ai pas de permis, ni aucun membre de ma famille. Les israéliens m’ont dit que ce n’était pas possible pour raison de sécurité. Je n’ai pas pu récolter mes oliviers, je ne peux même pas voir mon verger d’agrumes. Une amie française, qui travaille pour la Croix Rouge, est allée à Quaddoumi (siège de la division militaire israélienne en charge de la région) pour demander un permis en mon nom. On lui a répondu « non, il n’aura pas de permis ». Pourquoi ? Parce que je suis palestinien, je crois… « Etre palestinien est un crime » renchérit Sharif.

Un ami de Genève m’a dit : « si je vais à l’aéroport de Tel Aviv depuis Genève, je mets 4 heures, si tu veux aller à Naplouse (40 km), il te faut plus de 4 heures à cause des check points ».

Si nous voulons aller sur nos terres, nous avons besoin d’un permis. Tous ceux qui ont un permis doivent utiliser les « portes ». Quand ils y arrivent à la porte, ils sont confrontés aux soldats : vous avez pu voir ce que leur font subir les soldats. Un vieil homme de plus de 85 ans doit soulever sa chemise, se retourner pour inspection. Si quelqu’un veut passer et qu’il est seul, les soldats lui disent de s’asseoir et de d’attendre qu’un deuxième arrive. Si quelqu’un a un tracteur et veut ramener des caisses de fruits ou de légumes de sa ferme, il doit d’abord toutes les décharger.

Et si un étranger arrive à Tel Aviv et dit qu’il vient à Jayyous, et non en Israël, les autorités israéliennes gardent ses papiers d’identité jusqu’au soir.

La vie des palestiniens sous occupation est devenue insupportable. Pourquoi?

Vous voyez nos difficultés de vie en Cisjordanie. A Gaza, la vie est encore plus misérable. Vous entendez et vous lisez dans les medias que chaque jour l’armée tue des palestiniens. Pourquoi? Pour rien. Parce qu’ils sont palestiniens. Plus de 10 000 palestiniens sont en prison, des femmes et des enfants de moins de 13 ans. Ils n’ont jamais rien fait. Nos fils, à Abou Azem et moi ont été mis plusieurs fois en prison. Pourquoi? Parce qu’ils sont musulmans? Etre palestiniens et musulmans, c’est être extrémistes? Pourquoi nous tuent-ils, pourquoi mettent-ils nos fils en prison et rendent-ils notre vie si difficile? Nous avons entendu dire que Sharon est un homme de paix, et aussi qu’ Olmert est un homme de paix…Peut-être que Lieberman est un également un homme de paix, lui qui dit que les palestiniens doivent être expulsés.

Si vous étudiez l’histoire avant 1948, vous voyez qu’il n’y avait pas d’Etat qui s’appelait Israël. La Palestine historique allait de la Méditerranée jusqu’au Jourdain. C’était la Palestine. La Palestine était une colonie pour les anglais. C’est grâce au Ministre anglais des Affaires Etrangères qui a dit « je vais vous donner une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Où étaient les Palestiniens à cette époque? Ils étaient là, car la Palestine n’était pas sans peuple.

Si vous relisez l’Histoire ancienne, vous verrez que les juifs qui vivaient ici ont eu un Etat pendant 66 ans, pas plus. Les Palestiniens eux vivent ici depuis des milliers d’années. Ils (les sionistes) disent : « Dieu a donné cette terre aux juifs ». Nous on ne dit pas : « c’est Allah (qui a donné cette terres aux juifs) », on dit « c’est Balfour ». Balfour est un assassin, nous détestons cet homme qui a conduit plus de 5 millions de Palestiniens en l’exil. Partout où vous allez dans le monde, vous trouvez des Palestiniens. Nos enfants sont partis, mon fils est à Dubaï, le fils d’Abou Azem est en Ukraine. Les membres de nos famille sont réfugiés.

Avec les accords d’Oslo, signés entre Arafat et le gouvernement israélien, Arafat et ceux qui sont entrés en Cisjordanie avec lui, mais aussi tous les Palestiniens, ont signifié qu’ils voulaient vivre pacifiquement avec leurs voisins israéliens. Les Palestiniens ne veulent pas la guerre, ni se battre, ils ne veulent tuer personne. Les victimes passent pour des assassins, maintenant. Dans l’esprit de Bush, les assassins sont innocents. Les Palestiniens sont les terroristes. Mais pouvez-vous me dire : qui sont les terroristes? Celui qui met les autres en prison, celui qui confisque la terre? Ou bien les victimes? Vraiment nous ne voulons tuer personne, mais chaque jour ils nous tuent, ils tuent des Palestiniens. Le monde est aveugle et sourd, le monde ne voit pas notre vie si dure, ce que l’occupant fait de nous. Les soldats tuent des Palestiniens, ils nous mettent en prison. Personne ne dit rien, même pas les pays arabes qui ne veulent pas mettre Bush en colère.

Maintenant je n’ai plus de terres. Le gouvernement israélien a arraché 800 oliviers qui m’appartenaient. Je n’ai pas de permis. Je ne peux pas aller sur mon verger d’agrumes, sur mon oliveraie, sur ma ferme. Maintenant nous sommes des réfugiés vivant dans nos maisons.

Nous avons un espoir, que le mur soit détruit comme l’a été celui de Berlin

J’espère que lorsque vous rentrerez chez vous – et j’espère que vous rentrerez en bonne santé – j’espère que vous serez des ambassadeurs des faits, des ambassadeurs de la vérité, auprès de vos amis, de vos familles, au sujet de notre vie, de ce que vous avez vu. Pas ce que vous avez entendu ; que ce soit de nous ou des médias israéliens. Ce que vous avez vu, par exemple les comportements des soldats, dites-le autour de vous s’il vous plait, écrivez dans vos journaux, dites à la radio, si vous en avez l’occasion, quelles sont nos pertes en raison de l’occupant.

Je pense que personne au monde n’aime l’occupation. Nous avons le droit de vivre librement avec nos familles, nos fils, en nous occupant de nos terres et de nos fermes. C’est notre droit. Si nous voulons la paix – et nous voulons la paix – J’entends dire que les américains et les européens oeuvrent pour la paix ici. Comment pouvons-nous vivre pacifiquement sans tous ceux qui sont réfugiés en ce moment. La première condition pour la paix c’est que tous les réfugiés, tous ceux qui le souhaitent, puissent revenir dans leurs maisons, sur leurs terres. Est-il juste que les juifs qui viennent de Russie aient le droit d’être ici, et que ce soit interdit pour les Palestiniens qui sont hors de la Palestine ?

Aussi, cette terre était appelée la terre de la paix. La Palestine est la terre de la paix. Et maintenant, ils l’ont transformée en terre de la guerre, en terre de la haine.

Nous avons un espoir, que le mur soit détruit comme l’a été celui de Berlin. Si ce n’est pas à court terme, ce sera pour nos enfants et nos petits enfants, mais il sera démoli. L’enfant est faible, mais le nourrisson ne reste pas un nourrisson toute la vie, et le faible ne sera pas faible pour toujours, il sera fort de nouveau. Maintenant nous n’avons pas d’Etat. Nous devons construire notre Etat. Nous ne serons pas toujours faibles et nous détruirons le mur qui détruit nos vies. Nous serons alors très heureux de dire à nos invités « Bienvenue en Palestine libre ».

Les habitants de Jayyous se sont mobilisés contre la construction du mur

Quand ils ont commencé à construire le mur, nous avons manifesté quotidiennement avec nos amis d’ISM. Tous les jours, nous faisions un sitting devant les bulldozers. Ils nous ont frappés, nous ont jetés par terre. Beaucoup ont dû être hospitalisés.

Nous n’oublierons jamais Ray, un vieil irlandais. Il a été blessé par un soldat qui l’a poussé par derrière, il est tombé sur une pierre et a été blessé au visage. Il a refusé de prendre l’eau d’un soldat israélien pour se laver le visage, et il a même refusé d’être conduit dans un hôpital israélien. Il a dit « je veux aller à Jayyous et qu’un docteur palestinien me soigne ».

Nous avons intenté plusieurs procès contre l’armée et le gouvernement israélien. Mardi dernier, notre avocat Azmi Bishara Al Najra était devant la Cour Suprême à Jérusalem. Il a essayé de convaincre le Juge que le mur n’a pas été construit pour des raisons de sécurité, mais pour voler plus de terres aux habitants de Jayyous et étendre les colonies. Il a dit que le mur a détruit la terre de Jayyous et que la plupart des habitants ne peuvent atteindre leurs terres. Les juges ont répondu : « si on déplace le mur, cela va détruire 450 dunums supplémentaires des terres de Jayyous ». Alors l’avocat a dit : Avez-vous demandé aux habitants de Jayyous ce qu’ils en pensent ? Finalement le juge a décidé que l’armée avait 45 jours pour reconsidérer le tracé du Mur en fonction des intérêts des Palestiniens et des colons !!! Je crois que nous n’obtiendrons rien du gouvernement israélien. Ils veulent seulement que nous vivions misérablement, sans revenu, sans travail.

Les députés du HAMAS ont été élus démocratiquement

La plupart des pays européens et les américains ont dit aux Palestiniens qu’ils devaient élire ceux qu’ils voulaient. Le Hamas a remporté ces élections de manière parfaitement démocratique. Tous les observateurs ont reconnu qu’elles s’étaient parfaitement déroulées. Ici la plupart des gens ont voté pour le Hamas. Et maintenant ceux qui voulaient des élections démocratiques nous disent que ce n’était pas le bon choix. Je pense que dans pas plus de deux semaines notre gouvernement comprendra des membres du Hamas, du Fatah et d’autres organisations. C’est le meilleur chemin pour lever les pressions qui s’exercent sur nous.

Ceux qui exercent cette pression veulent que les Palestiniens crèvent de faim. Nous devons faire de notre mieux pour constituer ce gouvernement avec la plupart des organisations, car tous sont palestiniens. Ils sont comme des frères. Quelquefois les frères se disputent, mais ce n’est jamais très sérieux. A partir du moment où j’ai été élu maire, j’ai dit à tout le monde : « laissez de côté le Hamas et le Fatah pour servir les habitants de Jayyous, s’il vous plait, laissez cela dehors ». Car finalement nous sommes tous de la même ville, du même endroit. Nous sommes des parents dans cette ville. Après les crimes des Israéliens, les 23 morts et les 250 blessés de Beit Hanoun, le Hamas et le Fatah font de leur mieux pour former ce gouvernement de manière à être unis face à l’ennemi. Et ils ont accepté un gouvernement avec la plupart des organisations politiques à Gaza et en Cisjordanie. C’est la meilleure façon de faire face à la pression.

Parfois vous entendez que les gens du Hamas sont des terroristes. Réellement nous ne sommes pas des terroristes. Nous ne voulons tuer personne. Nous voulons juste nous défendre. Le Hamas tire beaucoup de leçons des propos du prophète Mahomet. Aux débuts de l’Islam, le prophète a dit aux Musulmans : « dans le combat, ne tue pas un vieil homme, pas une femme, pas un enfant, pas un homme dans son lieu de prière. N’arrachez pas les arbres ». Qui fait ces 5 choses ? Récemment, ils ont tué 2 femmes à Beit Hanoun. Ils tuent des enfants, ils arrachent des arbres. L’armée israélienne fait tout ça. Vous savez qui sont les terroristes.

Le Hamas ne veut tuer personne. Pourquoi le fait-il parfois? Qu’est-ce que vous attendez de quelqu’un qui a perdu sa maison, qui a été mis en prison plusieurs fois, qui a dû payer de lourdes amendes, qui n’a plus rien pour vivre ?
Et dans cette situation, peut-on donner une fleur aux soldats? Pourquoi construisent-ils des colonies sur nos terres? C’est la terre des Palestiniens. Mais ils construisent de plus en plus de colonies, alors c’est notre droit de faire tout ce qui est en notre possibilité contre ces colons.

Si vous regardez les soldats israéliens, ils se promènent 24 heures par jour avec leur mitraillette pointée, dans l’attente de tuer quelqu’un. Pourquoi cela ? Ils feraient mieux de rentrer chez eux à Tel Aviv auprès leur petite-amie, de leur femme, de leurs enfants et de vivre tranquillement plutôt que tuer des Palestiniens.

Tristement, nous lisons et entendons des responsables politiques dans les pays étrangers qui disent que les membres du Hamas sont terroristes. Nous ne le sommes pas. C’est la vérité, faites-moi confiance.

Propos recueillis par Nathalie et Christine pour le CAP.

 




Palestine 2007 : Génocide à Gaza, Epuration ethnique en Cisjordanie

le 20/1/2007 15:59:00 (882 lectures)

¨Préparation de l'invasion de Gaza en juin 2006Article d’Ilan Pappe publié le 11 janvier 2007 surElectronic Intifada et traduit par l’ISM .

L’auteur est professeur à l’Université d’Haïfa et président de l’Institut Emil Touma pour les Etudes Palestiniennes à Haïfa. Il vient d’écrire « Nettoyage Ethnique de la Palestine (Ethnic Cleansing of Palestine – 2006).

Pour lui la stratégie israélienne est double. EnCisjordanie , grâce au Mur, aux colonies, aux bases de l’armée et aux routes, Israël aura annexé près de la moitié du territoire d’ici 2010. Les palestiniens restant sont et seront progressivement transférés et dépossédés par une série de mécanismes abusifs de l’armée et de l’administration israélienne.

Gaza par contre, la résistance politique est beaucoup plus importante et les israéliens n’ont rien a gagner en terme de territoire. Le retrait des 8 000 colons israéliens et le silence approbateur de la communauté internationale leur permet de mener une politique purement et simplement génocidaire .

Photo : L’armée israélienne massant des troupes près de la frontière avec la bande de Gaza en juin 2006 (MaanImages/Wesam Saleh).


Sur ce sujet, j’ai affirmé, il n’y a pas très longtemps, qu’Israel menait une politique de génocide dans la Bande de Gaza. J’ai beaucoup hésité avant d’utiliser ce terme très accusateur mais j’ai décidé de l’adopter.

En effet, les réponses que j’ai reçues, y compris de certains activistes des droits de l’homme, indiquaient un certain malaise quant à l’utilisation d’un tel terme. J’ai été, pendant un moment, enclin à revoir le terme, mais j’ai recommencé à l’utiliser aujourd’hui avec encore plus de convictions : c’est la seule façon appropriée de décrire ce que fait l’armée israélienne dans la bande de Gaza .

Le 28 décembre 2006, l’organisation des Droits de l’Homme israélienne B’Tselem a publié son rapport annuel sur les atrocités israéliennes dans les territoires occupés.

Les forces israéliennes ont tué l’année dernière 660 citoyens. Le nombre de Palestiniens tués par Israel a triplé l’année dernière par rapport à l’année précédente (environ 200).

Selon B’Tselem, les Israéliens ont tué 140 enfants au cours de l’année dernière. La plupart des tués l’ont été dans la Bande de Gaza, où les forces israéliennes ont démoli près de 300 maisons et tué des familles entières.

Cela signifie que depuis 2000, les forces israéliennes ont tué près de 4000 Palestiniens, dont la moitié étaient des enfants et fait plus de 20.000 blessés.

B’Tselem est une organisation conservatrice, et les chiffres pourraient être plus élevés. Mais il ne n’agit pas seulement d’une escalade des meurtres intentionnels, cela concerne la tendance et la stratégie.

En ce début d’année 2007, les décisionnaires israéliens affrontent deux réalités très différentes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

En Cisjordanie , ils sont plus proches que jamais de finir la construction de leur frontière orientale. Leur débat idéologique interne est terminé et leur schéma directeur d’annexer la moitié de la Cisjordanie est appliqué à une vitesse toujours croissante. La dernière phase a été retardée en raison des promesses faites par Israel, dans le cadre de la Feuille de Route, de ne pas construire de nouvelles colonies.

Israel a trouvé deux moyens d’éviter cette interdiction supposée.

D’abord, il a défini un tiers de la Cisjordanie comme faisant partie du Grand Jérusalem, ce qui lui a permis de construire dans des centres de communautés et des parties de villes nouvellement annexés.

Deuxièmement, il a agrandi d’anciennes colonies dans de telles proportions qu’il n’y a pas eu besoin d’en établir de nouvelles.

Cette tendance a donné une nouvelle impulsion en 2006 (des centaines de caravanes ont été installées pour délimiter la limite des expansions, les plans d’aménagements pour les nouvelles villes et quartiers ont été finalisés et les routes de contournement d’Apartheid et le système de routes à grande circulation ont été achevés).

En tout, les colonies, les bases de l’armée, les routes et le Mur permettront à Israel d’annexer près de la moitié de la Cisjordanie d’ici 2010.

A l’intérieur de ces territoires, il y aura un nombre considérable de Palestiniens, contre qui les autorités israéliennes continueront à appliquer une politique de transfert lent et rampant : sujet trop ennuyeux pour importuner les médias occidentaux et trop évasifs pour que les organisations des droits de l’homme fassent un point d’ensemble sur le sujet.

Il n’y a pas précipitation ; en ce qui concerne les Israéliens, ils contrôlent : les mécanismes abusifs et déshumanisants quotidiens de l’armée et de la bureaucratie sont plus efficaces que jamais dans leur participation au processus de dépossession.

La pensée stratégique d’Ariel Sharon que cette politique est bien meilleure que celle offerte par les « transféristes » ou les nettoyeurs ethniques, comme Avigdor Liberman, est acceptée par tous dans le gouvernement, des Travaillistes à Kadima.

Les petits crimes du terrorisme d’état sont également efficaces car ils permettent aux Sionistes libéraux du monde entier de condamner légèrement Israel et de qualifier d’anti-sémitisme toute véritable critique de la politique criminelle d’Israel.

D’une part, il n’y a aucune stratégie israélienne claire pour l’instant en ce qui concerne la Bande de Gaza ; mais il y a une expérience quotidienne avec une stratégie.

Gaza , aux yeux des Israéliens, est une entité géopolitique très différente de celle de la Cisjordanie.

Le Hamas contrôle Gaza, alors qu’Abu Mazen semble gouverner la Cisjordanie fragmentée avec la bénédiction des Israéliens et des Américains.

Il n’y a aucun bout de terre à Gaza convoitée par Israel et il n’y a pas d’arrière-pays, comme la Jordanie, vers lequel les Palestiniens de Gaza pourraient être expulsés. Le nettoyage ethnique est inefficace ici.

La précédente stratégie à Gaza était d’y ghettoiser les Palestiniens, mais cela n’a pas fonctionné. La communauté ghettoisée continue à exprimer sa volonté de vivre en tirant des missiles primitifs sur Israel.

Ghettoiser ou mettre en quarantaine des communautés non désirées, même si elles étaient considérées comme sous-humaines ou dangereuses, n’a jamais fonctionné dans l’histoire en tant que solution. Les Juifs le savent bien de leur propre histoire.

Par le passé, les étapes suivantes contre de telles communautés étaient bien plus terrifiantes et barbares. Il est difficile de dire ce que sera le futur de la population de Gaza, ghettoisée, mise en quarantaine, non désirée et démonisée.

Est ce qu’il y aura une répétition des sinistres exemples historiques ou un meilleur destin est-il encore possible ?

Créer la prison et jeter la clef à la mer, comme l’a écrit l’Envoyé Spécial des Nations-Unies, John Dugard, était une option à laquelle les Palestiniens de Gaza ont réagi avec force dès septembre 2005. Ils étaient déterminés à montrer qu’ils étaient toujours une partie de la Cisjordanie et de la Palestine.

Ce mois-là, ils ont lancé le première barrage de missiles significatif en nombre mais pas en qualité sur l’Ouest du Negev.
Le bombardement était une réponse à une campagne israélienne d’arrestations massives d’activistes du Hamas et du Jihad Islamique dans la région de Tulkarem.

Les Israéliens ont répondu avec l’opération « Première Pluie ». Cela vaut la peine de s’attarder un moment sur la nature de cette opération. Elle a été inspirée par les mesures punitives infligées d’abord par des puissances colonialistes, et puis par des dictatures, contre de rebelles communautés emprisonnées ou bannies.

Une démonstration effrayante de la puissance de l’oppresseur destinée à intimider a précédé toutes sortes de punitions collectives et brutales, en se terminant par un grand nombre de morts et de blessés parmi les victimes.

Pendant la « Première Pluie », des avions supersoniques ont survolé Gaza pour terroriser l’ensemble de la population, suivis du bombardement intensif de vastes secteurs depuis la mer, le ciel et la terre.

La logique, a expliqué l’armée israélienne, était de créer une pression afin d’affaiblir le soutien de la Communauté de Gaza aux lanceurs de roquettes.
Comme on s’y attendait, ainsi que les Israéliens, l’opération a seulement augmenté le soutien aux lanceurs de roquettes et a donné une impulsion à leur prochaine tentative. Le véritable objectif de cette opération particulière était expérimental.

Les généraux israéliens souhaitaient savoir comment de telles opérations seraient perçues en interne, dans la région et dans le monde. Et il semble qu’immédiatement la réponse a été « très bien »; à savoir, que personne n’a vérifié si le nombre de morts et de blessés palestiniens avait diminué après la « Première Pluie ».

Et par conséquent, à partie de la « Première Pluie » jusqu’en juin 2006, toutes les opérations suivantes ont été menées sur le même modèle. La différence se situait dans leur escalade : plus de puissance de feu, plus de victimes et plus de dommages collatéraux et, comme on s’y attendait, plus de missiles Qassam en réponse.

En 2006, les mesures complémentaires étaient des moyens plus sinistres pour garantir l’emprisonnement total de la population de Gaza à travers un boycott et un blocus, ce à quoi l’Union Européenne collabore toujours honteusement.

La capture de Gilad Shalit en juin 2006 n’avait pas de relation dans le cadre général des choses, mais elle a néanmoins fourni une occasion aux Israéliens d’intensifier encore plus les composants des missions stratégiques et soi-disant punitives.

Après tout, il n’y avait toujours pas de stratégie pour faire suite à la décision stratégique d’Ariel Sharon de retirer les 8.000 colons dont la présence compliquait les missions « punitives » et dont l’expulsion avait fait de lui presque un candidat pour le prix Nobel de la Paix. Depuis lors, les actions « punitives » continuent et deviennent elles-mêmes une stratégie.

L’armée israélienne aime le drame et elle a donc également amélioré le langage. « Première Pluie » a été remplacée par « Pluies d’Eté », un nom global qui a été donné aux opérations « punitives » depuis juin 2006 (dans un pays où il ne pleut pas en été, la seule précipitation à laquelle on peut s’attendre, ce sont les douches de bombes de F16 et d’obus d’artillerie frappant la population de Gaza;)

Les « Pluies d’Eté » ont apporté un nouvel élément : l’invasion terrestre dans des parties de la Bande de Gaza.
Cela a permis à l’armée de tuer des citoyens bien plus efficacement et de le présenter comme une conséquence des durs combats dans des secteurs fortement peuplés, une conséquence inévitable des circonstances et non de la politique israélienne.

Avec la fin de l’été est survenue l’opération « Nuages d’Automne » qui a été beacoup plus efficace : le 1er novembre 2006, en moins de 48 heures, les Israéliens ont tué soixante-dix civils ; vers la fin du même mois, accompagnée de mini opérations supplémentaires, près de 200 Palestniens ont été tués, dont la moitié d’entre eux étaient des femmes et des enfants. Voir ou télécharger le power point sur le massacre de Beit Hanoun .

Comme on peut le voir d’après les dates, une partie de l’activité a été effectuée en parallèle des attaques israéliennes sur le Liban, permettant plus facilement d’achever les opérations sans beaucoup d’attention externe, et encore moins de critiques.

Entre « Première Pluie » et « Nuages d’Automne », on peut constater une escalade dans chaque paramètre.

La première est la disparition de la distinction entre les cibles civiles et non-civiles : le massacre absurde a transformé la population dans son ensemble en principale cible des opérations de l’armée.

La seconde est une escalade dans les moyens : l’utilisation de toutes les machines à tuer possibles que possède l’armée israélienne.

Troisièmement, l’escalade est remarquable dans le nombre de victimes : avec chaque opération, et chaque future opération, un plus grand nombre de personnes sont susceptibles d’être tuées et blessées.

En conclusion, et de façon primordiale, les opérations deviennent une stratégie : la manière dont Israel a l’intention de résoudre le problème de la bande de Gaza.

Un transfert rampant en Cisjordanie et une politique génocidaire mesurée dans la Bande de Gaza sont les deux stratégies qu’Israel utilise aujourd’hui .

D’un point de vue électoral, celle de Gaza est problématique car elle ne donne aucun résultat tangible ; la Cisjordanie sous Abu Mazen cède à la pression israélienne et il n’y a aucune force significative qui arrête la stratégie israélienne d’annexion et de dépossession.

Mais Gaza continue à tirer en représailles. D’une part, cela pourrait permettre à l’armée israélienne de lancer à l’avenir des opérations plus massives de génocides.

Mais d’un autre côté, il y a également le grand danger que, comme cela s’est produit en 1948, l’armée exige une action « punitive » et collatérale plus énergique et plus systématique contre la population assiégée de la Bande de Gaza.

Ironiquement, la machine de mort israélienne s’est reposée récemment. Même le nombre relativement important de missiles Qassam, dont un ou deux ont été mortels, n’a pas fait bouger l’armée.

Bien que les porte-parole de l’armée disent qu’ils montrent de la « retenue », ils ne l’ont jamais fait par le passé et ne sont pas susceptibles de le faire à l’avenir.

L’armée se repose, puisque ses généraux sont contents du massacre interne qui fait rage à Gaza et fait le travail pour eux. Ils regardent avec satisfaction la guerre civile naissante dans Gaza qu’Israel fomente et encourage.

Du point de vue d’Israel, peu importe la façon dont la démographie baisse à Gaza, que ce soit par des meurtres internes ou israéliens.

La responsabilité de mettre fin aux combats internes incombe naturellement aux groupes palestiniens eux-mêmes, mais l’interférence américaine et israélienne, l’emprisonnement continu, la famine et l’étranglement de Gaza sont des facteurs qui rendent très difficile un processus de paix interne.

Mais cela aura lieu bientôt et alors dès que l’on verra les tous premiers signes que cela diminue, les « Pluies d’Eté » israéliennes retomberont sur la population de Gaza, avec un effet désastreux et la mort.

Et on ne devrait jamais être fatigué d’énoncer les conclusions politiques inévitables de cette triste réalité de l’année que nous venons de quitter et face à celle qui nous attend.

Il n’y a toujours pas d’autres moyens d’arrêter Israel qu’avec le boycott , le désinvestissement et les sanctions .

Nous devrions tous les soutenir clairement, ouvertement, sans réserves, indépendamment de ce que les gourous de notre monde nous disent au sujet de l’efficacité ou la raison d’être de telles actions.

Les Nations-Unies n’interviendront pas à Gaza comme elles l’ont fait en Afrique ; les lauréats du Prix Nobel de la Paix ne s’engageront pas pour sa défense comme ils le font pour des causes dans le Sud-Est asiatique.

Le nombre de personnes tuées n’y est pas aussi stupéfiant que dans d’autres calamités, et ce n’est pas une nouvelle histoire : elle est dangereusement vieille et préoccupante.

Le seul point faible de cette machine de mort, ce sont ses filets d’oxygène vers la civilisation « occidentale » et l’opinion publique.

Il est encore possible de les perforer et de faire en sorte qu’il soit au moins plus difficile pour les israéliens de mettre en application leur future stratégie d’éliminer les Palestiniens en les nettoyant en Cisjordanie ou en les génocidant dans la bande de Gaza.

Ilan Pappé

Source et traduction française : www.ism-france.org
Source originale : electronicintifada.net

 




Interview du Sheikh Khalid Al-Haj, responsable du Hamas kidnappé jeudi 11 janvier

le 13/1/2007 11:10:00 (1149 lectures)

 

 Sheikh Khalid Al-Haj« Il faut accepter le choix démocratique des Palestiniens. Que dirait le monde, si 40 parlementaires de la Knesset avaient été kidnappés ?!!! « 

nous déclarait-il dans une interview réalisée à Jénine pour le CAP le 6 novembre 2006.

Comme des dizaines d’autres Palestiniens, à Jénine, Naplouse, Hébron, Bethléem, il vient d’être kidnappé par les forces d’occupation israéliennes.

Ces dernières semaines, ces rafles s’accélèrent. 170 palestiniens dont 9 mineurs ont été arrêtés depuis le 28 décembre 2006. Des adolescents, des femmes, des responsables politiques, des députés au Parlement palestinien et des ministres, personne n’y échappe. Il y a actuellement environ 10 000 prisonniers palestiniens dans les geôles israéliennes dont une centaine de femmes et plus de trois cents enfants. Voir l’article sur les prisonniers publié récemment.

Dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder il est revenu sur la situation très difficile vécue actuellement par les Palestiniens en raison de l’occupation israélienne et du blocus de la communauté internationale imposé depuis l’élection du Hamas.

Il a insisté sur le silence international au sujet des crimes commis par Israël. Le message clair qu’il nous a transmis est :

RESPECTEZ et FAITES RESPECTER LE CHOIX DEMOCRATIQUE DES PALESTINIENS .


INTERVIEW

Le Sheikh Khalid Al-Haj nous reçoit dans un appartement de Jénine. Il s’exprime en arabe. Un tiers traduit en anglais.

« A Jénine et dans les autres villes palestiniennes, nous sommes depuis 5 ans en état de siège, de nombreuses habitations ont été détruites, beaucoup d’arbres ont été arrachés, il y a de nombreux prisonniers et il y a un fort taux de chômage. Depuis janvier le siège est devenu encore plus terrible. Avant, le siège n’était dû qu’aux israéliens, aujourd’hui, il est lié au blocus général des territoires par de nombreux états.

Le Mouvement de la Résistance Islamique a accepté le discours souhaité par les Etats Occidentaux sur la démocratie et les droits de l’homme. Il a remporté 60% des sièges au CLP. Ils ont cru que les Etats Occidentaux accepteraient de collaborer avec eux.

En fait ils n’ont pas accepté le choix des Palestiniens. Aucun état n’a reçu un seul ministre palestinien, à part la Norvège. Les Européens soutiennent le siège, qui dure depuis 8 mois. De plus, ils ne disent rien au sujet des crimes perpétrés par les israéliens, Même les Etats arabes ne disent rien à ce sujet.

Avant 2006, la situation économique était difficile, mais depuis début 2006, beaucoup de personnes ne perçoivent plus de salaire. La situation est très difficile dans tous les secteurs de l’économie. Les Palestiniens attendaient que les peuples européens fassent pression. En fait depuis que le Hamas a remporté les élections, les Palestiniens ne voient plus beaucoup de soutien de la part des Européens.

Pourquoi ? Est-ce la réalité ?

CAP : Pourquoi le Hamas a-t-il décidé de prendre part au processus électoral issu d’Oslo ?

Depuis que Sharon a réoccupé le plupart des villes palestiniennes et a assiégé Arafat à la Muqataa, les accords d’Oslo n’existent plus. Il n’y a pas d’existence de ces accords sur le terrain. Théoriquement, ils ont pris fin en 1999.

C’est la raison pour laquelle, le Hamas a décidé de participer à ces élections.

D’autre part, le Hamas a participé activement à la résistance contre l’occupation. Il était reconnu pour cela. Le mouvement a voulu par la suite être légitimé par le peuple palestinien de manière démocratique en prenant part aux élections.

En 2005, Abu Mazen et le Hamas se sont mis d’accord pour que le Hamas devienne membre de l’OLP. Cela a aussi été décisif pour la participation aux élections. Finalement le Cheikh Yassine avait déclaré « il est possible de faire une trêve afin de mettre en oeuvre les principales revendications palestiniennes : un Etat, Jérusalem-Est comme capitale, la libération des prisonniers et le retour des réfugiés conformément à la résolution 194 ».

CAP : Quelle est votre position sur le gouvernement d’union nationale ? C’est bien ce que vous aviez proposé dès le départ ?

Dans quelques jours, un gouvernement d’union nationale sera nommé. Nous nous sommes mis d’accord sur un programme politique conforme au document des prisonniers.

Une des raisons du débat, c’est que le Fatah n’accepte pas le résultat des élections. Ils mettent de nombreux obstacles devant le Hamas.

D’autre part, les israéliens et les USA exercent une pression sur certains partis politiques palestiniens. Certains partis, relativement « petits » souhaitaient que le Hamas abandonne son programme politique pour adopter d’autres programmes. D’autres encore attendaient que le Hamas soit mis en échec et abandonne. Maintenant tous ces partis réalisent que le gouvernement ne va pas tomber et qu’il a gardé le soutien du peuple. C’est la raison pour laquelle ces partis doivent maintenant nous accepter.

Il y a 40 élus au parlement qui ont été kidnappés par les Israéliens et les Européens ne disent rien à ce sujet. Qu’est ce que ça serait si 40 membres de la Knesset avaient été kidnappés ?!!!!

CAP : Où en sont les négociations pour la réforme de l’OLP ?

Une des conditions de formation d’union nationale est de recommencer les discussions au sujet de l’OLP.

CAP : Est-ce que le soutien du Hamas vient uniquement des classes populaires ou bien le mouvement est-il populaire dans toutes les tranches de la société ?

Non, le soutien est fort partout. Par exemple, le Hamas est fortement représenté dans les syndicats de médecins, d’avocats, d’infirmières, de pharmaciens, d’étudiants (ex Université de Birzeit).

En ce qui concerne la grève, le Hamas a discuté de cela avec les syndicats. Mais beaucoup de gens réalise aujourd’hui que ce n’est pas un problème contre le gouvernement. Mais que cette grève est politique, que c’est un moyen « sous la table » de faire pression sur le gouvernement.

CAP : Quels sont vos liens avec le Hezbollah ?

Le Hamas en Palestine, c’est comme le Hezbollah au Liban. Nous travaillons sur le même terrain, dans la même direction. Le Hezbollah a une grande réputation ici en Palestine.

CAP : Quel est votre message ?

Nous attendons des Européens qu’ils apprennent à mieux connaître la lutte du peuple palestinien sur le plan politique.

Il faut parler du Mur, des colonies, des 10 000 prisonniers et des 60 élus et ministres palestiniens en prison.

Les Européens doivent envoyer un message clair à leurs gouvernements. Ces derniers doivent accepter le choix démocratique des Palestiniens. Car tout le monde était d’accord pour dire que c’était un processus démocratique.

Nous sommes pour le dialogue avec les autres civilisations, nous sommes contre la force [note du trad. au sens force armée], sauf quand quelqu’un occupe la terre.

Propos recueilli par Nathalie et Christine pour le CAP




348 enfants palestiniens dans les prisons de l’occupation dont 20% sont malades

le 11/1/2007 17:10:00 (3843 lectures)

 

 Un rapport du Ministère Palestinien aux Prisonniers, a dévoilé que 348 enfants palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes et que plus de 5220 ont été arrêtés depuis le début de l’Intifada d’Al Aqsa en 2000.

Le rapport souligne aussi que les autorités de l’occupation israélienne privent les enfants prisonniers de leurs principaux droits assurés par les lois internationales comme le doit d’avoir un avocat, le droit de soins sanitaires, et le droit d’être traité comme un être humain.

Au contraire, les enfants prisonniers subissent la torture sous toutes ses formes, physique et psychologique. Ils sont victimes de mauvais traitements, de pénalités collectives, d’harcèlement sexuel. Ils sont isolés du monde extérieur, n’ont pas le droit de recevoir de visites de leurs familles. Ils souffrent aussi de négligence médicale et des maladies qui dans se contexte ne manquent pas de se propager.

source : www.palestine-info.cc

Un rapport du Ministère des Affaires des prisonniers et des libérés, a dévoilé que 348 enfants palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes, dont 5 prisonnières sont des mineures.

– Ce rapport a indiqué également que 2% des enfants sont détenus administrativement sans aucune accusation ni jugement.

– 63.5% ont été arrêtés sans être jugés.

– 33% ont été condamnés à différentes peines de prison.

– 61.4 % sont incarcérés dans les prisons des territoires occupés en 1948.

– 8 % sont de genre féminins.

– 20.6 % souffrent de maladies différentes.

Les enfants prisonniers souffrent de conditions extrêmement mauvaises et insupportables qui violent toutes les lois internationales des droits des enfants.

Dans le même contexte, le rapport mentionne que depuis l’Intifada d’Al Aqsa, le gouvernement sioniste utilise des mesures oppressives avec les enfants prisonniers comme les tortures, la réduction des aliments, en leur interdisant également le droit à l’éducation et à l’enseignement.

Le rapport appelle toutes les organisations qui croient à la démocratie à intervenir immédiatement pour libérer tous les enfants palestiniens dans les prisons de l’occupation israélienne.

De plus, le rapport précise que les autorités de l’occupation israélienne ont arrêté plus de 5220 enfants palestiniens depuis le début de l’Intifada d’Al Aqsa en 2000, dont plus de 226 enfants en 2005.

348 enfants palestiniens sont détenus dans les prisons de l’occupation israélienne, dont 3 sont des prisonnières mineures et plus de 740 prisonniers qui étaient des enfants lors de leur arrestation, ont atteint l’âge de dix-huit en prison.

Le rapport souligne aussi que les autorités de l’occupation israélienne privent les enfants prisonniers de leurs principaux droits assurés par les lois internationales comme le doit d’avoir un avocat, le droit de soins sanitaires, et le droit d’être traité comme un être humain.

D’un autre côté, le rapport a accusé les autorités de l’occupation d’appliquer l’ordre militaire (N° 132) qui permet d’arrêter les enfants de moins de 18 ans, en violant toutes les lois internationales.

Les chambres des prisonniers enfants sont très sales, les insectes se propagent partout en plus du manque d’aération et du surnombre.

Les prisonniers souffrent de négligence médicale, du manque de soin sanitaire, de la réduction des vêtements, d’isolement du monde extérieur, de l’interdiction des visites de leurs familles, les tortures inhumaines, des mal traitements, d’isolement individuel, de pénalités collectives, d’ harcèlement sexuel, de la propagation des maladies, et sont privés de leur droit de d’éducation.

Le rapport a classé les enfants prisonniers selon leurs âges, l’année de leur arrestation, et le genre de condamnation.

* Selon les âges : le rapport a précisé que trois enfants ont moins de 13 ans, 8 ont moins de 14 ans, 39 ont moins de 15 ans, 78 ont moins de 16 ans, 213 ont moins de 17 ans, et 7 enfants ont moins de 18 ans.

* L’année de détention :

– Touts les enfants qui ont été détenus en 2003 ont été condamnés à des peines de prison.

– 35.7% des enfants ont été arrêtés en 2004.

– 53.6% des enfants ont été arrêtés en 2005.

– 72.9% des enfants ont été condamnés en 2006 et sont encore détenus dans les prisons israéliennes.

* Le genre de condamnation :

– 8 enfants sont détenus administrativement.

– 221 enfants arrêtés, dont deux fillettes, alors que le reste sont des garçons _ 116 sont condamnés à des peines de prison, dont une enfante.

* La répartition des enfants dans les prisons israéliennes :

– Environ 61.4% des enfants sont détenus dans des prisons à l’intérieur des territoires occupés en 1948 en étant privé de la visite de leurs familles sous des prétextes sécuritaires.

– 125 % enfants sont incarcérés dans des camps militaires israéliens.

– 3 enfants ont été emmenés vers des directions inconnues.

– 220 enfants dans d’autres prisons subordonnées.

Le nombre d’enfants arrêtés dans les prisons israéliennes à l’intérieur des les territoires 1948 :

– Il existe 99 enfants dans la prison de Talmonde.

– 7 enfants dans la prison de Hasharon.

– 2 enfants dans la prison d’Al Naqab.

– 7 enfants dans la prison de Magedo.

– 5 enfants dans la prison d’ Al Jalama.

– 1 enfant dans la prison de Bitah Takfa.

– 85 enfants dans la prison de Damoune.

– 8 enfants dans la prison d’Al Maskoubia.

* En Cisjordanie :

– 8 enfants sont incarcérés à Kadoumim.

– 10 enfants à Atsimon.

– 65 enfants à Ofer.

– 6 enfants à Bijamine.

– 17 enfants à Hawara.

– 25 enfants à Salem.

– 3 enfants dans des endroits inconnus.

* Les enfants malades :

Selon le rapport, 62 enfants prisonniers sont malades et souffrent de maladies différentes dans les prisons de l’occupation israélienne à cause des négligences médicales.

De plus, le rapport a dévoilé que les autorités de l’occupation israélienne violent l’Article (N° 91) de la convention de Genève qui exige l’existence d’un docteur dans chaque prison pour avoir des soins médicaux.

Finalement le rapport a clarifié que les informations sur le nombre d’enfants prisonniers dans les prisons israéliennes n’est pas précis car les arrestations des enfants sont presque quotidiennes et que beaucoup d’entre eux sont transportés vers des direction inconnues.

source : www.palestine-info.cc




Le piège de la reconnaissance d’Israël

le 30/12/2006 11:50:00 (570 lectures)

 

palestine cartesArticle de Jonathan Cook publié le 14 décembre 2006 sur le site Electronic Intifada . L’auteur est écrivain et journaliste. Il vit à Nazareth, en Israël.

Dans un style clair, cet article veut montrer la nature du piège tendu au Hamas derrière la soi-disant reconnaissance préalable de l’Etat d’Israël comme condition de toute négociation.

En effet, la reconnaissance du « droit à l’existence » d’Israël signifie l’abandon de l’objectif de création d’un Etat palestinien puisque les dirigeants sionistes ont toujours refusé de démarquer les frontières de leur Etat.

En second lieu, ce qui est demandé, ce n’est pas simplement la reconnaissance d’Israël mais de son « droit à l’existence », c’est-à-dire l’acceptation d’un Etat juif exclusiviste.

Les conséquences de cette reconnaissance seraient catastrophiques puisqu’il s’agit non seulement de légitimer la négation des droits des palestiniens vivants en Israël mais aussi de renoncer au projet de retour des réfugiés palestiniens.

L’acharnement des leaders israéliens à assurer la prépondérance démographique des juifs en Palestine prouve clairement les visées sionistes en la matière.


Le problème auquel les dirigeants palestiniens sont confrontés, dans leurs tentatives désespérées de soulager un tant soit peu les souffrances collectives de millions d’habitants des territoires occupés, se résumerait en quelques mots. Tel un garnement qui n’aurait qu’à se résoudre à prononcer le mot « désolé » pour être autorisé à sortir de la chambre où ses parents l’ont consigné, le gouvernement Hamas n’aurait qu’à dire « nous reconnaissons Israël » et – sommes-nous sommés de croire – un tsunami d’aides financières et de bonne volonté internationales se déverserait à flots sur la Cisjordanie et la bande de Gaza…

Telle était, tout du moins, l’essence d’un récent discours du Premier ministre israélien Ehud Olmert, au cours d’une visite dans le Néguev, discours dans lequel il suggéra l’idée que son pays tendrait une main généreuse vers les foules affamées de Gaza, à travers les sables du désert, si – et seulement, si – le Hamas voulait bien faire acte de contrition. « Reconnaissez-nous, et nous sommes prêts à parler de paix », disait l’allusion voilée mais néanmoins transparente.

Une chose est sûre : le peuple palestinien a été puni de manière scélérate d’avoir procédé à un choix démocratique, au début de cette année, en élisant un gouvernement Hamas qui n’a pas l’heur de plaire aux puissances occidentales, dont Israël :

– imposition d’un blocus économique privant l’Autorité palestinienne des revenus lui permettant de financer les services vitaux et de rémunérer son personnel pléthorique ;
– des millions de dollars de taxes dues aux Palestiniens sont illégalement gelés par Israël, ce qui ne fait qu’exacerber la crise humanitaire ;
– un blocus physique sur Gaza, imposé par Israël, interdit depuis lors aux Palestiniens d’exporter leurs productions, constituées essentiellement de produits agricoles périssables, et d’importer des produits indispensables, dont notamment certaines denrées alimentaires et la plupart des médicaments ;
– les frappes militaires israéliennes ont endommagé les infrastructures vitales de Gaza, dont les réseaux d’eau potable et d’électricité, tout en tuant des habitants à l’aveugle ;
– enfin, des milliers de familles sont déchirées, Israël prétextant de son conflit avec le Hamas pour ne pas renouveler les visas des Palestiniens détenteurs d’un passeport étranger.

La formule magique « Nous vous reconnaissons » pourrait mettre fin à ces souffrances. Alors, pourquoi leur Premier ministre, Ismail Haniyyéh, a-t-il juré, la semaine dernière, qu’il ne les prononcerait jamais, à aucun cas ? Le Hamas est-il tellement empli de haine et de mépris pour Israël en tant qu’Etat juif qu’il serait incapable de faire cette simple déclaration de bonne intention ?

Il est certes très facile d’oublier que même si les conditions se sont détériorées considérablement dans la période récente, les problèmes des Palestiniens n’ont pas commencé avec l’élection du Hamas. L’occupation israélienne entre dans sa quatrième décennie, et aucun dirigeant palestinien n’a jamais été capable d’arracher à Israël une quelconque promesse de réelle souveraineté et, ce, sur la totalité des territoires occupés : ni les mukhtars, ces dirigeants locaux dans une très large mesure complaisants, lesquels, durant des décennies, furent les seuls représentants autorisés à parler au nom des Palestiniens après l’expulsion de la direction nationale palestinienne ; ni l’Autorité palestinienne sous la direction laïque de Yasser Arafat, qui revint dans les territoires occupés au milieu des années 1990, l’OLP ayant reconnu Israël ; ni le leadership dirigé par son successeur Mahmoud Abbas, un « modéré » qui fut le premier à en appeler à ce que fût mis fin à l’Intifada armée ; ni même, aujourd’hui les dirigeants du Hamas, même s’ils en appellent depuis longtemps à une trêve [hudnah] de longue durée, premier pas pour bâtir la confiance.

De même, rares sont les Palestiniens à douter du fait qu’Israël continuerait à renforcer son occupation – exactement de la même manière qu’il l’a fait durant les années dites « d’Oslo », supposées d’établissement de la paix, au cours desquelles le nombre des colons juifs a doublé, dans les territoires occupés – quand bien même le Hamas serait évincé du pouvoir et même si un gouvernement d’union nationale, ou un gouvernement de technocrates, voire même un gouvernement Fatah pur sucre prenait sa place.

Il y a, pour Israël, à l’obtention de cette petite concession de la part du Hamas, un enjeu bien plus importantque la plupart des observateurs ne l’imaginent. Une déclaration de reconnaissance d’Israël par le Hamas signifierait en effet non seulement que les conditions préalables imposées par Israël à toute négociation seraient réunies, mais aussi que le Hamas serait tombé tête baissée dans le même piège qui avait été tendu, naguère, à Arafat et à son Fatah. Ce piège a pour finalité de s’assurer du fait qu’une quelconque solution pacifique au conflit est totalement impossible.

Cette impossibilité, ce piège la garantit de deux manières concomitantes :

1. Tout d’abord, comme l’auront déjà compris tout du moins les observateurs attentifs, la reconnaissance par le Hamas du « droit à l’existence » d’Israël signifierait, de fait, que le gouvernement palestinien abandonneraitpubliquement sa propre finalité, à savoir lutter en vue de la création d’un Etat palestinien viable .

En effet, Israël refuse de démarquer ses propres frontières futures, laissant ouverte la question de savoir ce qu’il considère être l’extension de « son existence » dont il exige du Hamas qu’il la reconnaissance. Nous savons bien que personne, au sein du leadership israélien, n’envisage un quelconque retour aux frontières israéliennes antérieures à la guerre de 1967, ni même à quelque chose d’approchant.

Sans un retrait à l’intérieur de ces frontières antérieures à 1967 (auquel devrait s’ajouter un injection substantielle de bonne volonté israélienne, afin de garantir un passage absolument libre entre la bande de Gaza et la Cisjordanie), l’émergence d’un quelconque Etat palestinien viable est totalement impensable.

Et, bien entendu, on pourrait attendre indéfiniment l’injection de bonne volonté israélienne, aussi chiche puisse-t-elle être… Tous les dirigeants israéliens ont refusé de reconnaître les Palestiniens, d’abord en tant que peuple et, aujourd’hui, en tant que nation. Et, avec l’hypocrisie occidentale typique dès lors qu’il s’agit des Palestinien, personne n’a jamais suggéré l’idée qu’il fallait qu’Israël s’engage à cette reconnaissance.

De fait, les gouvernements israéliens successifs se glorifient de leur refus à étendre aux Palestiniens cette même reconnaissance qu’ils exigent d’eux. Le premier ministre travailliste de sinistre mémoire Golda Meir avait déclaré que les Palestiniens n’existaient pas, ajoutant que les frontières d’Israël, en 1971, étaient déterminées par les lieux où vivaient des juifs, et certainement pas par une ligne tracée sur une carte. Exactement au même moment, elle donnait l’ordre que la Ligne Verte, frontière d’Israël jusqu’à la guerre de juin 1967, fût effacée de toutes les cartes officielles de la région !

Ce legs a fait les gros titres des journaux, la semaine dernière, la ministre colombe de l’éducation nationale, Yuli Tamir, ayant suscité un scandale en publiant un décret stipulant que la Ligne Verte devait être réintroduite dans les manuels scolaires israéliens. Il y eut des protestations véhémentes contre la prétendue « idéologie d’extrême gauche » de la ministre, organisée par des hommes politiques et des rabbins.

D’après des pédagogues israéliens, il n’y a pratiquement aucune chance que les manuels de géographie montrent à nouveau la Ligne Verte, laissent tomber les références à la « Judée – Samarie » (noms bibliques des régions composant la Cisjordanie) ou encore comportent les noms de villes en arabe sur les cartes d’Israël. Les éditeurs privés qui impriment ces manuels refuseraient tout net d’encourir les surcoûts entraînés par la nécessité de réimprimer les cartes, a indiqué le Professeur Yoram Bar-Gal, recteur de la faculté de Géographie de l’Université de Haïfa.

Sensible au tort que cette querelle risquait de causer à l’image internationale d’Israël, et conscient du fait que la directive de Tamir n’a aucune chance d’être mise un jour en application, Olmert a donné un accord de principe à cette modification. « Rien ne s’oppose à ce que la Ligne Verte figure sur les cartes », a-t-il dit. Mais dans une déclaration rendant son accord totalement creux, il a ajouté : « Mais il faut impérativement souligner que tant la position du gouvernement que le consensus populaire excluent tout retour aux frontières de 1967 ».

2. Le deuxième élément du piège est, de très loin, généralement beaucoup moins bien comprise. Elle explique l’étrange formulation à laquelle recourt Israël dans la requête qu’il adresse au Hamas. Israël ne demande pas simplement au Hamas de « reconnaître Israël », il lui demande de « reconnaître le droit à l’existence d’Israël ». La différence n’est pas simplement d’ordre sémantique.

L’idée qu’un Etat puisse avoir un quelconque droit n’est pas seulement bizarre : elle est totalement étrangère au droit international. Les personnes ont des droits, les peuples ont des droits. Les Etats, non. Et c’est précisément là le point crucial : quand Israël exige que son « droit à l’existence » soit reconnu, le sous-entendu est que nous ne parlons pas, ici, de la reconnaissance d’Israël en tant qu’Etat nation ordinaire, mais en tant qu’Etat d’une population spécifique : les juifs .

En exigeant la reconnaissance de son droit à l’existence, Israël s’assure du fait que les Palestiniens admettent la nature de l’Etat d’Israël comme si elle était gravée dans le marbre, à savoir sa nature d’Etat juif exclusiviste, d’Etat qui privilégie les droits des juifs au détriment de tous les autres groupes ethniques, religieux et nationaux vivant sur le même territoire. La question des implications d’un tel Etat est très largement débattue, tant par Israël que par les pays occidentaux.

Pour la plupart des observateurs, cela signifie tout simplement qu’Israël doit refuser le retour de millions de Palestiniens qui croupissent dans des camps de réfugiés dans l’ensemble du Moyen-Orient et dont les maisons, en Israël, ont été confisquées au plus grand profit des juifs. Si on permettait à ces réfugiés palestiniens de revenir chez eux, la majorité juive serait compromise du jour au lendemain, et Israël ne pourrait plus se targuer d’être un Etat juif, sauf dans la mesure où l’Afrique du Sud sous apartheid était – officiellement – un Etat « blanc ».

Apparemment, le Premier ministre italien Romano Prodi, fait sienne cette conclusion, après une tournée de lobbying effectuée dans les capitales européennes par la télégénique ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni. D’après le Jerusalem Post, Prodi dit en privé qu’Israël devrait recevoir des garanties, de la part des Palestiniens, quant au fait que son caractère d’Etat juif ne sera jamais remis en question…

Les responsables israéliens trinquent à ce qu’ils considère la première fissure dans le soutien apporté par l’Europe au droit international et aux droits des réfugiés. « Il est important d’obtenir que tout le monde accorde ses violons, sur cette question », a ainsi déclaré un responsable israélien au Jerusalem Post.

Mais en réalité, les conséquences d’une reconnaissance d’Israël en tant qu’Etat juif par les dirigeants palestiniens vont bien au-delà de la seule question du devenir des réfugiés palestiniens. Dans mon livre « Blood and Religion  » [Sang et religion], j’ai identifié ces conséquences terribles pour les Palestiniens des territoires occupés et pour les Palestiniens, au nombre d’environ un million, qui vivent à l’intérieur d’Israël en qualité de citoyens jouissant – théoriquement – des mêmes droits que les citoyens israéliens juifs.

Je démontre que c’est ce besoin de pérenniser le caractère juif de l’Etat d’Israël, à n’importe quel prix, qui est en réalité le moteur du conflit d’Israël avec les Palestiniens. Aucune solution ne sera possible aussi longtemps qu’Israël persistera à privilégier les juifs au détriment d’autres groupes ethniques en matière de citoyenneté, et à déformer les réalités territoriales et démographiques de la région à seule fin de s’assurer que les chiffres continuent à peser en faveur des juifs.

Bien qu’en fin de parcours le retour des réfugiés représente la plus grande menace pour l’ « existence » d’Israë, Israël est confronté à une préoccupation démographique encore bien plus immédiate : le refus des Palestiniens vivant en Cisjordanie de céder les parties de leur territoire qu’Israël convoite (et qu’il ne veut connaître que sous les vocables bibliques de Judée et Samarie).

D’ici dix ans, les Palestiniens des territoires occupés et le million de citoyens palestiniens vivant à l’intérieur d’Israël seront plus nombreux que les juifs, tant ceux qui vivent en Israël que les colons juifs en Cisjordanie.

Ce fut d’ailleurs là une des raisons principales du « désengagement » israélien de la bande de Gaza : Israël était en mesure de prétendre que, même s’il continuait à occuper militairement ce petit territoire, il n’était désormais plus responsable de la population qui y vivait. En retirant quelques milliers de colons de la bande de Gaza, ce ne sont pas moins de 1, 4 million de Gazaouis qui furent effacés du panneau d’affichage des scores démographiques…

Mais même si la ‘perte’ de Gaza a repoussé de quelques années la menace d’une majorité palestinienne dans le grand Etat ambitionné par Israël, elle n’a pas magiquement garanti la pérennité d’Israël en tant qu’Etat juif. En effet, les citoyens palestiniens d’Israël, même s’ils sont une minorité ne représentant pas plus d’un cinquième de la population israélienne, sont potentiellement en mesure de faire s’écrouler la totalité du château de cartes.

Durant la décennie écoulée, ils n’ont cessé de demander qu’Israël soit réformé et passe de son statut d’Etat juif, qui les discrimine systématiquement et qui dénie leur identité palestinienne, à celui d’ « Etat de tous ses citoyens », c’est-à-dire de démocratie libérale, qui accorderait à tous ses citoyens des droits égaux, qu’ils s’agisse de ses citoyens juifs ou de ses citoyens arabes.

Israël a qualifié la revendication d’un Etat pour tous ses citoyens de subversion et de trahison, car il s’est rendu compte qu’au cas où Israël deviendrait une démocratie libérale , alors les citoyens palestiniens pourraient à juste titre exiger :

– le droit d’épouser des Palestinien(ne)s des territoires occupés et de la diaspora, ce qui leur confèrerait la citoyenneté israélienne – ce que des responsables ont qualifié de « droit de retour par la porte de service » ;

– le droit de ramener en Israël des parents réfugiés palestiniens, en vertu d’un programme de Droit au Retour qui ne serait qu’un pâle reflet de la loi, bien réelle, elle, dite « Loi du Retour », qui garantit à tout juif, n’importe où dans le monde, un droit automatique à la citoyenneté israélienne.

Afin d’écarter la première de ces menaces, Israël a adopté en 2003 une loi raciste de manière flagrante, qui rend pratiquement impossible aux Palestiniens de nationalité israélienne d’amener un conjoint palestinien en Israël. Pour l’instant, ces couples n’avaient pratiquement pas d’autre choix que demander le droit d’asile à l’étranger, au cas où d’autres pays s’avéreraient désireux de les accueillir.

Mais à l’instar du désengagement de Gaza, ce texte n’est qu’une tactique dilatoire, et certainement pas une solution au problème de l’ « existence » d’Israël. Aussi, en coulisses, Israël continue-t-il à suggérer des idées qui, prises ensemble, aboutiraient à l’expulsion de larges secteurs de la population palestinienne d’Israël au-delà de ses frontières, et à la déchéance de leurs droits politiques de tous les « citoyens » arabes restant – à moins qu’ils ne jurent loyauté à l’ « Etat juif et démocratique », renonçant du même coup à leur exigence qu’Israël se réforme lui-même afin de devenir une démocratie progressiste.

Pour l’Etat juif, comme ce fut le cas, il n’y a pas si longtemps, pour l’apartheid des Blancs en Afrique du Sud, c’est la fin des haricots. Les Israéliens en sont conscients, qui se disent : « si nous voulons survivre, alors nous devons être à même de faire n’importe quoi afin de nous maintenir au pouvoir, même si cela signifie violer systématiquement les droits humains de tous ceux que nous dominons et qui n’appartiennent pas à notre propre groupe [ethnique] ».

En fin de compte, les conséquences du fait de permettre à Israël de demeurer un Etat juif seront ressenties par nous tous, où que nous vivions sur la Planète. Et ce, non seulement en raison des retombées de la colère persistante et croissante des mondes arabe et musulman devant le deux poids – deux mesures perpétré par l’Occident entre Israël et les Palestiniens.

Etant donné la conception qui est celle d’Israël, selon laquelle la chose la plus urgente n’est ni la paix ni un règlement régional avec ses voisins, mais bien, en revanche, la nécessité de garantir une majorité juive, à n’importe quel prix, afin de protéger son « existence », Israël ne pourra qu’agir d’une manière qui mette en danger la stabilité tant régionale que mondiale .

Un petit avant-goût nous en est suggéré par le rôle joué par les partisans d’Israël à Washington dans la plaidoirie en faveur de l’invasion de l’Irak, ainsi que, l’été dernier, par l’agression israélienne contre le Liban. Mais elle est plus qu’évidente dans les battements de tam-tam en préparation d’une guerre contre l’Iran…

Israël est depuis l’origine à la tête des tentatives en vue de qualifier le régime iranien de profondément antisémite, et de donner à voir que les ambitions présumées qu’aurait ce pays d’acquérir des armes nucléaires ne seraient commandées que par la seule obsession de « rayer Israël de la carte » – une odieuse déformation mesquine et calculée des propos du président iranien Mahmoud Ahmadinejad.

La plupart des observateurs ont présumé qu’Israël était sincèrement préoccupé pour sa sécurité et par la peur d’une attaque nucléaire contre lui, aussi improbable que soit l’idée que même les régimes musulmans les plus fanatiques puissent s’aviser, sans être provoqués, de lancer des armes nucléaires contre un minuscule territoire qui renferme certains des lieux saints les plus sacrés de l’Islam, à Jérusalem…

Mais en réalité, il y a une autre raison pour laquelle Israël est préoccupé par l’idée qu’un jour l’Iran puisse être doté d’armes nucléaires – une raison qui n’a strictement rien à voir avec les notions conventionnelles de la sécurité nationale.

Le mois passé, Ephraim Sney, un des généraux les plus étoilés d’Israël, qui est aujourd’hui vice-ministre de la Défense d’Olmert, a révélé que la préoccupation première du gouvernement israélien n’était pas la menace représentée par un Ahmadinejad lançant des missiles nucléaires contre Israël, mais bien l’effet que la détention par l’Iran d’armes de cette nature ne manquerait pas d’avoir sur des juifs misant tout sur le fait qu’Israël détienne le monopole de la menace nucléaire.

Autrement dit, le gouvernement israélien est en train d’envisager soit sa propre frappe préemptive contre l’Iran, soit l’idée d’inciter les Etats-Unis à procéder eux-mêmes à une attaque de cette nature – en dépit des conséquences terribles qu’elle aurait pour la sécurité mondiale – au simple motif qu’un Iran devenu « nucléaire » risquerait de faire d’Israël un endroit moins attractif pour les juifs, conduisant à une augmentation de l’émigration [des juifs faisant leur « yorda », c’est-à-dire disant bye-bye à Israël, ndt] et renversant, de ce fait, la balance démographique en faveur des Palestiniens.

Une guerre régionale – et éventuellement une guerre mondiale – risque d’être déclenchée simplement afin de s’assurer que l’ « existence » d’Israël en tant qu’Etat offrant des privilèges exclusifs aux juifs puisse perdurer.

Dans notre propre intérêt, à nous tous, nous devons espérer que les Palestiniens et leur gouvernement Hamas tiendront bon, et continueront à refuser de reconnaître « le droit à l’existence d’Israël ».

Jonathan Cook

Traduction française originale de M. Charbonnier, révisée par F. Giudice, membres de Tlaxcala (www.tlaxcala.es) réseau de traducteurs pour la diversité linguistique.




Une introduction au conflit israélo-palestinien

Article de Norman Finkelstein publié sur son site en septembre 2002. L’auteur est professeur de science politique à la City University de New York. Spécialiste du sionisme, il a publié de nombreux ouvrages dont le plus connu est « L’industrie de l’holocauste », réflexion sur l’exploitation idéologique de la souffrance des juifs (2001).

S’appuyant sur une étude historique précise depuis la Déclaration Balfour de novembre 1917, Finkelstein montre que la stratégie israélienne quant au sort réservé à la population palestinienne a alterné, en fonction du contexte international, entre la « méthode du transfert » et la « méthode sud-africaine ».

Appliquée de 1917 à 1967, la méthode du transfert a consisté à nettoyer le territoire palestinien de sa population autochtone pour créer un Etat juif ethniquement homogène. A partir de 1967, les dirigeants sionistes se trouvent obligés d’abandonner cette politique sous la pression de l’opinion publique mondiale et optent pour la méthode de l’apartheid .

Cette stratégie a eu pour but de maintenir une majorité indigène exploitée sous le joug d’une minorité de colons. Et l’ensemble des négociations et des accords du « processus de paix » entrent dans le cadre de cette gestion de l’oppression.

Enfin, depuis le début des années 2000, la résistance des palestiniens et l’acharnement de l’Etat sioniste à ne rien céder ont rendu caduque cette deuxième option. Il semble bien qu’Israël, aidé par le contexte international issu du 11 septembre 2001, se dirige vers une solution de l’emploi de la pure force couplée à la menace d’expulsion.

 Afin d’alléger ce texte très long, nous avons supprimé les nombreuses notes de bas de page. Le lecteur peut, le cas échéant, se rapporter à l’original anglais .


SOMMAIRE

1. Le contexte
2. Première étape – « La méthode du transfert »
3. Deuxième étape : « la méthode sud-africaine »
4. Le « processus de paix » 
5. Leçons tirées de l’Holocauste nazi
6. La menace d’expulsion (« transfert »)


1. Le contexte

Afin de résoudre ce qu’il était convenu d’appeler « la question juive » – c’est-à-dire le défi réciproque entre la répulsion pour les Juifs, chez les Gentils (l’antisémitisme) et l’attrait des sociétés des Gentils pour les Juifs (l’assimilation) – le mouvement sioniste chercha, à la fin du dix-neuvième siècle, à créer un Etat très majoritairement, sinon totalement juif, en Palestine. Le mouvement sioniste ayant conquis un pied à terre en Palestine grâce à la publication par la Grande-Bretagne de la Déclaration Balfour, le principal obstacle qui se dressait devant la réalisation du projet sioniste était la population arabe indigène de la Palestine. En effet, à la veille de la colonisation sioniste, la Palestine, dans son écrasante majorité n’était pas juive : elle était peuplée d’Arabes, musulmans et chrétiens.

D’un extrême du spectre sioniste à l’autre, il était clair, dès le début, que la population arabe indigène de la Palestine ne dirait pas « amen » à sa dépossession. « Contrairement à ce que l’on prétend souvent, le sionisme n’était pas aveugle à la présence des Arabes en Palestine », fait observer Zeev Sternhell. « Si les intellectuels et les dirigeants sionistes ignoraient le dilemme des Arabes, c’était avant tout parce qu’ils savaient parfaitement que ce problème n’avait pas de solution dans la conception sioniste des choses… En général, les uns et les autres se comprenaient très bien entre eux, ils savaient que la mise en pratique du sionisme ne pourrait se faire qu’aux dépens des Arabes palestiniens ». Moshe Shertok (par la suite : Sharett) repoussait avec mépris les « espoirs illusoires » de ceux qui parlaient d’une « compréhension mutuelle » entre « nous » et les Arabes, d’ « intérêts communs » et de « la possibilité d’une unité et d’une paix entre les deux peuples frères. » « Il n’existe pas d’exemple, dans l’Histoire », déclara Ben Gourion, en cadrant de manière lapidaire le cœur du problème, « qu’une nation ouvre les portes de son pays, non par nécessité… mais parce que la nation qui veut venir s’y installer a manifesté son désir de le faire. ».

« La tragédie du sionisme », écrira Walter Laqueur dans son ouvrage historique de référence, « fut qu’il apparut sur la scène mondiale à une époque où n’existait plus aucun espace libre sur la mappemonde. » Ce n’est pas tout à fait exact. En fait, il n’était plus politiquement possible de créer de tels espaces : l’extermination avait cessé d’être une option admissible, en vue de la conquête territoriale. Fondamentalement, le mouvement sioniste n’avait de choix qu’entre deux options stratégiques, pour atteindre son but : ce que Benny Morris a appelé « la méthode Sud-Africaine » – « l’établissement d’un Etat d’apartheid, dans lequel une minorité de colons règnerait sur une importante majorité indigène exploitée » – ou la « méthode du transfert » – « vous pouviez créer un Etat juif homogène ou tout au moins, un Etat avec une écrasante majorité juive, en déplaçant, en « transférant » la totalité, ou la plupart, des Arabes, dehors »

2. Première étape – « La méthode du transfert »

Dans la première étape de la conquête, le mouvement sioniste jeta son dévolu sur la « méthode du transfert ». En dépit d’un fatras rhétorique autour de la volonté de « vivre avec les Arabes dans des conditions d’unité et d’honneur mutuel, afin de transformer la patrie commune, avec eux, en une terre florissante » (douzième Congrès sioniste, 1921), les sionistes, dès le début, visèrent à les expulser. « L’idée du transfert a accompagné le mouvement sioniste dès ses tous premiers balbutiements », relève Tom Segev. « La ‘disparition’ des Arabes se trouve au cœur du rêve sioniste, et elle est aussi une condition nécessaire de son existence… A de rares exceptions près, aucun sioniste ne remettait en question la nécessité désirable d’un transfert par la force – ni son caractère moral. » L’essentiel était de ne pas rater le moment opportun. Ben Gourion, réfléchissant à l’option expulsive à la fin des années 1930, écrit : «Ce qui est inconcevable en temps normal devient concevable en des temps révolutionnaires ; si à ce moment-là l’opportunité est manquée et si ce qui est possible en ces heures décisives n’est pas mené à bien – c’est tout un monde qui est alors perdu. »

L’objectif de « désapparition » de la population arabe indigène met en évidence un truisme virtuel enterré sous une montagne de littérature sioniste apologétique : ce qui aiguillonnait l’opposition des Palestiniens au sionisme n’était pas l’antisémitisme au sens d’une haine irrationnelle des Juifs, mais bien la perspective – tout ce qu’il y a de plus réelle – de se voir expulsés. « La peur de l’éviction territoriale et de la dépossession », conclut judicieusement Morris, « fut le moteur essentiel de l’opposition arabe au sionisme ». De la même manière, dans son étude magistrale du nationalisme palestinien, Yehoshua Porath suggère l’idée que le « facteur principal nourrissant » l’antisémitisme arabe « n’était pas la haine des Juifs en tant que tels, mais l’opposition à la colonisation juive de la Palestine. » Il poursuit, en avançant l’argument que bien que les Arabes eussent, dans un premier temps, établi un distinguo entre les Juifs et les sionistes, il était « inéluctable » que leur opposition à la colonisation sioniste se muât en détestation de l’ensemble des Juifs : « Au fur et à mesure que l’immigration (juive) s’intensifiait, l’identification de la communauté juive (de Palestine) au mouvement sioniste suivait le même mouvement… Les facteurs non-sionistes et antisionistes devinrent une minorité négligeable, et il fallait une sérieuse dose de sophistication pour continuer à établir le distinguo de naguère. Il était tout à fait déraisonnable d’espérer que la population arabe, dans son ensemble, et le noyau d’insurgés qui en faisait partie, continueraient à maintenir cette distinction. »

Depuis ses premiers remous, à la fin du XIXème siècle, et tout au long du raz-de-marée de son insurrection, dans les années 1930, la résistance palestinienne se focalisa constamment sur les deux piliers de la conquête sioniste : les colons juifs et les colonies juives. Des écrivains apologues du sionisme, comme Anita Shapira, opposent la colonie juive, pacifique, au recours à la force. En réalité, la colonisation, c’était la quintessence de la force armée . « De l’extérieur, le sionisme était vu comme recourant à l’emploi de la force afin de réaliser des aspirations nationales », observe Yosef Gorny. « Cette force consistait avant tout en la capacité collective de reconstruire un foyer national (pour les Juifs) en Palestine. » Par l’implantation, le mouvement sioniste ambitionnait – pour reprendre les paroles de Ben Gourion – « un alliage parfait, idéal, entre la charrue et le fusil. » Plus tard, Moshé Dayan écrivit dans ses mémoires : « Nous sommes une génération de pionniers ; sans le casque de combat et le chargeur de la mitraillette, nous n’aurions pas pu planter un seul arbre ni construire une seule maison. » Le mouvement sioniste présupposait, derrière la résistance palestinienne à la colonisation juive, un antisémitisme générique (et génétique), des colons juifs « étant assassinés », déclara sans ambages Ben Gourion, « pour la seule raison qu’ils étaient juifs » – manière pour lui de cacher au monde extérieur et aussi, de se cacher à lui-même, les récriminations logiques et légitimes de la population palestinienne indigène. Dans le bain de sang qui en résulta, les parents et amis martyrs du sionisme allaient, comme c’est le cas aujourd’hui pour les parents et amis des martyrs palestiniens, revêtir de lustre et de fierté ces sacrifices patriotiques. « Je suis très fier », déclarait avec emphase le père d’une victime juive, « d’avoir été le témoin vivant d’un tel Evénement historique. »

Il convient de relever ici, afin d’éclairer la suite de notre propos, que, depuis la période entre les deux guerres mondiales, jusqu’aux premières années d’après-guerre, l’opinion publique occidentale n’était pas autrement opposée au transfert de population, comme expédient (bien qu’extrême) pour résoudre des conflits ethniques. Les socialistes français et la presse juive européenne manifestèrent leur soutien à l’idée du transfert des Juifs à Madagascar, pour résoudre le « problème juif » en Pologne, au milieu des années 1930. Le principal transfert forcé de population, avant la Seconde guerre mondiale, fut mis en œuvre entre la Turquie et la Grèce. Décidé par le Traité de Lausanne (1923) et approuvé et supervisé par la Ligue des Nations, ce déplacement brutal de plus d’un million et demi de personnes finit par être considéré par la majorité des responsables officiels en Europe comme un précédent prometteur. Les Britanniques citèrent ce précédent heureux, à la fin des années 1930, comme le Modèle à suivre afin de résoudre le conflit en Palestine. Vladimir Jabotinsky, dirigeant sioniste de droite, encouragé par les expérimentations démographiques des Nazis dans les territoires conquis (environ un million et demi de Polonais et de Juifs avaient été expulsés et avaient été remplacés par des centaines de milliers d’Allemands venus habiter à leur place), s’exclama : « Le monde s’est habitué à l’idée de migrations massives, et on dirait presque qu’il aime ça. Hitler – aussi odieux soit-il, à nos yeux – a donné à cette idée une bonne réputation dans le monde entier. » Durant la guerre, l’Union soviétique (de Staline) mena elle aussi à bien des déportations sanglantes de minorités récalcitrantes, tels les Allemands de la Volga, les Tchétchéno-Ingouches et les Tatars. Les sionistes travaillistes excipèrent des « expériences positives » qu’avaient été à leurs yeux les expulsions gréco-turques et soviétiques, afin de justifier l’idée du transfert des Palestiniens. Rappelant le « succès » (appréciation signée Churchill) du transfert forcé et de l’échange de population gréco-turc, les Alliés autorisèrent, à la conférence de Postdam (1945), l’expulsion de quelque 13 millions d’Allemands d’Europe centrale et orientale (près de deux millions de civils périrent au cours de cet horrible déracinement). Il ne fut pas jusqu’au parti Travailliste britannique (de gauche), qui ne prétendît, dans sa plate-forme programmatique pour l’année 1944, que « les Arabes devaient être encouragés à se tirer » de Palestine, comme le fit lui-même le philosophe humaniste Bertrand Russell, afin de laisser la place à la colonisation sioniste.

En effet, dans l’Occident – cet Occident « éclairé » – nombreux furent ceux qui en vinrent à considérer que le déplacement de la population arabe indigène de Palestine était une conséquence inévitable du progrès de la Civilisation. L’identification des Américains au projet sioniste fut des plus aisées, étant donné que « l’ordre social du Yishuv [= la communauté juive en Palestine] était édifié sur l’éthique de la « société de la frontière », dans laquelle la colonie-implantation de pionniers fournissait l’exemple édifiant à suivre ». Afin d’expliciter l’ « ignorance quasi totale du sort des Arabes » par les Américains, un parlementaire travailliste britannique éminent, Richard Crossman, expliqua, au milieu des années 1940 : « Après tout, le sionisme n’est que la tentative des Juifs européens de bâtir leur vie nationale sur le sol de Palestine, d’une manière tout à fait comparable à celle dont les pionniers américains ont développé l’Ouest (Far West). Ainsi, les Américains vont-ils accorder aux colons juifs en Palestine le bénéfice du doute, et considérer les Arabes comme des aborigènes qui doivent s’incliner devant la marche du progrès. » Opposant les Arabes « débraillés » aux colons juifs intrépides qui avaient « mis en branle des forces révolutionnaires au Moyen-Orient », Crossman lui-même professa son soutien au sionisme au nom du « progrès social ». Le candidat libéral de gauche aux élections présidentielles américaines, en 1948, Henry Wallace, compara la guerre de conquête des sionistes en Palestine à « la lutte menée par les colonies américaines, en 1776. De la même manière que les Anglais avaient ameuté les Iroquois, à l’époque des guerres américaines, dans leur guerre contre les pionniers (républicains américains), ils excitent aujourd’hui les Arabes (contre les sionistes « progressistes ») »

En 1948, le mouvement sioniste tira profit des « circonstances révolutionnaires » offertes par la première guerre israélo-arabe – d’une façon très comparable aux Serbes profitant des bombardements de l’Otan pour procéder au nettoyage ethnique au Kosovo* – pour expulser plus de 80 % de la population indigène (750 000 Palestiniens), et du même coup atteindre son objectif, en l’occurrence un Etat presque entièrement peuplé de Juifs, même si cet état ne s’étendait pas encore – provisoirement – sur la totalité de la Palestine. Berl Katznelson, connu pour être la « conscience » du sionisme travailliste, n’en démordait pas : il continuait à affirmer que « jamais auparavant une entreprise coloniale n’a(vait) été à ce point caractérisée par la justice et l’honnêteté à l’égard d’autrui que l’œuvre que nous av(i)ons accomplie, ici, en Eretz Israel. » Dans son épopée consacrée à la dépossession de la population indigène américaine par les colons – The Winning of the West – Theodore Roosevelt, de la même manière, concluait qu’ « aucune autre Nation conquérante n’a jamais traité les sauvage propriétaires du sol avec une telle générosité que l’ont fait les Etats-Unis ». Les récipiendaires de cette bienfaisance auraient vraisemblablement une version bien différente de l’histoire à nous raconter…

3. Deuxième étape : « la méthode sud-africaine »

La principale crainte des Arabes (et des Britanniques), avant et après la guerre de 1948, était que le mouvement sioniste n’utilise l’Etat juif taillé dans la Palestine comme tremplin pour leur expansion ultérieure. En réalité, les sionistes suivaient depuis bien longtemps une stratégie « par étapes » consistant à conquérir la Palestine par appartements – stratégie qu’ils allaient plus tard vilipender les Palestiniens de suivre. « La vision sioniste ne saurait être accomplie en un seul coup », rapporte le biographe officiel de Ben Gourion , « et singulièrement pas la transformation de la Palestine en un Etat juif. L’approche par étapes, dictée par des circonstances qui n’étaient en rien favorables, requérait la fixation d’objectifs qui eussent l’apparence de concessions ». Le mouvement sioniste accepta les propositions britanniques et américaines de partage de la Palestine, mais seulement « comme une étape sur la voie d’une implantation sioniste beaucoup plus étendue » (Ben Gourion). Le principal regret des sionistes, à la suite de la guerre de 1948, fut d’avoir échoué à conquérir l’ensemble de la Palestine. Plus tard, en 1967, Israël exploiterait les « temps révolutionnaires » de la guerre de Juin afin de parachever le travail. Sir Martin Gilbert, dans sa brillante Histoire d’Israël, affirmait que les dirigeants sionistes avaient toujours considéré, dès le début, que les territoires conquis représentaient une « charge indésirable qui pèserait lourdement sur les épaules d’Israël. » Dans une nouvelle étude, unanimement reconnue, « Six Days of War « , (Six Jours de Guerre), Michael Oren suggère l’idée que l’occupation du Sinaï, des hauteurs du Golan, de la Cisjordanie et de Gaza « résulta dans une très large mesure du facteur chance », « des hasards et de l’impétuosité de la guerre. » A la lumière des impératifs permanents du mouvement sioniste en matière territoriale, Sternhell observe quant à lui, plus sobrement : « Le rôle de l’occupant, qu’Israël dut commencer à assumer quelques mois seulement après sa victoire éclair remportée en juin 1967, n’était pas le résultat de quelque erreur de calcul commise par les dirigeants de l’époque, ni de la conjonction de circonstances fortuites. Non : il s’agissait bien d’un pas supplémentaire vers la réalisation des ambitions supérieures du sionisme. »

Israël fut confronté, après l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza, au même dilemme qu’à l’aube du mouvement sioniste : il voulait les territoires – pas leurs habitants. L’expulsion, toutefois, n’était plus envisageable. Après les expériences brutales du nazisme, accompagnées de la mise en application et de la planification d’une véritable ingénierie démographique, l’opinion publique mondiale avait cessé d’accorder une quelconque forme de légitimité aux transferts de population. La Quatrième Convention de Genève, texte fondamental ratifiée en 1949, « prohibait (pour la première fois) d’une manière non équivoque la déportation » de civils soumis à une occupation militaire (articles 49,147). Il en découle qu’Israël opta, après la guerre de juin 1967, pour la mise en application de la seconde des deux options évoquées plus haut – l’apartheid. Ce choix allait s’avérer la principale pierre d’achoppement sur la voie d’un règlement diplomatique du conflit israélo-palestinien.

4. Le « processus de paix »

Immédiatement après la guerre de juin 1967, l’ONU délibéra des modalités permettant de réaliser une paix juste et durable. Un très large consensus, tant à l’Assemblée générale qu’au Conseil de Sécurité, appelait au retrait d’Israël des territoires arabes occupés par ce pays au cours de la guerre. La Résolution 242 du Conseil de Sécurité rappela, dans son préambule, le principe fondamental du droit international suivant : « … mettant l’accent sur l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la force armée. ». En même temps, la Résolution 242 appelait les Etats arabes à reconnaître le droit d’Israël « à vivre en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri des menaces et des agressions armées. » Afin de satisfaire aux aspirations nationales des Palestiniens, le consensus international finit par prévoir la création d’un Etat palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, après le retrait d’Israël à l’intérieur de ses frontières antérieures à juin 1967. (La 242, quant à elle, se contentait de mentionner indirectement les Palestiniens, en appelant à « la recherche (et l’obtention) d’une solution équitable au problème des réfugiés. »)

Bien que le ministre de la Défense Moshe Dayan reconnût en privé que la 242 exigeait son retrait total, Israël maintenait sa position officielle, selon laquelle cette résolution autorisait des « révisions territoriales ». Le refus israélien, en février 1971, de se retirer complètement du Sinaï, en échange de l’offre égyptienne d’un accord de paix, conduisit directement à la guerre d’Octobre 1973. Les paramètres fondamentaux de la politique israélienne relative aux territoires palestiniens avaient été exposés dès la fin des années 1960 dans la proposition d’Yigal Allon, un membre éminent du parti Travailliste, membre du Cabinet. Le « plan Allon » préconisait l’annexion à Israël d’une partie de la Cisjordanie pouvant aller jusqu’à la moitié, tandis que les Palestiniens se verraient confinés dans l’autre moitié, divisés entre deux cantons non reliés entre eux, au nord et au sud. Sasson Sofer aime à relever, généralement, l’ « ambiguïté fertile » de la diplomatie israélienne – on pourrait parler plus justement de « cynisme créatif » – consistant à « mettre en exergue le caractère sui generis de la question juive afin d’asseoir la légitimité (de l’Etat juif, ndt), puis à mettre l’accent sur la normalité de l’existence souveraine d’Israël en tant qu’Etat, auquel devraient être accordés tous les droits et privilèges reconnus par la communauté internationale à toute entité nationale. » Dans le cas d’espèce, Israël demandait, à l’instar de tous les Etats souverains, l’entière reconnaissance – parfois aussi qualifiée de ‘droit’ – à la conquête territoriale, au nom de la souffrance des Juifs – sans équivalent historique – et en dérogation à la loi internationale. Comme nous le montrons par ailleurs, l’invocation de l’holocauste nazi joua un rôle crucial dans ce petit jeu diplomatique.

Au début, les Etats-Unis soutinrent l’interprétation consensuelle de la Résolution 242, en ne fermant les yeux que sur des ajustements « mineurs » et « mutuellement consentis » de la frontière – non reconnue – entre Israël et la Cisjordanie sous souveraineté jordanienne. Au cours d’échanges privés, très vifs, avec les Israéliens, durant des efforts de médiation sponsorisés par l’ONU et menés par Gunnar Jarring, en 1968, les officiels Américains ne démordirent pas de leur position, selon laquelle « les termes [frontières] ‘reconnues et sûres’ signifiaient qu’il y avait possibilité d’ « arrangements de sécurité » et d’une « reconnaissance » des nouvelles lignes de front comme frontières internationales » et que ces termes « ne signifiaient en aucune manière qu’Israël pourrait étendre son territoire afin d’y englober la Cisjordanie et Suez, (même) s’il jugeait cette extension indispensable à sa sécurité » et, aussi, qu’ « il n’y aurait jamais de paix aussi longtemps qu’Israël tenterait de s’arroger des superficies importantes des territoires occupés. » En le désignant explicitement par son nom, les Américains déplorèrent le fait que le Plan Allon, même dans sa version la plus minimaliste, « n’apportait aucune ouverture » et était « inacceptable, dans son principe même. »

La politique américaine, toutefois, effectuant un virage crucial (sous l’administration Nixon-Kissinger) se réaligna sur celle d’Israël. Exceptés Israël et les Etats-Unis (et, à l’occasion, tel ou tel Etat client de ceux-ci), la communauté internationale a soutenu, sans défaillir, tout au long du quart de siècle écoulé, la solution « à deux Etats » : retrait total d’Israël des Territoires occupés ; reconnaissance totale de l’Etat d’Israël par les pays arabes ainsi que création d’un Etat palestinien à côté d’Israël. Les Etats-Unis furent le seul pays à opposer leur veto aux résolutions du Conseil de Sécurité adoptées en janvier 1976, puis en avril 1980, confirmant la préconisation de la solution à deux Etats avalisée par l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et les pays arabes voisins. Une résolution de l’Assemblée générale, en décembre 1989, sur les mêmes positions, fut adoptée à 151/3 voix (pas d’abstention) : les trois votes négatifs ayant été ceux : d’Israël ; des Etats-Unis et de Saint Domingue. Lorsqu’on prend conscience ce lourd passif de mépris (américano-israélien) total pour l’opinion internationale, il n’est nullement surprenant qu’Israël ait posé sans ambages comme condition préalable à toute négociation que les Palestiniens « abandonnassent leur exigence traditionnelle » d’un « arbitrage international » ou d’un « mécanisme du Conseil de Sécurité. » Le principal obstacle empêchant l’annexion totale des territoires occupés, c’était l’OLP. Mais, celle-ci ayant adopté la solution à deux Etats au milieu des années 1970, il n’était plus possible de l’écarter en l’accusant de n’être qu’une organisation terroriste vouée à la destruction d’Israël. Et en effet, des pressions croissantes s’exercèrent sur Israël, l’exhortant à rechercher un agrément avec l’ « approche du compromis » adoptée par l’OLP. En conséquence de quoi, Israël envahit le Liban, où les dirigeants palestiniens avaient leurs quartiers généraux, afin de tuer dans l’oeuf ce que le spécialiste ès stratégie Avner Yaniv a pu qualifier de manière lapidaire d’ « offensive de paix » ( !) de l’OLP.

En décembre 1987, frustrés par l’impasse diplomatique causée par l’obstructionnisme américano-israélien (à l’ONU), les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza se soulevèrent contre l’occupation : il s’agissait d’une insurrection civile et non-violente – l’Intifada. La répression brutale d’Israël (à laquelle s’ajoutèrent les effets désastreux de la direction inepte et corrompue de l’OLP) finit par aboutir à la défaite du soulèvement. Du fait de l’implosion de l’Union soviétique, de la destruction de l’Irak et de la suspension des financements des pays arabes du Golfe, les Palestiniens connurent un revers de fortune supplémentaire. Les Etats-Unis et Israël saisirent cette opportunité afin de recruter au sein de la direction palestinienne déjà vénale et désormais aux abois – « à la veille de la banqueroute » et « dans une situation extrêmement affaiblie », dira Uri Savir, chef négociateur à Oslo – les supplétifs palestiniens du pouvoir israélien. Telle est la signification des accords d’Oslo signés en septembre 1993 : il s’agissait de créer un bantoustan palestinien en faisant miroiter à Arafat et à la direction de l’OLP les prérogatives et les privilèges du pouvoir, d’une manière très semblable à celle dont avaient usé les Britanniques afin de prendre le contrôle de la Palestine durant les années du Mandat, en utilisant le Mufti de Jérusalem, Amin al-Husayni, et le Conseil Musulman Suprême (aux mêmes fins). Après Oslo, « l’occupation continua », écrit un observateur israélien «ayant de la bouteille », Meron Benvenisti, qui poursuit : « même si c’était avec une télécommande, désormais, et avec le consentement du peuple palestinien, représenté par son « unique représentant » – l’OLP. » Benvenisti poursuit : « Il va sans dire que cette ‘coopération’ basée sur le statu quo du rapport des forces respectives n’était pas autre chose que la continuation – – déguisée – de la domination israélienne et que l’autonomie palestinienne n’était qu’un euphémisme politiquement correct pour désigner la bantoustanisation. » Le « test », pour Arafat et l’OLP, d’après Savir, était de savoir s’ils « utiliseraient leur pouvoir tout neuf afin de démanteler le Hamas et d’autres groupes violents oppositionnels » qui osaient continuer à contester l’apartheid israélien.

La politique israélienne de colonisation des Territoires Occupés au cours de la décennie écoulée révèle le contenu réel du « processus de paix » mis en œuvre à Oslo. Les détails sont donnés dans une étude exhaustive réalisée par B’Tselem (Centre Israélien d’Information sur les Droits de l’Homme dans les Territoires Occupés), intitulée : « L’accaparement des terres« . En raison, en tout premier lieu, de subventions très importantes accordées par le gouvernement israélien, la population des colons juifs est passée de 250 000 à 380 000 au cours des années ‘d’Oslo’, l’activité de colonisation connaissant un rythme plus soutenu sous le mandat du Travailliste Ehud Barak que sous celui de Benjamin Netanyahu, du Likoud. Illégales au regard du droit international, car construites sur des territoires illégalement saisis à des Palestiniens, ces colonies recouvrent aujourd’hui près de la moitié de la superficie de la Cisjordanie. Elles ont été annexées à Israël sous de multiples prétextes (la loi israélienne s’applique non seulement aux Israéliens, mais également aux Juifs non-Israéliens résidant dans les colonies) et interdites aux Palestiniens non munis d’une autorisation spéciale. En fragmentant la Cisjordanie en enclaves disjointes et non viables, les colonies ont empêché tout développement significatif de l’économie palestinienne. Dans certaines parties de la Cisjordanie et de Jérusalem Est, les seuls terrains constructibles sont sous juridiction israélienne, tandis que la consommation d’eau des 5 000 colons de la vallée du Jourdain équivaut à 75 % de la consommation totale des deux millions d’habitants palestiniens de la Cisjordanie. Pas une seule colonie n’a été démantelée durant les années ‘Oslo’, tandis que le nombre de nouvelles unités d’habitation, dans les colonies, croissait de plus de 50 % (sans tenir compte de Jérusalem Est) ; là encore, la plus importante floraison de constructions nouvelles ne s’est pas produite du temps du gouvernement Netanyahu, mais bien durant celui de Barak, précisément en 2000 – exactement à l’époque où Barak prétendait « ne pas avoir laissé une seule pierre sans la retourner » tant était intensive sa quête de la paix !

« Dans les territoires occupés, Israël a instauré un régime de séparation (apartheid) fondé sur la discrimination, en appliquant deux système juridiques différents dans une même zone territoriale et en faisant dépendre les droits des individus de leur nationalité », conclut l’étude de B’Tselem. « Ce régime est unique en son genre, dans le monde entier, et il rappelle les régimes détestables aujourd’hui disparus, tel le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud. »

Durant les dix-huit premiers mois du gouvernement Sharon, au total 44 colonies nouvelles – fustigées par la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU comme « des provocations destinées à mettre le feu aux poudres » – ont été construites. Tandis que les colonies se multiplient, Israël cantonne les Palestiniens de Cisjordanie dans huit parcelles de territoire, entourées chacune de fil de fer barbelé, un permis spécial étant requis pour tout déplacement ou pour toute activité commerciale entre elles (les camions doivent décharger leur marchandise à la ‘frontière’ et la marchandise doit être rechargée sur d’autres camions, de l’autre côté, dans un système dit « back-to-back » (litt. : ‘dos à dos’). Il en résulte une aggravation supplémentaire de la situation d’une économie palestinienne dans laquelle le chômage atteint désormais plus de 70 % dans certaines régions, où la moitié de la population vit au-dessous d’un seul de pauvreté fixé à 2 dollars/jour/personne, et où un enfant de moins de cinq ans, sur cinq, souffre de malnutrition, largement causée – d’après un rapport de l’organisme américain USAID – par les entraves mises aux transports. « Ce qui est vraiment terrible », déplorait un journaliste de Ha’Aretz, « c’est la manière complètement blasée avec laquelle les mass media ont traité ces informations… Où est l’indignation de l’opinion publique devant cette tentative de saucissonner les territoires et d’imposer des laissez-passer… et d’humilier et harceler une population qui a les plus grandes difficultés pour gagner de quoi vivre et mener une existence normale ? »

Après sept années, cahin-caha, de négociations, après une succession de nouveaux accords intérimaires qui s’arrangèrent de manière à piquer aux Palestiniens les quelques miettes tombées de la table du maître de maison, à Oslo, le moment de vérité arriva, à Camp David, en juillet 2000. Le président américain William (Bill) Clinton et le Premier ministre israélien Barak présentèrent à Arafat un ultimatum lui donnant le ‘choix’ entre accepter de manière formelle le Bantoustan qui lui était offert ou, à défaut, assumer l’entière responsabilité de l’effondrement du « processus de paix ». Arafat, toutefois, refusa de déroger au consensus international sur les moyens de régler le conflit. D’après Robert Malley, un négociateur clé, américain, à Camp David, Arafat persista à en tenir pour un « Etat palestinien édifié dans le cadre des frontières (internationales) du 4 juin 1967, vivant à côté d’Israël », tout en « acceptant l’idée qu’Israël annexât des parties du territoire cisjordanien pour arranger les colonies, bien qu’il insistât sur un échange de territoires fifty-fifty (de territoires ‘de superficie et de valeur identiques’ – ce qui revient exactement aux ajustements frontaliers ‘mineurs’ et ‘mutuels’ de la position originelle des Etats-Unis sur la résolution 242. Le récit fait par Malley de la proposition palestinienne à Camp David – une offre qui fut immédiatement repoussée par Israël, mais rarement décrite – mérite d’être citée in extenso : « un Etat d’Israël incorporant certains territoires conquis en 1967 et comportant une grande majorité de (ses) colons établis sur ces territoires ; la plus grande Jérusalem juive de toute l’Histoire ; la préservation de l’équilibre démographique israélien entre Juifs et Arabes ; la sécurité, garantie par une présence internationale sous la supervision des Etats-Unis. » En face, contrairement au mythe inventé par Barak-Clinton, ainsi que par des médias plus que complaisants, « Barak offrit des apparences de souveraineté palestinienne », observa un conseiller spécial du Foreign Office (Affaires Etrangères britanniques), « tout en perpétuant l’asservissement des Palestiniens ». Bien qu’existent plusieurs versions de la proposition Barak, sensiblement différentes entre elles, tous les observateurs au courant sont unanimes à dire qu’elles auraient abouti à ce que « les territoires annexés par Israël seraient allés très loin à l’intérieur du territoire de l’Etat palestinien » (Malley), divisant la Cisjordanie entre plusieurs enclaves discontinues, de plus, cette proposition offrait des échanges de territoires palestiniens contre des territoires israéliens qui n’étaient ni de la même étendue, ni d’une valeur équivalente.

A cet égard, il est intéressant de se pencher sur la réaction d’Israël au plan de paix proposé par les Saoudiens en mars 2002. Le Prince régnant Abdullah a proposé – et l’ensemble des vingt et un autres membres de la Ligue des Etats arabes ont approuvé – un plan qui offrait des concessions qui allaient, en réalité, au-delà du consensus international. En échange d’un retrait total d’Israël des Territoires, ce plan offrait non seulement une reconnaissance sans réserve d’Israël, mais des « relations normales » avec lui, il appelait non pas au « droit au retour » des réfugiés palestiniens, mais bien plutôt à une « solution équitable » du problème des réfugiés. Un commentateur de Ha’Aretz nota que le plan saoudien « ressemblait de façon frappante à ce que Barak prétendait avoir proposé deux ans auparavant», à Camp David. Israël se serait-il engagé à un retrait total en échange d’une normalisation de ses relations avec le monde arabe, que le plan saoudien, avalisé à l’unanimité par le sommet de la Ligue arabe (à Beyrouth) aurait été accueilli dans l’euphorie. En fait, après un temps éphémère d’évitement et de silence, ce plan fut rapidement déposé dans le ‘trou à mémoire’ d’Orwell. Néanmoins, le faux de Barak et Clinton, selon lequel les Palestiniens auraient rejeté, à Camp David, l’offre la plus généreuse possible jamais faite par Israël offrit une couverture morale décisive pour les horreurs qui allaient s’ensuivre.

5. Leçons tirées de l’Holocauste nazi

En septembre 2000, les Palestiniens s’embarquèrent pour une deuxième Intifada contre la domination israélienne. Dans le « raisonnement gondolé » des Israéliens, à la suite d’Oslo, écrivit la journaliste Amira Hass, du quotidien Ha’Aretz, immédiatement après la résurgence de la résistance, « les Palestiniens étaient supposés enclins à accepter une situation de coexistence dans laquelle ils étaient sur un pied d’inégalité vis-à-vis des Israéliens et dans laquelle ils étaient catalogués comme des personnes ayant droit à moins, à beaucoup moins, que les Juifs ». Toutefois, à la fin des fins, les Palestiniens ne voulaient pas admettre cet arrangement bancal. La nouvelle Intifada… est une ultime tentative de placer un miroir devant la figure des Israéliens et de leur dire : « Regardez-vous une bonne fois, et voyez à quel point vous êtes devenus racistes. » Pendant ce temps, Israël, dont la politique de la carotte initialisée à Camp David venait d’échouer, tendit le bras pour s’emparer du gros bâton. Deux conditions devaient être remplies, toutefois, avant qu’Israël pût étaler son écrasante supériorité militaire : le « feu vert » des Etats-Unis et un prétexte suffisant. Déjà, durant l’été 2001, le Jane’s Information Group, service de renseignements faisant autorité, avait fait état de l’achèvement par Israël de la mise au point d’une invasion massive et sanglante des Territoires Occupés. Mais les Etats-Unis objectèrent à sa mise en œuvre, et l’Europe manifesta son opposition totale. Après les attentats du onze septembre (2001, aux Etats-Unis), toutefois, les Etats-Unis franchirent le pas. Le but de Sharon – écraser les Palestiniens – collait exactement à l’objectif de l’administration américaine – exploiter l’atrocité du World Trade Center afin d’éliminer les dernières poches de résistance arabe à une domination totale des Etats-Unis – ou, pour reprendre la formulation lapidaire de Robert Fisk, « afin de ramener les Arabes sous notre strict contrôle, de nous assurer de leur loyauté. » Grâce à un extraordinaire déploiement de volonté et en dépit d’une direction à la corruption babylonienne, les Palestiniens ont prouvé qu’ils étaient la force populaire la plus résiliente et la plus récalcitrante et tenace dans le monde arabe. Les mettre à genoux nécessiterait désormais d’infliger un traumatisme psychologique dévastateur à l’ensemble de la région moyen-orientale.

Ayant reçu le feu vert des Etats-Unis, tout ce dont Israël avait désormais besoin, c’était du prétexte pour déchaîner sa répression. De manière prévisible, il procéda à l’escalade dans les assassinats de dirigeants palestiniens, à chaque accalmie dans les attentats terroristes (afin de relancer le cycle infernal, ndt). « En dépit de destructions de maisons à Rafah et à Jérusalem, les Palestiniens continuèrent à pratiquer une certaine retenue », observe Shulamit Aloni, du parti israélien (de gauche) Meretz. « Sharon et son ministre des armées, craignant apparemment d’être contraints de retourner à la table des négociations, décidèrent de faire quelque chose : ils liquidèrent Ra’ed Karmi. Ils savaient pertinemment qu’il y aurait une riposte, et que nous allions devoir payer le prix de cette « élimination » avec le sang de nos concitoyens. » Effectivement, il est hélas tout à fait authentique qu’Israël a recherché cette riposte terriblement sanglante. Une fois que les attentats terroristes eurent franchi le seuil déterminé à l’avance – et ardemment désiré – Sharon put déclarer la guerre et commencer à annihiler la population civile palestinienne, totalement sans défense.

Seuls les aveugles volontaires peuvent ne pas remarquer que l’invasion par Israël de la Cisjordanie, en mars-avril 2002 (« Opération Bouclier Défensif ») était la répétition, dans une très large mesure, de l’invasion du Liban de 1982. Afin d’écraser l’objectif des Palestiniens (un Etat indépendant vivant à côté d’Israël – vous savez, l’ « offensive de paix » de l’OLP…), Israël avait entrepris de planifier, dès septembre 1981, l’invasion du Liban. Pour lancer cette invasion, toutefois, Israël avait besoin du feu vert de Washington, et d’un prétexte. A son grand dam et en dépit de multiples provocations, Israël était incapable de provoquer une attaque palestinienne à sa frontière Nord. Qu’à cela ne tienne : Israël procéda à l’escalade dans ses raids aériens contre le Sud Liban et après un bombardement particulièrement meurtrier, qui fit deux cent morts, tous des civils – dont soixante petits malades d’un hôpital pédiatrique – l’OLP finit par répliquer, tuant un Israélien. Ayant désormais son prétexte en main, et le feu étant passé au vert du côté de l’administration Reagan, Israël procéda : il envahit… Utilisant le sempiternel slogan « éradiquer la terreur », Israël procéda au massacre d’une population civile sans défense, tuant quelque 20 000 Palestiniens et Libanais entre juin et septembre 1982 – presque tous, des civils. On peut noter, à titre de comparaison que, au mois de mai 2002, le chiffre israélien officiel des « Juifs qui ont donné leur vie pour la création et la sécurité de l’Etat Juif » – c’est-à-dire, le nombre total des Juifs qui ont péri (la plupart d’entre eux) en temps de guerre, au combat, ou dans les attentats terroristes depuis l’aube du mouvement sioniste, c’est-à-dire, voici cent vingt ans de cela, jusqu’à ce jour – s’établit à 21 182 personnes. [Même nombre de victimes en quatre mois (côté arabe… au Liban seulement, et seulement en 1982) et en cent vingt ans (côté israélien)…]

Afin de mieux réprimer la résistance palestinienne, un officier supérieur israélien exhorta, au début de l’année 2002, l’armée à «analyser… la manière dont l’armée allemande avait investi le ghetto de Varsovie, et à en tirer les leçons » ! A en juger au carnage provoqué par l’armée israélienne en Cisjordanie, le summum étant atteint avec l’opération Bouclier de Protection – avec la prise pour cible d’ambulances palestiniennes et de personnel soignant, de journalistes, l’assassinat d’enfants palestiniens « pour se distraire » (Chris Hedges, ancien directeur du bureau du New York Times au Caire), les rafles, les mains menottées et les bandeaux sur les yeux de tous les Palestiniens (de sexe masculin) entre 15 et 50 ans), l’inscription de numéros sur leur poignet, les tortures infligées de manière arbitraire aux Palestiniens arrêtés, les privations de nourriture, d’eau, d’électricité et de soins médicaux aux civils palestiniens, les attaques aériennes contre les quartiers d’habitation palestiniens, l’utilisation de Palestiniens comme boucliers humains, la démolition au bulldozer de maisons palestiniennes, parfois sur leurs habitants qui s’y étaient mis à l’abri – il est évident que l’armée a suivi les conseils de cet officier supérieur. Lorsque l’opération, soutenue par rien moins que 90 % des Israéliens, fut enfin terminée, 500 Palestiniens avaient été tués et 1 500, blessés.

Une enquête de Human Rights Watch (Observatoire des Droits de l’Homme) sur l’attaque israélienne du camp de réfugiés de Jénine, en avril 2002, a constaté que « l’armée israélienne a commis des violations graves du droit humanitaire, dont certaines s’apparentent à première vue à des crimes de guerre ». Quelque 4 000 Palestiniens, soit plus du quart de la population du camp, sont devenus sans domicile à cause de « destructions qui allaient bien au-delà de toute ‘justification’ technique sur les nécessités de creuser un accès jusqu’aux combattants – destructions totalement disproportionnées par rapport aux objectifs militaires recherchés. » Parmi les atrocités israéliennes caractérisées, relevées par Human Rights Watch, celles-ci : « un paralytique âgé de 37 ans a été tué lorsque l’armée israélienne a détruit sa maison au bulldozer (tandis qu’il était chez lui), après avoir refusé à des membres de sa famille de leur laisser le temps de le sortir de la maison » ; « un homme de 57 ans, handicapé, condamné au fauteuil roulant… a été ‘abattu’ et un char a écrasé son cadavre, sur une route importante, en dehors du camp… Bien qu’il y eût un drapeau blanc attaché à son fauteuil roulant » ; « des soldats israéliens ont forcé une femme palestinienne, âgée de 65 ans, à rester exposée, sur la terrasse de sa maison, en face d’une position de ‘Tsahal’, au beau milieu d’un combat où étaient engagés des hélicoptères ». Un chercheur chevronné de Human Rights Watch relève, de plus, que ce qui s’est passé à Jénine « ne différait sensiblement pas de l’ensemble des attaques » opérées durant l’opération ‘Bouclier de Défense’, dont les villes de Naplouse et de Ramallah ont souffert plus encore que toutes les autres villes palestiniennes.

Une chose est sûre : Ehud Barak a désapprouvé l’Opération Bouclier de Protection. Mais pour morigéner Sharon, qui aurait dû agir, déclara Barak, « beaucoup plus fortement ». En même temps, en rejetant toute critique d’Israël au prétexte que toute critique ne saurait être que dictée uniquement par l’antisémitisme, le Président Directeur Général de Holocaust Industry & Co, Elie Wiesel, affirmait bruyamment son soutien inconditionnel à Israël – « Israël n’a jamais rien fait d’autre que réagir… Tout ce qu’Israël a fait, Israël devait le faire… Je ne pense pas qu’Israël soit en train de violer la charte des Droits de l’Homme… La guerre, que voulez-vous, a ses règles propres, bien à elle… » – soulignant, inlassablement, « la grande douleur et l’anxiété » subies par les soldats israéliens n’accomplissant que « leur strict devoir ». En se vantant de manière insupportablement cynique « de (‘leur’) avoir laissé (en souvenir) un stade de foot» (en détruisant tout le centre du camp de Jénine), l’un des pauvres soldats éprouvés, selon Wiesel, chargé de manœuvrer au bulldozer à Jénine, racontera plus tard, à la presse : « Je voulais tout détruire. Tout. J’ai supplié les officiers… de me laisser tout bousiller, de fond en comble. De tout araser, de tout niveler… Trois jours durant, je n’ai fait que détruire, détruire, et détruire encore… Je prenais mon pied à chaque fois qu’une maison dégringolait, parce que je savais que cela ne leur fait ni chaud ni froid, de crever, mais que de perdre leur tanière, ça, par contre, ça les fait chier. Si vous butez une maison, c’est comme si vous ‘en’ mettiez une quarantaine ou une cinquantaine (de Palestiniens) au trou pour des générations. S’il y a une seule chose que je regrette, c’est de ne pas avoir réduit toute cette merde de camp en charpie… J’ai pris un panard pas possible. Un vrai trip. » Une enquête de l’organisation (israélienne des droits de l’homme) B’Tselem a relevé que, de manière tout à fait signée, « non seulement les ordinateurs en réseau du Ministère de l’Education ont été emportés, ce fut le cas aussi pour les rétroprojecteurs et les magnétoscopes. D’autres équipements, dont des téléviseurs et des armoires métalliques pleines de documents confidentiels et irremplaçables, comme des dossiers scolaires d’étudiants, furent simplement détruits sur place… Des disques durs d’ordinateur ont été volés à des associations de la société civile qui avaient investi des années de travail et des millions de dollars pour réunir leur documentation. C’était absolument incroyable », a raconté un jeune conscrit israélien, « les types s’acharnaient à casser et à voler… Le sergent major s’occupait de son côté de trouver un camion et d’aider à y charger le ‘butin’. Tout cela, au vu et au su de tout le monde ». Le tableau général, conclut B’Tselem, « est composé d’un assaut vengeur et rageur contre tous les symboles de la société palestinienne et aussi, de l’identité palestinienne. Cela, combiné avec ce qu’on ne peut que qualifier de vandalisme : résultat du déchaînement de dizaines d’adolescents et de jeunes hommes israéliens portant l’uniforme et auxquels on avait donné carte blanche pour se déchaîner dans les villes palestiniennes, avec l’assurance qu’aucun compte ne leur serait jamais demandé ». Le quotidien Ha’Aretz a écrit que les soldats israéliens occupant Ramallah « on détruit même des dessins d’enfants » au Ministère de la Culture… et « pissé et chié absolument partout » dans les bâtiments du Ministère, réussissant même, pour les plus doués d’entre eux, à « chier dans un photocopieur » – nul doute, au prix d’une « douleur » et d’une « anxiété » extrêmes…

En juillet 2002, Israël agit promptement afin de prévenir encore une nouvelle catastrophe politique. Avec l’assistance de diplomates européens, les organisations de la résistance palestinienne, dont le Hamas, parvenaient à un accord aux termes duquel elles sursoyaient à toute attaque à l’intérieur d’Israël, pavant ainsi possiblement la voie du retour vers la table des négociations. Mais les dirigeants israéliens veillaient. Quatre-vingt-dix minutes, à peine, avant l’heure convenue pour l’annonce de cet accord, qu’ils connaissaient dans les moindres détails, ils donnèrent l’ordre à un bombardier F-16 de lâcher une bombe… d’une tonne, sur un quartier d’habitation densément peuplé, à Gaza, tuant, en plus d’un responsable du Hamas, onze enfants et cinq autres adultes, et blessant cent quarante personnes… Comme prévu, la déclaration fut déchirée et les attentats palestiniens recommencèrent de plus belle, car il s’y ajoutait une lourde revanche, quoi que faiblement proportionnée au massacre. « Qu’est devenue la sagesse ? » demanda à la Knesset un dirigeant du parti Meretz. « Au moment précis où il semblait que nous étions sur le point d’obtenir quelque chose qui ressemblait peu ou prou à un cessez-le-feu, ou à une action diplomatique, nous régressons régulièrement de cette manière là – juste quand il y a une période de calme, nous ‘liquidons’ ? ! ? » Toutefois, ayant décapité, tué dans l’œuf une énième infâme « offensive de paix » palestinienne, cet assaut meurtrier d’Israël était parfaitement calculé. Ne soyons nullement étonnés, par conséquent, à l’évocation de l’appréciation – proprement historique – de Sharon : « [ce raid] fut l’un de nos succès les plus éclatants. » Le gouvernement israélien enregistra encore une victoire politique majeure le mois suivant, en empêchant des militants pacifistes israéliens de faire la liaison avec sept cents de leurs homologues palestiniens à Bethléem. Depuis Bethléem, précisément, la journaliste israélienne Amira Hass observait que très nombreux étaient les Palestiniens à œuvrer en vue de l’ « ouverture d’un débat public afin de réduire le soutien des Palestiniens aux attentats à l’intérieur d’Israël, sans même attendre pour ce faire un quelconque changement dans la politique israélienne. » « La manifestation commune, palestino-israélienne », poursuivait-elle, était « un exemple de ce type de mobilisation et d’action. C’est uniquement parce qu’il a été contré par les autorités israéliennes que cet effort a échoué. »

6. La menace d’expulsion (« transfert »)

Le processus d’Oslo a été conçu, dès le départ, afin de trouver une direction palestinienne crédible qui puisse camoufler l’apartheid israélien : il fallait trouver (difficile…) une sorte de Nelson Mandela qui voulût bien se prêter au jeu en interprétant le rôle du chef zoulou Buthelezi. Camp David signa l’échec de cette stratégie-stratagème : Arafat refusa -, disons plus exactement, ne put, à cause de la résistance populaire – jouer le rôle qui lui était imparti. Sans une telle façade palestinienne assurant une légitimité factice, la réalité de l’apartheid israélien sauterait aux yeux du monde entier : cet apartheid ferait très rapidement l’objet des mêmes critiques à boulets rouges que son prédécesseur sud-africain. « Si les Palestiniens étaient Noirs, Israël serait un Etat paria, soumis à des sanctions économiques impitoyables imposées par les Etats-Unis », écrivit dans un éditorial le London Observer, après l’éclatement de la seconde Intifada. « Sa façon de développer ses colonies et de créer de nouvelles implantations en Cisjordanie serait considérée comme caractéristique d’un système d’apartheid, dans lequel la population autochtone n’est autorisée à vivre que sur une minuscule portion de son propre pays, dans des « bantoustans », les «Blancs » monopolisant les ressources en eau et les fournitures d’électricité. Et, de la même manière que la population noire n’était admise dans les territoires réservés aux Blancs, en Afrique du Sud, que pour y être cantonnée dans des townships sordides et misérables, ce qui avait soulevé la réprobation internationale, la discrimination d’Israël à l’égard des Arabes israéliens – particulièrement flagrante, en matière d’éducation et de logement – ne tarderait pas à être jugée tout aussi scandaleuse. » Des personnalités consensuelles, appartenant à tout le spectre des tendances politiques modérées, du conseiller du président Carter pour la Sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, à l’archevêque anglican d’Afrique du Sud, prix Nobel de la Paix, Monseigneur Desmond Tutu, ont formulé des dénonciations similaires. « J’ai été très choqué par ma visite récente en Terre sainte », déclara ainsi Desmond Tutu. « Cela m’a tellement rappelé ce qui nous est arrivé, à nous, les Noirs, dans mon pays, l’Afrique du Sud. J’ai vu l’humiliation des Palestiniens aux barrages militaires et aux checkpoints, je les ai vus souffrir, comme nous souffrions, nous aussi, lorsque de jeunes policiers blancs nous empêchaient de nous déplacer et de vaquer à nos affaires. »

Mais, paradoxalement, alors que l’apartheid n’est désormais plus une option tenable pour Israël, l’expulsion peut de nouveau en être une. Israël a adopté une stratégie d’apartheid après que de nouveaux précédents survenus dans le droit international et dans l’opinion publique mondiale eurent rendu impossibles les expulsions ethniques. Récemment, toutefois, ces contraintes juridiques et morales ont connu un relâchement aussi spectaculaire que dramatique. En particulier, depuis le 11 septembre 2001 (attentats de New York et Washington), non seulement les Etats-Unis ont carrément cessé de respecter et de défendre le droit international au moment même où il était en train de se défaire, ils l’ont carrément déclaré effectivement nul et non avenu. A la (notable) différence de leur dévastation de l’Irak, en 1991, l’assaut des Etats-Unis contre l’Afghanistan a été lancé sans qu’il y eût de quelconques sanctions explicites de l’ONU – non qu’ils fussent incapables d’en obtenir le vote, mais parce qu’ils mettaient un point d’honneur à s’en passer. A la différence de ses us et coutumes passés de coups tordus et de légitimations de façade, telle l’opération de soutien aux « Contras » du Nicaragua, afin de renverser des gouvernements étrangers exaspérants (pour eux), les Etats-Unis parlent aujourd’hui effrontément de « changements de régime ». De plus, en proclamant la doctrine des guerres préventives, l’administration Bush a porté un « coup mortel » à l’article 51 de la Charte de l’ONU interdisant toute attaque armée, sauf en cas de menace imminente. « Depuis que Bush est aux manettes », observe un journaliste du journal The Guardian, de Londres, « le gouvernement des Etats-Unis a violé plus de traités internationaux et a ignoré plus de conventions de l’ONU que l’ensemble du reste du monde ne l’a fait en vingt ans. »

Ainsi, il a sabordé la convention interdisant les armes biologiques en expérimentant, illégalement, des armes biologiques développées secrètement. Il a refusé de garantir aux inspecteurs en armes chimiques un accès libre à l’ensemble de ses laboratoires, il a coupé court à des tentatives de lancer des inspections des armes chimiques en Irak. Il a déchiré le traité interdisant les missiles balistiques, et il semble être sur le point de violer le traité interdisant les tests nucléaires. Il a autorisé les commandos de choc de la CIA à reprendre leurs opérations secrètes, du genre de celles qui incluaient, par le passé, jusqu’à l’assassinat de chefs d’Etats étrangers. Il a saboté le traité sur les armes conventionnelles, sapé la cour criminelle internationale, refusé de signer le protocole sur le changement climatique et, le mois dernier, il a tenté de bloquer les travaux de la convention des Nations Unies contre la torture, afin de pouvoir continuer à interdire aux observateurs étrangers de se rendre dans son camp d’internement de Guantanamo. Il n’est pas jusqu’à sa mobilisation en vue de faire la guerre à l’Irak sans mandat du Conseil de Sécurité de l’ONU qui ne constitue un défi au droit international bien plus caractérisé que celui que Saddam Hussein, dit-on, lancerait de son côté.

Grâce au soutien inconditionnel et absolument crucial des Etats-Unis, Israël est tout à fait capable de violer les conventions internationales – comme en ont apporté la preuve le traitement méprisant et humiliant qu’il a réservé à la mission d’enquête des Nations Unies qui devait se rendre à Jénine (mais qui ne l’a pas fait car il lui manquait l’ «autorisation » (sic) d’Israël pour ce faire ! – ndt) et le passage au broyeur de documents des accords d’Oslo, en réoccupant les zones administrés par l’Autorité palestinienne en Cisjordanie. Des décideurs politiques influents, et même le doyen des « nouveaux historiens » israéliens, Benny Morris, envisagent à voix hautel’expulsion des Palestiniens. Morris, reprenant à son compte, de manière tout à fait explicite, l’expulsion des Palestiniens – « un peuple malade, psychotique » – dans l’éventualité d’une guerre, est allé jusqu’à proférer : « Ce territoire est si petit qu’il n’y a pas assez de place pour deux peuples. Dans cinquante ans, dans cent ans, il n’y aura qu’un seul Etat entre la mer (Méditerranée) et le Jourdain. Cet Etat, ce ne peut être que l’Etat d’Israël ». D’après un sondage récent de l’Institut israélien Jaffee Center for Strategic Studies, près de la moitié des Israéliens sont partisans de l’expulsion des Palestiniens habitant la Cisjordanie et la bande de Gaza, et près d’un tiers des Israéliens soutiennent l’expulsion des Palestiniens citoyens d’Israël (trois cinquièmes des Israéliens se contenteraient d’ « encourager » les Palestiniens citoyens d’Israël à aller voir ailleurs.)

Mais ce n’est pas tout : une autre menace, majeure, est pendante. Tout au long de son histoire, le mouvement sioniste a fait des paris insensés. La victoire semblait, en permanence, hors de portée. « L’Etat d’Israël doit son existence », écrit Yael Zerubavel, « à ce discours éthique même qui place l’engagement idéologique au-dessus de tous les calculs réalistes. » Et, effectivement, à chaque croisée des chemins, un « miracle » – l’historiographie sioniste est bourrée de « miracles »… – est venu sauver le sionisme : le « miracle » de la Déclaration Balfour (dixit Ben Gourion) ; le « miracle » de la Résolution de Partage de la Palestine (dixit Chaim Weizmann) ; la «miraculeuse simplification des tâches pour Israël » qu’a représenté (aux yeux notamment de Weizmann) la guerre de 1948 (puisque les Arabes ont fui…) (biblique, non ? ndt) ; le « miracle » de la guerre de Juin 1967 ; le « miracle » de la communauté juive soviétique. Une lecture attentive de la documentation historique montre, toutefois, qu’il ne s’agissait pas de véritables miracles (en matière de miracles, il faut se méfier des contrefaçons, ndt). Disons plutôt qu’en chacune de ces occurrences, les sionistes ont exploité jusqu’à la corde une opportunité historique ténue, une chance infime – vous vous souvenez, les « conjonctures révolutionnaires » ?… – en mettant dans la bataille tous leurs atouts matériels et humains. Le 11 septembre n’a pas encore montré qu’il pouvait être une occasion de ce genre ; cela peut encore venir. Le monde a accordé – soyons honnête : s’est vu contraint d’accorder – aux Etats-Unis une sorte de période de grâce durant laquelle ils peuvent se comporter ouvertement comme un Etat sans foi ni loi. Voilà qui donne à Israël une rare opportunité (un « fenêtre de tir », pourrait-on écrire, à juste titre, si on osait cet humour noir, ndt) pour résoudre la question palestinienne, une bonne fois pour toutes : c’est un « miracle » qui est seulement en train d’attendre son moment… Mis à part un retrait total, le seul choix qui s’offre à Israël est entre : continuer à tolérer les attentats terroristes ; ou expulser les Palestiniens. Il est très difficile d’imaginer, toutefois, qu’Israël pourra absorber ces attaques (palestiniennes, sur son sol, ndt) indéfiniment. La poursuite implacable des attentats pourrait bien, aussi, tempérer la condamnation internationale (d’Israël) qui ne manquerait pas de faire suite à une expulsion des Palestiniens.

Dût Israël essayer l’expulsion, il pourrait sans doute compter sur le soutien de secteurs puissants en Amérique. Le chef de file de la majorité à la chambre des Représentants, Tom DeLay, et le chef de la majorité, Dick Armey, sont à l’origine d’une résolution soutenant la revendication par Israël de la totalité de la « Judée-Samarie » ; Armey soutenant explicitement que « les Palestiniens qui vivent actuellement en Cisjordanie devraient en partir. » Le Sénateur James M. Inhofe (Oklahoma) a clamé que « la raison la plus importante» pour laquelle les Etats-Unis doivent soutenir Israël est que « c’est Dieu qui l’a dit… Voyez la Genèse… Verset (13:14-17)… Il ne s’agit en rien d’une bagarre politique. Il s’agit de savoir si la Parole de Dieu est véridique ou non ! » Lorsque la Sénatrice Hillary Clinton, démocrate libérale de New York, est venue en visite en Israël, il y a quelques mois, elle a été accueillie à bras ouverts (y compris littéralement) par Benny Elon, le chef du Moledet, parti dont la raison d’être officielle est le « transfert » des Palestiniens. Lorsqu’on se tourne, maintenant, vers la communauté juive organisée des Etats-Unis, le tableau s’assombrit encore un peu plus. Un avocat respecté de Washington, qui est aussi le dirigeant de la communauté juive de cette ville, Nathan Lewin, en a appelé à l’exécution de tous les membres de la famille des Palestiniens ayant commis un attentat suicide. Repoussant des critiques exprimées à l’encontre de cette géniale idée humaniste, un éminent professeur de la Faculté de Droit de l’Université Harvard, Alan Dershowitz, ainsi que le directeur national de l’Anti-Defamation League (Association américaine dont la Licra est la succursale, ndt), ont pris la défense de Lewin, qualifiant sa suggestion de « tentative tout à fait légitime de proposer une politique à même de mettre un terme au terrorisme ». Dans une audacieuse envolée que l’on pourrait qualifier de « chantage à la mode de Lidice », Dershowitz en personne recommanda une « nouvelle réponse au terrorisme palestinien » : la « destruction automatique » d’un village palestinien entier après chaque attentat terroriste (ainsi que la légalisation de la torture de suspects de menées terroristes). La proposition Dershowitz, toutefois, manque de nouveauté. Israël a mis en application cette stratégie de représailles meurtrières à l’encontre des civils arabes au début des années 1950. Un massacre perpétré par un certain Ariel Sharon dans le village de Qibya, qui entraîna la mort de quelque 70 villageois (en majorité, des femmes et des enfants), fut comparé, en effet, au massacre de Lidice (par les Nazis, en Tchécoslovaquie, ndt), par des journaux américains. Inspirés par Dershowitz, un groupe d’anciens officiers et colons israéliens soutenus par une association de bienfaisance pro-israélienne de New York a mis sur son site web cette proposition ingénieuse de nature à faciliter le « transfert » : «Israël n’a qu’à diffuser un avertissement disant qu’en riposte à tout attentat terroriste, il nivellera un village arabe, sélectionné, par ordinateur, au hasard, sur une liste préétablie et publique… L’utilisation de l’ordinateur pour sélectionner le village désigné permettra de mettre les Arabes et les Juifs sur un pied d’égalité. En effet, les Juifs ne savent pas à l’avance où les terroristes vont frapper : de la même manière, les Arabes ne sauront pas, eux non plus, lequel de leurs villages ou de leurs quartiers sera supprimé en représailles. Que l’on y prête bien attention : le mot « supprimé » reflète très précisément l’intensité de la riposte israélienne éventuelle. »

Pendant ce temps, le colossal faux propagandiste de Joan Peters, From Time Immemorial, [De toute Eternité], ouvrage qui soutient que la Palestine avait été désertée (par les Palestiniens) avant la colonisation sioniste a été republié en février 2001 : sponsorisé par les organisations et les publications juives américaines, le livre occupa presque immédiatement la première place au classement des bestsellers chez le libraire sur Internet Amazon, place qu’il occupe d’ailleurs toujours. Après s’être évanouie dans la nuit après la dénonciation de sa fraude, Mme Peters est « de nouveau très demandée pour des conférences », et elle reçoit (dit-elle complaisamment elle-même) « une réponse absolument merveilleuse, fantastiquement positive » de son public. En sus de son bréviaire « What Palestinian Land ? » (Quelle terre palestinienne ? Où ça, une terre palestinienne ?), les multiples cordes à l’arc d’expertise de Mme Peters se sont enrichies de « Worldwide Islamic Jihad » (Le Djihâd islamiste mondial), « Terrorism » et « Religions Persecution by Muslims » (Les persécutions religieuses musulmanes) ; cependant que son site internet comporte cette sentence définitive extraite d’une de ses interview récentes – « Les menottes et boulets d’Oslo doivent être détruits et jetés dans la poubelle de l’Histoire » [‘The handcuffs ans shakles of Oslo must be destroyed and thrown in the dustbin of history’.] Un film documentaire basé sur From Time Immemorial est en cours de production. Avec une ironie incomparable, il sera intitulé « The Myth »… Cet investissement sioniste en soutien aux affirmations absurdes de Peters constitue, signalons-le en passant, un aveu bien involontaire de ce que, eût la Palestine été habitée (ce qu’elle était, évidemment), l’entreprise sioniste aurait été moralement indéfendable (…).

En affirmant que Sharon « a toujours affiché un plan très clair – rien moins que débarrasser Israël des Palestiniens », l’historien militaire respecté Martin van Creveld a fourni deux prétextes alternatifs pour l’expulsion :
a/ la diversion offerte par une crise mondiale, comme par exemple, « une attaque américaine contre l’Irak ». A cet égard, il convient de rappeler qu’en 1989, Benjamin Netanyahu avait exhorté le gouvernement israélien à exploiter politiquement la conjoncture favorable offerte par le massacre de la place Tiananmen à Pékin afin de mener à bien des expulsions « à grande échelle », « car dans un tel moment, les dommages portés à l’image d’Israël auraient été relativement réduits » ;
b/ un attentat terroriste spectaculaire « tuant des centaines de personnes ». Mise à part la regrettable probabilité importante que les Palestiniens commettent une telle atrocité, il n’est pas impossible que Sharon la provoque lui-même, si l’on en juge à ses états de services.

Bien que « d’aucuns pensent que la communauté internationale ne permettrait pas un tel nettoyage ethnique », van Creveld conclut, très plausiblement : « Je n’en ferais pas le pari. Si Sharon décide de foncer, le seul pays qui puisse l’arrêter, ce sont les Etats-Unis. Les Etats-Unis, toutefois, se considèrent eux-mêmes en guerre contre des parties du monde musulman qui ont soutenu Oussama Ben Laden. L’Amérique ne trouvera pas nécessairement quelque chose à redire à ce que l’on inflige une bonne leçon au dit monde musulman. » La principale crainte des Américains est que cette expulsion ne déclenche une réaction dans la « rue arabe », qui renverserait leurs régimes arabes clients. Mais, déjà à deux reprises, à la veille des assauts contre l’Irak et l’Afghanistan, l’opinion des élites américaines avait exprimé une crainte similaire. Dans les deux cas, elle s’est avérée infondée. L’administration Bush pourrait tenter à nouveau sa chance, en croisant les doigts, dans l’espoir que la « rue arabe » est bien une chimère. Dans Ha’Aretz, Meron Benvenisti a exorcisé le scénario cauchemardesque que voici : « Un attaque américaine contre l’Irak, malgré l’opposition arabe et mondiale et avec l’engagement d’Israël – fût cet engagement seulement symbolique – entraîne l’effondrement du régime hashémite en Jordanie. Israël met alors en application la vieille « option jordanienne » – en expulsant des centaines de milliers de Palestiniens au-delà du Jourdain. » En soulignant la vraisemblance d’une expulsion profitant de la guerre, dans l’état de « dissolution morale » que connaît actuellement Israël (« il n’y a jamais eu de meilleure opportunité »), il conclut que « personne ne pourra prétendre qu’il n’avait pas été averti ».

Reste la question: que faudrait-il faire afin d’imposer un retrait effectif total à Israël et prévenir la catastrophe qui menace ? « La tendance de fond de la politique israélienne, et aussi du peuple israélien… », observe le perspicace écrivain israélien Boas Evron, «…consiste à résoudre les problèmes par la force et de considérer la force comme l’alpha et l’oméga, plutôt que d’essayer, une fois seulement, histoire de voir… une solution diplomatique et politique », et aussi « à ne voir dans les frontières avec les Etats arabes voisins rien d’autre qu’une dimension, parmi d’autres, du rapport de force ». Dans le même état d’esprit, Zev Sternhell avance que la doctrine sioniste est « de ne jamais abandonner une position ou un territoire sans y être contraint par une force supérieure. » A cet égard, il convient aussi de se souvenir de ce que Creveld appelle « la position unique » occupée par les valeurs militaires et martiales dans la société israélienne : « Si une comparaison est possible, ce qui reste à voir, cela est comparable seulement au statut dont jouissait les forces armées en Allemagne entre 1871 et 1945 ». (Le « plus grand compliment que l’on puisse recevoir en Israël est celui d’être un « combattant », et « le plus signalé compliment que puisse recevoir quelqu’un pour un succès est de s’entendre dire : « vous avez mené cette affaire comme une opération militaire » !) On peut raisonnablement en déduire qu’Israël ne se retirera des Territoires Occupés que si les Palestiniens (et leurs soutiens) parviennent à rassembler suffisamment de force pour changer le calcul des coûts(de l’occupation), pour Israël : c’est-à-dire, s’ils sont capables de rendre ce prix trop exorbitant à payer, pour les Israéliens. Les précédents historiques étayent cette hypothèse. Israël s’est retiré de territoires occupés, dans le passé, à trois occasions : il s’est retiré du Sinaï égyptien, en 1957, après l’ultimatum d’Eisenhower ; il s’est retiré du Sinaï occupé, en 1979, après la démonstration de force inopinément impressionnante des Egyptiens durant la guerre d’Octobre 1973 ; et enfin, Israël s’est retiré du Liban à deux reprises, en 1985 et en 2000, en raison des pertes que lui infligeait la résistance libanaise (dont les « terroristes » de M. Jospin… ndt). Ajoutons à cela qu’il semble bien que les élites au pouvoir en Israël ont sérieusement envisagé de se retirer des Territoires durant les premières années de la première Intifada (1987-1989), en raison des coûts imposés à Israël par l’insurrection palestinienne, tant sur le plan international qu’au plan interne.

Ni une guerre conventionnelle, ni une guérilla ne semblent des choix possibles, pour les Palestiniens. Le terrorisme – mis à part le fait qu’il est répréhensible (même s’il n’a rien de surprenant) – ne fera pas bouger Israël d’un pouce. Les élites israéliennes acceptent les victimes civiles, dans lesquelles elles voient un prix à payer en contrepartie de leur pouvoir (même si c’est regrettable). Elles ne sont affectées que lorsque l’armée israélienne subit des pertes ou lorsque sa capacité de dissuasion est affaiblie. A cet égard, l’évaluation faite par Sternhell de l’impact sur Israël de la seconde Intifada est éloquente :

« Le nombre de victimes civiles israéliennes, au cours de l’année écoulée, est très supérieur à celui des soldats tués ou blessés. Tout bien examiné, l’armée israélienne est en train de mener une guerre de luxe : elle bombarde des villages et des villes sans défense, et cette situation convient parfaitement tant à elle-même qu’aux colons. Ils ont pleine conscience que, si l’armée connaissait autant de pertes qu’elle en avait eues au Liban, nous serions aujourd’hui en train de nous retirer des Territoires.

Nous percevons la mort de civils lors d’attaques aux armes à feu ou lors d’attentats commis par des kamikazes fous en plein cœur de nos villes, y compris la disparition de familles entières, comme un décret du sort ou comme une sorte de loi de la nature. En revanche, la mort de soldats soulève immédiatement les questions fondamentales suivantes : Quels sont les buts de la guerre ainsi menée ? Pour quel objectif des soldats sont-ils en train de se faire tuer ? Qui les a envoyés à la mort ? Aussi longtemps que les troupes de conscrits ne paient pas un tribut trop lourd, aussi longtemps que les réservistes ne sont pas rappelés massivement afin de protéger l’occupation et de la défendre, la question du « pourquoi » n’est pas déterminante dans le calendrier politique national. »

Les précédents historiques ne manquent pas – depuis les bombardements aveugles des Alliés contre l’Allemagne jusqu’aux bombardements américains impitoyables au Vietnam – qui laissent présumer que la population civile israélienne est peu susceptible de céder face au terrorisme. Le terrorisme juif a certainement catalysé la décision britannique de mettre fin au Mandat en 1947, mais la raison fondamentale en était l’insolvabilité financière de la Grande-Bretagne au sortir de la Seconde guerre mondiale.

A plus d’un égard, le recours actuel des Palestiniens au terrorisme présente une ressemblance troublante avec la campagne terroriste des sionistes contre l’occupation britannique, après la Seconde guerre mondiale. Bien que dénonçant officiellement le terrorisme anti-britannique, Ben Gourion et l’autorité sioniste qu’il présidait – l’Agence Juive – ne coopérèrent jamais avec les Britanniques à l’arrestation de suspects et ils n’appelèrent jamais la communauté juive à respecter la loi. D’un côté, Ben Gourion affirmait que, par principe, il ne pouvait contribuer à mettre en vigueur les décrets d’une occupation injuste. « Sans soutenir le moins du monde les actes (terroristes) commis », écrivit-il aux officiels britanniques, l’ « Exécutif considère la politique menée présentement par le Gouvernement Mandataire… comme étant la première responsable de la situation tragique qui s’est installée en Palestine. L’Exécutif ne saurait envisager tranquillement que l’on puisse lui enjoindre d’apparaître dans la position présentée comme « enviable » d’être convié à participer à l’imposition de cette politique. » De l’autre, Ben Gourion plaidait la perte de contrôle sur une communauté juive qui ne pouvait plus accepter l’occupation britannique… Un rapport d’évaluation britannique de l’époque concluait que les responsables sionistes avaient fomenté le terrorisme juif, mais aussi qu’ils ne parvenaient plus à l’arrêter : « En poussant le Yishuv (la communauté juive en Palestine, ndt) à la rébellion par leur propagande anti-britannique et anti-gouvernementale constante, ils ont à un tel point enflammé les jeunes hommes juifs et les jeunes femmes juives que les organisations terroristes juives ont reçu un coup de fouet, tant en matière de recrutement que de sympathie et de soutien dans la population juive. Aujourd’hui, l’Agence Juive découvre qu’elle n’est plus capable de faire un pas en arrière sans perdre son ascendant sur la communauté juive, et elle est poussée à encore plus d’extrémisme. Jusqu’à quel point coopère-t-elle avec les organisations terroristes, voilà qui n’est pas défini… Il existe toutefois certains indices que l’Agence Juive a eu connaissance préalable des différents incidents qui se sont produits. » Des révélations ultérieures allaient confirmer l’existence d’une telle coopération. Ainsi, par exemple, l’Agence Juive déplora publiquement l’attentat terroriste de grande ampleur contre l’Hôtel King David (à Jérusalem), qui entraîna la mort d’au moins 90 personnes, bien qu’elle eût approuvé la prise pour cible de cet hôtel. La condamnation sioniste officielle (de cet attentat), a écrit un historien, « contenait plus d’une once d’hypocrisie et d’opportunisme ».

« Ce qui était intolérable – et c’est ce qui était déployé, dans les faits – c’était cette tentative de gagner sur les deux tableaux », releva un parlementaire britannique travailliste pro-sioniste venu sur place : « réclamer des droits constitutionnels pour l’Agence Juive, en tant que collaboratrice loyale du Mandat et, en même temps, organiser le sabotage et la résistance. » Tout en veillant à « rester dans le cadre de la légalité en tant que président de l’Agence » en condamnant le terrorisme, Ben Gourion « n’en tolérait pas moins le terrorisme comme méthode pour mettre la pression sur l’administration mandataire. » Les dirigeants sionistes approuvèrent les attentats sanglants pour une autre raison, aussi, d’après ce parlementaire britannique : le terrorisme juif « conquérait le soutien populaire », « des Juifs parfaitement honnêtes, en Palestine, ne pouvant pas s’empêcher d’admirer peu ou prou les terroristes, et même de les aider lorsque ceux-ci leur demandaient de les protéger et de les cacher chez eux. » Ben Gourion et l’Agence Juive ne pouvaient pas faire autre chose que « soutenir le terrorisme », seul moyen pour eux « d’éviter un glissement de l’opinion publique » vers les partis sionistes extrémistes et donc, contre eux-mêmes. La seule manière de lutter contre le terrorisme juif, concluait le parlementaire, consistait « à satisfaire aux récriminations et aux revendications légitimes de tous les Juifs en Palestine » et « d’évaluer objectivement… les causes historiques de l’apparition et de la croissance de ce phénomène bestial chez un peuple civilisé. » Si les Britanniques décidaient de satisfaire aux demandes des Juifs, ils pourraient « compter sur le soutien des éléments modérés qui les aideraient à réduire le terrorisme, et je suis persuadé que la majorité de la population (juive) se retournerait contre les extrémistes. » Si, en revanche, les Britanniques ignoraient les raisons sous-jacentes au soutien apporté par les Juifs au terrorisme et s’ils se contentaient d’exiger « le remplacement de l’Agence Juive par une autre organisation et le désarmement » de la résistance juive, avertissait notre député, « ils ne feraient que provoquer les Juifs et les inciter à apporter un soutien total, fanatique, aux extrémistes».

Après que les Britanniques eurent imposé la loi martiale en rétorsion contre de multiples attaques terroristes des Sionistes (« Les atrocités perpétrées par ces Nazis ne pouvaient plus durer », allait écrire dans un éditorial, peu après, le morne Times de Londres), Ben Gourion condamna avec passion les mesures draconiennes prises par les Britanniques, les accusant d’infliger une punition collective au peuple juif et de saper, en réalité, la lutte contre le terrorisme. Ne serait-ce qu’en raison de ses échos contemporains, cette dénonciation mérite d’être citée in extenso :

« Deux cent cinquante mille Juifs de Tel Aviv et faubourgs, le noyau dur de la vie sociale et économique du pays, et trente mille Juifs à Jérusalem, (vivant) essentiellement dans des quartiers ouvriers, coupés de tout contact normal avec le monde extérieur, confrontés à l’effondrement complet des mécanismes de la vie civilisée, à l’exception d’un ravitaillement en comestibles de première nécessité et d’un embryon de services médicaux. Une industrie amputée, un commerce paralysé, un chômage en passe de devenir catastrophique. Les matières premières pour l’industrie n’entrent plus, les produits manufacturés et les stocks disponibles ne peuvent être commercialisés à l’extérieur. Des ouvriers renvoyés de leur emploi, des enfants chassés de l’école. Ces restrictions n’ont ni affecté les terroristes ni mis un terme à leurs outrages ; au contraire, elles n’ont fait qu’augmenter le ressentiment des populations durement frappées, créant un terreau fertile pour la propagande terroriste, et tuant dans l’œuf toutes les tentatives déployées par la communauté (juive) elle-même de lutter, seule, contre le terrorisme. La loi martiale (est) absolument futile et n’a aucun sens, à moins qu’elle ne vise en réalité à punir une population entière, à ruiner son économie et à détruire les fondations du Foyer National Juif. »

Il faut aussi rappeler, cependant, que bien que les attentats terroristes juifs (près d’une vingtaine par mois) aient causé des centaines de morts et de blessés parmi les (militaires et administratifs) britanniques, ceux-ci « n’ont jamais tiré délibérément sur la foule », et « aucun massacre de Juifs à grande échelle ne s’est jamais produit ». « Des colonies juives entières n’ont pas non plus été démolies à l’explosif. » La raison de cette retenue relative des Britanniques, d’après van Creveld, était le fait que les Britanniques reconnaissaient que les Juifs constituaient une ethnie « semi-européenne ». Par contraste, les Palestiniens souffrent du fait d’Israël le sort fatal réservé aux non-Européens.

Une révolte civile palestinienne – non violente – reprenant de manière créatrice les acquis de la première Intifada en synchronisation avec des pressions internationales – en particulier américaines – représente sans doute le moyen le plus prometteur de sortir de la crise actuelle. Cela pourrait désorienter et neutraliser l’armée israélienne. L’une des préoccupations majeures d’Israël, durant la première Intifada, était la perte de moral et d’élan de l’armée, et cela était dû au fait que cette armée était occupée à réprimer par la violence toute une population civile, et que s’amenuisaient les capacités de l’armée à mener une « vraie guerre » pour laquelle on l’avait formée, engagée qu’elle était dans des « opérations de police » (c’est l’original qui souligne). Une réserve de soutien populaire à une telle stratégie de désobéissance civile existe peut-être déjà. Qu’une direction palestinienne vînt à mobiliser avec succès cette société, il y a de bonnes raisons d’espérer que son message trouvera un écho auprès d’un assez grand nombre d’Israéliens. Le mouvement des refuseniks, parmi les conscrits israéliens, a suscité un débat national en Israël et, bien que manifestant un soutien franc et massif à la répression brutale du général Sharon, les Israéliens soutiennent toujours dans la même proportion le retrait d’Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Ce n’est que lorsque leurs intérêts vitaux seront en danger ou lorsque l’opinion publique les aura contraints à le faire, que les Etats-Unis imposeront à Israël le retrait total. Pas avant. Il est encore possible d’exercer sur eux des pressions de ce type. Le soutien à Israël parmi les Américains ordinaires a connu un déclin marqué. Une campagne est en cours – de la taille et de la profondeur du mouvement anti-apartheid en Afrique du Sud – et elle ne fait que gagner en importance sur les campus universitaires américains, qui vise à inciter les universités à désinvestir les capitaux qu’elles ont pu placer dans des institutions israéliennes. Accordant sa stature morale à cette campagne, l’archevêque Desmond Tutu a exhorté « les citoyens ordinaires à se montrer à la hauteur de la responsabilité du moment que nous sommes en train de vivre, les obstacles se dressant devant une action redoublée absolument nécessaire ne le cédant qu’au caractère d’extrême urgence morale de la nécessité de les surmonter. » Et en effet, les Européens envisagent tout un éventail d’actions, depuis le boycott au niveau des consommateurs jusqu’aux embargos sur les armements destinés à Israël, tandis que des dizaines de volontaires internationaux courageux (parmi lesquels de nombreux Juifs) se sont rendus dans les Territoires occupés afin d’y protéger les civils palestiniens contre les attaques de l’armée et des colons israéliens et de porter à la connaissance du public les atrocités israéliennes. Les thuriféraires d’Israël, à l’instar d’Elie Wiesel, déplorent ces initiatives, dans lesquelles ils s’ingénient à voir une preuve de la résurgence d’on ne sait quel antisémitisme. Démolissant des allégations similaires après l’invasion du Liban par Israël, en 1982, l’universitaire israélien respecté Uriel Tal (leur) répondait : « Les hauts cris au sujet de l’antisémitisme qui, soit disant, relèverait sa tête hideuse partout dans le monde, ne sert qu’à dissimuler le fait que ce qui est en train de se désintégrer, dans le monde, c’est la position d’Israël, et absolument pas celle des Juifs. Les accusations d’antisémitisme ne visent qu’à enflammer le public israélien, à lui inculquer la haine et le fanatisme, à cultiver une obsession paranoïde comme si le monde entier était en train de nous persécuter et comme si tous les autres peuples, dans le monde entier, étaient contaminés par ce prétendu antisémitisme, tandis que nous, Israéliens, serions les seuls purs, les seuls immaculés. » Une chose est certaine : la situation des Juifs dans le monde ne fera que se détériorer s’ils ne se désolidarisent pas publiquement des crimes commis par Israël. Dans une dénonciation passionnée de la politique israélienne actuelle qu’il accuse « de souiller de sang l’Etoile de David », un député vétéran du parti Travailliste britannique, parlementaire juif éminent, déplorait que « le peuple juif… est aujourd’hui symbolisé dans le monde entier par le brute épaisse Ariel Sharon, ce criminel de guerre impliqué dans l’assassinat de centaines de Palestiniens dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila, et à nouveau, aujourd’hui, impliqué dans les tueries de Palestiniens. »

« Désormais, chaque matin, je me réveille, tout près de la Méditerranée, à Beyrouth, avec un sentiment de fort mauvais augure », nous confiait l’année dernière Robert Fisk, le correspondant d’un grand quotidien britannique au Moyen-Orient, connu pour y voir clair. «Un ouragan de feu se prépare. Nous en ignorons béatement l’approche ; et même, en réalité, nous la provoquons. » En dehors du fait qu’elle représente une abomination morale, l’expulsion des Palestiniens est susceptible de déclencher une réaction en chaîne dans le monde arabe, à côté de laquelle le 11 Septembre sera de la petite bière. Mais il est encore à portée de notre main de nous emparer de l’opportunité donnée par ces temps éminemment troublés afin d’imposer une paix équitable et durable pour Israël et pour la Palestine.

Norman Finkelstein
Septembre 2002

 

 

 




Des souvenirs ineffaçables – Femmes du camp de Jénine

le 12/12/2006 22:41:18 (1219 lectures)

 téléchargement (5)Article d’Ali Samoudi, publié à Jénine le 8 mars 2006, qui reprend le témoignage d’anciennes prisonnières sur leurs conditions de détention dans les geôles israéliennes.

Toutes décrivent des conditions très difficiles mais témoignent aussi d’une détermination plus forte que jamais à se battre pour leur pays.


Dans une rencontre organisée à leur honneur par l’association de femmes « Pour ne pas oublier » du camp de Jénine en collaboration avec la télévision locale Farah, les anciennes prisonnières, les soeurs et mères de prisonniers se sont retrouvées pour célébrer à leur manière la journée internationale de la femme.

L’émotion était grande en écoutant les témoignages des anciennes prisonnières, récemment libérées. Bien que libérées, elles portent encore en elles les séquelles de leur incarcération et de leurs souffrances.

Ibtihal Saadi résume leur situation, disant : « la détention fait partie de ma vie, je ne peux oublier ces moments où je retrouve en permanence la dureté de la prison et le sadisme du geôlier, je me revoie encore dans les cellules sombres des interrogatoires, face aux instructeurs « .

Ibtihal, 18 ans, raconte le récit de ses souffrances, les larmes aux yeux. Elle essaie de transmettre son expérience, à son public, des femmes dont les enfants, frères ou soeurs sont encore en prison.

« Il n’y a pas de mots pour décrire ce qu’on vit, dès les premiers instants de l’arrestation jusqu’au bout du chemin. Dans la prison, la situation est dure, dramatique. A cause des pratiques de la direction carcérale, à Telmond, à cause de la répression qui s’abat sur toutes les prisonnières, celles-ci sont privées de tous les droits, même les plus simples. Elles sont constamment punies, parce qu’elles se considèrent comme des prisonnières politiques.

7 mères de famille sont détenues dans les prisons israéliennes. La prisonnière Faten Daraghmeh, qui a sept enfants, la prisonnière Qahira Saadi, quatre enfants, Itaf Alayan, séparée de son nourrisson. Non seulement elles sont séparées de leurs enfants, mais la cruauté des geôliers les maintient en isolement. Les mères de famille ne peuvent rencontrer leurs enfants. La plupart des mères prisonnières sont punies par l’interdiction des visites familiales. Mais les autres prisonnières sont également punies de cette manière.

« Tout au long de ma détention, soit un an et demi, ils ont interdit à ma mère de me visiter. Je n’ai pu la voir que deux fois. Ils prétendent qu’il y a des raisons sécuritaires « .

Ibtihal expose en détail la vie des prisonnières : dans les cellules surpeuplées, elles ne peuvent se déplacer. Elles sont souvent dix prisonnières, enfermées dans une pièce sans fenêtres, sans soleil, sans lumière naturelle, elles ne peuvent savoir l’heure. « Nous sommes séparées du monde et de nos familles, nous ne savons pas ce qui se passe autour de nous, sauf quand ils nous permettent de regarder la télévision, à condition que ce soit la direction de la prison qui choisisse les émissions. « 

Les pressions et les provocations sont incessantes, jour et nuit, ajoute Ibtihal. « Même le lieu que nous considérons comme un échappatoire, la cour, est un lieu où des règlements stricts nous empêchent de nous détendre vraiment. Nous y sommes surveillées, la durée est trop courte, les geôliers nous interdisent de nous regrouper. Les séances culturelles, artistiques ou religieuses sont interdites.

La direction de la prison a une attitude haineuse et hypocrite. Ils ne supportent pas de nous voir être occupées, essayant de lutter pour survivre, ils veulent constamment nous diriger, nous contraindre et surtout nous détruire psychologiquement et moralement. Malgré cela, les prisonnières palestiniennes poursuivent leur défi, elles résistent, elles affirment leur volonté avec force, elles insistent pour poursuivre leurs études. Nous partageons nos différents savoirs. Par notre attitude, nous leur transmettons une lettre quotidienne, leur affirmant qu’ils peuvent nous isoler, nous arrêter, nous priver de beaucoup de choses, mais ils ne peuvent diriger notre volonté. Ils ne peuvent nous détruire de l’intérieur. Notre moral reste élevé. Nous avons la capacité d’apprendre à partir de nos expériences, à partir des conditions que nous avons vécues. « 

Ibtihal indique comment la direction de la prison néglige toutes leurs demandes, que ce soit concernant l’alimentation, qui est exécrable et de faible quantité, que ce soit pour les cas des prisonnières malades, malgré la gravité de certains cas, que ce soit au niveau de la propreté des cellules. « Les bestioles et les rats infestent nos cellules et toutes nos demandes de produits de nettoyage sont refusées. « 

Ibtihal parle de Qahira Saadi, prisonnière du camp de Jénine, condamnée à la prison à vie. « Je n’oublierai jamais le regard de Qahira, au moment de nos adieux. Elle pleurait sur mon épaule, disant : je suis en train d’accueillir et de dire adieu à toutes celles qui passent par là et je ne sais pas quand je reverrai mes enfants. Les mots de Qahira m’accompagnent, je suis inquiète pour elle. « 

Malgré toutes les souffrances vécues, Ibtihal affirme que l’expérience de la prison fut instructive. Elle y a appris le courage, la patience, la résistance, le défi, elle a appris qu’il faut resté attaché aux principes et aux droits du peuple, qu’il faut se tourner vers l’avenir avec espoir, faire face aux conditions difficiles quelles qu’elles soient. « J’ai y appris à aimer encore plus ma patrie, à m’engager encore plus pour la cause, et à me sacrifier pour la liberté de mon peuple « .

Pour la journée internationale de la femme, Ibtihal souhaiterait pouvoir transmettre aux peuples du monde, à la communauté internationale, ce cri qui monte en elle, ce cri qui pourra exprimer la situation dramatique des prisonnières palestiniennes. Elle souhaiterait pouvoir transmettre les cris des mères de famille et des mineures, dont la vie et les rêves sont brisés.

La prisonnière libérée, Hanadi Qanadil , du camp de Jénine, a également exposé son expérience, remerciant l’association « Pour ne pas oublier » d’avoir consacré le 8 mars pour parler des prisonnières.

« Dans les prisons israéliennes, 120 Palestiniennes, dont des mères de famille et des mineures, sont détenues, à cette date. Les prisonnières sont réparties en deux sections, chacune est composée de plusieurs pièces. Ces pièces, étroites, sont conçues pour détruire les prisonnières. La direction de la prison exerce une oppression terrible sur elles, même quand elles se retrouvent dans la cour.

D’abord, il leur est interdit de sortir en groupes, et il leur est interdit de faire des activités ensemble, même la prière, ou la lecture du Coran. Si elles le font quand même, elles sont mises en isolement.« 

Hanadi ajoute que la direction innove tous les jours pour trouver de nouvelles formes de punitions ou pour durcir les conditions de détention. Pour 60 prisonnières d’une section, il n’y a qu’un seul frigo (pour garder leurs aliments au frais) et une seule machine à laver. Les produits nécessaires pour le nettoyage sont absents, ce qui oblige les prisonnières à tout acheter. « Nous achetons tout ce dont nous avons besoin », ajoute-t-elle, « et nos familles ne peuvent supporter tous ces frais« .

Hanadi a rappelé les conditions désastreuses sur le plan de la santé des prisonnières. Plusieurs d’entre elles sont gravement malades, leur état nécessite des soins urgents. Elle souhaiterait lancer un appel à la communauté internationale lui demandant de s’occuper des prisonnières malades, plus particulièrement et réclamer la libération de tous les prisonniers.

Les prisonnières sont constamment provoquées par des fouilles, même en pleine nuit. Elles sont également fouillées corporellement, de façon humiliante, avant toute visite ou toute sortie au tribunal.

Pour Hanadi, le moment le plus dur qu’elle ne peut pas oublier, est celui des cris de douleur de la prisonnière Faten Daraghmeh, malade et dont l’état nécessite des soins urgents. « Lorsque Faten eut sa crise, nous étions là, incapables d’agir, nous nous sommes mises à pleurer et à gémir. Nous avons demandé à la direction l’intervention d’un médecin ou même d’un infirmer, mais il n’y avait personne. Cyniquement, ils nous ont donné un cachet d’acamol, le remède miracle de tous les maux.« 

Elle se rappelle également des moments de son interrogatoire dans la prison de Jalameh, où elle passa deux mois en plein isolement. « Ils me menaçaient d’amener mon frère, qui est blessé et prisonnier, Youssef, ou alors d’arrêter mon père, de détruire notre maison pour m’obliger à avouer« .

Malgré cela, l’expérience de la prison m’a donné du courage, un moral élevé, la présence de la famille est importante. Je suis fière d’avoir été prisonnière, et en tant que femme, je dois participer à la lutte de mon peuple.

Farha Abul Hayjâ’, directrice de l’association « Pour ne pas oublier » a salué les prisonnières et tous les prisonniers détenus dans les prisons de l’occupation, disant qu’en ce jour, le 8 mars, « il était de notre devoir de parler des femmes prisonnières, d’expliquer les conditions de leur détention, de montrer leur endurance, leur résistance, et surtout le sacrifice des femmes dans la révolution palestinienne, le rôle qu’elles ont joué et qu’elles jouent encore pour porter la cause de notre peuple« , mettant en avant le rôle des femmes dans la résistance héroïque du camp de Jénine, en 2002.

« En ce jour, nous devons saluer toutes les combattantes pour la liberté de notre peuple. Nous devons nous rappeler la femme combattante, militante, blessée, bannie, prisonnière, la femme qui a porté le poids de la vie quotidienne, la mère du martyr. Nous devons nous rappeler le rôle de la femme dans la résistance héroïque du camp de Jénine, car non seulement elle a participé, au risque de sa vie, en apportant les provisions aux combattants, mais elle a aussi porté les armes et défendu le camp. Non seulement elle a donné ses fils, la chair de sa chair, pour le camp, elle a aussi été la martyre, le médecin, la prisonnière et le symbole de la résistance.« 

Abul Hayja’ a conclu en demandant aux membres du conseil législatif et à toutes les institutions palestiniennes de rendre hommage à la femme palestinienne, en lui accordant tous ses droits, et en demandant d’agir par tous les moyens pour libérer tous les prisonniers, et notamment les prisonnières. « C’est une priorité », a-t-elle ajouté.

Traduit par Centre d’Information sur la Résistance en Palestine

 




Ashdod construite sur les ruines du village palestinien de Isdud

Nous avons été étonnés que dans un article paru dans l’édition du 30 novembre dernier, relatif au déplacement de Mrs Juppé, Martin et Valade au Proche Orient, le journal Sud-Ouest contribue à colporter le mythe sioniste « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » en rapportant sans commentaire les propos de Jacques Valade au sujet de la ville israélienne d’Ashdod : « ….c’est désormais le premier port du pays alors qu’il y a cinquante ans, il n’y avait que du sable ».

Voilà pourtant même ce qui est écrit sur le site Internet de la ville de Ashdod :
« Jusqu’à la conquête du pays par les Turcs et la fondation de l’Empire Ottoman, il n’y a aucune information. Les Turcs fondent Isdoud qui est une importante localité arabe et El-Soukrir qui fait fonction de station pour le passage des marchandises. Avec l’arrivée des Britanniques, Isdoud devient une ville importante sur la côte et, à proximité, est construite la gare desservant la ligne Lod-Gaza-Egypte. Lors des combats de la guerre de 1948 (guerre d’indépendance pour les Israéliens), l’armée égyptienne qui était postée aux abords sud de la ville, fut repoussée par nos forces qui firent exploser le pont Ad Halom, et la localité arabe d’Isdoud fut abandonnée et détruite ».

Nous souhaitons rappeler aux lecteurs que cette ville, située à une trentaine de kilomètres au nord de Gaza et jumelée avec Bordeaux depuis 20 ans, a été construite sur les ruines du village palestinien d’Isdud détruit en 1948 par les forces militaires sionistes lors de la création d’Israël.

 

De Isdud, il ne reste presque rien. Une mosquée délabrée, les locaux d’une école, un maqam, des vestiges de maisons s’alignent le long de ce qui fut la rue principale. Ses 4000 habitants palestiniens de l’époque sont tous devenus des réfugiés. Pour la plupart, ils sont encore parqués dans des camps à Gaza.

Comme Isdud, 531 villages palestiniens et près de 300 hameaux furent détruits à la création d’Israël. Aujourd’hui les 5 millions de réfugiés palestiniens veulent revenir sur leurs terres et demandent l’application de leur droit au retour.

Pour plus de détails voir notre article De Isdud à Ashdod .

Photo  publiée sur le site palestineremembered . Légende : Cour d’une maison à Isdud (1945)




Israël a été créé sur un nettoyage ethnique

Article d’Ilan Pappe, paru le 29 juillet 2006 dans la revue Socialist Worker. L’auteur est israélien, professeur à l’université de Haïfa.

Dans ses ouvrages les plus récents, « The Modern Middle East » en 2005 et « A History of Modern Palestine » en 2004, il décrit l’expulsion des palestiniens comme un nettoyage ethnique , véritable crime orchestré qui a déchiré juifs et arabes alors qu’ils vivaient en paix jusque là.

L’article reprend cette thèse dans ses grandes lignes en retraçant l’histoire du sionisme et en insistant sur cette violence originelle.

Ce « voyage dans le passé peut aider à éclairer ce qu’il y a derrière la politique destructrice d’Israël » aujourd’hui puisque « nous sommes maintenant revenus aux bases mêmes du conflit » : l’enjeu est plus que jamais la disparition des palestiniens.

Pour I. Pappe, « seuls deux mouvements dans la région résistent à Israel » : le Hamas et le Hizbollah .


Le développement actuel de la triste réalité au Moyen-Orient a des racines historiques claires et un voyage dans le passé peut aider à éclairer ce qu’il y a derrière la politique destructrice d’Israel en Palestine et au Liban.

Le Sionisme est arrivé en Palestine à la fin du 19ème siècle en tant que mouvement colonialiste motivé par des impulsions nationales. La colonisation de la Palestine s’adaptait bien aux intérêts et à la politique de l’Empire Britannique à la veille de la Première Guerre Mondiale.

Avec le soutien de la Grande-Bretagne, le projet de colonisation s’est développé, et est devenu une présence massive sur le terrain après la guerre et avec l’établissement du Mandat Britannique en Palestine (qui a duré de 1918 à 1948).

Tandis qu’avait lieu ce regroupement, la société autochtone a subi, comme d’autres sociétés dans le reste du monde Arabe, un processus régulier de constitution d’une identité nationale. Mais avec une différence.

Tandis que le reste du monde Arabe façonnait son identité politique par la lutte contre le colonialisme européen, le nationalisme en Palestine signifiait affirmer son identité collective contre un colonialisme britannique d’exploitation et un sionisme expansionniste. Donc, le conflit avec le sionisme était un fardeau supplémentaire.

La politique pro-sioniste du Mandat Britannique a naturellement tendu les relations entre la Grande-Bretagne et la société palestinienne locale. Cela a atteint son point culminant lors d’une révolte en 1936 contre Londres et le développement du projet colonial sioniste.

La révolte, qui a duré trois ans, n’a pas pu modifier la politique du Mandat Britannique qu’il avait déjà décidée en 1917. Le ministre des Affaires Etrangères Britannique, Lord Balfour, avait promis aux leaders sionistes que la Grande-Bretagne aiderait le mouvement à construire une patrie pour les juifs en Palestine.

Le nombre de juifs entrant dans le pays augmentait chaque jour – bien que même à ce moment-là, pendant les années 30, les juifs ne représentaient qu’un quart de la population, et ne possédaient que 4% de la terre.

Alors que la résistance au colonialisme se renforçait, la direction sioniste a commencée à être convaincue qu’ils ne pourraient créer leur propre Etat qu’en expulsant l’ensemble des Palestiniens. Du tout début et jusqu’aux années 30, les penseurs sionistes ont propagé la nécessité de nettoyer éthniquement la population autochtone de la Palestine si le rêve d’un Etat Juif se réalisait.

La préparation pour l’application de ces deux objectifs de patrie et de suprématie ethnique s’est accélérée après la Seconde Guerre Mondiale. Pour les Anglais, le pays avait perdu son importance stratégique quand ils ont été expulsés de l’Inde. C’était un endroit tendu qui exigeait la présence des forces britanniques en nombre équivalent à celui que l’empire maintenait dans le sous-continent indien – sans récompenses évidentes pour l’Empire.

Tandis que la direction sioniste finalisait un plan pour prendre la terre et expulser la population entre 1946 et 1948, les responsables palestiniens espéraient que l’empire Britannique leur donnerait leur pays dans lequel ils représentaient toujours la grande majorité autochtone de la population.

Mais la Grande-Bretagne a décidé de transférer la question de la Palestine devant les Nations Unies (l’ONU) en février 1947. La Palestine était le premier conflit dans lequel il était invité à négocier d’une manière significative. Il a proposé une solution pro-sioniste, très injuste et impossible à mettre en pratique.

Le premier obstacle était que puisque les palestiniens demandaient à être traités comme n’importe quel autre mouvement national arabe, ils s’attendaient à ce que la communauté internationale reconnaisse, sans condition, leur droit légitime au pays. Ils ne s’attendaient pas à ce que ce droit soit négocié avec un mouvement colonialiste. Ils ont donc boycotté le processus.

L’ONU l’a ignoré et le Comité Spécial qu’il a nommé pour la question, l’Unscop (le Comité Spécial des Nations Unies pour la Palestine) n’a discuté qu’avec les responsables sionistes. Il a conçu une solution qui ne répondait aux besoins et aux aspirations que de ce seul côté.

De toute façon, les Palestiniens avaient de la difficulté à présenter le côté moral de leurs demandes en raison de l’holocauste. La communauté internationale occidentale n’était que trop heureuse d’éluder tous les débats au sujet des implications du génocide en Europe et de laisser le problème à la porte de la Palestine.

Le résultat inévitable de cette approche acceptait presque sans réserve les demandes sionistes d’un Etat en Palestine.

Territoire

Fin novembre 1947, l’ONU a offert de diviser la Palestine en deux Etats presque égaux au niveau territorial. Les Juifs ne représentaient qu’un tiers de la population en 1947 et la plupart d’entre eux n’étaient arrivés en Palestine que quelques années plus tôt.

Le refus catégorique des Palestiniens à cette proposition, soutenus par la Ligue Arabe, a permis à la direction sioniste de planifier soigneusement la prochaine étape.

Entre février 1947 et mars 1948, un dernier plan pour un nettoyage ethnique a été préparé.

La direction sioniste a défini 80% de la Palestine (Israel d’aujourd’hui sans la Cisjordanie) comme espace pour le futur Etat. C’était un secteur dans lequel un million de Palestiniens vivaient à côté de 600.000 juifs.

L’idée était de déraciner autant de Palestiniens que possible. Entre mars 1948 et la fin de l’année, le plan a été mis en application en dépit de la tentative d’opposition de quelques Etats Arabes, ce qui a échoué. Environ 750.000 Palestiniens ont été expulsés, 531 villages ont été détruits et 11 secteurs urbains ont été démolis.

La moitié de la population de la Palestine a été déracinée et la moitié de ses villages a détruit. L’état d’Israel a été établi sur plus de 80% de la Palestine, transformant les villages palestiniens en colonies juives et parcs de loisirs, mais il a permis à un nombre restreint de palestiniens d’y rester en tant que citoyens.

La guerre de juin 1967 a permis à Israel de prendre les 20% de la Palestine restants. Cette saisie a d’une certaine façon mis en échec l’idéologie ethnique du mouvement sioniste. Israel a pris les 100% de la Palestine, mais l’état a incorporé un grand nombre de palestiniens, population que les sionistes avaient eu tellement de mal à expulser en 1948.

Le fait qu’on ait laissé faire Israel en 1948, et qu’il n’ait pas été condamné pour le nettoyage ethnique qu’il a commis, l’a encouragé à nettoyer éthniquement de la Cisjordanie et de la bande de Gaza 300.000 autres Palestiniens.

Mais la guerre de juin 1967 fut trop courte – six jours – et la communauté internationale était plus au courant. La société palestinienne était plus expérimentée. Par conséquent, Israel est resté avec un grand nombre de Palestiniens sous son contrôle et n’a pas pu achever le travail.

Le Mouvement National Palestinien est à nouveau apparu sous la forme de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et même s’il n’avait pas libéré un seul mètre carré de la Palestine, il a reposé la question palestinienne et la Nakbah de 1948 (catastrophe) au centre de l’attention de public mondial.

L’opération de nettoyage ethnique a été également mise en échec par la persistance et la détermination de ces Palestiniens qui ont été autorisés à rester en Israel. Ils sont devenus le quart de la population. La démographie est ainsi devenue la question principale sur l’agenda de la sécurité nationale israélienne. Elle éclipse tous les autres problèmes, que ce soit l’égalité sociale, la démocratie ou les droits de l’homme.

Le système d’éducation, les médias et les politiciens soulignent le danger « que les Palestiniens constituent pour l’existence de l’Etat d’Israel et pour le bien-être des citoyens Juifs ». Dans cette situation, la « Gauche » israélienne pousse à diminuer la taille du territoire, la droite réclame une réduction du nombre de Palestiniens. Mais la distance morale et idéologique entre les deux positions du système politique est en effet très petite.

Après deux soulèvements dans les territoires occupés et un échec de l’effort diplomatique international qui a totalement ignoré la racine du conflit comme représentée ci-dessus, nous sommes maintenant revenus aux bases mêmes du conflit.

Imposer

Au cours des six dernières années, avec le soutien total de son électorat juif, les gouvernements israéliens successifs ont essayé d’imposer par la force ce qui pour eux est la solution idéale.

Cela consiste à emprisonner un grand nombre de Palestiniens dans les enclaves en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, un contrôle total via un système d’Apartheid de la minorité palestinienne en Israel, et le rejet catégorique de tout rapatriement des réfugiés palestiniens. Ce plan est entièrement soutenu par les Etats-Unis.

La présidence néo-conservatrice de Bush poursuit son propre unilatéralisme, en essayant d’imposer ses valeurs économiques et stratégiques au reste du monde par des moyens militaires et l’intimidation.

Seuls deux mouvements dans la région résistent à Israel et aux Etats-Unis. Malheureusement pour des gens de Gauche, comme moi, ils ne sont pas de notre école, mais nous devrions respecter leur détermination et leur volonté à résister à l’occupation et à la colonisation. Ce sont le Hamas et le Hizbollah.

Israel pense qu’il a maintenant une fenêtre d’opportunité pour éliminer ces forces à Gaza et au Liban – et là-bas en Syrie et en Iran.

La guerre régionale qui se développe pourrait à court terme miner ces deux forces, mais à long-terme, cela pourrait signifier une confrontation israélienne non seulement avec le monde Arabe mais avec l’ensemble du monde Musulman. À ce moment-là, les Etats-Unis pourraient l’abandonner, et l’Etat Juif finirait comme le royaume des croisés à l’époque médiévale.

Un désastre apparaît donc indistinctement pour nous tous – les Juifs et les Arabes – et seule l’Europe pourrait l’éviter, si elle cessait d’être l’esclave de ses intérêts et des nôtres, des intérêts américains et du sionisme.

Ilan Pappe

Photo : Expulsion des Palestiniens en 1948