L’histoire de l’abri de jardin
e 8/1/2006 10:50:00 (1739 lectures) |
par Shareef Omar Histoire illustrant les conséquences de la politique israëlienne ces 30 dernières années sur la vie quotidienne des palestiniens. Avant 1967, j’enseignais l’anglais comme bénévole à des filles et garçons pauvres à Azzargin, la deuxième ville de Jordanie. Je travaillais alors à la raffinerie de pétrole de Jordanie. J’ai rencontré Siham, qui était la sœur d’un de mes camarades. Nous nous sommes fiancés et je lui ai promis qu’elle aurait une belle maison, après notre mariage, parce que la maison de ses parents était en terre battue. Nous nous sommes mariés le 25 mai 1967, 10 jours après qu’Israël occupe la Cisjordanie, où est situé Jayyous, mon village. J’y allais habituellement chaque jeudi et vendredi pour suivre les travaux des fermes et organiser le travail, avec les fermes, pour les semaines à venir. Après l’occupation, cela devint impossible aussi nous prîmes la décision de revenir à Jayyous. J’ai donc démissionné de mon travail et nous sommes partis à pied, ma femme et moi, depuis la ville de Wadi-Al-Yabis, à l’est de la vallée du Jourdain, jusqu’à la ville de Tobas, en Cisjordanie. C’était le 18 juillet 1967. J’ai commencé à planter de nouvelles cultures mais à cause d’autres mauvaises circonstances, nous avons perdu notre revenu et j’ai dû m’endetter. Ma femme me rappelait ma promesse d’une belle maison, et ma réponse était toujours la même : « je tiendrai ma promesse dès que j’aurais remboursé mon emprunt et mis de côté assez d’argent ». Après 17 ans de mariage, elle me dit qu’elle avait compté l’argent et que nous pouvions construire notre maison. – D’accord, lui ai-je dit, mais n’oublie pas qu’à partir de maintenant, chaque année, un de nos fils ou filles aura obtenu son diplôme et ils veulent tous aller à l’université. Alors c’est toi qui décide : soit nous construisons la maison, soit nos enfants vont à l’université. Elle a bien sûr donné la priorité aux études universitaires de nos enfants. Après 36 ans de mariage, nous avons construit la nouvelle maison. Nous nous y sommes installés en Avril 2003. Le 18 juillet 2003, Israël a installé la Porte 25 par laquelle nous devons passer maintenant. Alors, pour ne pas être absent de mes cultures, je me suis installé dans la cabane de jardin, sauf le vendredi. Ma femme s’est mise en colère, me demandant si nous étions séparés, ou divorcés ? J’ai essayé de la détendre, en lui rappelant qu’elle avait toujours rêvé d’une belle maison, et que maintenant elle l’avait ; moi j’avais toujours rêvé de belles cultures, et je les avais aussi. Alors j’ai suggéré qu’elle se marie avec la maison, et moi avec mes cultures. Elle n’a pas pris cette proposition comme une plaisanterie et ça l’a même rendu furieuse. Maintenant, ma femme et moi envisageons de passer notre vie dans la cabane de jardin. Je comprends pourquoi elle a changé d’avis, a soutenu mon installation dans la cabane et a laissé sa maison. C’est pour cette raison que ma femme a décidé de venir vivre avec moi dans la remise et éviter ainsi les problèmes du passage par la Porte Falami 24. Israël a l’habitude de fermer toutes les portes pendant les fêtes israéliennes. Il y en a beaucoup en septembre et octobre et nous nous sommes installés dans la cabane pour pouvoir continuer à nous occuper de nos cultures. Tous les matins, pour rejoindre nos cultures, nous devons nous mettre en rang et attendre d’être contrôlés, un par un. La plupart du temps, nous avons l’impression que le but de ce contrôle est de nous humilier et n’a rien à voir avec la sécurité. Nous sommes convaincus que c’est ça, le but de l’armée israélienne. Nous rentrons chez nous, nous transportons des fruits et des légumes et rien d’autre, bien sûr. Quel besoin ont les Israéliens à vouloir tellement nous protéger contre nous-mêmes ? Il est évident que le but, c’est de nous humilier. |