Etre reporter à Jénine
Interview de Ali Samoudi par le Journal Sud Ouest (mars 2007)
Ali Samoudi est journaliste palestinien à Jénine. Il était à quelques mètre de Shireen Abu Akleh, lorsqu’elle a été assassinée par l’armée israélienne le 11 mai 2022. Il a également été blessé.
En mars 2007, Ali Samoudi était l’invité du Comité Action Palestine, pour commémorer la journée de la terre. Il avait donné une conférence sur le thème « de 1948 à nos jours, le seul objectif de la politique israélienne : rayer la Palestine de la carte ». Il avait été interviewé par le journal Sud Ouest. Nous republions ici cette interview.
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Propos recueillis par Régine Jordan
« Comme tous les habitants de Jenine, ma vie est en danger. J’ai déjà été blessé plusieurs fois » Ali Samoudi |
Invité par le Comité Action Palestine, Ali Samoudi, journaliste palestinien, donne plusieurs conférences en France au cours desquelles il livre son analyse sur la situation en Cisjordanie. Invité samedi soir à Bordeaux, ce correspondant de Reuters et de al-Jazira à Jenine témoigne des difficultés rencontrées chaque jour pour exercer son métier.
Quelles sont vos conditions matérielles pour exercer votre profession ?
Nous sommes trois dans un bureau de Jenine. Je suis cameraman pour Reuters et al-Jazira, j’écris aussi pour des journaux. Nous sommes chaque jour en relation par téléphone. Je couvre tous les événements produits par l’occupation israélienne, les attentats, les manifestations, les conférences importantes, etc.
Votre vie est-elle en danger ?
Oui, comme la vie de tous les habitants de Jenine. J’ai déjà été blessé plusieurs fois. En 2001, j’ai reçu trois balles israéliennes alors que j’étais en train de filmer. J’enfile toujours le dossard de presse, mais parfois ça ne suffit pas. Même si la renommée internationale de Reuters et de al-Jazira me protège, tous les journalistes palestiniens sont suspects pour les soldats israéliens. Douze journalistes ont été tués dans les territoires depuis 2000, dont deux journalistes étrangers.
Comment circulez-vous ?
Beaucoup de journalistes n’ont pas d’autorisation de circuler. Moi, je n’ai pas le droit d’aller à Jérusalem, où est le siège de Reuters. Chaque fois que je vais couvrir un événement, je préviens al-Jazira ou Reuters pour qu’ils s’assurent que tout s’est bien passé. Lorsque j’ai été blessé une nouvelle fois en 2005, Reuters a protesté auprès du gouvernement israélien et a déposé plainte. Je n’ai pas de laisser-passer. Parfois, je passe facilement, d’autres fois je ne peux pas.
Comment les journalistes palestiniens couvrent-ils la rivalité Hamas-Fatah ?
On voit, on montre, on raconte… On essaie toujours de faire notre métier, mais c’est vrai qu’au plus fort de la crise entre les deux, on a eu beaucoup de problèmes pour transmettre nos informations. Des deux côtés.
Un correspondant de la BBC a été pris en otage. Quelle est votre réaction ?
Les journalistes palestiniens ont fait grève vingt-quatre heures car ils dénoncent de tels actes. Qu’ils soient occidentaux ou palestiniens, les journalistes sont dans le même bateau.