AccueilDossiersRévolution palestinienneLe Hamas est-il l’œuvre du Mossad israélien ? Comité Action Palestine 5 mai 2009 Révolution palestinienne 1 978 vues le 5/5/2009 8:54:35 (848 lectures) Article de Ramzy Baroud paru sur Palestinechronicle le 5 mars 2009. Tout est bon pour discréditer le Hamas et lui enlever le bénéfice de son succès populaire et de ses victoires contre l’occupant. Une accusation courante, et non des moindres, est que le Hamas est l’œuvre d’Israël. A bout d’arguments, ce sont souvent les organisations palestiniennes rivales, notamment les militants du Fatah, qui déclarent cela pour clore le débat. L’idée est de laisser croire, que depuis sa création, le mouvement islamique fait le jeu de l’ennemi en pronant la radicalité et que le Hamas et l’entité sioniste sont des alliés objectifs liés. Dans cet article, Ramzy Baroud auteur de plusieurs ouvrages et éditeur de Palestinechronicle.com, démontre comment cette affirmation est ridicule et sans fondement. Il montre comment le mouvement islamique a, dès 1967 à Gaza, établi les bases stratégiques qui ont permis son ascension et son succès. Disposant d’une base populaire très solide, il a construit une stratégie de résistance sur le long terme qui commence à porter ses fruits aujourd’hui. Israël, croyant que le mouvement islamique était inoffensif et que les divisions palestiniennes pouvaient servir ses intérêts, a simplement laissé faire. Dire autre chose est particulièrement grave car, au-delà du discrédit jeté sur le Hamas, cela conduit à penser que toute stratégie victorieuse pour les Palestiniens dépend avant tout de l’occupant. « La notion –que la Hamas est l’invention d’Israël- est simplement fausse » Pendant que plusieurs gouvernements occidentaux débattent pour définir un type de relations possibles avec le Mouvement Palestinien Hamas, certaines organisations progressistes et de gauche ont également des difficultés, en ce qui concerne leur propre perception du Mouvement islamique. Certains ont même prétendu que le Hamas est plus ou moins une œuvre israélienne. En fait, l’accusation, que le Hamas a été créé par les Services Secrets israéliens, est devenue d’une telle banalité qu’elle ne requiert souvent aucune démonstration. Alors que cette affirmation, formulée ainsi, est erronée, il y a certainement une raison et une histoire là derrière. Mais est-ce que le Hamas est réellement l’œuvre du Mossad israélien ? Cette simple hypothèse est lourde de conséquences, pas seulement parce qu’elle jette le discrédit sur un parti, mais aussi parce qu’elle peut créer une déception chez les Palestiniens qui pensent exercer un certain contrôle sur leur destin collectif. Cette idée que la Hamas est l’invention d’Israël est simplement fausse. Il peut être très compliqué de saisir comment un tel mouvement a pu prendre pied et se développer avec un soutien populaire massif si on n’a pas une certaine connaissance de l’histoire sociale, économique et religieuse de la Bande de Gaza, le lieu de naissance du Hamas. Il est vrai que pendant des années, les Palestiniens ont souffert de la pauvreté, de la faim et de l’humiliation sous l’occupation israélienne. Alors que l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) a joué un rôle majeur en représentant et en parlant au nom du peuple palestinien à l’étranger, elle n’a, au mieux, joué aucun rôle dans les territoires occupés. Il y a des raisons pour cela. Une des raisons majeures est que l’OLP avait ses propres priorités internationales et régionales, et qu’elle manquait de bases populaires, à l’inverse du mouvement islamique. C’était simplement une réponse naturelle pour une institution religieuse que de combler le vide d’un gouvernement absent, un rôle que le mouvement a joué avec beaucoup de sérieux. Mais jetons un œil un peu plus attentif sur l’évolution et le développement du Hamas, à Gaza en particulier, une présence qui a eu un fort impact dès 1967. Pendant les premières années de l’occupation, le mouvement islamique a mis en place un effort stratégique qui nécessitait des fondations solides et bien établies. Initialement, le mouvement a rejeté l’idée de résistance armée, et a souvent été critiqué et ridiculisé par les mouvements de résistance laïques qui considéraient qu’il dissimulait sa faiblesse en « pacifisme ». La vérité est que le Mouvement islamique à Gaza n’a jamais méprisé la lutte armée en elle-même. Il pensait que cette nation, constituée principalement de réfugiés, était dans un état vulnérable et demandait des années de préparation avant de pouvoir devenir une force avec laquelle on pouvait compter. Pour cette raison, ils ont investi plusieurs dizaines d’années pour renforcer les liens sociaux dans la société gazaouie , en construisant des mosquées, des crèches, des hôpitaux, des écoles, etc. Les années 67 à 75 ont été définies par le Mouvement islamique comme la phase de « construction des mosquées ». La mosquée a représenté l’institution centrale de mobilisation des sociétés islamiques à Gaza. Ce n’était pas simplement un endroit de prière, mais aussi un centre de formation, d’interactions sociales et culturelles, et plus tard d’organisation politique. Pendant la période 67 à 87, le nombre de mosquées a triplé, passant de 200 à 600. De 1975 jusqu’au milieu des années 80, s’est déroulée la phase de mise en place des institutions sociales, comme la formation de clubs islamiques, d’organisations charitables, de groupes d’étudiants, qui ont tous servi de points de rencontre pour la jeunesse musulmane. En 1973, le Centre islamique a été créé à Gaza, l’institution actuelle qui est le cœur de toutes les activités du mouvement. Il était largement admis que le centre était une extension de l’organisation passée des Frères musulmans égyptiens. Israël a volontairement peu agi pour empêcher l’établissement de cette organisation, comme il a également peu agi pour aider son développement. L’attitude curieuse d’Israël pourrait en partie s’expliquer par sa politique de carottes et de bâtons. Comme les Islamistes avaient -à ce stade- renoncé à la lutte armée et fournissaient des services (aux populations occupées) qui permettaient d’économiser des millions de schekels sur le budget israélien, il semblait peu utile d’interrompre ce qui semblait, à cette époque, être des activités inoffensives. Mais, plus sérieusement, Israël se méfiait de l’augmentation du nombre des institutions de l’OLP à l’étranger et de leur influence grandissante sur la société palestinienne dans les territoires occupés. De plus, les tensions croissantes entre les autres mouvements de libération à Gaza et le mouvement islamique conduit par Sheikh Ahmad Yassin , laissaient un espoir à Israël que cela conduirait à la paralysie respective des groupes, épargnant à Israël la dure tâche de les contrôler. On peut avancer l’hypothèse que toute interférence israélienne pour empêcher la croissance et l’évolution du mouvement islamique à Gaza à ce stade aurait au contraire simplement accéléré sa radicalisation, plutôt que sa disparition. Les années 70 et 80 furent pour les Palestiniens celles d’importants bouleversements avec les accords de Camp David, l’invasion israélienne au Liban et les nombreux massacres commis par Israël, assassinats qui ont atteint leur paroxysme avec les massacres de Sabra et Chatila perpétués par les phalanges libanaises chrétiennes en 1982 au Liban. Pendant ce temps, le mouvement islamique à Gaza connaissait à une formidable métamorphose. Des décennies sur le terrain allaient être mises à l’épreuve alors que le mouvement évoluait pour assumer la lutte armée. Ce ne fut certainement pas une transformation immédiate et soudaine, mais un lent mouvement d’évolution dès 1967. Qu’importe que les tendances religieuses de son discours soient rationnelles ou pas, le fait est, que la croissance, l’évolution et les modifications du mouvement islamique palestinien, dans toutes leurs manifestations, ont suivi un processus rationnel qui fût unique à gaza et dans son histoire. Aucun autre endroit en Palestine hormis la bande de Gaza était destiné à engendrer un mouvement islamique majeur. La bande était désespérément pauvre, sa population majoritairement composée de réfugiés et de leurs descendants. Les leaders islamiques étaient eux-mêmes des réfugiés et étaient pour la plupart des habitants des camps de réfugiés. C’est ainsi que le « Hamas » a fait son apparition officielle en 1987 ; poussant la transformation du mouvement islamique à l’étape suivante, avec l’éclatement de la première Intifada palestinienne. Environ 20 ans plus tard, le Hamas a pu se réjouir d’une victoire écrasante lors des élections palestiniennes, une autre preuve de la croissance par étapes et programmée. Au lieu d’essayer de comprendre et d’apprécier l’histoire de ce mouvement populaire, les pays occidentaux ont répondu par des sanctions, des blocus, et Israël par la mise en place d’un siège étouffant et prolongé qui a culminé avec le massacre le plus sanglant depuis 1948, d’une population palestinienne sans défense. Les analystes, les politiciens, les critiques et les autres peuvent se quereller sur les origines et l’histoire d’un mouvement qui, parmi beaucoup de choses, a rendu à une large proportion de la société palestinienne sa dignité et son respect d’elle-même, ainsi que le sentiment d’avoir du pouvoir sur l’occupant. Mais argumenter que le Hamas était courtisé par des agents israéliens motivés par la mort des Palestiniens est tout simplement débile. Ramzy Baroud Traduction : Comité Action Palestine. print