AccueilDossiersRévolution palestinienneInterview de Ramadan Shallah, secrétaire général du Jihad islamique Comité Action Palestine 16 novembre 2007 Révolution palestinienne 1 962 vues le 16/11/2007 19:25:08 (1118 lectures) Dans une interview sur la chaîne al-Jazeera, diffusée le 12 novembredernier, le secrétaire général du Jihad islamique définit les traits de la période présente en montrant la vanité des espoirs de ceux qui accourent vers les propositions américano-sionistes. « Aucun règlement n’est en vue. Il y a course entre ceux qui veulent la guerre et ceux qui la refusent ». « Le sommet d’Annapolis a pour but de masquer l’échec américain et de préparer le camp de la modération pour une future guerre ». (Exraits) Ghassan B.Jeddo (al-Jazeera) : Il y a quelques jours, nous avons commémoré le 90ème anniversaire de la déclaration Balfour, et aujourd’hui, nous continuons à vivre plus dramatiquement encore ses conséquences désastreuses : une situation étrange en Palestine, avec la division des Palestiniens, la division des élites et des régimes arabes à propos des choix et des stratégies, le retour à la formation de camps antagoniques, la poursuite de la guerre israélienne contre une partie des Arabes. Notre présent indique des complications de la situation libanaise, semblables à la grotte d’Ali Baba et les 40 voleurs, notre présent parle d’une alerte syrienne, de champs minés irakiens, d’une mobilisation iranienne, d’une inquiétude arabe, d’un rôle saoudien, de la crainte des pays du Golfe, d’une crispation américaine, d’un entêtement arabe et islamique passionné par la résistance et le refus. Et parmi les symboles de cette résistance, qui ont réussi effectivement à consolider ses positions, à affermir sa vision, à maintenir son mouvement et proposer des choix à son courant islamique général et spécifiquement palestinien, l’un de ceux qui sont les plus poursuivis par le Mossad israélien, un Palestinien jusqu’à l’os, qui est né et a grandi à Ghaza, qui a étudié dans les universités anglaises et américaines, un nationaliste par la formation politique, un islamiste par l’identité et le choix, un radical par sa position et modéré par sa culture, comme il l’affirme, un parcours général en direction de la lutte et du refus de la logique du règlement, aimé et admiré par les uns, contesté par les adversaires, des élites et des décideurs. Nous parlons du docteur Ramadan Abdallah Shallah, secrétaire général du mouvement du Jihad islamique en Palestine. Dr. Ramadan, tu avais déclaré que dans la région, les questions sont entremêlées et complexes, et qu’il y a course entre le règlement et l’affrontement dans la région. Que voit ton regard palestinien ? Dr. Ramadan Shallah : Tu as parfaitement décrit la terrifiante situation que nous vivons, mais permets moi de préciser que la course ne se déroule pas entre le règlement et l’affrontement, et je commence par affirmer qu’il n’y a pas de règlement, mais la course se déroule entre la guerre dont on sent les préparatifs dans la région et entre ceux qui veulent empêcher cette guerre. La course se déroule entre ceux qui, à l’extérieur, veulent la guerre et ceux qui veulent l’empêcher, les populations de la région, quelles que soient leurs positions et leurs orientations. La région est encore soumise à une vaste attaque supposée engendrer le nouveau Moyen-Orient, une attaque américaine qui a commencé en Irak, qui a touché la Palestine, qui menace la Syrie, le Liban et l’Iran, ce nouveau Moyen-Orient et cette nouvelle carte qu’ils espèrent instaurer par les canons, dans la région, les populations de la région continuent à les refuser et à leur résister. Il n’y a donc pas une course entre le règlement et l’affrontement, mais une course entre la guerre et ceux qui veulent l’empêcher. Al-Jazeera : la guerre contre qui ? Dr. Shallah : Ceux qui veulent la guerre, ce sont Israël et le front américano-israélien, qui dessinent le parcours de cette guerre prochaine, si jamais elle a lieu. Pourquoi ? Je ne décrirai pas en détail la situation dans la région, mais j’indiquerai comment l’ennemi voit la région, puis je dirai comment nous, nous la voyons. Je vais reprendre la description faite récemment par un des orientalistes israéliens connus, un américain-israélien, Martin Kramer, qui se trouve actuellement à Harvard, un élève de Bernard Lewis. Concernant la relation d’Israël avec la région, le conflit avec Israël, il a défini trois étapes, la première, l’étape arabo-israélienne, lorsque la région a résisté et refusé la présence d’Israël, mais les Arabes ont subi des défaites, et cette étape s’est achevée, d’après lui, en 1979 lorsque l’Egypte s’est désengagée du conflit arabo-israélien. Puis il parle d’une seconde étape, celle du conflit palestino-israélien qui, selon Kramer, s’achève avec la mort de Arafat. La troisième étape qui commence est celle du conflit islamo-israélien, que les Etats-Unis considèrent comme un conflit islamo-occidental, et dans lequel ils se sont engagés dans le monde entier sous le slogan de lutte contre le terrorisme islamique. Pour Kramer, la guerre israélienne contre le Liban en 2006 n’est pas une sixième guerre israélienne, mais une guerre israélo-islamique, ce qui veut dire que pour Israël et les Etats-Unis, qui veulent la guerre, Israël fait face à un danger qui menace son existence, danger représenté par l’alliance islamique, qui englobe les mouvements de la résistance, soutenue par la Syrie ainsi que par de nombreux mouvements et groupes nationalistes et islamiques arabes, ce qui s’appelle le front de la résistance et du refus. Au congrès de Herzelia, qui s’est tenu au début de cette année, les six études stratégiques présentées évoquent le danger qui menace l’existence d’Israël. Israël affirme aujourd’hui qu’il est menacé d’éradication de la carte de la région, et c’est pourquoi il veut éradiquer tous ceux qui refusent Israël dans la région. C’est la profonde nature des événements dans la région. Al-Jazeera : que penses-tu de la déclaration de Mofaz affirmant que toutes les alternatives sont possibles pour stopper le programme nucléaire de l’Iran, y compris l’alternative militaire. Penses-tu qu’il est sérieux ? R. Shallah : Bien évidemment, l’incitation à la guerre dans la région au sujet du dossier nucléaire iranien est une incitation israélienne. Depuis des années, il essaie de convaincre l’administration américaine de frapper l’Iran, et si la décision était laissée à Israël, cette décision serait déjà prise. Aucune voix ne s’y oppose en Israël, mais ils admettent aujourd’hui qu’ils doivent laisser cette question à ce qui s’appelle la communauté internationale, qui doit exercer des sanctions contre l’Iran, mais l’alternative de la guerre est toujours là. La menace de Mofaz intervient dans une course contre la montre, l’administration américaine est toujours hésitante, ainsi que le ministre de la défense et la ministre des affaires étrangères, mais Dick Cheney et les nouveaux conservateurs souhaitent la guerre car pour eux, l’Iran est la base du projet islamique qui menace Israël. Lorsque la guerre contre le Liban a duré, ils ne voyaient que l’Iran dont ils voulaient casser le bras, pour l’isoler. Les attaques contre Barad’î font partie de cette course contre la montre, ils veulent réunir les preuves et les vendre à Bush, comme ils l’ont fait pour l’Irak, mais Barad’î ne veut pas jouer ce rôle, c’est pourquoi il est devenu la cible des Israéliens. Al-Jazeera : Si Israël a déjà pris la décision, est-ce qu’il est prêt à frapper l’Iran ? R. Shallah : Je parle du souhait israélien, mais non de la capacité israélienne. Si les choses étaient laissées à Israël, il aurait déjà pris la décision. Mais est-ce qu’Israël peut frapper l’Iran et réaliser ses objectifs ? C’est une autre question, plus complexe. Même les Etats-Unis étudient encore la question, et ce qui retarde la décision américaine, à mon avis, c’est qu’ils ne savent pas quelle sera la réaction de l’Iran, les Etats-Unis n’ont pas encore envisagé la nature des dommages qui pourraient en résulter. Al-Jazeera : Certains disent que la frappe sera plutôt contre la Syrie, considérant qu’elle est l’anneau le plus faible ? R. Shallah : Si nous revenons à l’analyse de Kramer, il considère que le danger vient de l’alliance islamique, dont la principale base est l’Iran et le Hizbullah, qu’ils qualifient de Shi’ites, pour ouvrir le conflit et la guerre interne entre Sunnites et Shi’ites. C’est ainsi que les Israéliens et les Américains préparent une stratégie délimitant l’Iran pour cible, ils ne veulent pas se lancer dans une attaque contre les Arabes, c’est-à-dire la Syrie, car frapper l’Iran est plus facile, à cause de ce qu’ils nomment l’hostilité arabo-sunnite contre les shi’ites ou les Safavides, comme ils le disent, donc ils essaient de séparer la Syrie de l’Iran. Ils essaient donc la politique du bâton et de la carotte envers la Syrie, mais cette dernière n’est pas nouvelle en politique, elle a compris le jeu. D’ailleurs, la guerre contre la Syrie n’est pas une promenade. Si nous voulons comprendre comment pensent les Israéliens à propos de la guerre dans la région, il nous faut revenir en arrière, lors du désengagement de l’Egypte. Ils avaient dit à l’époque qu’il n’y a plus de guerre dans la région sans l’Egypte, mais la guerre de juillet 2006 a brisé cette règle. Ils considèrent que si un groupe comme le Hizbullah peut mener une guerre presque classique, avec une forme de guerilla et une capacité de lancement de fusées jusqu’au cœur d’Israël provoquant le déplacement de plus de 750.000 Israéliens, si le Hizbullah a réussi à faire cela, que pourra faire la Syrie ? Cet ennemi considère qu’il est menacé, il n’est pas à l’abri, il ne peut frapper sans subir les conséquences, car la Syrie possède une véritable capacité à se défendre. Avec la guerre de juillet, Israël a compris la leçon qu’elle n’a pas apprise de l’Irak : c’est que son aviation ne peut remporter la bataille. C’est pourquoi Israël et les Etats-Unis manoeuvrent en direction de la Syrie, pour la séparer de son alliance avec l’Iran. Al-Jazeera : Si telle est la situation, donc une menace très sérieuse de guerre, où vous situez-vous ? Vous, le mouvement du Jihad islamique, qui est présent à l’intérieur de la Palestine ? R. Shallah : D’abord, je dois te rassurer, je ne reconnais pas les frontières de Sykes-Picot. Je suis Palestinien, par le passeport ou l’identité, je suis un réfugié palestinien, je vis dans un pays qui s’appelle la Syrie, qui nous a accueillis et reçus lorsque le monde entier a fermé ses portes. Dans tout pays arabe où nous nous trouvons, que ce soit la Syrie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, si ces pays sont menacés par une invasion étrangère, je suis légalement investi à défendre ce pays, si les autorités de ce pays me le demandent. Mon engagement légal, national, nationaliste, islamique, moral et humain me demandent de repousser toute agression contre un pays arabo-musulman. Al-Jazeera : Plus précisément, vous êtes dans l’intérieur palestinien. Est-ce que vous participerez, en tant que mouvement du Jihad islamique, à l’intérieur et à l’extérieur des terres palestiniennes ? R. Shallah : D’abord, à l’intérieur de la Palestine, notre guerre contre l’ennemi israélien se poursuit sans relâche, nous menons une guerre défensive et de consolidation. Pour répondre plus exactement, revenons à la guerre de juillet 2006. Nous sommes au Liban, et c’est à la direction de la résistance, le Hizbullah, de décider si elle souhaite ou non notre participation. C’est pourquoi je ne peux dire à l’avance ce qu’il en sera. Chaque terrain a ses dirigeants, mais nous, nous sommes prêts à défendre toute parcelle de la terre arabo-islamique, et comme nous nous battons en Palestine, nous nous battrons pour défendre la terre arabo-musulmane. Al-Jazeera : Tu as considéré la guerre de juillet 2006 comme une victoire. Et lors d’un discours télévisé dans le camp de Shaja’iya, à Gaza, tu avais déclaré en octobre 2006 qu’Israël est en voie de disparition, que nous devons pas penser aux négociations, ni au règlement, qui ne servent à rien, que la libération de la Palestine se fera par les armes car c’est par les armes et la force qu’elle a été conquise. Ne penses-tu pas que cette façon de penser est une contrainte envers toi-même, envers le mouvement, envers le peuple et l’opinion arabe ? Se détourner de toutes négociations ? Pourquoi ne pas les laisser essayer ? R. Shallah : Il n’y a aucune contrainte, ni envers moi-même, ni envers le Jihad islamique. Je suis entièrement convaincu, ainsi que le mouvement du Jihad islamique, qu’Israël doit disparaître, car sinon, je mets en doute ma croyance en Dieu le Très-Haut. C’est une question de foi, la Palestine est pour moi un verset du saint Coran, elle est sacrée. Quant aux autres, je ne les contraint pas, mais les conseille, je leur demande de cesser de courir après cet égarement. Au Liban, il y a un adage : « celui qui essaie ce qui a déjà été essayé, a l’esprit dérangé ». Jusqu’à quand allons-nous poursuivre cet essai ? Pour un règlement, la solution doit être soit palestinienne, soit israélienne, soit arabo-musulmane, soit internationale. Mais après la victoire des Etats-Unis dans sa guerre froide, et après la guerre du Golfe et l’effondrement de l’Union soviétique, on nous propose la solution israélienne, avec un soutien international. Une solution israélienne pour la question israélienne, la question juive. L’Occident s’est opposé à Hitler et aux massacres nazis, mais il ne s’est pas opposé au projet sioniste et à la déclaration Balfour qui ont créé la question israélienne sur les ruines de tout le peuple palestinien. 5 millions de réfugiés. Qu’ils se rendent à Annapolis ou ailleurs et qu’ils nous proposent une solution ! Depuis la déclaration Balfour jusqu’à 1979, en passant par la Nakba de 48, ce fut le rejet total d’Israël, nous ne les voulons pas, ils sont étrangers à la région, ils sont venus implanter, par le feu et le sang, une entité à la place d’un autre peuple. Quelle est cet humanisme, cette humanité, cette démocratie qui permettent cette oppression et cette sauvagerie ? Ils veulent actuellement nous obliger à accepter Israël, par la force. Dans l’imaginaire israélien, cette troisième étape est celle de l’admission volontaire et absolue d’Israël, Israël veut être notre être bien-aimé, notre voisin, il nous veut le bien, mais nos ennemis sont la Syrie, l’Iran, le Hizbullah, le Hamas et le Jihad. Nous inventons des ennemis illusoires de notre propre peau et notre propre corps. Deux visions s’affrontent actuellement. Eux disent, votre crime c’est le Hizbullah, le Hamas, le Jihad, la résistance, vous voulez entraîner la région vers un conflit arabo-israélien, ou plutôt israélo-islamique, avec la présence des Indonésiens, des Iraniens, des Turcs, comme si l’arabité était opposée à l’islam ! Actuellement les peuples réclament que le conflit revienne à ses débuts, ils refusent la présence d’un corps étranger, ils résistent et remportent des victoires. Le Hizbullah a résisté et a remporté une victoire, mais les autres, Israël et les Etats-Unis veulent obliger la région à admettre Israël. Que signifie admettre Israël dans l’absolu ? C’est accepter qu’il soit une partie de Sykes-Picot. Quand Saddam a envahi le Koweit, les Arabes, les Américains et le monde entier se sont soulevés, et si un Palestinien, arabe et musulman veut « envahir » Israël, il est brisé par la communauté internationale pour préserver, protéger et libérer « la terre d’Israël » qui se trouve au cœur même de cette région. Il en sera ainsi lorsque le droit à l’existence de cette entité sera reconnu comme une partie indissociable de la région. Avec une participation arabe, bien évidemment. Je le rappelle, lorsque la phrase « aventure irrefléchie » a été prononcée (lors de la guerre de juillet 2006, à l’encontre du Hizbullah, ndlt), certaines explications ont avancé que les Arabes avaient l’intention d’accepter volontairement Israël alors que ce dernier n’avait rien offert, ce qui a signifié que ce dossier a été clos et il est retourné en arrière. Pourquoi Israël refuse l’initiative arabe ? Car il sait que tous ceux qui ont proposé cette initiative ont promis de normaliser leur relation mais Sharon a considéré qu’ils vendaient une carte qu’ils ne possédaient pas, qui est entre les mains de leurs peuples. Avec qui allait-il signer ? Avec ceux qui les combattent, combattent les Etats-Unis au Liban, en Palestine et en Irak ou avec ceux qui les soutiennent déjà ? Il n’y a pas de règlement, pas de solution définitive, Israël ne veut pas admettre qu’il doit se retirer pour fonder un Etat palestinien. Al-Jazeera : Ceux qui t’entendent, les Israéliens, les Américains, et même les Arabes, parler de cette sorte, dire que vous êtes prêts à participer et riposter à la guerre, par investiture légale ou considérations politiques, que vous êtes toujours attachés à la disparition de l’Etat d’Israël, se posent la question : est-ce que vous êtes toujours attachés à la résistance armée ? y compris par les fusées, à l’intérieur de la scène palestinienne ? R. Shallah : Si nous abandonnons notre droit à la résistance, par tous les moyens dont nous disposons, il n’y a plus de justification pour notre existence. Nous sommes attachés au choix de la résistance dans tous les cas, mais la forme de la résistance, son moment, sa gestion, l’utilisation de certains de ses outils, dépendent des conditions et des considérations sur le terrain, de la situation de notre peuple, de nos relations internes qui régissent la manière de mener le combat. Al-Jazeera : Ne donnez-vous pas le prétexte à Israël pour qu’il occupe Ghaza à nouveau ? R. Shallah : Israël n’a pas besoin de prétextes, lorsqu’il a occupé la Palestine et nous a jetés dans l’exil. Israël ne veut pas de prétextes. L’Europe n’a pu régler la question juive, et Israël essaie de la régler en massacrant le peuple palestinien, par petites doses, cela devient une scène courante, normale. Même pour le président de l’Autorité palestinienne. Au moment où nous entendons qu’il y a cinq martyrs, ou dix martyrs en quelques jours, il ne peut s’empêcher de visiter Olmert ou de prendre soin de sa santé. Mais ceux qui sont écrasés par les bulldozers d’Olmert, personne ne s’en soucie. Al-Jazeera : Nous sommes à la veille d’un sommet, celui d’Annapolis. Comment le définir ? Pourquoi vous refusez cette réunion ? Est-ce parce qu’il propose un règlement ou parce qu’il est considéré comme une étape cruciale contraire à votre stratégie ? R. Shallah : D’abord, nous ne sommes pas gênés par ce congrès car nous considérons qu’il représente une étape pour un nouvel échec américain, Bush essaie d’en faire un succès pour masquer son échec en Irak, et nous sommes contre ce congrès parce qu’il ne vient pas d’une initiative palestinienne, arabe ou islamique, où l’on perçoit, nous les Palestiniens, les Arabes ou les musulmans, un intérêt car c’est un congrès avant tout israélien et américain. Bush souhaite, par ce congrès, mobiliser et renforcer le camp de la modération. Le camp de la modération arabe pour masquer ses préparatifs de guerre l’Iran. Il veut masquer son échec en Irak, consolider la position d’Olmert et masquer l’échec de ce dernier au Liban. Il veut consolider la position d’Abu Mazen, relever son moral après les événements de Ghaza. Bush veut montrer au peuple américain qu’il est toujours maître des initiatives, qu’il est toujours le maître du monde, que les horizons de la paix sont entre ses mains. Il veut refroidir la scène palestinienne pour entamer une nouvelle phase. Bush prétend se conformer à l’idée de deux Etats, il propose d’en discuter mais il sait très bien que toutes les données sur le terrain ne le permettent pas. En réalité, il veut consolider le front de la modération. Les Israéliens, quant à eux, veulent creuser la division en adoptant Abu Mazen qu’ils considèrent comme leur allié. L’alliance avec Abu Mazen et l’approfondissement de la division entre Palestiniens signifient que le conflit n’est plus israélo-palestinien mais palestinien-palestinien, ils veulent de nouvelles concessions, graves, de la part d’Abu Mazen, relatives au programme de l’OLP et de l’Etat sur les frontières de 67, et si tu veux qu’on parle des détails, ils sont très graves. Ils veulent que l’Autorité revienne à la mission qu’ils lui ont inventée à Oslo, celle de préserver la sécurité d’Israël, de poursuivre les résistants en Cisjordanie, de fournir les renseignements et de collaborer avec les forces sécuritaires de l’occupation. Tout est dans leur intérêt, mais nos « amis » se dirigent vers ce sommet, croyant pourvoir fonder des négociations qui rapporteraient l’Etat de l’après-Hamas, consolider leur position en Cisjordanie, la légitimité d’Abu Mazen et de l’Autorité palestinienne à Ramallah, isoler Hamas. La question est donc interne, c’est ce qui la rend dangereuse. Si ce sommet aboutir à des négociations, leurs détails sont posés par Israël, et non par la partie palestinienne. Al-Jazeera : Pourtant, l’Autorité lutte pour avoir des acquis, toutes les déclarations vont dans ce sens. R. Shallah : D’abord, la situation n’est pas propice à des négociations, et je n’ai pas confiance dans cette voie pour récupérer nos droits. Malgré toutes les difficultés internes d’Olmert, il ne fera pas de concessions à Abu Mazen. Les Israéliens disent : si Olmert est un canard boiteux, Abu Mazen est un canard dont la patte est cassée. Abu Mazen réclame un Etat dans les frontières de 67, mais il n’y aura pas d’Etat dans ces frontières. Cela fait des mois qu’ils discutent et négocient, tout ce à quoi cela aboutira, c’est un échange de terrains, ils prennent des terres de la Cisjordanie et nous donnent en échange des terrains situés dans le Naqab, à l’Est de Ghaza, quelques mètres tout au plus. Ils parlent de démantèlement des colonies, mais regardez ce qui s’est passé dans la Palestine historique, où il y a trois regroupements de population, à Tel Aviv, dans al-Quds et à Haïfa. Un demi-million de colons, un second Israël, se trouve dans la ville d’al-Quds et en Cisjordanie, ils seront rassemblés dans trois regroupements, les colonies continueront à démanteler la Cisjordanie, qui sera divisée en cantons. Concernant les réfugiés, pour eux, il n’y a pas de retour des réfugiés. Il y a un mensonge grossier officiel, arabe et palestinien. Cent mille Palestiniens seront autorisés à retourner, dans un laps de plusieurs années, Israël définira leur âge, leur appartenance, leur poids, leur hauteur, ce qu’ils doivent manger et ce qu’ils doivent boire. Ils ont dédouané Israël de la question des réfugiés, qui ne se sentira plus obligé, moralement, de considérer ce qui se passe hors des frontières de ce qui s’appelle Israël. Que reste-t-il donc ? Al-Quds ? La knesset israélienne a l’intention de prendre une décision relative à l’indivisibilité d’al-Quds, qui sera la capitale de l’Etat d’Israël. Al-Quds consiste actuellement en quelques ruelles et quartiers.. Vous voulez discuter des questions religieuses ? L’accord de Wadi Araba a rattaché al-Quds à la Jordanie, au niveau des questions religieuses. Dans tous les cas, la Jordanie a un rôle à jouer, je ne suis pas entré dans les détails, mais quand j’ai évoqué l’analyse de Kramer concernant le conflit israélo-palestinien qui s’est achevé avec le décès de Arafat, l’intérêt palestinien était présent, mais actuellement, nous sommes occupés par les détails et sommes devenus des négociateurs. Al-Jazeera : où se situe le danger ? R. Shallah : Le danger ? Il faut lire l’article de Dani Rubenstein, qui affirme que le mouvement national palestinien est fini, soit le mouvement conduit par l’OLP. Qui va à présent combler ce vide ? Les mouvements islamiques, l’Egypte, la Jordanie. Oui, la Jordanie, qui va partager le rôle sécuritaire avec le reste de l’Autorité palestinienne de Ramallah, l’autorité de Abu Mazen et de Salam Fayyad. La situation est extrêmement grave ! Al-Jazeera : Cela est grave ! Donc, les négociations ne concernent pas les frontières de 67 ? R. Shallah : Ils doivent cesser leurs mensonges ! Les négociations ne concernent pas les frontières de 67. Israël n’autorisera pas autre que le Jourdain comme frontière. Les Arabes assumeront leur responsabilité s’ils acceptent cela. Al-Jazeera : Ceux qui vont à Annapolis vont-ils l’accepter ? R. Shallah : A Annapolis, les lignes seront tracées pour parvenir à cette formule, mais espérons que nous n’y arriverons pas, le peuple palestinien ne peut l’accepter, Fateh ne doit pas l’accepter. Et je l’affirme, la solution des deux Etats est finie, la solution des deux Etats est actuellement une proposition israélienne. Shimon Pérès a déclaré que si nous voulons vivre dans un Etat démographiquement juif, il faut à nos côtés un Etat palestinien qui protège Israël, en tant qu’Etat juif. Al-Jazeera : Par la même occasion, un rapport récemment émis par Fox, à la demande des Israéliens, consiste à préparer la réunion d’Annapolis. Les six points devant être définis sont : deux Etats d’après les frontières modifiées de 67, une solution juste pour les réfugiés, deux capitales dans al-Quds, où Israël domine les parties juives et les Palestiniens dominent les parties arabes, avec des arrangements pour les lieux sacrés qui seront ouverts à toutes les religions, et des arrangements sécuritaires, dont un Etat palestinien désarmé. R. Shallah : Evidemment, j’ai consulté le rapport en entier. Ils reconnaissent la modification des frontières, ils reconnaissent qu’il n’y aura plus une question de réfugiés, ils ont inventé une capitale à Abu Dis, soit une capitale sur deux mètres carrés. Il n’y aura pas de solution. Concernant la Jordanie, et j’indique un point important, les républicains ne veulent pas d’un Etat palestinien, ils considèrent que la solution est une confédération avec la Jordanie. Ce sommet est une étape, mais il n’apportera pas de solution. Israël considère que la guerre se prépare dans la région, il veut jouer un rôle, il ne veut pas régler le conflit, mais que nous payions le prix. Al-Jazeera : Pour finir, rapidement, comment envisagez-vous de gérer la situation à Ghaza ? R. Shallah : Il est important de sortir de la situation conflictuelle interne et de retrouver l’unité et la collaboration entre nous. Nous voulons réduire les pertes. Personne, pour l’instant, ne peut réaliser des acquis, nous sommes dans la période de réduction des pertes et non celle de la réalisation des acquis. C’est pourquoi il faut un rôle arabe qui soutienne l’unité des rangs palestiniens, au lieu de réunir Abu Mazen avec les Israéliens et de superviser des accords de ce genre. Il faut que les Arabes jouent un rôle de rapprochement entre Fateh et Hamas, de rassemblement des rangs palestiniens. Il faut nous mettre d’accord pour contrôler la situation palestinienne et ne plus revenir aux combats inter-palestiniens. Si les combats de ce genre se poursuivent, la Palestine sera perdue, et nous supporterons la responsabilité, cette fois-ci, plus que notre ennemi. Traduction et diffusion : Centre d’Information sur la Résistance en Palestine (CIREPAL) print