AccueilDossiersRévolution palestinienneLe Hamas est passé à l’action poussé par une peur très réelle d’un coup de Jarnac sponsorisé par les Etats-Unis Comité Action Palestine 10 juillet 2007 Révolution palestinienne 1 872 vues le 10/7/2007 9:30:00 (618 lectures) « Les empreintes digitales de Washington sont absolument partout sur le chaos qui a frappé les Palestiniens. La dernière chose dont ceux-ci puissent avoir besoin, c’est bien d’un envoyé spécial nommé Tony Blair ! Article de Jonathan Steele paru dans The Guardian le 22 juin 2007. L’auteur commence ainsi : « Ont-ils franchi le pas en sautant d’eux-mêmes, ou bien est-ce qu’on les a poussés dans le dos ? La capture par le Hamas des QG de sécurité à Gaza était-elle spontanée, ou s’agissait-il d’une frappe préemptive afin de prévenir un coup d’Etat du Fatah ? Après le chaos de la semaine passée, il est extraordinairement important d’en découvrir les causes. » La cause fondamentale est, bien entendu, parfaitement connue : Israël, secondé par les Etats-Unis, n’était pas prêt à admettre une victoire du Hamas aux élections palestiniennes, l’an dernier. Soutenus par une Union Européenne – serpillière, ces deux pays ont donc décidé de boycotter politiquement leurs nouveaux homologues palestiniens et de châtier les électeurs palestiniens en arrêtant toute aide économique. Leur politique a eu un effet dramatique, transformant de manière encore plus choquante Gaza en prison à ciel ouvert, et créant de la misère humaine à une échelle massive. Le but, donc, était de faire se retourner les électeurs palestiniens contre le Hamas – stratégie ô combien stupide, et ô combien cynique, dès lors qu’une pression venue de l’extérieur produit généralement plutôt la résistance que la reddition. Cette politique de Gribouille a choqué même des responsables occidentaux aussi modérés qu’un James Wolfensohn, ancien directeur de la Banque Mondiale, que les Américains avaient chargés de seconder l’économie gaziote avant la victoire du Hamas aux élections. « Le résultat, ça n’a pas été la création d’un surcroît d’activité économique, mais la création d’obstacles supplémentaires », a-t-il déclaré, voici quelques jours, tout en expliquant qu’il avait démissionné en raison de son désaccord avec la stratégie américano-israélienne. Par ailleurs, tout le monde sait que le Hamas avait été aussi surpris par sa victoire électorale que n’importe qui, et qu’il avait proposé à son rival malheureux – le Fatah – une coalition en vue de la formation d’un gouvernement d’union nationale. Cette offre fut déclinée. Ce refus fut déterminé, initialement, par un sentiment de fierté blessée ; le rejet réitéré par le Fatah des ouvertures régulièrement répétées du Hamas sembla de plus en plus coordonné avec Washington, et s’insérer dans la stratégie de boycott [israélo-occidentale]. Depuis des mois, des informations circulent, concernant un aspect plus sinistre du boycott. D’après ces informations, les Etats-Unis ont décidé, l’an dernier, d’un plan visant à armer et à entraîner la garde présidentielle de Mahmoud Abbas, dans une action délibérée visant à affronter et à battre le Hamas militairement. Israël a d’ores et déjà mis sous les verrous plusieurs dizaines de législateurs et maires du Hamas, en Cisjordanie. L’étape suivante devait consister à faire la même chose dans la bande de Gaza. Mais ce sont les Palestiniens, et non les Israéliens, qui ont procédé à la rafle les premiers. Le fait d’armer des factieux insurrectionnels contre des gouvernements démocratiquement élus est coutumier des Etats-Unis, de longue date. Ce n’est pas un fait du hasard si Elliott Abrams, vice-conseiller ès sécurité nationale et architecte vraisemblable de la subversion anti-Hamas a été un acteur clé dans la fourniture d’armes, par Ronald Reagan, aux milices des Contras qui voulaient renverser le gouvernement démocratiquement élu du Nicaragua, dans les années 1980. Des documents en circulation au Moyen-Orient affirment avoir la preuve de la stratégie du « coup de force » d’Abrams. Un de ces textes fait état des objectifs de Washington, tels qu’exprimés au cours de conversations de responsables américains avec un gouvernement arabe. Il s’agit, entre autres choses, « de maintenir le président Abbas et (son) Fatah, en tant que centre de gravité de la scène palestinienne », « d’éviter de perdre du temps en cherchant à transiger avec les conditions idéologiques imposées par le Hamas », « de saper le statut politique du Hamas en fournissant aux Palestiniens une aide économique leur permettant de faire face à leurs besoins » et « de renforcer l’autorité du président palestinien afin qu’il soit à même de convoquer et de tenir des élections anticipées, à l’automne 2007 ». Ce document est daté du 2 mars, soit moins d’un mois après que l’Arabie saoudite ait obtenu l’accord de La Mecque, en vertu duquel Abbas avait finalement accepté de former un gouvernement d’union nationale avec le Hamas. Ce marchandage avait ulcéré les Israéliens et Washington, principalement parce qu’il avait laissé le Premier ministre du Hamas, Ismail Haniyéh, aux manettes. Le document en question suggère l’idée que les Etats-Unis voulaient saboter cet accord. Il est prouvé, d’après des responsables du Hamas qu’un Abbas déprimé aurait briefé par la suite à ce sujet, qu’on a exigé d’Abbas qu’il zappe l’accord de La Mecque à toutes les rencontres qu’il a eues depuis lors avec le Premier ministre israélien Ehud Olmert ou la Secrétaire d’Etat américaine Rice, ainsi qu’avec Elliott Abrams. Mais il y a plus grave encore : le document fixant les objectifs américains soulignait un programme à 1,27 milliard de dollars qui aurait dû ajouter sept bataillons spéciaux, pour un effectif total de 4 700 hommes, aux 15 000 hommes dont disposait déjà Abbas dans sa garde présidentielle et dans ses autres forces de sécurité, lesquels auraient dû recevoir un supplément de formation et de nouvelles armes. « Le résultat désiré sera la transformation des forces de sécurité palestiniennes et veiller à ce que le président de l’Autorité palestinienne soit en mesure de faire passer dans les faits des décisions telles le renvoi du cabinet et la formation d’un cabinet d’urgence », dit ce document. Alastair Crooke, un ancien conseiller spécialisé « Moyen-Orient » du chef de la diplomatie européenne Javier Solana, et actuellement directeur d’un institut de recherche à Beyrouth, fait observer qu’Israël a bloqué certaines livraisons d’armes. Il était en effet réticent à envoyer trop de flingues à Gaza, de crainte que le Fatah n’en perde le contrôle, ce qui est effectivement arrivé. C’est la raison pour laquelle le plan n’a pu être mis en œuvre que partiellement. (La Grande-Bretagne a joué un rôle mineur en aidant les services de sécurité d’Abbas. Elle a fourni pour environ 350 000 £ d’équipements « non létaux », cette année, afin d’assurer la protection du point de transit de fret de Karni, entre la bande de Gaza et Israël.) Mais Crooke dit que le Hamas était irrité du sabotage du marchandage de La Mecque, notablement par le refus, par Mohammad Dahlan, homme fort du Fatah à Gaza depuis bien longtemps et chef des Forces de la Sécurité Préventive, de reconnaître l’autorité du ministre de l’Intérieur nommé au gouvernement d’union nationale – un (technocrate indépendant) sans affiliation partisane. « Dahlan a refusé de traiter avec lui, et il a fait descendre ses sbires dans les rues, défiant le ministre de l’Intérieur. Hamas comprit qu’il n’avait pratiquement pas d’autre choix que de prendre le contrôle de la sécurité et d’en finir avec des forces qui, en réalité, étaient la principale cause d’insécurité », explique Crooke. Ahmad Youssouf, un porte-parole du Hamas, confirme que le mouvement a estimé qu’il devait prendre très rapidement l’initiative. Il a dit, textuellement, que les événements de la semaine dernière avaient été « précipités par la politique américaine et israélienne consistant à armer des éléments de l’opposition fathaouie déterminés à attaquer le Hamas et à nous évincer du pouvoir. » Le Hamas ayant réussi à stopper net les projets ourdis par les Etats-Unis et le Fatah concernant Gaza, Abbas s’efforce actuellement de les mettre en œuvre en Cisjordanie, en formant un gouvernement d’urgence. Mais cette politique est condamnée à échouer, dès lors que la constitution stipule qu’un gouvernement de cette nature ne peut pas outrepasser les trente jours d’existence. Le Parlement doit lui renouveler sa confiance par une majorité des deux tiers des votes, or ledit Parlement est contrôlé par le Hamas. La seule politique sensée, pour Abbas, est nécessairement de cesser ses efforts visant à marginaliser le Hamas. Il doit revenir à l’agrément de La Mecque et soutenir un gouvernement d’union nationale. Encore maintenant, le Hamas affirme qu’il est prêt à le faire, de son côté. Avec tout ça, qu’en est-il de l’idée de la Maison Blanche consistant à impliquer Tony Blair en s’en servant d’envoyé spécial au Moyen-Orient ? Cela créerait une « coalition des discrédités » – Bush, Olmert et Blair – et cela ressemblerait à une satire, dès lors que Blair ne jouit d’aucune crédibilité auprès du Hamas, ainsi d’ailleurs qu’auprès de la plupart des Palestiniens n’appartenant pas au Hamas… Mieux vaut laisser aux Saoudiens le soin de ressusciter le marchandage de La Mecque, ou d’attendre qu’Abbas prenne conscience qu’il est tombé dans un piège. Le Fatah n’a pour lui ni le bon sens, ni les principes démocratiques – le facteur temps, je n’en parle même pas, par charité ! Jonathan Steele Traduction : Marcel Charbonnier print