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Article de Cecilia Toledo paru dans la revue « Le Marxisme Vivant » n°3, Mai 2001.

L’auteur est une journaliste brésilienne, membre du PSTU (Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado).

Cet article est une véritable oeuvre de salubrité publique : C. Toledo nous présente ici une histoire du sionisme en s’attachant à remettre en cause tous les mythes fondateurs dont nous abreuve le propagande officielle.

Elle reprend le problème à la base et cherche à comprendre le sionisme et la « question juive » sans partir du point de vue religieux, mais en replaçant  « le juif dans son rôle économique et social », suivant en cela K.Marx et A. Leon.


SOMMAIRE

1. Les juifs : un peuple-classe dans les sociétés précapitalistes 
2. Le bundisme 
3. La naissance du sionisme
4. Une région « vide »
5. La déclaration de Balfour (02/11/1917)
6. Le mandat Britannique (1918-1948)
7. Israël: la tragédie palestinienne
8. Vol, sans autre cérémonie, de la terre et des commerces des arabes
9. Racisme contre le travailleur arabe
10. Le sionisme, le fascisme et les juifs
11. Trahissant la Résistance

 


« C’était vers une terre sans peuple que lentement, vers la fin du siècle dernier, un peuple sans terre a commencé à se déplacer. » (1) Cette histoire, qui a été propagée tambour battant dans les têtes des peuples du monde entier depuis la fondation d’Israël en 1948, commence à s’émietter maintenant, et cela non seulement par l’activité des marxistes révolutionnaires mais aussi grâce aux israéliens eux-mêmes.

Tom Segev, un des historiens contemporains les plus remarquables d’Israël, a démontré récemment à quel point c’est faux, dans un interview à la Folha de S. Paulo. (2) Auteur du livre « 1949 – Les premiers israéliens », Segev se base sur le journal du père fondateur d’Israël, David Ben Gurion, qui y décrit sa politique pour forcer la sortie des arabes hors du pays nouvellement créé. Le livre, qui avant était répudié parce qu’il montrait que la version officielle à la mode était une fantaisie et que les arabes n’ont pas quitté Israël de bon gré mais ont été expulsé sans pitié, est maintenant adopté même dans les programmes scolaires.

Cette « reconnaissance » de la part de l’histoire officielle vient un peu tard, si on prend en considération que d’autres auteurs, surtout marxistes, avaient déjà raconté amplement la vraie histoire du sionisme et avaient dénoncé une des falsifications les plus spectaculaires de l’histoire jusqu’à ce jour. Une figure remarquable parmi ces historiens marxistes était Abraham Léon, tué dans les chambres à gaz d’Auschwitz quand il avait 26 ans et auteur d’un livre important, « La conception matérialiste de la question juive « . Un autre auteur remarquable est Ralph Shoenman qui a écrit « L’histoire cachée du sionisme « , un compte rendu minutieux et qui ne laisse pas d’espace pour le doute sur l’occupation juive de la Palestine.

Entre-temps, cette reconnaissance est une évidence supplémentaire qui prouve que la situation est tellement sérieuse et la poussée de l’Intifada tellement forte que même des historiens israéliens importants ont dû admettre que l’idéologie de « la terre sans peuple » était une pure invention et démentent le torrent de mensonges que les sionistes ont diffusé pendant des décades et qui ont créé des illusions parmi beaucoup de gens.

1. Les juifs : un peuple-classe dans les sociétés précapitalistes

Abraham Léon part de la proposition de Marx pour prouver que l’origine supposée du peuple juif a des causes matérielles et historiques, qui n’ont rien a voir avec Jéhovah ou une soi-disant « essence » raciale immuable, comme cela a été supposé, aussi bien par les anti-semites que par les sionistes. D’après Marx, pour comprendre la question juive, « il ne faut pas chercher le secret du juif dans sa religion, mais le secret de la religion dans le vrai juif. » (3) En partant du point de vue religieux, comme on fait habituellement, on n’explique pas la question juive. Pour la comprendre, il faut comprendre le juif dans son rôle économique et social.

Léon cherche les origines du peuple juif et arrive à la notion importante et riche de peuple-classe . Dans les sociétés précapitalistes , les juifs formaient une classe sociale, un peuple-classe (4), comme sont, par exemple, les Tsiganes. Les juifs représentaient les formes « pre-historiques » du capital, aussi bien dans le monde ancien que dans le monde féodal.

Dans le féodalisme , les transactions en argent ont eu lieu en marge du mode de production, étant donné que ces sociétés étaient productrices de valeurs d’usage et non d’échange. Comme c’était une activité marginale, elle a été exercée par des « étrangers », par des peuples-commerçants tels que les phéniciens, les juifs et les lombards. Ils étaient des peuples-classe qui, comme disait Marx, existaient dans les pores d’une société qui produisait des valeurs d’usage. Donc, les juifs sont la prorogation dans le temps d’une vielle classe mercantile et financière précapitaliste.

Sur ces relations matérielles des juifs c’est développée une superstructure institutionnelle et idéologique : des autorités communautaires, une religion « spéciale » et le mythe de se considérer comme les descendants des peuples hébreux originaux qui ont habité la Palestine au commencement de notre ère. Cette superstructure a aidé pour maintenir la cohésion du peuple-classe, mais en même temps elle a falsifié la vraie nature de leur existence . C’est le phénomène de la fausse conscience qui est commun dans toutes les idéologies. Et elle explique pourquoi il n’y a aucune unité raciale parmi les juifs.

Caché sous ce manteau idéologique-religieux, a eu lieu le phénomène de l’incorporation d’individus ou de groupes entiers dans ce peuple-classe. C’est ce qui explique qu’il y a eu des juifs de « race » mongole dans le Dagestan, des juifs noirs (les falasha) en Ethiopie, des juifs arabes dans l’Islan et des juifs d’origine slave en Europe de l’Est. Cela prouve que l’origine commune comme descendance d’Abraham ou des habitants de la Palestine au commencement de notre ère n’est qu’un mythe.

Avec le développement du capitalisme , la vieille classe commerciale juive pre-capitaliste a commencé à perdre les bases matérielles de son existence comme peuple-classe. En Europe occidentale, et surtout en Angleterre, les juifs ont commencé à s’assimiler naturellement. Mais avant que ce processus pût atteindre l’Europe orientale, avec un capitalisme moins évolué, a commencé l’époque impérialiste du capitalisme, de décadence générale dans le monde entier.

Les juifs de l’Europe de l’est comme de l’ouest ont dû affronter une situation dramatique. Quand la solution au problème juif a été vue dans les termes de la lutte pour le socialisme, le marxisme a commencé à exercer une attraction considérable sur les masses juives. Leur chemin était celui de la fusion avec la classe ouvrière dans la lutte contre le capitalisme, car pour les masses appauvries des juifs de Varsovie ou de Kiev, la trajectoire suivie par leur coreligionnaires plus fortunés de l’Angleterre ou de la France, d’une existence assimilée comme bourgeois dans le cadre du capitalisme, était déjà fermée.

En Russie , pendant que l’empire du Tsar encourageait les confrontations entre russes et polonais ou ukrainiens, ou entre ceux-ci et les juifs, et pendant que l’empire austro-hongrois faisait le même avec la mosaïque des nations qu’il gouvernait, les marxistes révolutionnaires appelaient à l’union de tous les travailleurs, quel que soit leur langue, nationalité ou « race », pour lutter contre ces régimes et contre toute la bourgeoisie impérialiste européenne. C’est pourquoi tant d’ouvriers, étudiants et intellectuels d’origine juive ont rejoint les rangs des socialistes et se sont assimilés avec les travailleurs de leurs pays.

Mais le vieux peuple-classe , sous les conditions du capitalisme moderne, est devenu de moins en moins homogène . Et ainsi, de la même façon, les familles riches telles que les Rothchild et autres millionnaires se sont liées aux bourgeoisies impérialistes des différents pays européens. Et, parmi les solutions bourgeoises pour la question juive posée par ces secteurs, la plus importante a été le sionisme . Une autre solution reformiste a été proposée par ceux qui son entrés dans l’histoire comme les bundistes .

2. Le bundisme

Les bundistes étaient membres du Bund, l’Union générale des travailleurs juifs de la Lituanie, de Pologne et de Russie, fondé en 1897. Ils ont leur origine en Russie comme un secteur de la social-démocratie, au point qu’au début, le Bund faisait partie du Parti Ouvrier Social-Democrate Russe, mais lors de la scission, le Bund s’est aligné contre les Bolsheviks. (5)

La base sociale du Bund était constituée par des secteurs d’artisans, de semi-prolétaires ou d’ouvriers de petits ateliers, surtout dans l’industrie textile. C’était un ample secteur, avec un pied dans le vieux ghetto et l’autre dans le prolétariat industriel moderne.

Cela a eu sa répercussion dans l’idéologie du Bund qui, d’un côté, se revendiquait du marxisme révolutionnaire et, de l’autre côté, niait l’internationalisme en élevant des barrières entre les travailleurs de nationalité différente. Avec l’excuse de défendre la culture nationale, il a propagé que les travailleurs juifs devaient s’organiser séparément des travailleurs polonais, russes et autres. De cette façon, il a fait le jeu à la bourgeoisie , car il a divisé les travailleurs de chaque usine, de chaque ville, d’après leur origine nationale ou « raciale ».

Ce caractère contradictoire, reflet d’une contradiction réelle dans la base sociale, a fait que – malgré la capitulation au nationalisme bourgeois – le Bund n’a jamais proposé aux travailleurs juifs d’abandonner la lutte de la classe, ni de se joindre aux bourgeoisies juives pour aller coloniser la Palestine ou tout autre territoire. Ce sont les sionistes qui ont fait cela.

3. La naissance du sionisme (6)

C’est aussi en 1897, l’année pendant laquelle le Bund est apparu, que le Congrès de Fondation de l’Organisation Sioniste a eu lieu à Bâle (Suisse). La toile de fond sur laquelle a surgit le sionisme a été la capitalisation rapide de l’économie russe après la réforme de 1863, ce qui a rendu la situation des masses juive des petites villes insupportable. Dans l’occident, les classes moyennes, reléguées par la concentration capitaliste, commencent à se tourner contre l’élément juif dont la compétition a empiré leur situation. (7)

Dans ces circonstances est née en Russie l’association des Amants de Sion et apparaît un livre de Léon Pinsker, « L’auto-émancipation « , qui préconise le retour en Palestine comme la seule solution possible pour les juifs. Ensuite, un journaliste juif de Budapest, Theodor Herzl , écrit le livre « L’État Juif  » qui – d’après Abraham Leon (8) – est considéré jusqu’à nos jours comme l’évangile sioniste.

En France, le Baron Rothchild, avec d’autres magnats juifs, s’oppose à l’immigration massive de juifs en Europe occidentale et commence à soutenir l’œuvre de la colonisation juive de la Palestine. « Encourager leur ‘frères moins fortunés’ à retourner à la terre de leurs ‘ancêtres’, c’est à dire, s’éloigner le plus possible, n’était en rien désagréable aux bourgeoisies juives occidentales qui craignaient à juste titre l’augmentation de l’antisémitisme  » dit Léon. Ainsi, même si l’Organisation Sioniste se disputait la même clientèle sociale que le Bund et même le Socialisme Révolutionnaire, son caractère de classe était clairement différent: elle apparaissait comme le programme d’un secteur de la grande bourgeoisie juive qui finalement allait la dominer.

Au début, le sionisme apparaît comme une réaction de la petite bourgeoisie juive, fortement frappée par la vague d’antisémitisme, forcée d’abandonner un pays après l’autre, et qui essaye d’atteindre la Terre Promise coûte que coûte, pour se sauver de cette situation.

Entre-temps, le sionisme essaie de s’appuyer sur une explication religieuse pour justifier son existence. Dans l’année 70 de notre ère, les juifs auraient été expulsés de Jérusalem, occupée par les envahisseurs romains. Déjà dans la bible, Jérusalem était considéré la patrie des juifs, dont ils ont été expatriés : c’était la fameuse Diaspora qui aurait dispersé les juifs aux quatre coins du monde.

Revenons à Marx. Pour comprendre la question juive il faut partir des conditions matérielles de la vie du juif et pas de la religion, des rêves et des idéologies qui ont été créés au long de l’histoire. Selon A. Léon : « Alors que le sionisme est un produit de la dernière phase de capitalisme, c’est à dire, d’un capitalisme qui commence à tomber en décadence, il se vante d’une origine qui recule plus de deux mille ans dans le passé. Alors que le sionisme est une réaction contre la crise du judaïsme, produite par la combinaison de l’écroulement de la féodalité et de la décadence du capitalisme, il déclare être une réaction contre une situation qui existait depuis la chute de Jérusalem, en l’année 70 de l’ère chrétienne . »

Mais l’apparition même du mouvement sioniste est contraire à de telles prétentions. Comment peut-on croire que le remède pour un mal qui existe depuis deux mille ans est apparu à la fin du XIXième siècle ? Le sionisme trouve dans la chute de Jérusalem la racine de la dispersion, et par conséquent de tout le mal qui est arrivé aux juifs dans le passé, le présent et le futur. « La source des tribulations du peuple juif se trouve dans la perte de leur patrie historique et leur dispersion dans tous les pays , » déclare la délégation « marxiste » de Poalé-Sion au Comité hollandais-scandinave. (9)

Cette histoire des juifs, telle qu’elle est racontée par les sionistes, essaye de construire une origine pour justifier l’occupation de la Palestine. Ainsi, les juifs auraient refusé d’être assimilés après leur dispersion violente par les romains. Imprégnés de leur « cohésion nationale », d’un « sentiment éthique supérieur » et d’une « croyance indestructible en Dieu », ils auraient résisté à toutes les tentatives d’assimilation. C’est faux car, comme nous l’avons signalé plus haut, il y a eu d’innombrables cas d’assimilation (10). Mais d’après l’histoire racontée par les sionistes, cela ne s’est jamais passé : la seule espérance des juifs pendant ces années sombres – deux mille ans – était de revenir à l’ancienne patrie.

D’après A. Léon, le sionisme ne s’est jamais posé la question sérieusement. Pourquoi, demande-t-il, n’ont ils jamais essayé sérieusement de revenir pendant ces deux mille années ? Pourquoi fallait-il attendre jusqu’à la fin du XIXième siècle, que Herzl les convainque de ce besoin ? Pourquoi tous ses prédécesseurs ont été traités de faux Messies ? Pour répondre à ces questions incommodes, le sionisme a recours aux mythes. « Aussi longtemps que les masses croyaient qu’ils devaient attendre dans la Diaspora jusqu’à l’arrivée du Messie, il fallait souffrir en silence , » dit Zitlovsky. (11)

Mais, d’après Léon, cette explication n’explique rien du tout. « Il s’agit précisément de savoir pourquoi les masses juives croyaient qu’ils devaient attendre le Messie pour être capable de revenir à leur patrie . » Comme la religion est le réflexe idéologique des intérêts sociaux, depuis la fin du XIXième siècle elle a cessé d’être un obstacle à l’avance du sionisme et est devenu un écran de la fumée pour son expansion, utile pour masquer et justifier toutes ses misères.

Ces conceptions idéalistes du sionisme sont inséparables du dogme de l’antisémitisme éternel, c’est à dire, que de toute façon les juifs seront toujours persécutés. De cette manière, le sionisme transpose l’antisémitisme moderne à l’histoire entière, sans qu’il soit nécessaire de faire des recherches sur les diverses formes d’antisémitisme et de ses causes, et omettant le fait que dans différents périodes historiques, les juifs n’ont pas été les opprimés mais les oppresseurs, comme membres de la classe dominante.

« En réalité, cette idéologie sioniste, comme toute idéologie, n’est rien d’autre que le réflexe déformé des intérêts d’une classe. C’est l’idéologie de la petite bourgeoisie juive, opprimée par le féodalisme en ruines et le capitalisme en décadence, » synthétise A. Léon. Il met en valeur un fait correct, auquel la réfutation des rêves idéologiques du sionisme ne s’oppose évidemment pas : les vrais besoins de ceux qui l’ont fait naître. C’est l’antisémitisme moderne, et non le mythique antisémitisme « éternel », qui a le mieux agité en faveur du sionisme. La question fondamentale est donc de savoir dans quelle mesure le sionisme est capable de résoudre, non le « problème juif éternel », mais la question juive à l’époque de la décadence capitaliste.

Les défenseurs du sionisme le comparent aux autres mouvements nationaux . Mais le mouvement national de la bourgeoisie européenne est la conséquence du développement capitaliste. Il représente la volonté de la bourgeoisie de créer des bases nationales de production, d’abolir les restes de féodalité. Au XIXième siècle, dans les années où prospéraient les nationalismes, la bourgeoisie juive, loin d’être sioniste, était profondément en faveur de l’assimilation. Le processus économique qui a fait naître les nations modernes, a lancé les bases pour l’intégration de la bourgeoisie juive dans la nation bourgeoise. Ce n’est que quand le processus de formation des nations a atteint sa fin, quand les forces productives – enfermées dans les frontières nationales – cessent de se développer, que le processus d’expulser les juifs de la société capitaliste et l’antisémitisme moderne ont commencé.

L’élimination du judaïsme va de pair avec la décadence du capitalisme. Loin d’être le résultat du développement des forces productives, le sionisme est précisément la conséquence de leur paralysie totale, de la pétrification du capitalisme, dit A. Léon. Ainsi, alors que le mouvement nationaliste est le produit de la période montante du capitalisme, le sionisme est le fruit de l’époque impérialiste . La tragédie juive du XXième siècle est la conséquence directe de la décadence du capitalisme. (12)

A. Léon rappelle à juste titre que c’est là où se trouve l’obstacle principal pour la réalisation du sionisme, la clef pour comprendre la crise qui se vit en Palestine depuis la fondation de l’état d’Israël. « La décadence de capitalisme, base de la croissance du sionisme, est en même temps la cause de l’impossibilité de la réalisation de ce sionisme . » La bourgeoisie juive est forcée de créer un état national et d’assurer les conditions pour le développement de ses forces productives, précisément au moment où les conditions pour un tel exploit ont disparu depuis longtemps. La décadence du capitalisme, si d’un côté elle a posé la question juive de façon si pointue, a simultanément rendu impossible la solution du problème par la voie sioniste. « Et il n’y a rien d’étonnant à ce sujet, » dit Léon. « On ne peut pas supprimer un mal sans détruire ses causes. Le sionisme prétend résoudre la question juive sans détruire le capitalisme, la principale cause de la souffrance des juifs . » (13)

Cela marque, comme une marque de feu, le caractère de classe du mouvement sioniste. Il est vrai que les pionniers de la colonisation de la Palestine étaient des artisans, des commerçants pauvres, des gens sans grandes possessions. De cette façon on a essayé de créer une image « plébéienne » et même « de travailleur », voir « socialiste » du sionisme. Ses avocats, surtout ceux qui se considèrent de gauche, acceptent l’idée que le mouvement sioniste n’était pas un facteur progressiste dans la politique européenne, mais ils avancent l’argument que cela était secondaire par rapport à un fait essentiel : le sionisme aurait été le mouvement de libération nationale du peuple juif, du « plus pauvre des peuples. » Ce serait donc une « juste cause ».

Evidemment, il n’était pas dans les plans de Rothschild ou de la grande bourgeoisie juive d’aller cultiver la terre en Palestine. Ce qu’ils ont fait était, d’un côté, encourager un mouvement qui emprisonnerait les juifs les plus pauvres dans la Terre Sainte et les conduirait ainsi loin de la lutte de classe et des partis de gauche en Europe, et de l’autre côté, se débarrasser – eux d’abord – de la fureur antisémite qui grandissait à toute allure.

Un autre but de ce mouvement encouragé par la bourgeoisie juive était de transférer ces masses hors d’Europe pour construire un état juif en un point stratégique , situé au milieu des plus grandes réserves de pétrole dans le monde, menacées par la poussée des luttes des masses arabes. C’est pourquoi l’état d’Israël est devenu une enclave d’impérialisme dans la région, le gendarme du monde arabe.

4. Une région « vide »

D’après les sionistes, la Palestine était une région pratiquement vide. « De vastes régions du pays sont restées inexplorées et ont appartenu à des seigneurs féodaux absents. Elles étaient infectées par la malaria et, à l’exception de quelques baraques dispersées de bédouins, elles étaient inhabitées et par conséquent disponibles.  » « Dans le voisinage de la Terre Sainte, il y avait à peine quelques noyaux hétérogènes, musulmans, chéquis, chrétiens syriens et grecs orthodoxes. C’est vers une terre sans peuple que graduellement, un peuple sans terre a commencé à se déplacer vers la fin du siècle dernier . » (15)

On est à l’époque de l’expansion coloniale de l’Europe en Asie et en Afrique. C’est dans ce cadre historique que le sionisme commence. Et la Palestine, loin d’être une terre vide et sans propriétaire, était occupée par un peuple : le peuple arabe. C’était un problème pour la bourgeoisie européenne juive, au point que Herzl, dans son livre, ne mentionne jamais le mot « arabe », quoique, évidemment, il était au courant de l’existence des arabes. Cette falsification, dissimulée pendant tant d’années, ne résiste pas à l’évidences des faits, et principalement à la reprise de la lutte palestinienne qui a contraint mêmes les historiens israéliens officiels à admettre qu’il n’y avait là aucune « terre sans peuple. »

Voilà le rôle réservé aux juifs désespérés de l’Europe orientale : servir de pointe de lance des plans de colonisation de la bourgeoisie impérialiste, surtout l’américaine, intéressée à installer un gendarme au Moyen Orient. Sous l’abri d’une approche philanthropique, l’expansion coloniale a utilisé ces masses de juifs pauvres pour des buts qui étaient loin d’être louables. Qui oserait s’opposer à ce que les pauvres juifs abandonnent l’obscurité des ghettos à la recherche de la lumière du soleil palestinien ? Malheureusement, ce changement, pour salutaire qu’il aurait pu être pour eux, a été réalisé au frais des arabes, qui ont été massacrés et expulsés d’une terre qui avait été la leur, de fait et non grâce à un récit biblique.

5. La déclaration de Balfour (02/11/1917)

La politique de Theodor Herzl, le père de sionisme, et de ses successeurs, a été de profiter du processus d’expansion impérialiste pour occuper la Palestine. A cet effet, il fallait qu’une puissance impérialiste embrasse la cause sioniste. Leur activité principale a donc été de négocier avec les différentes puissances européennes et d’essayer de trouver pour le sionisme une place dans leur politique coloniale. Le soutien est venu, en premier lieu, de l’Angleterre , un empire qui, depuis la moitié du siècle, connaissait une expansion à toute allure.

Les négociations de Herzl ont bien été bien reçues à Londres, mais il y avait un problème objectif : à ce moment là, la Palestine était dans des mains turques. L’Angleterre offrait alors à Herzl de coloniser l’Ouganda ou le Sinaï égyptien, mais cette possibilité ne s’est pas cristallisée. Il y avait un autre problème objectif : le sionisme n’était pas très développé parmi les masses juives. Ceux qui souhaitaient émigrer l’ont fait massivement vers l’Amérique, à tel point qu’une des options discutées était de constituer un état sioniste en Argentine . Très peu de juifs allaient en Palestine, et une partie importante de ceux qui y sont restés étaient anti-sionistes ou sous l’influence des partis de gauche.

Avec la première guerre mondiale est arrivée le moment de partager les territoires sous contrôle turc. Pour y avoir accès, l’Angleterre a eu recours au mouvement national arabe qui avait commencé à se réveiller. D’autre part, elle signe un traité avec la France pour se partager la région, et elle signe la Déclaration de Balfour qui est entrée dans l’histoire comme « l’alliance nuptiale » entre le sionisme et l’impérialisme britannique.

Ainsi a commencé la deuxième étape du sionisme , qui a atteint sa culmination avec la création de l’état d’Israël. En plus de donner une aide précieuse aux anglais pour établir un futur protectorat en Palestine, la Déclaration de Balfour a placé une arme puissante dans les mains des anglais pour liquider le mouvement national arabe et fortifier la politique de guerre de l’empire Britannique et sa lutte contre la Révolution Russe.

Le chemin vers Israël prenait forme avec les caractéristiques suivantes: 1) il s’agit d’une déclaration unilatérale d’un grand pouvoir impérialiste; 2) cette déclaration fixe le destin d’une région de l’Asie qui n’avait jamais appartenu à l’Angleterre, qui a donné en cadeau à Lord Rothschild le territoire d’une autre nation; 3) on ne prend nullement en considération les désirs du peuple palestinien, qui étaient pour 93% arabe en 1917. Ce 93% a été réduit à la condition de non-juifs, emprisonnés dans un « foyer national juif », c’est dire, traités comme des étrangers dans leur propre pays.

6. Le mandat Britannique (1918-1948)

Vers la fin de la première guerre mondiale, les Alliés ont créé la Société des Nations, prédécesseur de l’ONU d’aujourd’hui, qui « a concédé » un mandat sur la Palestine à la Grande-Bretagne. Mais ce n’étaient pas des jours paisibles pour impérialisme. Pour la première fois dans histoire, il y avait un État Ouvrier, l’URSS, qui s’opposait à l’expansion coloniale, et le monde colonial entier a été touché par une vague de luttes anti-impérialistes.

Dans le monde arabe, le Moyen Orient était le centre des luttes les plus importantes contre les impérialismes anglais et français. La Palestine était le noyau principal de cette lutte, surtout pendant l’insurrection de 1936-1939 qui a commencé avec une grève générale de six mois, et qui a exigé la moitié de tous les effectifs de l’armée britannique – un des plus puissants de l’époque – pour la suffoquer. Des centaines et des centaines de palestiniens ont été tués, emprisonnés, condamnés aux travaux forcés ou à de longues peines de prison. En 1939, le peuple palestinien a été vaincu. C’est la clef pour comprendre la facilité relative avec laquelle l’état d’Israël a été établi. (16)

L’occupation, explique Jon Rothchild, s’appuyait sur trois piliers du mouvement sioniste: kibush hakarka (conquête de la terre), kibush haavoda (conquête du travail) et t’ozteret haaretz (produit de la terre). (17) « Derrière ces mots sonores il y avait une réalité sévère.Conquête de la terre voulait dire que le plus de terre possible devrait être acquise (légalement ou non) des arabes, et qu’aucune terre juive ne pouvait être vendue aux arabes ou revenir à eux de l’une ou l’autre façon.

Conquête du travail voulait dire que dans les usines et les terres des juif, la main d’œuvre juive devait être préférée. L’ouvrier arabe était boycotté. En réalité, le Histadrut, qui maintenant se présente comme le Syndicat Général Israélien, a été créé pour imposer le boycott contre les ouvriers arabes.

Produit de la terre voulait dire pratiquer le boycott de la production arabe de la part des colonisateurs juifs et ne retenir que l’achat de produits provenant de terres juives ou de magasins juifs ». (18)

Cette politique d’occupation – que les sionistes ont présenté comme étant « socialiste », comme visant à aider les ouvriers et les juifs pauvres – a signifié la misère pour le peuple palestinien, car elle a été imposée sur la terre qu’ils occupaient. Même s’ils étaient une minorité au début (plus tard ils se sont développé beaucoup), les sionistes avaient un pouvoir économique beaucoup plus important que les arabes, car ils pouvaient compter sur l’aide de l’impérialisme.

Cela leur a permis de ruiner le peuple arabe de Palestine, les réduisant en travailleurs sans travail et paysans sans terre. Un type bien curieux de socialisme, qui attaque les travailleurs. Les arabes ont été boycottés ou expulsés des entreprises sionistes ou de capital étranger (concessions, habituellement administrées par des directeurs sionistes). Environ 53% des entreprises étaient des concessions et 40% étaient de propriété sioniste, tandis que seulement 6% étaient de propriété arabe (données de 1939). De cette façon, il ne restait qu’un marché de travail très limité pour les arabes.

Quelque chose de semblable s’est passé avec le t’ozteret haaretz (produit de la terre), une politique qui revenait à un boycott forcé de tout produit arabe, pratiqué par les bandes armées du Histadrut, une répression qui ne ménageait même pas les juifs qui osaient acheter quelque chose produit par des mains arabes.

Aliénés de leur terre, du travail et de la possibilité de vendre leurs produits, les palestiniens sont devenus une masse marginale, prêts à être bannis de leur terre. La résistance palestinienne, sous forme de guérilla, a été écrasé pratiquement en 1939 par l’armée britannique et le Hagana, l’armée non-officielle formée par le sionisme, dans une attaque conjointe qui voulait démontrer « qui était maître en Palestine ».

A cette époque, la deuxième guerre mondiale allait commencer et les sionistes se souciaient davantage de ce qui allait se passer en Angleterre, leur impérialisme protecteur, face à une nouvelle répartition du monde en zones d’influence. Ils voulaient garantir pour la Palestine la protection impérialiste, étant donné qu’il y avait de fortes indications qu’à partir de ce là, ce seraient les USA et pas l’Angleterre qui seraient les seigneurs du monde. La soi-disant lutte anti-impérialiste proclamée par les sionistes n’était en fait que le besoin de passer d’un associé plus faible à un plus fort.
Ben Gurion l’a exprimé très clairement: « Notre plus grande inquiétude était le destin qui serait réservé à la Palestine après la guerre. Il était clair à cette époque que les Anglais ne garderaient pas leur mandat. S’il y avait toutes les raisons pour croire qu’Hitler serait battu, il était évident que la Grande-Bretagne, même victorieuse, serait affaibli comme résultat du conflit. C’est pourquoi, je n’avais pas de doutes de que le centre de gravité de notre force devait être transféré du Royaume-Uni à l’Amérique, qui était en train d’occuper la première place dans le monde « . (19)

Sous l’orbite américaine, le sionisme a commencé à faire de grands pas vers la création de l’état d’Israël. Vers la fin de la guerre, les grands pouvoirs, à travers l’ONU, non seulement fermaient les yeux sur l’occupation et le massacre du peuple palestinien, mais ils légalisaient aussi la situation coloniale créée pendant la domination britannique. Sur la base d’une proposition de division de la Palestine, faite pendant le mandat anglais (20), et qui a mis le feu à la révolte partout dans le monde arabe, on a voté le 29 novembre 1947 la division du pays en deux états : un état sioniste et un état arabe. Une fois encore, personne n’a consulté le peuple palestinien. Et la décision a eu l’aval de la bureaucratie soviétique, qui a même envoyé des armes et des avions pour aider l’impérialisme dans le massacre des arabes. Une fois la résistance Palestine noyée dans le sang, l’état d’Israël est proclamé en mai 1948.

7. Israël: la tragédie palestinienne

En 1947, il y avait 630 000 juifs et 1 300 000 arabes palestiniens (21). Donc, lors de la division de la Palestine par les Nations Unies, les juifs étaient une minorité (31% de la population). Cette division, encouragée par les principaux pouvoirs impérialistes – avec le soutien de Staline – a donné 54% de la terre fertile au mouvement sioniste. Mais déjà avant la formation de l’état d’Israël, l’Irgun et le Haganah (des organisations paramilitaires israéliennes) avaient pris plus des trois quarts de la terre et expulsé les habitants locaux. Ainsi, des 475 villages palestiniennes qui existaient en 1948, 385 ont été totalement anéantis, réduits en cendres, et les 90 restants ont eu leur terre confisquée. Ce processus est entré dans l’histoire comme la « judaïfication  » de la Palestine.

Raphael Eitan , alors chef de l’état major des Forces Armées Israéliennes n’aurait pas pu être plus clair quand il a dit, « Nous déclarons ouvertement que les arabes n’ont droit à aucun centimètre d’Eretz Israël. Ceux de bon cœur, les modérés, devrait savoir que les chambres à gaz d’Adolf Hitler seront un jeu d’enfants. La seule chose qu’ils comprennent et comprendront est la force. Nous utiliserons la force la plus décisive jusqu’à ce que les palestiniens s’approchent de nous sur leurs genoux . » (22)

David Ben Gurion , dans un discours prononcé le 13 octobre 1936, formulait la stratégie sioniste comme suit: « Quand nous devenons un pouvoir de poids après la création de l’état, nous abolirons la partition et nous nous étendrons sur toute la Palestine. L’état sera seulement une étape dans la réalisation du sionisme, et sa tâche est de préparer le terrain pour notre expansion. L’état doit maintenir l’ordre, non par des mots mais au moyen de mitrailleuses . » (23)

Et c’est ce qui effectivement a été fait. Entre le 29 novembre 1947, date à laquelle la Palestine a été divisée par l’ONU, et le 15 mai 1948, quand l’état d’Israël a été formellement proclamé, l’armée sioniste et les milices paramilitaires ont pris plus de 75% de la Palestine et banni 780 000 arabes. Ceux qui sont restés ont été victimes de persécutions violentes et d’une boucherie comparable seulement à l’holocauste nazi .

C’est ainsi qu’a commencé la tragédie palestinienne, qui dure jusqu’à nos jours.

8. Vol, sans autre cérémonie, de la terre et des commerces des arabes

Il est nécessaire de comprendre l’envergure et les conséquences de cette politique meurtrière du sionisme. Dans le territoire occupé par Israël après la partition, il y avait 950 000 arabes palestiniens qui vivaient dans environ 500 villages et dans toutes les grandes villes telles que Tiberiades, Safed. Nasare, Shafa Amr, Acre, Haifa, Yaffa, Lidda, Ramle, Jérusalem, Majdal (Ashquelon), Isdud (Ashdod) et Beersheba. En moins de six mois, il ne restait que 138 000 personnes. La grande majorité des palestiniens avait été assassinés, expulsés par force ou mis en fuite devant la terreur des bandes assassines des unités de l’armée israélienne.

Dans un discours dirigé aux étudiants de l’Institut Technologique d’Israël, Moshe Dayan , héros de la « guerre des six jours » ne se souciait guère de dissimuler le fait qu’Israël a été fondé sur une falsification ténébreuse de l’histoire: « Nous voyons ici un pays qui a été habité par les arabes et nous y construisons un état hébreu, juif. Où il y avait des villages arabes, nous avons construit des villages juifs. Vous ne savez même pas les noms de ces villages et nous ne vous en voulons pas pour cela, car ces livres de géographie n’existe déjà plus. Il n’existe plus ni les livres ni les villages. Nahalal a émergé à la place autre fois occupée par Mahalul, Gevat à la place de Jibya, Sarid à la place de Hanifas et Kafr Yehoushu’a à la place de Tel Shamam. Il n’y a pas une seule implantation qui n’a pas été construite à la place d’un ancien village arabe . » (24)

De cette façon, de grandes extensions de terre ont été confisquées sous la protection de la Loi de Propriété des Absents, passée en 1950 en Israël. Jusqu’à 1947, les juifs étaient les propriétaires de 6% de la terre Palestinienne. Quand l’état d’Israël naît formellement, le Fonds National Juif estime qu’il avait pris plus de 90% de la terre. La valeur des propriétés volées des arabes était de plus de 300 millions de dollars, selon les calculs de l’époque. Si nous multiplions ce chiffre par l’actualisation de la valeur du dollar, les masques tombent : Israël a peu à voir avec Jéhovah ou la Terre Sainte et beaucoup avec la piraterie et le pillage.

L’occupation des propriétés palestiniennes était absolument nécessaire pour que l’état d’Israël puisse devenir viable. 370 communes et implantations juives ont été créées entre 1948 et 1953; 350 d’entre eux étaient propriété des « absents ». Il a été estimé qu’en 1954, 35% des juifs en Israël vivaient dans des propriétés confisquées « d’absents » et que 250 000 nouveaux immigrés se sont installés dans les régions urbaines dont les palestiniens avaient été expulsés.

Dix mille entreprises et commerces ont été distribués aux colons juifs. Si dans les zones urbaines le pillage a été généralisé, dans la campagne l’usurpation de la terre a eu libre cours. Toutes les plantations de citrons des palestiniens – plus de 240 000 dunams (21 200 ha) – ont été confisquées. Jusqu’à 1951 un million de caisses de citrons récoltés dans les propriétés enlevées aux arabes – l’équivalent de 10% de toute la monnaie étrangère des exportations – était dans les mains israéliennes. En cette même année, 95% des plantations d’oliviers d’Israël ont été faites dans le territoire palestinien occupé. Les olives qu’elles produisaient constituaient le troisième produit d’exportation d’Israël, après les citrons et les diamants. Un tiers de la production de marbre est venu des 52 carrières usurpées. Les terres confisquées des arabes sont allées aux Fonds National Juif créé en 1954 par le gouvernement israélien.

Comme rappelle Shoenman, la mythologie sioniste prétend vendre l’idée que c’était l’esprit de sacrifice, d’abnégation, de travail dur et d’habileté des juifs qui a transformé une région déserte, négligé par ses occupants antérieurs, des arabes nomades et primitifs, en une terre florissante. Les plantations palestiniennes, l’industrie, le bois de construction, les usines, les maisons et les fermes ont été pillées et mises à sac après une conquête sanguinaire, « le bateau de l’état est un bateau de pirate, le drapeau qu’elle porte est un crâne avec deux os traversés . » (25)

9. Racisme contre le travailleur arabe

Mais Israël n’est pas que cela. Son histoire a commencé avec un grand pillage, ce qui a forcé le pays à le continuer, de plus en plus. Le bateau des pillards n’a jamais trouvé un refuge solide. Ce voyage macabre est allé en avant, exploitant aussi le marché du travail des arabes, dans la campagne comme dans les villes. Ce processus de judaisation du travail est basé sur une idéologie raciste envers le travailleur arabe.

Dans la campagne, toute relation entre l’homme et la terre est soumise à la loi raciste : « le locataire doit être un juif, qui doit accepter que toutes les activités en rapport avec la culture de la terre soient réalisées par des mains juives « . (26) La terre ne peut donc pas être louée à un non-juif, ni sous-louée, vendue, hypothéquée ou donnée à un non-juif. Les non-juifs ne peuvent pas être employés comme mains d’œuvre de la ferme ni pour n’importe quel travail en rapport avec les cultures.

En Israël, la terre de l’état, qui est dans les mains du Fonds National Juif, est considérée comme « terre nationale », ce qui veut dire, terre juive. Employer des travailleurs non-juifs est illégal . Dû au manque de travailleurs agricoles juifs, et parce que les palestiniens travaillent pour des salaires plus petits que les juifs, quelques fermiers juifs (tel qu’Ariel Sharon) embauchent une main d’œuvre arabe, en dépit d’une prohibition explicite.

Shoenman fait remarquer qu’Israël utilise toutes les expressions normales dans un sens raciste. « Le ‘peuple’ signifie seulement le juif. Un ‘immigré’ ou un ‘colon’ ne peut être qu’un juif. Une implantation veut dire une implantation seulement pour les juifs. La terre nationale veut dire la terre juive et pas la terre israélienne. » (27)

De cette façon, la loi et les droits, les garanties et le droit au travail ou à la propriété ne sont que pour les juifs. La nationalité ou la citoyenneté israéliennes correspondent strictement aux juifs, dans toutes les applications spécifiques de leur signification et juridiction. Comme la définition de juif est basé entièrement sur le précepte religieux orthodoxe, être d’origine juive du côté de la mère est une condition préalable pour pouvoir prétendre à n’importe quel droit de propriété, de travail ou de protection légale. A présent, 93% de la terre de ce qui est appelé l’état Israël est administré par le Fonds National Juif et pour avoir un droit pour vivre sur cette terre, la travailler ou la louer, on doit prouver au moins trois générations d’ancêtres juifs du côté de la mère.

10. Le sionisme, le fascisme et les juifs

S’il est important que l’histoire officielle commence à admettre que la Palestine n’était pas une terre sans peuple, il est nécessaire aussi de clarifier une autre question, aussi sordide que celle qui concerne la création de l’état d’Israël. Il s’agit de la relation du sionisme avec les juifs eux-mêmes et avec le nazi-fascisme.

Le caractère raciste du mouvement sioniste se révèle de la façon la plus abominable dans la relation qu’il a maintenu avec les juifs eux-mêmes. Ralph Shoenman rappelle que « les fondateurs du sionisme étaient désespérés pour combattre l’antisémitisme et, paradoxalement, considéraient les anti-semites mêmes comme des alliés, parce qu’ils partagaient le désir d’arracher les juifs hors des pays où ils avaient vécu. Petit à petit, ils ont assimilé les valeurs de l’haine pour les juifs et l’antisémitisme, au point que le mouvement sioniste a considéré les anti-semites mêmes comme leurs meilleurs parrains et protecteurs . »

Il cite une lettre que Theodor Herzl a envoyé au Compte Von Plehve, auteur des pires pogroms en Russie – les pogroms de Kishinev – avec la proposition suivante: « Aidez-moi à obtenir la terre [palestinienne] aussitôt que possible, et la révolte [contre le régime du Tzar] terminera . » Von Plehve a consenti et il a commencé à financer le mouvement sioniste.

Il s’agit, en réalité, d’une demande de coopération entre les bourgeoisies sionistes et les classes dominantes des autres pays pour lutter contre les juifs de gauche qui rejoignaient les partis révolutionnaires. De ce point de vue, le sionisme , dans sa collaboration avec le fascisme, a joué un rôle sordide, car il a joué avec les sentiments religieux des juifs pour massacrer les juifs de gauche .

Le mouvement de la jeunesse sioniste, Betar, servait de chair à canon pour Mussolini, en formant les escadrons des chemises noires. Quand Menahem Begin est devenu le chef du Betar, il a changé les chemises noires pour les marronnes, comme celles utilisées par les bandes d’Hitler. C’était l’uniforme que Beguin et les membres du Betar utilisaient dans toutes les assemblées et rassemblements.

La stratégie sioniste était de recruter les européens qui détestaient les juif et de s’aligner avec les mouvements et les régimes les plus pervers afin qu’ils soutiennent la création d’une colonie sioniste en Palestine. Cette stratégie a inclus le nazisme. Le 21 juin 1933, la Fédération Sioniste d’Allemagne a envoyé une note de soutien au parti nazi, qui disait :  » … une renaissance à la vie nationale, comme celle qui a lieu dans la vie allemande… doit avoir lieu aussi dans le groupe national juif. Sur la base d’un nouveau état [nazi] qui a établi le principes de la race, nous souhaitons encadrer notre communauté dans la structure d’ensemble, de façon à ce que pour nous aussi, dans la sphère qui nous est assignée, elle puisse développer une activité fructueuse pour la Patrie … « . (29)

Le Congrès de l’Organisation Sioniste Mondiale de 1933 n’a pas répudié ce comportement, au contraire : une résolution qui appelait à agir contre Hitler a été battu par 240 votes contre 43. Pendant ce même congrès, Hitler a annoncé un accord commercial avec laBanque Anglo-palestinienne de l’Organisation Sioniste Mondiale (WZO), qui signifiait la rupture du boycott juif contre le régime nazi, précisément quand l’économie allemande était extrêmement faible. La WZO a rompu le boycott juif et est devenu le distributeur principal des produits nazis dans le Moyen Orient et le nord de l’Europe. En Palestine, ils ont fondé le Ha’avara, une banque destinée à recevoir de l’argent des bourgeoisies germano-juives, avec laquelle un grand nombre de produits du nazisme ont été achetés.

11. Trahissant la Résistance

Un des réflexes les plus sordides de cette politique a été l’action du sionisme par rapport à la résistance juive contre les massacres des juifs en Europe. En juillet 1944, le rabbin Slovaque, Dov Michael Weissmandel, a écrit aux fonctionnaires sionistes chargés des « opérations de récupération », proposant une série de mesures pour sauver les juifs d’Auschwitz . Il offrait des cartes détaillées des voies ferrées et planifiait le bombardement des lignes qui menaient aux crématoriums. Il demandait que les fours d’Auschwitz soient bombardés, que soient lancées par parachutes des munitions pour les 80 000 prisonniers et des bombes pour faire exploser le camp et mettre fin à l’incinération de 13 000 juifs par jour.

Dans le cas où les alliés refuseraient de coopérer, Weissmandel proposait que les sionistes, qui avaient suffisamment d’argent pour cela, achètent des avions, recrutent des volontaires et exécutent l’opération.Weissmandel n’était pas le seul à demander une telle chose. Dans les années 40, les porte-parole européens juifs ont appelé au secours, demandé des campagnes publiques, une résistance organisée, des manifestations pour forcer les gouvernements alliés à coopérer.

Chaque fois, cependant, ils ont reçu le silence ou même le sabotage actif du sionisme .

En juillet 1944, une année avant la fin de la guerre, le rabbin Weissmandel a envoyé une lettre de protestation aux sionistes, qui a été publiée en partie dans l’Histoire cachée du sionisme de Schoenman :

« Pourquoi n’avez vous rien fait jusqu’à maintenant ? Qui est le coupable de cette négligence terrible ? Est-ce que vous n’êtes pas les coupables, juifs frères qui avez la meilleure chance du monde, la liberté ? Nous vous envoyons ce message spécial : nous vous informons qu’hier les allemands ont commencé à déporter les juifs de la Hongrie. Ces déportés vers Auschwitz seront tués avec le gaz cyanure. C’est l’ordre du jour pour Auschwitz depuis hier : douze mille juifs seront asphyxiés – hommes, femmes, enfants, vieux gens, bébés, sains et malades.
Et vous, nos frères là en Palestine, vous de tous les pays libres, et vous, ministres de tous les royaumes, pourquoi restez vous silencieux face à une telle massacre ? Vous vous taisez pendant qu’ils assassinent des milliers, cela fait déjà six millions de juifs ? Vous vous taisez maintenant, pendant que des dizaines de milliers sont assassinés ou se trouvent dans la file d’attente pour être assassinés ? Leurs cœurs fracassés demandent votre aide, et pleurent pour votre cruauté.
Vous êtes brutal, vous aussi vous êtes des assassins, par le sang froid du silence avec lequel vous regardez, parce que vous restez assis les bras croisés sans rien faire, même en sachant qu’à ce moment même vous pourriez arrêter ou au moins différer l’assassinat des juifs.
Vous, mes frères, enfants d’Israël, est-ce que vous êtes fous ? Ne savez vous pas quel enfer nous entoure ? Pour qui gardez vous votre argent ? Vous êtes des assassins ! des fous ! Qui pratique la charité ici ? Vous, qui dans vos solides maisons laissez tomber quelques centimes, ou nous, qui donnons notre sang au plus profond des enfers ?
 « 

Pas un seul dirigeant sioniste n’a soutenu cette pétition; et aucun des gouvernements de l’ouest n’a bombardé un seul camp de la concentration.

La coopération entre le sionisme et le fascisme a fait que le premier trahisse la résistance et tourne le dos à une entreprise qui a mené à la mort au moins six millions de juifs. Aujourd’hui, quand un autre anniversaire de l’holocauste est commémoré, il faut dire avec toute la clarté que le sionisme n’a pas lutté pour le prévenir . Pourtant, il l’utilise comme un alibi pour assassiner des palestiniens .

C’est un fait tellement choquant que la journaliste israélienne, Amira Hass, du journal Haaretz, a appelé les survivants de l’holocauste et leurs descendants à ne pas interpréter l’assassinat de leur peuple et de leurs familles en Europe comme un aval éternel pour la suppression et l’expropriation du peuple palestinien et pour présenter ce peuple comme l’ennemi qui remplace les allemands.

En réalité, il est grand temps qu’Israël arrête d’utiliser l’holocauste comme une justification pour opprimer et persécuter les palestiniens, faisant avec eux ce que les allemands avaient fait aux juifs.

Cécilia Toledo

Notes :

1 Frase du livre de Dov Burnir, Les juifs, le sionisme et le progrès, p. 486, citée dans Revista de America, n° 12.
2 Folha de S. Paulo, 4 février 2001.
3 La Question Juive.
4 Abraham Léon était un des dirigeants les plus importants du sionisme de gauche en Europe, juste avant la deuxième guerre mondiale. Il a écrit Conception matérialiste de la question juive, une des études marxistes les plus importantes sur le thème. Léon, qui a finalement rompu totalement avec le sionisme et a rejoint les rangs de la Quatrième Internationale, a été assassiné par les troupes nazis au camp de concentration d’Auschwitz.
5 En 1917, le Bund a soutenu Kerensky contre Lenin et Trotsky et – jusqu’à la deuxième guerre mondiale – était très fort en Pologne.
6 Le mot sionisme vient de Sion (ou Tzion en hébreu), le nom d’une colline en Jérusalem. Dans la bible, ce nom est utilisé aussi bien pour faire référence à la Terre d’Israël que pour indiquer « sa capitale nationale et spirituelle », Jérusalem. Partout dans l’histoire d’Israël, Sion était un synonyme pour Israël et l’expression « retour à Sion » était le drapeau du mouvement sioniste.
7 La question juive, p. 150.
8 Ibidem, p. 151.
9 Ibidem, p. 151.
10 Ibidem, p. 152.
11 Dans Matérialisme et la question nationale, cité par A. Léon dans le travail précité, p. 152.
12 La question juive, page 154.
13 Ibidem, p. 154
14 Dov, Barmir, « Les juifs, le sionisme et le progrès », Inova, Portugal, 1968,
15 Ephraim Tari, El de significado de Israël.
16 Revista de America, p. 16.
17 Jon Rothchild, « Comme les arabes ont été expulsés de Palestine, cité par Revista de America, n° 12.
18 Ibidem.
19 Michael Barre-Zohar, dans The Armed Profet: A Biography of Ben Gurion, cité par Revista de America, p. 24.
20 Proposition de la Commission Peel, de 1937, acceptée par Ben Gurion
21 En 1917 il y avait en Palestine 56 000 juifs et 644 000 arabes. En 1922 il y avait 83 794 juifs et 663 000 arabes. En 1931 il y avait 17 4616 juifs et 750 000 arabes (Schoenman, p. 40).
22 Cité par Schoenman, p. 40.
23 Cité par Schoenman, p. 41.
24 Cité par Schoenman, p. 50.
25 Historia oculta del sionismo, p. 50.
26 Cité par Schoenman, p. 50.
27 Historia oculta del sionismo, page 50.
28 Ibidem.
29 Cité dans Historia oculta del sionismo, page 54.

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