« En 64 ans, les Palestiniens ont accumulé de l’expérience »
Par Khaled al-Batch
Interviewé par le quotidien al-Akhbar, Khaled al-Batch, responsable des relations extérieures dans le mouvement du Jihad islamique en Palestine, a déclaré que l’armée sioniste a déclenché la guerre contre la bande de Gaza pour déplacer la bataille qui se déroulait dans al-Quds et al-Nasra (entre autres), car elle ne pouvait bombarder ces deux localités avec des F16 comme elle le fait à présent à Gaza. Le genre de bataille qu’elle est obligée de mener contre les localités palestiniennes la harasse et l’exténue, elle préfère avoir le dessus en utilisant sa supériorité militaire.
Introduction
« Depuis le début de la troisième guerre contre Gaza, il est devenu difficile de joindre les dirigeants des organisations palestiniennes qui ont pris les précautions nécessaires et adéquates. al-Akhbar a réussi à joindre le responsable des relations extérieures dans le mouvement du Jihad islamique et a mené ce dialogue avec lui à propos de la position du mouvement quant à l’intensification de la lutte dans les territoires palestiniens et la guerre surGaza ».
Intégralité de l’interview
Q. Tout d’abord, pourquoi le mouvement du Jihad islamique a pris l’initiative de bombarder Tel Aviv à ce moment de la bataille ?
R. D’abord, nous avons légalement le droit de résister dans toute ville de laPalestine occupée. Notre décision a été prise lorsque l’occupant a exécuté de lourdes attaques, lorsqu’il a visé les maisons des civils et commis des massacres à vue d’œil, lorsqu’il a détruit les lieux de culte et les mosquées, notre devoir a été de riposter fermement. Nous avons bombardé Tel Aviv, qui n’est pas plus important que Gaza, Rafah ou Bayt Lahia.
Q. Que pensez-vous de la trêve alors que la guerre se poursuit, d’autant plus que certaines déclarations palestiniennes continuent à évoquer la trêve, malgré la poursuite de la guerre ?
R. Dès les premiers instants de l’agression contre la Cisjordanie , puis le crime d’assassinat et l’immolation de l’enfant Muhammad Abu Khdayr, il n’a pas été possible, psychologiquement parlant, d’accepter de parler d’une trêve, alors que l’agression se poursuivait sur l’ensemble des territoires palestiniens et qu’il y avait des menaces d’invasion. Tant que l’agression se poursuit, cela nécessite une riposte et un affrontement. Avant et pendant l’agression, notre peuple vit sous occupation et souffre d’un blocus à Gaza, nous avons perdu la vie digne en Cisjordanie et al-Quds, à cause des attaques des colons et des entraves posées par Israël. La position est celle de la résistance. Mais si l’ennemi cesse ses crimes dans tous les lieux, simultanément, et qu’il lève le blocus, nous pouvons alors évoquer la trêve, mais pas moins que les conditions de 2012.
Q. Des observateurs disent que les grandes organisations de la résistance (Jihad islamique et Hamas) ont retardé l’annonce de l’envoi de fusées en direction des colonies de l’occupation, la plupart des déclarations ont émané des autres groupes armés. Pourquoi le « Jihad » et le « Hamas » ont tardé à riposter ?
R. Il y a une difféence entre le fait de tirer et de l’annoncer, les Brigades al-Quds, la branche militaire du mouvement du Jihad islamique n’a pas annoncé ses opérations avant la nuit d’avant-hier (7 juillet), et il en est de même pour le Hamas. Il y a une différence entre annoncer une action et l’exécuter, tout en choisissant le moment propice à l’annonce. Il nous faut être précis et clairs.
Q. Pourquoi la guerre aujourd’hui contre la bande de Gaza, deux ans après 2012, alors que quatre années ont séparé cette dernière de la guerre de 2008 ?
R. « Israël » veut déplacer la bataille qui se déroulait dans al-Quds, al-Nasra et Ramallah vers l’espace de Gaza, car il ne peut y utiliser les F16, les navires de guerre ou les chars. Tout ce qu’il peut y faire, c’est utiliser les gaz, les balles en caoutchouc et les matraques. Ce genre de scène fatigue « Israël » et exténue le soldat « israélien », car il ne lui permet pas d’avoir une supériorité dans l’affrontement. Devant Gaza, l’Israélien a l’occasion de reprendre la force de dissuasion et sa renommée, notamment après l’incident des trois colons. Comme à son habitude, l’ennemi a commencé la guerre par des mesures préliminaires, puis le bombardement aérien. D’habitude, il fait appel à l’armée de terre lorsque commence la bataille, mais cette fois-ci, il l’a appelé avant la campagne contre Gaza.
Q. Vous avez dit à plusieurs reprises que si « Israël » lançait une guerre contre Gaza, il serait surpris. Pouvez-vous nous parler de ces surprises ?
R. Je ne suis pas en mesure de parler de ces sujets, ce sont les dirigeants militaires qui en sont chargés. Mais il n’y a aucun doute sur le fait que les organisations de la résistance sont toutes prêtes à accueillir cet instant. Elles riposteront en accumulant leur force jusqu’à ce qu’elles puissent dissuader l’Israélien. Nous parlons d’un conflit qui dure depuis 64 ans, et les Palestiniens ont accumulé de l’expérience et des capacités.
Q. Est-il vrai que la décision du « Jihad islamique » de riposter à toute guerre israélienne dépend du « Hamas » ?
R. Ceci n’est pas vrai, et il est illogique de parler ainsi. La riposte du « Jihad » dépend du maintien de l’occupation et de son agression, et non de la décision du « Hamas ». Le « Hamas » est un mouvement de résistance et il a les mêmes devoirs que les autres organisations. Nous agissons ensemble dans le cadre des ripostes légales, et le « Jihad islamique » est lié à ses convictions et à son analyse de la situation à partir de l’intérêt du peuple palestinien. L’évaluation de la situation reste maître de la décision.
Q. Quel est le rôle égyptien envers l’intensification de la bataille, est-ce qu’il y a des relations directes entre le « Jihad » et le Caire ?
R. Il faut rappeler avant toute chose que l’Egypte est présente dans les dossiers du conflit, elle n’est pas absente. Au cours des dernières heures, nous avons entendu parler de contacts, et le « Hamas » nous a annoncé qu’il y a des contacts, mais sans résultats encore. Le Caire ne permettra pas à l’occupation de tuer notre peuple, et nous saluons son rôle, mais nous demandons encore plus d’actes, et notamment au niveau de la Ligue arabe. Nous devons signaler l’ampleur de l’aide accordée par la Ligue arabe aux organisations de l’opposition en Syrie, en Iraq et en Libye, en comparaison avec son soutien à la résistance en Palestine. Il n’y a pas lieu de comparer. Aucun Etat arabe ne nous a apporté de l’aide officiellement, alors que certains Etats islamiques nous apportent de l’aide.
Q. Mais, au cours de la guerre précédente, l’Egypte est intervenue pour faire cesser les fusées et il y avait des contacts directs avec le « Jihad islamique ». Avant le début de cette guerre, les prévisions indiquaient la possibilité de fixer la trêve. Qu’est-ce qui s’est passé ?
R. Je répète, « Israël » veut disperser l’attention portée sur la Cisjordanie , al-Quds et l’intérieur occupé (en 48). C’est pourquoi il a ouvert le front àGaza. Par contre, nous voulons que l’attention soit maintenue sur al-Quds et sur la dépouille de l’enfant Abu Khdayr, et que le mouvement populaire se poursuive en Cisjordanie , avec la mise en place des comités populaires.
Q. Comment évaluez-vous le rôle de l’Autorité envers ce qui se passe ?
R. L’Autorité est l’absent présent, elle a injustement traité son peuple, et s’est mise dans une position dans laquelle personne ne doit se mettre. Ce sont nos frères, mais ils se sont mis dans une caisse, ils ne sont ni avec la résistance, ni avec le peuple, ni avec l’occupation, comme s’ils n’avaient de relations avec personne… Il faut que l’Autorité prenne la décision d’interdire la « coordination sécuritaire » tout comme elle doit se diriger vers les Nations-Unies et les organisations internationales. Jusqu’à présent, l’Autorité veut satisfaire les Etats-Unis et « Israël » au dépend de notre peuple, et cela est étonnant. Si elle poursuit cette voie, elle va disparaître de la Cisjordanie , car elle est déjà en position de dissolution.
Q. Certaines estimations disent qu’une troisième Intifada va se déclencher ces jours-ci. Mais des observateurs disent qu’elle sera contre l’Autorité d’abord, puis contre « Israël ». Qu’en pensez-vous ?
R. C’est probable, mais nous souhaitons qu’elle soit contre « Israël » et que nous ne soyions pas pris dans des conflits internes. Malgré tout, l’Autorité ne doit pas se poser entre les masses et « Israël » sous prétexte de protéger les jeunes. Dans tous les cas, elle ne les protège pas, tous les soirs, les Israéliens viennent arrêter les jeunes et eux (les services sécuritaires de l’Autorité) regardent sans riposter. C’est pourquoi la colère populaire gronde en Cisjordanie contre l’Autorité.
Q. Que pensez-vous de l’attitude du président de l’Autorité Mahmoud Abbas, qui a fortement dénoncé l’affaire des trois colons et a faiblement riposté à l’assassinat de l’enfant Abu Khdayr ?
R. Il s’agit d’un des aspects négatifs vécus par Mahmoud Abbas. Il essaie de convaincre la communauté internationale qu’il veut la paix, mais personne ne le croit. Nous le conseillons de se tourner pour consolider la situation interne et achever la réconciliation avec tous ses articles, et qu’il donne au peuple l’occasion d’exprimer sa volonté. C’est l’occasion pour Abu Mazen de soutenir le mouvement populaire. Il est nécessaire d’appeler à une réunion afin de prendre une décision concernant la protection des Palestiniens.
Q. Comment le « Jihad » évalue-t-il le travail du gouvernement d’entente enCisjordanie , ou à Gaza, avec la poursuite de la crise des salaires et des arrestations politiques ?
R. Ce gouvernement est un gouvernement d’entente juste par son nom, mais c’est un gouvernement du Fateh et de Hamas. Il n’a pas été formé par l’entente nationale. C’est pourquoi nous, le « Jihad », nous avons dit que nous saluons la formation du gouvernement mais le soutien apporté dépendra de son action sur le terrain. Lorsqu’il exécutera tous ses engagements envers le peuple, il aura notre respect. Jusqu’à présent, il n’a fait qu’approfondir la division, concernant les salaires des fonctionnaires àGaza. Nous espérions qu’il fera face à des crises extérieures, comme l’ennemi ou les pressions internationales, mais il reste incapable de régler la crise des salaires.
Dès les premiers instants après la disparition des trois colons dans al-Khalil, les médias sionistes ont mené une campagne virulente contre le dirigeant Khaled al-Batch en s’appuyant sur ses déclarations concernant le droit de la résistance à libérer les prisonniers par tous les moyens disponibles.
Khaled al-Batch
Source : Al Akhbar
Traduction : Baladi