AccueilDossiersColonialisme sioniste actuelUne troisième Intifada en préparation Comité Action Palestine 4 novembre 2008 Colonialisme sioniste actuel 2 014 vues e 4/11/2008 16:00:00 (998 lectures) Article de Ramzy Baroud publié le 31 octobre 2008 sur PalestineChronicle . L’auteur est écrivain, rédacteur en chef du site PalestineChronicle.com et directeur des études et des recherches sur Aljazeera.net . L’article qui suit est directement en rapport son dernier livre, The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle. Ramzy Baroud essaie ici d’apporter une réponse réfléchie et structurée à une question épineuse qui lui a été maintes fois posée sur l’émergence d’une troisième intifada. Il est risqué d’après l’auteur d’affirmer a priori le début d’une nouvelle intifada et le caractère révolu de la seconde. Pour formuler une hypothèse sur l’état actuel de la mobilisation populaire en Palestine qui ne soit pas hasardeuse, il est nécessaire d’établir un modèle explicatif des intifada. L’origine des soulèvements populaires ne se trouve pas seulement que du coté des facteurs externes (la colonisation sioniste, les pratiques répressives de l’Etat israélien,…) mais aussi du coté des facteurs internes (les divisions politiques, la corruption,…). Ainsi la première intifada est une contestation de la colonisation sioniste depuis 1967 mais elle correspond aussi à une volonté du peuple de se réapproprier la lutte qui était menée depuis l’extérieur. De même, la deuxième intifada est dirigée contre la domination sioniste et contre l’Autorité Palestinienne corrompue issue des Accords d’Oslo. Aujourd’hui, il semblerait que le peuple palestinien se trouve dans une phase transitoire entre deuxième et troisième intifada. Le nouveau soulèvement populaire apportera des réponses aux multiples interrogations actuelles sur la séparation politique entre Gaza et la Cisjordanie ou encore sur la poursuite de l’adhésion du peuple palestinien à la solution à deux Etats-même si nous au Comité Action Palestine ne pensons pas que le peuple palestinien soit réellement pour la solution à deux Etats, cette adhésion ne trouvant de réalité que dans les négociations institutionnelles avec l’ennemi sioniste. Lors d’une conférence récente, j’ai été questionné à plusieurs reprises sur les perspectives d’un 3èmesoulèvement palestinien ou Intifada. La question, bien qu’apparemment simple, est à la fois insidieuse et importante, et il n’est pas possible d’y répondre en quelques minutes. Une troisième Intifada impliquerait que la seconde est terminée. Mais est-ce le cas ? Ou bien a-t-elle seulement perdu son élan, son objectif et sa direction, ou alors son énergie a-t-elle été dilapidée- comme tout mouvement populaire- par les dissensions entre factions et les divisions internes. Certains de ses leaders initiaux ne sont plus impliqués, et un soulèvement soudé ne peut pas exister si un trop grand nombre de ses acteurs changent de camp, de rôles, ou bien sont absents. Pour appréhender ce sujet de manière plus pratique, la première Intifada doit être analysée minutieusement. Les révoltes collectives palestiniennes ne sont pas seulement une réponse à des problèmes singuliers causés par des agents extérieurs, par exemple le Mandat britannique, les pratiques coloniales sionistes, l’occupation israélienne, etc. Les facteurs internes qui courroucent les masses palestiniennes, tels que les erreurs de leur leadership, les divisions, les renversements, la corruption, le népotisme etc…sont souvent oubliés. Le soulèvement de 1987 a été cohérent avec ce modèle, bien qu’il ait certainement inspiré un changement de paradigme. D’un côté, c’était un cri collectif pour la justice et pour une tentative sérieuse de clore l’occupation israélienne des terres palestiniennes occupées en 1967. Mais il représentait aussi le désir instinctif de se réapproprier la lutte palestinienne, qui avait depuis longtemps était conduite de l’extérieur : Jordanie, Liban, puis, plus ou moins Tunisie. Il s’est progressivement infiltré dans la conscience palestinienne en territoires occupés (en 1967, ndlt) que la situation avait évolué en une lutte de pouvoirs entre les différentes factions basées dans différentes capitales arabes, et que ces conflits n’étaient pas idéologiques, mais plus liés à des questions de contrôle, d’argent et de statut. Le premier soulèvement a rapidement formulé ses propres idées, mécanismes et symboles, tous reflétant l’unité entre les Palestiniens. En fait, l’accent non dissimulé mis sur « l’unité nationale » dans les symboles et les slogans de l’Intifada représentait un signe clair de la part des Palestiniens pour dénoncer la désunion et l’esprit partisan. Bien que la réponse israélienne à la première Intifada fût létale, elle est difficilement comparable à la violence bien supérieure de la réponse au second soulèvement de 2000. Le gouvernement israélien voulait écraser la révolte avant qu’elle ne trouve son rythme et se transforme en un engagement populaire à long terme. Israël a aussi agi avec l’hypothèse de départ fausse que ce soulèvement avait été orchestré par le vieux leader de l’ Organisation de Libération de la Palestine, Yasser Arafat, pour arracher des concessions politiques. En fait, à la fois Israël et l’Autorité Palestinienne (PA), créée suite aux Accords d’Oslo en 1993 comme une alternative à toutes les prérogatives de l’OLP, ont été pris complètement par surprise lorsque les Palestiniens sont descendus dans la rue par défiance, non seulement contre l’occupation israélienne, mais aussi contre les attitudes hésitantes et la corruption rampante qui prévalait au sein de son propre leadership. Si nous devons accepter que la seconde Intifada est derrière nous, ou a été conclu du fait des luttes internes entre le Fatah et le Hamas, alors un examen de ses résultats est nécessaire. Bien que la seconde Intifada n’ait pas conduit à la fin de l’occupation israélienne, elle a certainement eu un impact très sérieux sur les institutions politiques en Palestine. Elle a donné naissance à un autre leadership, celui du Hamas, et a conduit à une réflexion majeure au sein du mouvement Fatah qui assurait précédemment ce leadership. Le second soulèvement a très fortement miné l’AP, et par conséquent les accords d’Oslo qui l’avaient fait naître, mettant en lumière la nécessité d’institutions alternatives –et vraiment représentatives- telles qu’une version réactualisée de l’OLP. En effet, chaque révolte palestinienne majeure dans le passé a conduit à des réalités nouvelles et imprévisibles, et malgré toutes les tentatives, le status quo qui caractérise les périodes précédant les révoltes est souvent négligeable après coup. De nouvelles personnes et priorités, de nouveaux noms, slogans et symboles sont souvent introduits dans le mélange, bien que toujours définis par un désir continuel de justice, de paix ayant un sens et de liberté. Les méthodes israéliennes pour soumettre les Palestiniens et mater les soulèvements ont aussi produits de nouvelles réalités et relations, ainsi que de nouveaux seuils. Des méthodes telles que l’immense Mur, les colonies et armes de répressions massives ont souvent compliqué l’existence déjà douloureuse des Palestiniens vivant sous occupation et ont conduit à de nouvelles révoltes. La première Intifada a ramené la lutte au sein de la Palestine, a fait naître un leadership local qui est entré en compétition sur tous les fronts avec la vieille garde, y compris le droit d’articuler les demandes et les aspirations palestiniennes. La seconde Intifada a permis de mettre au grand jour que les Accords d’Oslo et sa fameuse « Culture de Paix » étaient des processus sans intérêt qui n’ont pas permis d’améliorer l’épouvantable réalité sur le terrain – bien qu’ils aient permis de renforcer le pouvoir d’une certaine classe de Palestiniens, à la fois sur le plan financier et politique. Aujourd’hui, les Palestiniens se trouvent eux-mêmes dans une phase transitoire dont l’issue est incertaine. Il y a plus de questions que de réponses : où va conduire la rupture entre le Fatah et le Hamas ? Est-ce que le Fatah va continuer ainsi en maintenant sa structure actuelle ? Pour combien de temps ? Est-ce que les Palestiniens vont continuer à adhérer à la demande pour l’instant non contestée d’une solution à deux états ? Et quelle crédibilité a encore cette formule dans les circonstances actuelles, où une séparation claire parait très compliquée pour ne pas dire totalement infaisable ? Comment va évoluer la séparation géopolitique entre la Cisjordanie et Gaza au cours des prochaines années ? Les soulèvements palestiniens sont souvent des réponses collectives à des questions difficiles. La chance réside dans la prochaine Intifada – et il y en aura toujours aussi longtemps que durera l’occupation- qui constituera un nouveau rejet des maux affligeant la cause palestinienne. Elle réaffirmera la pertinence, si ce n’est le rôle leader du peuple palestinien en tant que véritable propriétaire de son destin et gardien de sa propre lutte. Ramzy Baroud Traduction : N. Ollat pour le CAP print