Contre la dissolution : la défense du Comité Action Palestine (3) Comité Action Palestine 21 avril 2022 A LA UNE 1 015 vues Le Comité Action Palestine publie ici des extraits du recours en référé-liberté déposé devant le Conseil d’Etat, où chaque grief de l’Etat est déconstruit et réfuté. Sur le communiqué relatif à Georges Ibrahim ABDALLAH du 14 février 20121 […] Le décret énonce : « qu’à titre d’exemple, le 14 février 2012, l’association a publié sur son site Internet un communiqué exigeant la libération de Georges lbrahim ABDALLAH, ancien chef de la branche française de la Fraction armée révolutionnaire libanaise, à l’origine de l’assassinat de plusieurs responsables israéliens et américains, au motif que le maintien en détention de ce « prisonnier politique » témoignerait « de la nature de l’Etat français : un Etat colonial et raciste » ; que ces appels à la libération ont été réitérés notamment en 2013 et 2014 ». En premier lieu, il convient de constater que le décret dénature complètement le sens des propos tenus dans le communiqué en prenant des citations partielles sans aucun rapport les unes avec les autres. Ainsi, la qualification « d’Etat colonial et raciste » est à replacer dans la citation complète : « Les propos récents de Claude Guéant sur la valeur inégale des civilisations ou l’interventionnisme militaire français en Afghanistan, en Lybie, en Côte d’Ivoire et peut-être bientôt en Syrie sont symptomatiques de la nature de l’Etat français : un Etat colonial et raciste qui se prévaut de la défense des droits de l’homme… ». Ça n’est donc pas en raison du maintien en détention d’un prisonnier politique, comme tendraient à le faire croire les termes du décret. En deuxième lieu, le COMITE ACTION PALESTINE en appelant à la libération de Georges Ibrahim ABDALLAH et en le qualifiant de prisonnier politique ne fait que solliciter l’application d’une décision de justice et adopte une position exprimée publiquement et largement partagée par des journalistes, personnalités et organisations. Ainsi, Yves BONNET, patron de la Direction de la surveillance du territoire, service de renseignements du ministère de l’intérieur, au moment de l’arrestation de Georges Abdallah en 1984, dénonce son maintien en détention pour des motifs politiques depuis des années. Son opinion sur le sujet est de notoriété publique et a été reprise par de nombreux médias. Dans une interview accordée à La Dépêche et publiée le 7 janvier 2012,2 il a notamment indiqué : « Aujourd’hui, presque 30 ans après les faits, je trouve anormal et scandaleux de maintenir encore Georges Ibrahim Abdallah en prison. Je considère qu’il avait le droit de revendiquer les actes commis par les FARL comme des actes de résistance. Après on peut ne pas être d’accord, c’est un autre débat. Mais il faut se souvenir du contexte, aussi, des massacres de Sabra et Chatila dont les coupables n’ont jamais été punis. Et aujourd’hui, la France garde cet homme derrière les barreaux alors qu’elle a libéré Maurice Papon ? J’aimerais rappeler aussi qu’on a remis en liberté l’assassin de Chapour Baktiar, qui lui, sur ordre de l’Iran, avait décapité l’ancien Premier ministre au couteau et lui avait coupé les mains. Ce type-là, qui a commis un crime atroce, a été libéré moins de 20 après les faits. Georges Ibrahim Abdallah, lui, est plus mal traité qu’un serial killer alors qu’il a commis des actes politiques. » A la question, « S’agit-il alors d’une vengeance d’état, contre Georges Ibrahim Abdallah ? », il répondait : « Je pense que oui et c’est absolument lamentable, d’autant plus qu’il a déjà eu un avis favorable de libération localement. C’est Paris qui refuse par rapport à ses alliés. Je demande à ce que la justice m’entende dans ce dossier ». Il réaffirmait sa position dans un article paru dans le Courrier de l’Atlas en février 2016 : « La France se grandirait en libérant Georges ABDALLAH ».3 Par ailleurs, un article publié en mai 2012 dans Le Monde Diplomatique intitulé « Acharnement judiciaire contre M. Georges Ibrahim ABDALLAH – Un prisonnier politique expiatoire »,4 indiquait : « Il aura bientôt passé plus de temps en détention que M. Nelson Mandela. Il est, avec le Palestinien Karim Younes, le militant des Black Panthers Mumia Abu-Jamal ou l’Amérindien Leonard Peltier, l’un des plus vieux prisonniers politiques du monde ». Ou encore « C’était compter sans l’acharnement judiciaire et les ingérences américanoisraéliennes, que nous résume son avocat, Me Jacques Vergès, en produisant des documents du département d’État : « C’est le gouvernement des Etats-Unis qui oppose un veto intolérable à sa libération. » De même, de nombreux rassemblements ou diffusions dénoncent son maintien en détention. Ainsi, le 9 mars 2022 a eu lieu, dans le cadre de sa sortie nationale, une projection du film « Fedayin, le Combat de Georges ABDALLAH » en partenariat avec Sciences Po Bordeaux, l’Union Juive Française pour la Paix, FFIPP Bordeaux et Palestine 33 (groupe local de l’Association France Palestine Solidarité). Le film est présenté comme suit5 : « Fedayin, le combat de Georges ABDALLAH retrace le parcours d’un infatigable communiste arabe et combattant pour la Palestine. Des camps de réfugiés palestiniens qui ont forgé sa conscience, à la mobilisation internationale pour sa libération, nous allons à la découverte de celui qui est devenu l’un des plus anciens prisonniers politiques d’Europe. » Enfin, il convient de rappeler que la position du COMITE ACTION PALESTINE s’appuie sur des faits incontestables : à savoir que les gouvernements français et américains sont intervenus à plusieurs reprises pour empêcher la libération de Georges Ibrahim ABDALLAH, alors même qu’elle avait été décidée par les tribunaux. Georges Ibrahim ABDALLAH est, en effet, libérable depuis 1999. En novembre 2003, la juridiction régionale de libération conditionnelle de Pau autorisait sa libération mais le Garde des Sceaux, Dominique PERBEN, demandait au parquet de faire appel de cette décision. C’est dans ce contexte que le 15 janvier 2004, Georges Ibrahim ABDALLAH voyait sa demande de libération rejetée en appel. En janvier 2012, il formulait sa huitième demande de libération. Le 21 novembre 2012, le tribunal d’application des peines de Paris se prononçait en faveur la libération de Georges Ibrahim ABDALLAH. Malgré l’appel du parquet, la chambre d’application des peines de Paris confirma sa libération le 10 janvier 2013, en la conditionnant à un arrêté d’expulsion du territoire français. Sa libération semblait donc actée et il ne fallait plus qu’attendre la signature de l’arrêté d‘expulsion. Son avocat Jacques Vergès s’exprimait alors en ce sens : « J’accueille avec satisfaction cette décision, car j’avais demandé à la justice française de ne plus se comporter comme une putain face au maquereau américain. »6 Le lendemain de la décision de la cour d’appel, la porte-parole du département d’État américain, Victoria NULAND, déclarait à la presse « Nous ne pensons pas qu’il doive être libéré et nous poursuivons nos consultations avec le gouvernement français à ce sujet. »7 Bien plus, d’après le résumé d’une conversation téléphonique survenue le 11 janvier 2013 entre Hillary Clinton et Laurent Fabius, la secrétaire d’état du Président Barack OBAMA indiquait au ministre des affaires étrangères français : « Although the French Government has no legal authority to overturn the Court of Appeal’s January 10 decision, we hope French officials might find another basis to challenge the decision’s legality »8 9. C’est ainsi que trois jours plus tard, le 14 janvier 2013, le ministre de l’intérieur Manuel VALLS refusait de signer l’arrêté d’expulsion de Monsieur ABDALLAH et faisait donc obstacle à l’application de la décision de justice. Il apparaît sans ambiguïté que le gouvernement français est directement intervenu pour empêcher la libération de Georges Ibrahim ABDALLAH qui avait pourtant été validée par les juges.Il s’agit là du signe manifeste de sa détention pour des motifs politiques. En conséquence : – l’appel à la libération de Georges Ibrahim ABDALLAH n’est que la demande d’application d’une décision de justice ; – le caractère politique de son maintien en détention est affirmé par différentes personnalités et associations ; – l’ingérence des gouvernements français et américain dans une procédure judiciaire pour empêcher la libération d’un détenu démontre le mobile politique de son maintien en détention. En tout état de cause, le Comité Action Palestine est en droit au nom de la liberté d’expression de développer son opinion sur la détention de Georges Ibrahim ABDALLAH et ce même si cela implique la mise en cause de l’Etat français. […] Extrait du recours déposé le 29 mars 2022 devant le Conseil d’Etat via le cabinet Bourdon&Associés, suite au décret présidentiel du 9 mars 2022 de dissolution de l’association. 1. Communiqué relatif à Georges Ibrahim ABDALLAH du 14/02/2012:http://www.comiteactionpalestine.org/word/denoncons-le-sionisme-de-letat-francais-exigeons-la-liberation-de-georges-ibrahim-abdallah/ 2. https://www.ladepeche.fr/article/2012/01/07/1255561-yves-bonnet-raconte-les-dessous-de-l-affaireabdallah.html 3. https://www.lecourrierdelatlas.com/france-la-france-se-grandirait-en-liberant-georges-ibrahim-abdallahyves-bonnet-ancien-patron-de-la-dst-4553/ 4. https://www.monde-diplomatique.fr/2012/05/DA_SILVA/47661 5. https://fedayin-lefilm.com/ 6. Le Point, 11 janvier 2013 : https://www.lepoint.fr/societe/liberation-conditionnelle-du-libanais-abdallahnouvelle-audience-lundi-11-01-2013-1612346_23.php$ 7. Reuters, 12 janvier 2013 : https://www.reuters.com/article/france-justice-usa-abdallahidFRL5E9CBEFW20130111 8. Echanges de mails du 11 janvier 2013 : https://documents2.theblackvault.com/documents/hillary-clintonemails/2017-03-01/C06135923.pdf 9. Traduction : « Bien que le gouvernement français ne soit pas légalement autorisé à annuler la décision de la cour d’appel du 10 janvier, nous espérons que les autorités françaises pourraient trouver une autre base pour contester la légalité de la décision. » Echanges également parus et traduits dans Le Monde diplomatique d’aout 2020 : https://www.mondediplomatique.fr/2020/08/CARLES/62066 print